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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 mars 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 mars 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 19/13091
Date : 3/03/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/06/2019
Référence bibliographique : 6171 (L. 442-6 C. com, dépendance économique)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8832

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 3 mars 2021 : RG n° 19/13091

Publication : Jurica

 

Extrait : « Pour prétendre que Cecab a profité de la situation de dépendance économique de Sovipor pour lui imposer ses décisions sans aucune concertation, l'appelant indique : - que Sovipor était une PME qui réalisait 20 à 30 millions de chiffre d'affaires, tandis que Cecab, l'une des plus grosses coopératives de l'ouest de la France, s'est associée avec la coopérative Triskallia pour constituer le plus important pôle coopératif du grand ouest, - que le poids économique des deux structures était sans commune mesure, - que l'approvisionnement de Cecab représentait 40 % du volume total traité par Sovipor, - que Sovipor ne pouvait refuser un approvisionnement excessif qu'elle était dans l'impossibilité d'écouler, - que les délais et règles sanitaires que devait respecter Sovipor ne lui laissaient aucune souplesse dans la gestion des flux.

Mais l'intimée réplique à juste raison : - que Sovipor, qui avait la possibilité de recourir à d'autres fournisseurs du marché français et européen, ne se trouvait pas en situation de dépendance économique, - que les allégations de Sovipor sur les décisions unilatérales qui lui auraient été imposées ne sont aucunement justifiées.

La demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 3 MARS 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/13091 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAG6H. Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 mai 2019 - Tribunal de Commerce de RENNES – R.G. n° 2018F00373.

 

APPELANTE :

SAS DAVID - GOÏC, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SOCIETE DES VIANDES DU PORHOET, ayant pour nom commercial SOVIPOR

 ayant son siège social [adresse], immatriculée au RCS de Vannes sous le numéro XXX, Ayant son siège social [adresse], [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Éric A. de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : 28, Représentée par la SCP D.-D.-Q.-D., avocats au barreau de RENNES

 

INTIMÉES :

SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE EUREDEN

Ayant son siège social [adresse], [...], [...], immatriculée au RCS de Quimper sous le numéro YYY, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SOCIÉTÉ CENTRALE COOPERATIVE AGRICOLE BRETONNE (CECAB)

Ayant son siège social [adresse], [...], immatriculée au RCS de Vannes sous le numéro ZZZ, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Représentées par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Représentées par Maître Michel J. de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : R021, substitué par Maître Claire C., avocate au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente chargée du rapport, et M. Dominique GILLES, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, M. Dominique GILLES, Conseiller, Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère, qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Vu le jugement rendu le 7 mai 2019 par le tribunal de commerce de Rennes qui a :

- débouté Sovipor de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Sovipor à payer à Cecab la somme de 2.237.743,32 euros arrêtée au 6 novembre 2018, à parfaire au jour du jugement, et dit que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2017,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- condamné Sovipor aux dépens et à payer à Cecab la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Vu l'appel relevé le 28 juin 2019 par la Société des viandes du Porhoet, dont le nom commercial est Sovipor ;

Vu la liquidation judiciaire de la société des viandes du Porhoet prononcée le 25 mai 2020 et la désignation de la Sas David-Goïc en qualité de liquidateur judiciaire de cette société ;

[*]

Vu les dernières conclusions notifiées le 1er décembre 2020 par la Sas David-Goïc, intervenante volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire de « a société Sofipor », qui demande à la cour, au visa des articles D. 442-4 et L. 442-6-I-5° du code de commerce ainsi que des articles 1193 et suivants, 1231 et suivants du code civil dans leur numérotation issue de l'ordonnance n °2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 1343-5 du code civil, de :

- la déclarer recevable en son intervention volontaire,

- la déclarer recevable en son appel et y faire droit,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire que la baisse brutale et sans préavis des approvisionnements par la société Cecab à partir des premières semaines de l'année 2018 est fautive dans la mesure où un accord avait été trouvé à cette date pour régulariser l'encours de Sovipor et respecter un niveau moyen d'approvisionnement de 15.000 têtes par semaine,

- condamner la société Cecab à lui payer, ès qualités :

* la somme de 921.149 euros, en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies,

* la somme de 100.000 euros, à titre de dommages-intérêts, pour avoir abusivement tiré parti de la situation de dépendance économique de Sovipor,

- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation introductive d'instance,

- ordonner la compensation entre les créances respectives sous réserve de la justification par la société Cecab de la créance qu'elle a déclaré au passif de la procédure collective de Sovipor,

- à défaut, déclarer la société Cecab irrecevable en sa créance, dire n'y avoir lieu à compensation et condamner la société Cecab à lui payer, es qualités, la somme globale de 1.021.149 €,

- condamner la société Cecab à lui payer, es qualités, la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2020 par la Coopérative Eureden, venant aux droits de la Centrale coopérative agricole bretonne (CECAB), qui demande à la cour, au visa de l'ancien article L. 442-6-1, 2° et 5° du code de commerce, des nouveaux articles 1103 et 1343-2 du code civil ainsi que des articles L. 622-22 et R. 622-20 du code de commerce, de :

- la déclarer recevable en son intervention volontaire comme venant aux droits de Cecab,

- statuer ce que de droit sur la demande d'intervention volontaire de la sas David-Goïc, es qualités,

- débouter la Sas David-Goïc, es qualités, de toutes ses demandes,

- constater la reprise de l'instance,

- en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de Sovipor la somme de 3.332.625,28 euros TTC et condamner la sas David-Goïc, ès qualités, à régler cette somme,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de Sovipor la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la Sas David-Goïc, ès qualités, à régler cette somme,

en tout état de cause :

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de Sovipor la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la Sas David-Goïc, es qualités, à régler cette somme,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de Sovipor les dépens de première instance et d'appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

La Société des viandes du Porhoet, ci-après Sovipor, qui faisait partie du groupe Olmix, avait pour activité la découpe, la transformation, le conditionnement et la commercialisation de volailles.

La Centrale coopérative agricole bretonne, ci-après Cecab, qui regroupait 75 éleveurs producteurs de dindes en Bretagne et avait notamment pour activité la collecte de tous produits agricoles, végétaux et animaux, fournissait à Sovipor des lots hebdomadaires de dindes sur pied.

Chaque semaine, Cecab commandait des dindonneaux auprès de couvoirs afin de les mettre en place chez les éleveurs, associés coopérateurs.

Lorsque les lots de dindonneaux mis en place chez les éleveurs avaient atteint l'âge de maturité (entre 13 et 18 semaines), Sovipor devait les reprendre et procéder au paiement des facture émises par Cecab dans le délai de 45 jours à compter de la reprise.

Le 6 septembre 2017, Cecab a mis en demeure Sovipor de lui payer la somme de 1.204.569 euros au titre de factures non réglées.

Le 6 décembre 2017, Cecab, qui avait obtenu l'autorisation de procéder à des saisies conservatoires, a assigné Sovipor devant le tribunal de commerce de Vannes en conversion de saisies et paiement de la somme de 2.027.852,60 euros.

Les parties se sont rapprochées pour trouver des modalités de paiement de la dette ; c'est ainsi que le 10 janvier 2018 un acte de cession de créance été signé aux termes duquel :

- Cecab a cédé une partie de sa créance sur Sovipor, soit 1.000.000 euros, à une société du groupe Olmix moyennant paiement de cette somme par le cessionnaire,

- le cessionnaire et la société Saga, intervenante à l'acte, se sont engagés et se sont portés fort de toute entité du groupe Olmix afin de définir de bonne foi les autres dispositions qui permettraient au cédant de recouvrer en numéraire ou en titres le solde de sa créance évolutive, étant précisé que dans le cas des titres il s'agirait d'un montant qui ne pourrait être supérieur à 1.000.000 euros et que l'entité bénéficiaire serait désignée selon un processus à établir dans le cadre d'un protocole d'accord à intervenir au plus tard le 31 mars 2018,

- Cecab a déclaré ne renoncer à aucun droit tendant à la poursuite de la partie impayée de sa créance et a mentionné qu'elle donnerait mainlevée des saisies conservatoires dans les 8 jours du paiement du prix de la cession,

- Sovipor a pris l'engagement de régler les factures émises par Cecab dans le cadre de leur relation commerciale selon les conditions de paiement en vigueur, à savoir dans un délai de 45 jours à compter de la livraison des animaux sur pied.

A réception du prix de la cession de créance, Cecab a donné mainlevée des saisies et s'est désistée de son instance devant le tribunal de commerce de Vannes.

Par lettre du 23 février 2018, Cecab a indiqué à Sovipor :

- que leur relation prévoyait la reprise de l'ensemble des animaux mis en place pour elle et que depuis sa planification de la semaine 1 à 9 de 2018, elle n'honorait pas ses volumes d'abattage,

- que cette situation l'avait contrainte à vendre les volumes non respectés à un tiers et qu'elle subissait un préjudice.

Sovipor a répondu, par lettre du 3 mars 2018, notamment :

- que le planning d'enlèvement était hypothétique, de même que le planning de mise en place,

- que sa demande de mise en place était de l'ordre de 15.000 animaux par semaine (moitié mâles, moitié femelles) mais que pour les semaines 39,40 et 41 les mises en place effectuées pour son compte s'élevaient à 36.854 dindes pour une demande de 22.500, soit un supplément de 64 %,

- que cette initiative était malheureuse du fait que la sortie programmée des animaux se situait en période de faible activité commerciale pour son entreprise,

- qu'elle ne comprenait pas sa décision unilatérale de réduire drastiquement les mises en place, cette baisse portant un préjudice conséquent à la bonne marche de son entreprise et à son équilibre financier,

- qu'elle restait à sa disposition pour résoudre à l'amiable les différents problèmes opérationnels.

A l'initiative de l'assureur de Cecab une réunion d'expertise amiable, prévue le 29 mars 2018, a été reportée à la demande de Sovipor au 14 juin 2018.

Mais par lettre de son conseil du 8 juin 2018, Sovipor a dénié toute responsabilité, a reproché à Cecab d'avoir depuis quelques mois profondément et brutalement modifié de façon unilatérale les volumes de mise en place et lui a signifié que cette baisse considérable des approvisionnements, qui n'avait été précédée d'aucun préavis, l'exposait à une action en indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5°du code de commerce.

Le 12 octobre 2018, Cecab a mis en demeure Sovipor de lui payer des factures non réglées pour un montant de 2.298.805,40 euros.

C'est en cet état que le 17 octobre 2018, Sovipor a assigné Cecab devant le tribunal de commerce de Rennes afin de l'entendre condamner au paiement de dommages-intérêts, d'une part pour rupture brutale de la relation commerciale établie, d'autre part pour avoir tiré abusivement partie de sa situation de dépendance économique; le tribunal, par le jugement déféré, l'a déboutée de toutes ses demandes et, faisant droit à la demande reconventionnelle de Cecab, l'a condamnée au paiement de la somme de 2.237.743,32 euros.

La Coopérative Eureden vient aux droits de Cecab par suite d'un apport partiel d'actif prenant effet à compter de janvier 2020 ; suite à la liquidation judiciaire de Sovipor, elle a déclaré sa créance au passif de cette société, à titre chirographaire, pour la somme de 3.332.625,28 euros.

Au vu de cette déclaration de créance et de l'intervention volontaire du liquidateur judiciaire de Sovipor, l'instance est régulièrement reprise.

 

Sur les demandes de l'appelant :

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies :

Le liquidateur judiciaire de Sovipor expose :

- que les relations entre les parties étaient stables et établies depuis 2010, soit 8 ans avec une progression régulière des approvisionnements,

- que la baisse brutale des approvisionnements est assimilable à une rupture brutale des relations,

- qu'un préavis de 8 mois, correspondant à 1 mois par année de relations, aurait dû être respecté.

Il fait valoir au soutien de sa demande :

- qu’à compter de 2016, il a été convenu entre les parties de mettre en place chez Sovipor 15.000 dindes mais que tout au long de cette année, Cecab lui a imposé unilatéralement des quantités plus importantes, soit 20.000 dindes en moyenne par semaine,

- que Sovipor, qui devait faire face à des approvisionnements supérieurs à ses capacités de découpe et de commercialisation, voyait son encours auprès de Cecab augmenter de façon importante, pour atteindre 500.000 euros,

- que la situation s'est dégradée en 2017, toujours à cause des pratiques imposées unilatéralement par Cecab et que fin 2017 la dette de Sovipor d'élevait à 1.600.000 euros environ,

- que c'est dans ce contexte conflictuel et de déséquilibre significatif que les parties se sont rapprochées pour convenir des modalités de règlement de la dette de Sovipor,

- que l'accord intervenu début 2018 s'apparentait à une transaction aux termes de laquelle un paiement partiel était opéré, le solde étant étalé dans le temps, et il était convenu d'un approvisionnement sur la base de 15.000 dindes par semaine,

- mais que Cecab a décidé de réduire ses approvisionnements en 2018 à 9.000 dindes par mois, mettant Sovipor dans l'impossibilité de retrouver une stabilité financière,

- que c'est immédiatement après la régularisation de la cession de créance que Cecab a réduit drastiquement ses approvisionnements en dindes sachant pourtant que le chiffre d'affaires de Sovipor dépendait à près de 40 % des prestations qu'elle lui confiait.

Mais il apparaît que par lettre du 12 décembre 2016, Cecab a rappelé à Sovipor :

- que lors d'une réunion du 7 janvier 2017, M. B. lui avait demandé d'augmenter les volumes de dindes pour l'année 2016, que Cecab avait accepté de mettre en place un volume de 18.000 dindonneaux par semaine et que Sovipor s'était engagée à les acheter à maturité,

- que dans le respect des leurs engagements contractuels, elle lui avait transmis par courriels ses annonces de mise en place des dindonneaux, lui permettant ainsi de contester les quantités,

- qu'aucune contestation n'avait été soulevée au reçu des courriels.

Cecab lui a alors reproché de n'avoir repris qu'en partie les dindes commandées, lui enjoignant d'opérer la reprise des lots en attente.

Dans sa réponse du 20 décembre 2016, Sovipor a confirmé la demande de M. B. d'augmenter les mises en place de 12.000 à 15.000 dindonneaux par semaine et a indiqué étudier les documents en sa possession en certifiant qu'un accord pourrait être trouvé rapidement

Les tableaux communiqués par l'intimée, qui ne sont pas critiqués par l'appelant, montrent pour l'année 2016 une moyenne de mise en place de 15.233 dindes par semaine, avec un pic correspondant à la période de Noël et un abattage de seulement 10.982 dindes en moyenne par Sovipor ; il n'est justifié d'aucune protestation de Sovipor au cours de l'année 2016 sur le nombre de dindonneaux mis en place chez les éleveurs.

Concernant l'année 2017, l'appelant ne verse aucune pièce susceptible d'étayer ses allégations.

En revanche, il ressort de la note technique établie par l'expert de l'assureur de Cecab, non critiquée par l'appelant, que pour les semaines 51 et 52 de l'année 2017 et depuis le début de l'année 2018, les volumes de dindes abattues par Sovipor étaient inférieurs aux volumes mis en place ; Sovipor, en ne respectant pas son obligation de reprise des lots a manqué à ses obligations contractuelles.

L'appelant ne démontre en aucune façon que Cecab aurait imposé à Sovipor des quantités de dindes qu'elle n'aurait pu absorber, ce qui serait la cause de sa dette et de l'acroissement de celle-ci.

Sovipor, qui n'avait pas payé les factures de Cecab malgrè une mise en demeure du 6 septembre 2017 a persisté dans son manquement à son obligation de paiement après l'acte de cession de créance, sa dette s'élevant à 1.642.808 euros en février 2018, puis à 2.237.473 euros au 6 novembre 2018.

Dès lors, en raison des manquements graves et persistants de Sovipor à ses obligations contractuelles, il ne peut être repoché à Cecab d'avoir réduit le nombre de mise en place des dindonneaux en 2018 dans le but de limiter son préjudice financier.

En conséquence, la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie est mal fondée.

 

Sur la demande de dommages-intérêts pour avoir abusivement tiré parti de la situation de dépendance économique de la société Sovipor :

Pour prétendre que Cecab a profité de la situation de dépendance économique de Sovipor pour lui imposer ses décisions sans aucune concertation, l'appelant indique :

- que Sovipor était une PME qui réalisait 20 à 30 millions de chiffre d'affaires, tandis que Cecab, l'une des plus grosses coopératives de l'ouest de la France, s'est associée avec la coopérative Triskallia pour constituer le plus important pôle coopératif du grand ouest,

- que le poids économique des deux structures était sans commune mesure,

- que l'approvisionnement de Cecab représentait 40 % du volume total traité par Sovipor,

- que Sovipor ne pouvait refuser un approvisionnement excessif qu'elle était dans l'impossibilité d'écouler,

- que les délais et règles sanitaires que devait respecter Sovipor ne lui laissaient aucune souplesse dans la gestion des flux.

Mais l'intimée réplique à juste raison :

- que Sovipor, qui avait la possibilité de recourir à d'autres fournisseurs du marché français et européen, ne se trouvait pas en situation de dépendance économique,

- que les allégations de Sovipor sur les décisions unilatérales qui lui auraient été imposées ne sont aucunement justifiées.

La demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée.

 

Sur les demandes de la Coopérative Eureden :

La créance de l'intimée est établie par les factures produites, non contestées par l'appelant ; elle a été régulièrement déclarée au passif de la liquidation judiciaire de Sovipor, à titre chirographaire, pour la somme de 3.332.625,28 euros.

Il convient en conséquence de la fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette société, étant précisé qu'aune condamnation au paiement de son montant ne peut être prononcée à l'encontre du liquidateur judiciaire.

 

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'appelant, qui succombe en ses prétentions, doit être condamné aux dépens.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure, il y a lieu d'allouer la somme globale de 20.000 euros à l'intimée pour la procédure de première instance et d'appel, l'appelant étant débouté de sa demande à ce titre

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable l'intervention volontaire de la Sas David-Coïc en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société des viandes du Porhoet,

Déclare la Coopérative Eureden recevable en son intervention volontaire, comme venant aux droits de la Centrale coopérative agricole bretonne (Cecab),

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Sovipor (Société de viandes du Porhoet) de l'ensemble de ses demandes,

L'infirme en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau :

Fixe la créance de la Coopérative Eureden, venant aux droits de la Centrale coopérative agricole bretonne (Cecab), au passif de la Société des viandes du Porhoet (Sovipor) à la somme de 3.332.625,28 euros TTC à titre chirographaire,

Condamne la Sas David-Goïc, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société des viandes du Porhoet (Sovipor), à payer à la Coopérative Eureden la somme globale de

20.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais de procédure de première instance et d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la sas David-Goïc, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société des viandes du Porhoet, aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés par la Selarl Lexavoué conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LA PRÉSIDENTE