CA RENNES (4e ch.), 4 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8837
CA RENNES (4e ch.), 4 mars 2021 : RG n° 18/00700 ; arrêt n° 92
Publication : Jurica
Extrait : « La SCI La Capitainerie, les sociétés les Thermes du Forum et Artemis Investissement, comme M. Y. demandent que les constructeurs soient déclarés responsables et condamnés in solidum à les indemniser.
Sur ce point, M. X. et la MAF se prévalent de la clause de l'article G 6.3.1 du cahier des clause générales du contrat d'architecte, relative à la responsabilité de l'architecte, qui dispose qu'il (l'architecte) « ne peut être tenu pour responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omission du maître d'ouvrage ou des autres intervenants dans l'opération faisant l'objet du contrat ».
Cette clause est prévue au cahier des clauses générales du contrat, lequel est visé au cahier des clauses particulières signé par la SCI dont il est complémentaire et indissociable. Elle n'a pas pour conséquence de limiter la responsabilité de l'architecte mais tend uniquement à ce qu'il ne réponde que de ses fautes et de sa part de responsabilité dans la survenance des dommages et non des manquements d'autres locateurs d'ouvrage. Contrairement à ce que soutient la SCI, elle n'est pas limitée à la responsabilité solidaire, qu'elle ne vise « qu'en particulier », donc parmi d'autres situations de manquements de parties distinctes concourant à un dommage. Ces dispositions contractuelles doivent donc être appliquées à la responsabilité in solidum. La circonstance que la rédaction de cette clause a été modifiée ultérieurement dans les contrats établis par l'ordre des architectes et que la responsabilité in solidum y est désormais expressément mentionnée est indifférente.
Par ailleurs, la SCI ne peut opposer l'article L. 132-1 du code de la consommation qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, répute abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Si la SCI ne peut être considérée comme une professionnelle de la construction, la clause litigieuse n'a pas pour effet de plafonner l'indemnisation due par l'architecte en raison de ses fautes contractuelles, ni de vider sa responsabilité de son contenu. Elle ne crée donc pas au détriment du maître d'ouvrage un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Dans ces conditions, M. X. ne peut être tenu d'indemniser les préjudices subis par la seule SCI au delà de sa part de responsabilité et son assureur la MAF doit également son indemnisation à l'égard du maître de l'ouvrage dans les limites de responsabilité retenue contre son assuré.
Cette exclusion n'est toutefois pas opposable à la société Les Thermes du Forum, à la société Artemis investissement et à M. Y. qui n'ont pas de lien contractuel avec l'architecte.
Par ailleurs, il convient de rappeler que la MAF est fondée à opposer à son assuré et aux tiers lésés les limites de garantie et franchises prévues dans la police. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
QUATRIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 4 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/00700. Arrêt n° 92. N° Portalis DBVL-V-B7C-OSOF.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER : Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 21 janvier 2021
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 4 mars 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTS :
Monsieur X.
[...], [...], Appelant et Intimé sur appel de M. D. Philippe, M. H. François, M. Y. Bernard et la SARL ARTEMIS INVESTISSEMENT (suite à jonction des dossiers RG 18/00700 ET 18/00862), Représenté par Maître Claire L. de la SELARL CLAIRE L. AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES, Représenté par Maître Sylvie P. de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Appelante et Intimée sur appel de M. D. Philippe, M. H. François, M. Y. Bernard et la SARL ARTEMIS INVESTISSEMENT (suite à jonction des dossiers RG 18/00700 ET 18/00862), [...], [...], Représentée par Maître Claire L. de la SELARL CLAIRE L. AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES, Représentée par Maître Sylvie P. de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
SCP D. prise en la personne de Monsieur D. es qualité de mandataire liquidateur de la SCI LA CAPITAINERIE
[...] [...], [...], Appelant sous le RG 18/00862 joint au RG 18/00700, Représenté par Maître Jean-Michel C. de la SCP C. & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Monsieur Y.
né le 25 Février 1969 à [...], [...], [...], Appelant sous le RG 18/00862 joint au RG 18/00700, Représenté par Maître Bruno C. de la SELARL C. & LE G., AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Maître Frédéric B. de la SELARL B. MJ-O, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LES THERMES DU FORUM D'ORVAULT
dont le siège social était au [...], désigné à cette fonction par ordonnance du 21 décembre 2018 en remplacement de Maître H., [...], [...], [...], Appelant sous le RG 18/00862 joint au RG 18/00700, Représenté par Maître Thibaut C. de la SCP C. & LE G., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
SARL ARTEMIS INVESTISSEMENT
[...], [...], Appelant sous le RG 18/00862 joint au RG 18/00700, Représentée par Maître Bruno C. de la SELARL C. & LE G., AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
SARL P. INGENIERIE anciennement Cabinet Didier P.
[...], [...], Représentée par Maître Christelle G.-G. de la SELARL ARMEN, Plaidant, avocat au barreau de NANTES, Représentée par Maître Mikaël B., Postulant, avocat au barreau de RENNES
SAS QUALICONSULT SECURITE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Bertrand G. de la SCP G., D. & L., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Marisol D'A.-B., Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
[...], [...], Représentée par Maître Stéphane L. de la SELARL OCTAAV, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
La SCI La Capitainerie est propriétaire d'un immeuble situé [adresse] donné à bail à la société Les Thermes du Forum d'Orvault qui y exploite un établissement de relaxation, soins et détente. Ces deux sociétés sont gérées par M. Y.
Par contrat du 15 décembre 2011, la SCI La Capitainerie a confié à M. X., architecte, assuré auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), une mission complète de maîtrise d'œuvre de la construction d'une piscine couverte en extension du bâtiment existant.
Dans le cadre des travaux, sont intervenues les sociétés suivantes :
- la société Socabat, pour le lot gros œuvre ;
- la société Fondasol, chargée de l'étude sols ;
- la société P. Ingénierie, au titre de l'étude structures ;
- la société Qualiconsult, en charge d'une mission L+PS+SEI+HAND (solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, sécurité des personnes et accessibilité handicapés).
Le chantier a débuté en décembre 2012 mais a été interrompu en mai 2013 suite à un avis défavorable de la société Qualiconsult relatif aux modalités de construction des murs extérieurs sur les façades Est et Sud.
Par acte du 12 septembre 2013, la SCI La Capitainerie et la société Les Thermes du Forum d'Orvault ont fait assigner M. X., la société P. et la société Socabat devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes afin de voir désigner un expert.
Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 31 octobre 2013, désignant M. X. pour procéder aux opérations d'expertise.
En février 2015, pendant le cours des opérations d'expertise, la MAF a financé les travaux de reprise tels que définis par l'expert, consistant à traiter la partie enterrée du mur extérieur en mur de soutènement par la société Socabat pour un montant 28.900,93 € HT.
La SCI a commandé l'exécution de ces travaux.
La construction des murs extérieurs, montée en partie enterrée en blocs à bancher, a repris en avril 2015 mais elle a été interrompue suite à un nouvel avis suspendu de la société Qualiconsult du 29 avril 2015, estimant que les façades Sud et Est devaient être traitées suivant le principe du mur de soutènement transmis en juin 2014.
En juin 2015, il est apparu que la société Socabat n'était pas assurée pour la réalisation du mur de soutènement et de la piscine.
Par acte d'huissier en date du 30 septembre, 2 et 5 octobre 2015, la SCI La Capitainerie et la société Les Thermes du Forum d'Orvault ont fait assigner M. X., la société P. Ingénierie la société Qualiconsult et la société MAF aux fins d'être autorisées à faire procéder à l'exécution des travaux par une entreprise tierce et obtenir une condamnation provisionnelle des constructeurs.
Le juge des référés a rejeté leurs demandes du fait de contestations sérieuses par une ordonnance du 5 novembre 2015.
La société Les Thermes du Forum d'Orvault a été placée en redressement judiciaire le 9 décembre 2015, puis en liquidation judiciaire le 30 novembre 2016. Maître H. a été désigné en qualité de mandataire, remplacé par Maître B.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 18 février 2016.
Par actes d'huissier en dates des 8, 9 et 10 mars 2016, la SCI La Capitainerie et la société Les Thermes du Forum d'Orvault ont fait assigner M. X., la MAF, les sociétés P., Socabat et Qualiconsult devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux mêmes fins. Elles ont été déboutées de leurs demandes par une ordonnance du 24 mars 2016.
Par acte d'huissier en date du 3 mai 2016, la SCI La Capitainerie, la société Les Thermes du Forum d'Orvault et Maître H. en qualité de mandataire judiciaire de cette dernière ont une nouvelle fois fait assigner M. X., la MAF, la société P., la société Qualiconsult et la société Socabat devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes aux mêmes fins.
Il a été fait droit à leur demande par ordonnance du 26 mai 2016 condamnant M. X. et la MAF à payer à la société les Thermes du Forum les sommes de :
- 17.200 euros à valoir sur le préjudice d'exploitation ;
- 18.000 euros au titre des frais de pompage ;
- 23.484,26 euros au titre des frais d'expertise ;
- 4.000 euros d'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 8 novembre 2016, la SCI La Capitainerie a été placée en redressement judiciaire, Maître D. étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Suivant assignation à jour fixe du 21 août 2017, la SCI La Capitainerie, Maître D. en qualité de mandataire au redressement de celle-ci, Maître H., mandataire à la liquidation judiciaire de la société Les Thermes du Forum d'Orvault, M. Y. et la société Artemis Investissement ont fait assigner les sociétés Socabat, P. Ingénierie et Qualiconsult ainsi que M. X. et la société MAF en indemnisation de leurs préjudices.
La SCI La Capitainerie a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 21 novembre 2017, Maître D. ayant été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
[*]
Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 19 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Nantes a :
- condamné solidairement M. X. et la MAF à payer à :
- la SCI La Capitainerie la somme de 113.725,12 euros au titre de ses préjudices ;
- Maître H., en qualité de liquidateur de la société Les Thermes du Forum d'Orvault la somme de 58.275 euros en réparation de ses préjudices ;
- M. Y. la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts ;
- la SCI La Capitainerie, Maître H. et la société Les Thermes du Forum d'Orvault et M. Y. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que les sommes allouées en référé devront être déduites des condamnations prononcées et que la franchise contractuelle de la MAF est opposable à son assuré et aux tiers ;
- rejeté toutes autres prétentions, plus amples ou contraires ;
- condamné in solidum M. X. et la MAF aux dépens.
[*]
La société MAF et M. X. ont interjeté appel du jugement par déclaration du 25 janvier 2018, intimant la société P. Ingénierie, la société Qualiconsult Sécurité ainsi que la société Socabat.
Le 2 février 2018, Maître H., Maître D., M. Y. et la société Artemis Investissement ont également formé appel du jugement en intimant M. X. et son assureur la MAF, la société P. Ingénierie, Socabat et la société Qualiconsult Sécurité.
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 18 septembre 2018.
Par ordonnance en date du 22 juin 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Rennes a :
- déclaré irrecevables les conclusions de la société Socabat du 3 mars 2020 en application de l'article 909 du code de procédure civile et par voie de conséquence, ses conclusions d'incident du 28 février 2020 ;
- condamné la société Socabat à payer la somme de 2.000 euros chacun à Maître D., à Maître B., à M. Y. et la société Artemis Investissement pris ensemble, ainsi qu'à M. X. et la MAF en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la même aux dépens de l'incident.
Cette ordonnance a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour du 20 novembre 2020 statuant sur déféré.
[*]
Dans leurs dernières conclusions en date du 23 décembre 2020, M. X. et la société MAF demandent à la cour de :
Sur l'appel de M. X. et de la MAF,
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de garantie présentée par M. X. et la MAF vers les sociétés Socabat, P. et Qualiconsult ;
Statuant à nouveau,
- condamner in solidum la société P., la société Socabat et la société Qualiconsult à les garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à leur encontre par le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 19 décembre 2017 ;
- condamner in solidum la société P., la société Socabat et la société Qualiconsult à régler à M. X. et à la MAF la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance ;
Sur l'appel de Maître D. remplacé par Maître B. mandataire liquidateur de la société Les Thermes du Forum d'Orvault, de M. Y. et de la société Artemis Investissement,
- réformer le jugement querellé en ce qu'il a condamné M. X. et la MAF a réglé diverses sommes à la SCI La Capitainerie, à la société Les Thermes du Forum d'Orvault et à M. Y. et en ce qu'il a rejeté la demande de garantie présentée par M. X. et la MAF vers les sociétés Socabat, P. et Qualiconsult ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Artemis Investissement de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Statuant à nouveau,
- constater que M. X. ne s'oppose pas à la demande de résiliation judiciaire de son contrat ;
- dire et juger que la résiliation est faite à la demande du maître de l'ouvrage et non aux torts exclusifs de l'architecte ;
- faire application de la clause d'exclusion de solidarité ;
- en conséquence, fixer la part de responsabilité de l'architecte et limiter sa condamnation à sa part ;
- rejeter la demande de condamnation in solidum ;
- réduire les sommes allouées dans leur quantum ;
- condamner in solidum la société P., la société Socabat et la société Qualiconsult à garantir intégralement M. X. et la MAF de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;
- tenir compte de la somme de 213.945,18 euros d'ores et déjà versée par M. X. et la MAF ;
- constater que la MAF alloue sa garantie à M. X. dans les conditions et limites du contrat ;
- condamner in solidum les parties perdantes à leur régler la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
[*]
Dans leurs dernières conclusions en date du 11 décembre 2020, Maître B., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Thermes du Forum d'Orvault, M. Y., ainsi que la société Artemis Investissement au visa des articles 1134, 1147, 1184, 1382 du code civil et L. 124-3 du code des assurances, demandent à la cour de :
- débouter l'ensemble des intimés de leurs demandes, fins et conclusions ;
- infirmer le jugement rendu déféré en ce qu'il a :
- rejeté les demandes dirigées contre la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité pour n'entrer en voie de condamnation qu'à l'encontre de M. X. et de la compagnie MAF ;
- limité les sommes allouées à la SCI La Capitainerie au montant de 113.725,12 euros ;
- limité les sommes allouées à Maître H. ès qualités au montant de 58.275 euros ;
- débouté Maître H. de sa demande d'expertise judiciaire ainsi que de sa demande de provision ad litem ;
- limité la somme allouée à M. Y. au montant de 10.000 euros ;
- débouté la société Artemis Investissement de ses demandes ;
- limité à la somme de 3.000 euros l'indemnité allouée à la SCI La Capitainerie, à Maître H. ès qualités à M. Y. par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant de nouveau,
- ordonner la résiliation judiciaire des contrats d'architecte et de travaux conclus, pour l'opération de construction en litige, par la SCI La Capitainerie dont celui conclu avec M. X. le 15 décembre 2011, celui conclu avec la société Socabat le 28 décembre 2012, celui conclu avec la société P. et celui conclu avec la société Qualiconsult Sécurité, ceci aux torts des entrepreneurs ;
Sur l'indemnisation de la SCI La Capitainerie,
- dire et juger M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité responsables in solidum des préjudices subis par la SCI La Capitainerie ;
- condamner in solidum la société Socabat et M. X. à payer à Maître D. ès qualités les sommes suivantes, actualisées au regard du rapport de la société XO Conseil du 31 juillet 2019 :
- sommes versées à perte : 223.711 euros ;
- coût de démolition et de remise en état (à actualiser) : 64.830 euros ;
- frais de pompage : 26.367 euros ;
- moins-value sur l'immobilier : 613.400 euros ;
- loyers non perçus à la date de liquidation : 97.335 euros ;
- coût liés aux emprunts : 967.850 euros ;
- soit au total : 2.236.101 euros ;
- condamner la compagnie MAF ès qualités d'assureur de M. X. solidairement avec son assuré, M. X., pour toutes les condamnations qui seront prononcées contre lui, ceci tant en principal, frais qu'accessoires ;
Sur l'indemnisation de la société Les Thermes du Forum d'Orvault,
- dire et juger M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité responsables in solidum des préjudices subis par la société Les Thermes du Forum d'Orvault ;
A titre principal, avant dire droit sur le quantum de ces préjudices,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire et, partant, ordonner une expertise judiciaire et commettre tel expert qu'il plaira à la cour avec la mission suivante :
- convoquer les parties, se faire remettre toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
- entendre les parties et tout sachant ;
- donner son avis sur le chiffrage des préjudices subis par la société Les Thermes du Forum d'Orvault en lien avec le retard pris dans la réalisation des travaux, le défaut d'achèvement de ces travaux et l'abandon du chantier, notamment en termes de pertes de chiffres d'affaires de perte d'exploitation et de perte de chance de voir progresser son chiffre d'affaires ;
- ou toute autre mission qui pourrait paraître plus adaptée à la juridiction ;
- dire et juger que l'expert pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix ;
- dire et juger qu'avant de déposer son rapport, l'expert en communiquera le projet aux parties pour recevoir leurs observations éventuelles dans le délai qu'il fixera et qui ne sera pas inférieur à un mois ;
- dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, surseoir à statuer sur ce chef de demande ;
- condamner solidairement M. X. et son assureur MAF à verser une provision ad litem de 20.000 euros HT à Maître B., ès qualités ;
A titre subsidiaire, si le jugement devait être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise,
- condamner in solidum M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité à régler à Maître B. ès qualités les sommes suivantes, actualisées au regard du rapport du Cabinet Xo Conseil du 31 juillet 2019 :
- perte du fonds de commerce : 80.918 euros ;
- perte de marge à la liquidation (gain manqué) : 478.118 euros ;
- perte de marge après la liquidation (perte de chance) : 678.534 euros ;
- soit au total : 1.237.570 euros ;
- condamner la compagnie MAF solidairement avec son assuré, M. X., pour toutes les condamnations qui seront prononcées contre lui, ceci tant en principal, frais qu'accessoires ;
Sur l'indemnisation de la société Artemis Investissement,
- dire et juger M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité responsables in solidum des préjudices subis par la société Artemis Investissement ;
- condamner in solidum M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité à régler à la société Artemis Investissement les sommes suivantes, actualisées au regard du rapport du Cabinet Xo Conseil du 31 juillet 2019 :
- perte d'investissement : 218.042 euros ;
- valeur d'acquisition de titres de la société Les Thermes du Forum d'Orvault : -150.000 euros ;
- soit au total 68.042 euros ;
- condamner la compagnie MAF solidairement avec son assuré, M. X., pour toutes les condamnations qui seront prononcées contre lui, ceci tant en principal, frais qu'accessoires ;
S'agissant de l'indemnisation de M. Y.,
- dire et juger M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité responsables in solidum des préjudices subis par M. Y. ;
- condamner in solidum M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité à régler à M. Y. les sommes suivantes, actualisées au regard du rapport du Cabinet Xo Conseil du 31 juillet 2019 :
- perte de rémunération (gain manqué) : 180.833 euros ;
- perte de rémunération (perte de chance) : 133.333 euros ;
- frais supportés pour le compte des sociétés : 57.052 euros ;
- préjudice moral : 75.000 euros ;
- soit au total 446.219 euros ;
- condamner la compagnie MAF solidairement avec son assuré, M. X., pour toutes les condamnations qui seront prononcées contre lui, ceci tant en principal, frais qu'accessoires ;
En tout état de cause,
- confirmer les dispositions du jugement afférentes aux frais non répétibles de première instance ;
- condamner la société Socabat à une amende civile d'un montant de 3.000 euros maximum et à verser à chacun des concluants une somme de 5.000 euros en raison des procédures d'incident et de déféré qu'elle a initié de façon abusive et dilatoire comme cela a été constaté par arrêt du 20 novembre 2020 ;
- condamner in solidum M. X., la société Socabat, la société P. et la société Qualiconsult Sécurité à régler aux concluants une somme de 57.052 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance ;
- débouter la société Socabat, M. X., la compagnie MAF la société Qualiconsult Sécurité et la société P. de l'intégralité de leurs demandes, écrits, fins et conclusions plus amples ou contraires.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 23 décembre 2020, la SCP D., en qualité de mandataire liquidateur de la SCI La Capitainerie, au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1382 du code civil, demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 19 décembre 2017 ;
Statuant à nouveau,
- ordonner la résiliation des contrats d'architecte et de travaux aux torts partagés des entrepreneurs M. X. et les sociétés Socabat, P. Ingénierie et Qualiconsult Sécurité ;
- dire et juger M. X. et les sociétés Socabat P. Ingénierie et Qualiconsult Sécurité entièrement responsables des préjudices subis par la SCI La Capitainerie ;
- en conséquence, condamner in solidum M. X. et les sociétés Socabat, P. Ingénierie et Qualiconsult Sécurité à payer à la SCI La Capitainerie les sommes suivantes :
- 370.078,78 euros au titre du préjudice lié à la remise en état ;
- 92.036,35 euros au titre du préjudice bancaire ;
- 339.937 euros au titre des loyers ;
- 613.400 euros au titre de la dépréciation de l'immeuble ;
- condamner M. X. et les sociétés Socabat, P. Ingénierie et Qualiconsult Sécurité à garantir Maître D. le montant des créances qui ont été déclarées au passif de la SCI La Capitainerie par les banques pour un montant de 813.146 euros et 8.808 euros au titre du capital restant dû et des intérêts sur principal ;
- dire et juger que la MAF sera tenue de garantir son assuré M. X. ;
- condamner in solidum M. X. et les sociétés Socabat, P. Ingénierie et Qualiconsult Sécurité à payer à la SCI La Capitainerie la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. X. et les sociétés Socabat, P. Ingénierie et Qualiconsult Sécurité en tous les dépens.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 9 mars 2020, la société P. Ingénierie demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 19 décembre 2017, en ce qu'il a rejeté toute demande formée à l'encontre de la société P. ;
- débouter Maître B., M. Y. et la société Artemis de toute demande indemnitaire ;
- débouter Maître D. de toute demande indemnitaire ;
- déclarer Maître B., M. Y. et la société Artemis irrecevables à former la moindre demande indemnitaire au titre des préjudices prétendument subis par la SCI La Capitainerie ;
- les en débouter purement et simplement ;
A titre subsidiaire,
- limiter à 16.100 euros la somme allouée à la Maître H. au titre de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaire sur l'extension ;
- condamner in solidum M. X., la MAF, Qualiconsult et Socabat, à relever et garantir le cabinet P. de cette éventuelle condamnation ;
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner in solidum M. X., la MAF, Qualiconsult et Socabat à relever et garantir le cabinet P. de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, frais et accessoires ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité les sommes allouées à Maître D., Maître H. et M. Y., et rejeté toute demande formée par la société Artemis Investissement ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum Maître D., Maître H., M. Y. et la société Artemis Investissement à verser au cabinet P. la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux dépens.
[*]
Dans ses dernières conclusions en date du 24 décembre 2020, la société Qualiconsult au visa des articles 1104, 1194, 1231-1, 1240 du code civil, 908, 910-4 du code de procédure civile, ainsi que de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, demande à la cour de :
- juger irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société Qualiconsult Sécurité par la SCP D. dans ses conclusions du 10 février 2020 ;
- confirmer en tout point le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 19 décembre 2017 ;
Et en particulier,
- constater que la société Qualiconsult Sécurité n'est pas concernée par cette affaire ;
- rejeter toute demande et appel en garantie formé à son encontre ;
A titre subsidiaire,
- constater que la société Qualiconsult n'a pas commis de faute dans l'exercice de la mission qui lui a été confiée par le Maître de l'ouvrage par convention du 13 décembre 2012 ;
- constater que l'expert judiciaire n'évoque la responsabilité de Qualiconsult pour aucun des désordres allégués ;
- constater que l'expert judiciaire n'a pas tiré les conclusions de ces observations en retenant une imputabilité à l'encontre de Qualiconsult pour les préjudices découlant de ces désordres ;
- constater que les appelants ne justifient pas d'un motif légitime pour que soit ordonnée une nouvelle expertise ;
- constater que les demandes indemnitaires des appelants, manifestement excessives, ne sont pas justifiées ;
En conséquence,
- rejeter toutes demandes formées par les demanderesses à l'encontre de la société Qualiconsult ;
- constater qu'aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée à l'encontre du contrôleur technique ;
- débouter toutes parties de toutes demandes de condamnation de la société Qualiconsult à les relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre ;
- condamner in solidum M. X., la MAF, le cabinet P. et la société Socabat à garantir la société Qualiconsult de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
- condamner in solidum la SCI La Capitainerie et la société Les Thermes du Forum d'Orvault et/ou tout succombant à verser à la société Qualiconsult la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
[*]
Pour un plus ample exposé, les faits, de la procédure, des moyens et prétentions de parties, la cour se réfère aux écritures visées ci-dessus.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 janvier 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Sur les responsabilités dans l'arrêt du chantier :
* Sur les conditions de l'arrêt du chantier :
Il résulte des pièces produites et de l'expertise que la construction de la piscine était prévue de décembre 2012 à juin 2013. Les travaux de maçonnerie devaient être exécutés de mi-février à mi-mars 2013 puis sur trois semaines de 23 avril au 13 mai suivant pour la réalisation des murs extérieurs.
La chronologie rappelée par l'expert démontre que le chantier, commencé en décembre 2012, a été interrompu en mai 2013 suite à l'avis défavorable du bureau de contrôle Qualiconsult du 23 janvier 2013 concernant la réalisation prévue par le CCTP des murs extérieurs des façades Est et Sud en blocs de béton cellulaire et la nécessité de traiter la partie enterrée comme un mur de soutènement, avis maintenu en mai suivant. Ont ensuite été recherchées les modalités de financement du surcoût de 22.373 € HT évalué par la société Socabat pour réaliser ce mur de soutènement.
En l'absence de solution, la SCI a sollicité une mesure d'expertise. L'expert a validé en octobre 2014 la proposition de réaliser un mur de soutènement en béton armé, générant un surcoût de 29.411 € HT. En février 2015, la MAF a accepté de préfinancer cette somme pour le compte de qui il appartiendra, ce qui a donné lieu à une commande des travaux par la SCI à la société Socabat, le chantier devant reprendre le 19 mars 2015. Le chantier a repris en mars sur la base d'un choix constructif différent, consistant à la mise en œuvre de blocs à bancher, après qu'il ait été considéré par les constructeurs que le mur était une paroi enterrée et non un mur de soutènement. En avril 2015, le bureau de contrôle a émis un nouvel avis défavorable qui a conduit à un nouvel arrêt du chantier. En juin 2015, il a été découvert que la société Socabat n'était pas assurée pour la construction de murs de soutènement ni de piscines. A compter de cette période, le chantier est demeuré en l'état.
L'expert a également relevé que la longrine LG 16 située sous la baie reliant le projet au bâtiment existant était trop haute, ce qui ne permettait pas de réaliser un seuil conforme à la réglementation accessibilité. Il a précisé que les raccordements altimétriques avaient été mal pris en compte alors que ces éléments devaient être mis au point lors des études d'exécution. Cette non-conformité est toutefois sans lien avec l'interruption du chantier, l'expert ayant déterminé les modalités de reprise pour un coût limité.
* Sur les responsabilités :
Dans la mesure où le chantier n'a donné lieu à aucune réception, la responsabilité des locateurs d'ouvrage est contractuelle à l'égard de la SCI La Capitainerie, fondée sur une obligation de résultat pour la société Socabat et une faute démontrée de l'architecte, du bureau d'études et du bureau de contrôle. Elle ne peut être que délictuelle à l'égard de la société les Thermes du Forum, de la société Artemis Investissement et de M. Y..
1) Sur la responsabilité de M. X. :
Le CCTP du lot maçonnerie établi par l'architecte prévoyait la réalisation des murs extérieurs en limite de propriété Sud et Est en béton cellulaire. Or, l'expert a relevé que cette conception retenue par l'architecte et refusée par le bureau de contrôle ne prenait pas en compte le dénivelé existant en limite de propriété que mettent en évidence les photos insérées dans le rapport d'expertise. Ce dénivelé se situe entre 40 et 140 cm sur la longueur du mur, ce qui impliquait de traiter l'élévation en partie enterrée comme un mur de soutènement, qui ne pouvait être réalisé selon le procédé prévu.
L'échange de mails des 13 et 14 mai 2013 entre M. X. et le bureau d'Etudes P. Ingénierie contient l'aveu de l'architecte, qui avait fourni les plans d'exécution dressés le 28 décembre 2012, de son omission de prendre en considération cette fonction du mur, puisque la proximité avec la limite de propriété ne permettait pas un reprofilage du terrain. Il résulte de l'expertise que le relevé effectif de l'importance du dénivelé est intervenu seulement en août 2013.
L'expert a également relevé que le marché de maçonnerie avait été établi et soumis à la signature du maître d'ouvrage le 28 décembre 2012 avant l'établissement du rapport initial de contrôle technique le 23 janvier 2013, organisation inadaptée puisqu'elle interdisait toute prise en compte des observations du bureau de contrôle et générait un risque de travaux supplémentaires qui, de fait, s'est réalisé et a conduit à des discussions relatives au financement qui ont allongé le délai d'exécution du chantier.
Le défaut de conception dont M. X. a réellement pris conscience suite à la réunion sur site le 13 mai 2013 en présence de tous les intervenants, alors qu'une précédente réunion s'était tenue le 21 mars 2013, comme l'a rappelé l'expert, est directement à l'origine de l'arrêt initial du chantier.
Par ailleurs, il est établi que lors de la reprise du chantier en mars 2015, M. X. a dirigé la réalisation des murs à l'aide de blocs de béton bancher de type « Stepoc », ce dont témoignent le compte rendu de ses échanges avec le bureau d'études et le bureau de contrôle du 7 avril 2015 ainsi que son compte rendu de chantier n° 31 du 23 avril suivant. Cette situation a conduit à une saisine de l'expert par le maître de l'ouvrage et à un nouvel avis défavorable de Qualiconsult. Or, si les discussions techniques sont légitimes lors des opérations d'expertise, il apparaît en l'espèce que la qualification de mur de soutènement avait été validée plusieurs mois avant par l'expert, comme sa réalisation en béton armé, et qu'elle avait donné lieu à un financement par la MAF sur cette base de sorte qu'il lui appartenait d'organiser l'exécution des travaux attendus par le maître de l'ouvrage suite à la commande passée en février 2015.
En outre, le courrier de M. X. du 12 décembre 2012, adressé à la société Socabat et l'informant qu'elle avait été retenue pour l'exécution du chantier, produit par la société exploitante, révèle que, parmi les documents à renvoyer à l'architecte, avait été biffée la mention de l'attestation d'assurance 2012 sans que ne soit exigée la transmission de celle de 2013. Il s'en déduit que dans le cadre de sa mission d'assistance de la SCI à la passation des marchés, l'architecte a proposé au maître d'ouvrage de contracter avec une entreprise dont il n'avait vérifié ni la souscription d'une assurance, ni les activités garanties, négligence à l'origine du blocage du chantier en juin 2015. En effet, la demande de communication d'une attestation d'assurance lui aurait permis de constater que la société n'était pas garantie pour les travaux de construction de la piscine.
Au regard de l'ensemble de ces fautes, la responsabilité de M. X. dans la survenance de l'arrêt puis de l'absence de reprise du chantier est démontrée. Le jugement est confirmé sur ce point.
2) Sur la responsabilité de la société P. Ingénierie :
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'architecte dont la faute est caractérisée n'a pas à répondre des fautes des autres intervenants sur le chantier ayant contribué au dommage.
La société P. Ingénierie était en charge, selon la proposition d'honoraires signée par la SCI, de la réalisation des plans d'exécution (descente de charges-plan d'implantation des fondations, plans d'exécution des longrines : coffrage et ferraillage, plans de la piscine et visites de chantier). Il n'est pas discuté qu'elle a travaillé sur la base des plans d'exécution réalisés par M. X. le 28 décembre 2012 qui ne prenaient pas en compte le dénivelé et la nature de soutènement d'une partie des murs.
La société P. a établi un plan d'implantation des fondations le 10 janvier 2013, puis le 4 avril suivant un plan de détail des élévations du rez-de-chaussée (plan 6) comportant des blocs cellulaires sur toute la hauteur. Or, comme l'a relevé l'expert sur la base des documents qui lui ont été transmis, la société avait été destinataire du rapport initial du bureau de contrôle de janvier 2013 considérant que les zones de façade formant soutènement ne devaient pas être exécutées en maçonnerie. Si la société P. indique à juste titre qu'elle n'était pas en charge de la conception des murs, il demeure qu'elle a établi le plan des élévations en avril sans prendre en compte de l'avis défavorable du contrôleur technique. Elle ne justifie de plus d'aucune démarche à l'égard de l'architecte afin de connaître, suite à cet avis, les corrections apportées à la conception des murs, voire en sa qualité de spécialiste des structures béton, envisager avec lui les solutions possibles.
Par ailleurs, alors que les intervenants se sont déplacés sur le site le 21 mars 2013 lors d'une réunion de cadrage, ce qu'elle ne discute pas, elle ne justifie pas plus avoir sollicité du maître d'œuvre que soit relevée l'importance du dénivelé en cause afin de pouvoir établir un plan adapté à l'état du terrain et permettre une évaluation rapide des travaux supplémentaires devenus nécessaires. Elle a, en outre, inutilement réalimenté le débat en mars 2015 sur la qualification du mur, après la validation de ses plans de reprise de soutènement par l'expert et la commande des travaux par la SCI, ce qui a généré un nouveau retard d'exécution des travaux de reprise.
Ces manquements qui ont contribué aux interruptions du chantier engagent sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI et délictuelle à l'égard de la société Les Thermes du forum, la société Artemis Investissement et M. Y. Le jugement est réformé sur ce point.
3) Sur la responsabilité de la société Socabat :
La société Socabat, dans le cadre de ce marché, était tenue d'une obligation de résultat à l'égard de la SCI consistant à exécuter l'ensemble des travaux compris dans son lot.
L'établissement par l'entrepreneur d'une offre adaptée suppose qu'il se soit déplacé sur les lieux d'exécution des travaux et ait analysé les contraintes techniques éventuelles présentées par l'environnement, ce que rappelaient les clauses communes du CCTP faisant partie intégrante du marché. Or, en l'espèce, un examen attentif des lieux lui aurait permis de détecter le dénivelé d'un mètre existant le long de la propriété voisine, ce d'autant qu'il n'est pas établi que la haie identifiée par l'expert sur des images du site en 2008 existait toujours lors des travaux. Cette configuration spécifique du terrain aurait dû la conduire à attirer l'attention de l'architecte sur ce point, lors de l'émission de son offre sur la base du descriptif inadapté des murs. Aucune pièce ne justifie de la réalité de cette démarche dans le cadre de l'obligation de conseil dont elle était tenue vis à vis du maître d'œuvre.
Par ailleurs, la société ne pouvait s'engager dans les travaux en cause sans vérifier l'étendue de la garantie de son assureur dont l'attestation indique en caractères gras qu'il ne la garantit pas pour la réalisation de piscine ni des murs de soutènement.
La société Socabat a ainsi méconnu son obligation de résultat à l'égard de la SCI et les deux manquements à ses obligations rappelés ci-dessus dans le cadre de l'exécution de son contrat de louage d'ouvrage constituent des fautes délictuelles à l'égard de la société Les Thermes du Forum, de la société Artemis investissement et de M. Y. Le jugement est réformé de ce chef.
4) Sur la responsabilité de la société Qualiconsult :
La société Qualiconsult relève à juste titre que la société Qualiconsult Sécurité est une société distincte qui n'est pas concernée par le litige. Les deux déclarations d'appel ont été formées contre la société Qualiconsult Sécurité, laquelle a constitué avocat le 1er juin 2018 dans les deux dossiers et déposé des conclusions le 10 juillet 2018 dans lesquelles elle demandait sa mise hors de cause et concluait dans l'intérêt de la société Qualiconsult. Toutefois, il apparaît que la société Qualiconsult a déposé des conclusions devant la cour sous cette dénomination le 24 décembre 2020, ce qui s'analyse en une intervention volontaire implicite aux lieu et place de la société Qualiconsult Sécurité. La société Qualiconsult a, dans ces conditions, la qualité de partie devant la cour.
Il résulte des pièces produites et des constatations de l'expert que la société Qualiconsult qui avait une mission relative à la solidité des ouvrages a, dès le 23 janvier 2013, émis un avis défavorable aux modalités de construction des murs en raison de leur fonction de soutènement.
Si la société Qualiconsult a validé le 15 avril 2013 le plan du 4 avril 2013 émis par le bureau d'études comportant des blocs cellulaires sur toute la hauteur du mur, il apparaît qu'à cette époque le chantier n'était pas arrêté, que cette validation erronée a été rapidement corrigée suite à la visite sur site du 13 mai 2013 qui l'a conduite à confirmer la fonction de soutènement du mur et à maintenir son avis du mois de janvier, analyse qu'elle a également confirmée lors des travaux de reprise de 2015. Il s'en déduit que l'arrêt initial du chantier en mai 2013 ne résulte pas d'une faute de la société dans l'exécution de sa mission, son analyse de la fonction du mur ayant été confirmée ultérieurement par l'expert.
S'agissant de l'absence de reprise du chantier en juin 2015 suite à la découverte du défaut d'assurance de l'entreprise de maçonnerie pour exécuter des murs de soutènement, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir levé l'avis défavorable formulé en avril précédent afin que la société Socabat puisse être assurée. En effet, cet avis se rapportait à des travaux en cours d'exécution selon un procédé inadapté et répondait aux obligations mises à sa charge dans le cadre de sa mission. De plus, l'allégation d'une garantie des travaux par l'assureur de la société Socabat repose uniquement sur un mail d'un agent des MMA du 16 juillet 2015 qui évoque, concernant le chantier de la SCI, l'établissement d'une attestation nominative pour lever toute ambiguïté et, pour permettre l'étude de la demande de couverture et après intervention de l'expert BTP de la compagnie, une levée des avis suspendus et défavorables. Il s'en déduit que l'obtention de la garantie par l'entreprise de maçonnerie n'était aucunement certaine. Si ce document fait en outre état d'un avenant établi à effet du 1er janvier 2015 comprenant une ligne de garantie relative pour traiter le problème du mur de soutènement, force est de constater qu'il n'a jamais été justifié de la réalité de cet avenant qui n'a jamais été communiqué à l'expert ni produit aux débats.
En conséquence, aucune faute à l'origine de l'arrêt initial du chantier ou de sa poursuite ne peut être imputée à la société Qualiconsult. Aucune demande à son encontre ne peut être accueillie. Le jugement sera confirmé de ce chef.
5) Sur la responsabilité in solidum des intervenants :
La SCI La Capitainerie, les sociétés les Thermes du Forum et Artemis Investissement, comme M. Y. demandent que les constructeurs soient déclarés responsables et condamnés in solidum à les indemniser.
Sur ce point, M. X. et la MAF se prévalent de la clause de l'article G 6.3.1 du cahier des clause générales du contrat d'architecte, relative à la responsabilité de l'architecte, qui dispose qu'il (l'architecte) « ne peut être tenu pour responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omission du maître d'ouvrage ou des autres intervenants dans l'opération faisant l'objet du contrat ».
Cette clause est prévue au cahier des clauses générales du contrat, lequel est visé au cahier des clauses particulières signé par la SCI dont il est complémentaire et indissociable. Elle n'a pas pour conséquence de limiter la responsabilité de l'architecte mais tend uniquement à ce qu'il ne réponde que de ses fautes et de sa part de responsabilité dans la survenance des dommages et non des manquements d'autres locateurs d'ouvrage. Contrairement à ce que soutient la SCI, elle n'est pas limitée à la responsabilité solidaire, qu'elle ne vise « qu'en particulier », donc parmi d'autres situations de manquements de parties distinctes concourant à un dommage. Ces dispositions contractuelles doivent donc être appliquées à la responsabilité in solidum. La circonstance que la rédaction de cette clause a été modifiée ultérieurement dans les contrats établis par l'ordre des architectes et que la responsabilité in solidum y est désormais expressément mentionnée est indifférente.
Par ailleurs, la SCI ne peut opposer l'article L. 132-1 du code de la consommation qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, répute abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Si la SCI ne peut être considérée comme une professionnelle de la construction, la clause litigieuse n'a pas pour effet de plafonner l'indemnisation due par l'architecte en raison de ses fautes contractuelles, ni de vider sa responsabilité de son contenu. Elle ne crée donc pas au détriment du maître d'ouvrage un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Dans ces conditions, M. X. ne peut être tenu d'indemniser les préjudices subis par la seule SCI au delà de sa part de responsabilité et son assureur la MAF doit également son indemnisation à l'égard du maître de l'ouvrage dans les limites de responsabilité retenue contre son assuré.
Cette exclusion n'est toutefois pas opposable à la société Les Thermes du Forum, à la société Artemis investissement et à M. Y. qui n'ont pas de lien contractuel avec l'architecte.
Par ailleurs, il convient de rappeler que la MAF est fondée à opposer à son assuré et aux tiers lésés les limites de garantie et franchises prévues dans la police.
* Sur le partage de responsabilités :
Dans la mesure où plusieurs parties ont contribué à la réalisation d'un dommage, leur part de responsabilité est déterminée à proportion du degré de gravité de leurs fautes respectives.
En l'espèce, au regard des manquements respectifs des différents locateurs d'ouvrage relevés plus haut, les fautes de l'architecte à l'occasion de phase de conception des ouvrages à exécuter, de passation des marchés, comme dans la conduite du chantier et des travaux de reprise ont joué un rôle prépondérant dans la survenance des deux interruptions de chantier et de l'absence de reprise des travaux, ce qui justifie que sa part de responsabilité soit fixée 50 % des préjudices subis.
La société Socabat, par sa négligence lors de l'examen des lieux pour établir son offre, comme par l'absence de vérification du périmètre de ses activités assurées, a une part de responsabilité qui doit être fixée à 35 %, tandis que celle de la société P. Ingénierie, qui n'a pas pris en compte les remarques du bureau de contrôle, doit être fixée à 15 %. Les garanties sollicités par les constructeurs seront accordées sur la base de ce partage de responsabilité.
Sur les demandes de la SCI La Capitainerie représentée par Maître D. liquidateur :
La SCI a été placée en liquidation judiciaire le 21 novembre 2017. Dans ces conditions, seul son liquidateur Maître D. a qualité pour la représenter et solliciter la condamnation des constructeurs à l'indemniser des préjudices subis. Les demandes présentées dans l'intérêt de la SCI, dans les conclusions de Maître B. liquidateur de la société les Thermes du Forum, de la société Artemis Investissement et de M. Y., sont irrecevables comme le relève la société P. Ingénierie.
* Sur la résiliation des contrats et les pénalités de retard :
Ni M. X., ni la société Socabat n'ont mené à terme la mission qui leur avait été confiée par la SCI La Capitainerie. Leurs manquements respectifs rappelés plus haut justifient la résiliation de leurs contrats. Le jugement est confirmé de ce chef, la résiliation devant intervenir à la date de cette décision.
En revanche, Maître D. ès qualités ne démontre pas que la société P. Ingénierie n'a pas exécuté l'ensemble des prestations qui lui étaient demandées, comme cette dernière le relève, de sorte que la résiliation de son contrat, mesure qui ne peut avoir d'effet que pour l'avenir, ne peut être prononcée. Le jugement sera confirmé sur ce point par substitution de motifs.
Il convient de constater que, dans ses dernières conclusions du 23 décembre 2020, Maître D. ès qualités ne présente aucune demande au titre des pénalités de retard. En conséquence, la cour n'est plus saisie d'aucune prétention à ce titre et le jugement qui a rejeté ces demandes est définitif.
* Sur l'indemnisation de la SCI :
La SCI estime qu'en raison de l'arrêt du chantier pendant de nombreuses années, la seule solution consiste en une destruction de l'ouvrage partiellement réalisé et une remise en état du terrain, que, dans ces conditions, l'ensemble des frais qu'elle a engagés dans cette construction l'ont été en pure perte et justifient une indemnisation, laquelle doit être majorée du coût de la démolition et des intérêts des emprunts souscrits pour financer la construction de la piscine.
La société P. Ingénierie soutient que cette demande est injustifiée. Elle estime que l'avis de l'expert quant aux difficultés à faire procéder à la poursuite des travaux par d'autres intervenants n'est pas démontré et que la société Socabat pouvait demander à son assureur une couverture, qu'en fait, la SCI a fait obstacle à toute reprise du chantier dans le but de majorer son indemnisation.
M. X. et la MAF relèvent que les préjudices allégués sont sans commune mesure avec les préjudices soumis à l'expert et à son sapiteur, qu'ils reposent sur une expertise amiable non contradictoire qui ne peut être prise en compte, que doit être confirmée l'évaluation du premier juge sur la base du rapport d'expertise prenant en compte les travaux supplémentaires directs pour les murs, les dommages aux existants et le préjudice lié à l'arrêt du chantier.
A cet égard, l'expertise réalisée en juillet 2019 par la société XO Conseil à la demande de la SCI et de la société exploitante n'a pas été établie contradictoirement. Cependant, elle a été produite aux débats et soumise à la discussion des parties de sorte qu'elle doit être examinée par la cour, même si à elle seule elle ne peut fonder une condamnation.
Il n'est pas discuté qu'à l'époque de l'arrêt du chantier en juin 2015, le clos et le couvert de l'ouvrage n'étaient pas achevés et que l'ouvrage est demeuré en cet état. La responsabilité du maître d'ouvrage dans cette situation n'est pas caractérisée. Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir préfinancé des travaux dont la nécessité résultait des fautes des constructeurs. Il a en outre commandé en février 2015, rapidement après l'obtention du financement, les travaux de reprise validés par l'expert. Pour sa part, le maître d'œuvre n'a procédé à aucune organisation effective de la reprise du chantier suite au dépôt du rapport d'expertise en février 2016 ni ultérieurement alors que les demandes de la SCI d'intervention d'une entreprise de maçonnerie tierce étaient rejetées en référé en raison de l'absence de résiliation du chantier de la société Socabat, démarche que M. X. n'a jamais conseillée.
La SCI verse aux débats plusieurs courriers de sociétés interrogées en 2018 sur la possibilité de reprendre et d'achever les travaux et qui lui opposent un refus. Elles invoquent pour ce faire une impossibilité de travailler sur les ouvrages existants en raison de doutes sur la qualité de la maçonnerie réalisée et de l'absence d'assurance les garantissant, ce qui les conduit à préconiser la démolition des ouvrages et une reconstruction. Ces positions rejoignent celle de l'expert qui a estimé dès 2016 qu'il était difficilement concevable que des entreprises tierces acceptent de poursuivre les travaux en conservant les ouvrages partiellement réalisés.
La SCI invoque donc à juste titre des frais engagés en pure perte lors de cette opération, ne pouvant, au regard de sa situation de liquidation comme de celle de sa locataire commerciale, poursuivre la reconstruction des ouvrages. Son préjudice du fait de cette situation ne peut donc être indemnisé sur la base des travaux de reprise des ouvrages, de réparation des existants et des frais de conservation des ouvrages évalués par l'expert.
Le maître d'ouvrage demande une somme de 370.078,78 € représentant à hauteur de 220.410,24 € les acomptes et frais réglés, à hauteur de 42.419,25 € des frais et intérêts bancaires et à hauteur de 64.830 € les frais de démolition et remise en état.
Concernant les acomptes et frais réglés, l'indemnisation de la SCI ne peut concerner que des sommes dont le règlement est en lien direct avec la construction de la piscine. La SCI fonde sa demande sur la pièce 26 qui liste les dépenses et la pièce 27 qui en justifie.
Or, les multiples factures versées aux débats (Brico dépôt, Leroy-merlin et autres), certaines pour des sommes modestes, concernent des achats de matériaux (colle, flexible, ciment, peinture, etc.) dont le lien avec les travaux litigieux n'est pas démontré. Il en est de même de la facture de la société Les Thermes du Forum du 24 décembre 2012 relative à la rétrocession à son bailleur pour un montant de 59.017,34 € d'aménagements et d'installations réalisés par ses soins dans les locaux existants au cours de l'année 2012, sans lien démontré avec les travaux programmés en 2013. Ces sommes ne peuvent donc être prises en compte. Dans ces conditions, l'indemnisation allouée à la SCI sur la base des frais justifiés sera fixée à la somme de 125668,90€HT.
Concernant le coût des travaux de démolition, la somme de 64.830 € HT demandée par la SCI résulte d'un devis de la société B. du 24 novembre 2015. Toutefois, l'expert, dans son rapport de février 2016, avait évalué cette prestation à 15.000 € tandis que les devis versés aux débats établis en 2018 mentionnent une somme variant de 21.200 à 27.000 €, soit une valeur moyenne de 24.100 € qui sera accordée à la SCI.
La SCI La Capitainerie verse aux débats les trois contrats de prêt qu'elle a souscrits pour financer les travaux de l'extension, soit 100.000 € à la caisse d'Epargne, 92.000 € à la Banque Populaire de l'Atlantique et 90.000 € au Crédit Mutuel, pour lesquels elle produit les tableaux d'amortissement.
La SCI justifie du règlement des intérêts de ces sommes en pure perte jusqu'à la date de son placement en redressement judiciaire le 8 novembre 2016, ces sommes ne faisant pas double emploi avec les paiements opérés au titre des travaux, ce qui représente un montant total de 38.492,43 € outre les frais de constitution d'hypothèque d'un montant de 3926,86 €, sommes qui seront accordées à la SCI.
La SCI revendique également l'indemnisation d'un préjudice économique intégrant la perte de loyers pour un montant de 339.937 €, la dépréciation de l'actif d'un montant de 613.400 € et les pénalités appliquées par les établissement bancaires à hauteur de 92.036,35 €, ainsi que la garantie par les constructeurs du montant des créances déclarées au passif de la liquidation de la SCI par les banques, soit 813.146 €.
Elle fait valoir que ces préjudices sont la conséquence de l'absence de versement des loyers par sa locataire commerciale, lesquels lui permettaient de faire face à ses engagements bancaires, que, faute de revenus suffisants à compter de 2014, les établissements financiers ont résilié les prêts et appliqué les pénalités de retard et les frais de résiliation.
Or, comme le font remarquer M. X. et son assureur de même que la société P. Ingénierie, les demandes de la SCI supposent d'établir un lien direct et certain entre la cessation de paiement des loyers par la société Les Thermes du Forum et les travaux d'extension litigieux.
Outre que les engagements bancaires souscrits par la SCI, se rajoutant aux remboursement de la somme initiale prêtée pour acquérir l'immeuble, étaient importants au regard du montant du loyer, le sapiteur intervenu pendant l'expertise a relevé que le loyer perçu par la SCI avait été réduit de moitié pendant l'exercice 2013/2014 pour ne plus être versé ensuite. Il n'est fourni aucune explication ni pièces justificatives sur les conditions dans lesquelles a été prise cette décision, alors que la société exploitante bénéficiait de la disposition de l'ensemble des locaux qu'elle louait depuis 2007 et exerçait dans des conditions identiques à celles des années précédentes puisque les locaux n'ont pas été affectés par les travaux qui en constituaient une extension et qu'il a été relevé qu'ils n'étaient pas particulièrement visibles des clients à partir des espaces qu'ils utilisaient.
Dans ces conditions, le défaut de perception des loyers ne peut être imputé de façon certaine aux travaux et à l'inachèvement du chantier. Il en est de même de l'exigibilité des prêts prononcée par les banques et les déclarations de créance opérées au passif de la liquidation de la SCI. Les demandes sur ce point ne peuvent être accueillies.
S'agissant du préjudice lié à la dépréciation de l'actif, l'évaluation établie par l'expert, mandaté en mars 2018 par le tribunal dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SCI, met en évidence que les prestations offertes par l'immeuble sont datées et nécessitent une réfection complète dans l'hypothèse d'une reprise pour une activité identique, sans que soit particulièrement évoqué l'impact négatif des travaux inachevés sur une vente. L'expert relève que l'emplacement de ce bien est plutôt secondaire par rapport aux secteurs valorisés de cette zone où se côtoient des activités diverses et qu'en fait, la valeur de l'immeuble sera fonction de la destination projetée. La perte de valeur pour le montant allégué par la SCI de plus de 600.000 € n'est de fait pas démontrée, ni son lien direct avec les travaux. Cette demande sera rejetée.
En conséquence, la société P. Ingénierie, la société Socabat in solidum et M. X. garanti par la MAF dans la limite de 96.094,10 € seront condamnés à verser à Maître D. ès qualités la somme de 192 188,19 €. Le jugement sera réformé en ce sens. Il conviendra de déduire de ce montant les sommes versées dans le cadre de l'instance de référé du 26 mai 2016 au titre des frais de pompage.
Sur la demande de Maître B. en qualité de liquidateur de la société Les Thermes du Forum :
Le liquidateur de la société exploitante demande à titre principal une expertise comptable, estimant que le sapiteur a largement sous-estimé le préjudice subi par la société du fait du retard pris dans l'exécution des travaux puis de leur inachèvement. M. X. et son assureur, de même que la société P. Ingénierie, s'opposent à cette demande, considérant que le sapiteur désigné par l'expert a pris en compte les observations formulées par les parties suite aux évaluations très différentes de ses deux premières notes.
Si Maître B. ès qualités soutient que les travaux auraient dû commencer dès avril 2012, ce qui n'a pas été possible du fait du retard de l'architecte dans l'établissement des dossiers de consultation des entreprises, cette affirmation n'est toutefois corroborée par aucune pièce. A cet égard, l'affichage du permis de construire en novembre 2011 ne constitue pas à lui seul une circonstance démontrant que les travaux devaient démarrer rapidement. La SCI sur ce point ne produit pas de pièces attestant de démarches pour assurer le financement des travaux en début d'année 2012, les prêts nécessaires ayant été conclus en octobre 2012.
En revanche, le liquidateur produit un rapport argumenté qui, sur la base d'une analyse de l'évolution du chiffre d'affaires des différentes activités proposées et des hypothèses de progression d'activités retenues en juin 2011, époque de la décision d'engager ces travaux, conduit à une évaluation d'un préjudice d'exploitation très supérieur à celui proposé par le sapiteur de l'expert. A cet égard, relevant que la mise à disposition de l'exploitant d'une piscine à compter de septembre 2013 aurait dû permettre de passer de 12 à 36 clients pour les activités aquatiques, il estime que la progression d'utilisation prévisionnelle envisagée de ce nouvel espace était prudente. Il prend en compte le développement d'une nouvelle prestation contractualisée en mars 2013 qui n'est pas évoquée par le sapiteur. De même, il réduit l'impact de la concurrence du centre de détente rénové à l'été 2012 sur la même commune et de celui ouvert en 2010 sur une commune limitrophe. Sur ce point, si un commentaire produit relatif à la société est défavorable, il en est de même des différentes appréciations des structures présentées comme immédiatement concurrentes par le sapiteur et les constructeurs, comme le montrent les pièces produites par l'expert qui assistait la société lors des opérations d'expertise.
Ce rapport est critiqué par l'expert de M. X. et de la MAF (M. M.-B.) quant au chiffre d'affaires qui pouvait être attendus de l'utilisation de cet espace, au montant des économies de frais fixes et de personnel retenues faisant état d'incohérences notamment sur les montants de loyers économisés.
Dans ces conditions, alors que l'investissement opéré par la SCI avait nécessairement pour objectif de permettre à l'exploitante de développer l'activité Aquagym qui générait la part la plus importante de son chiffre d'affaires, il apparaît nécessaire d'ordonner avant dire droit une expertise afin d'obtenir une analyse cohérente, après un débat contradictoire, de l'impact sur l'activité de la société et sa progression prévisible de l'absence de fourniture de cet équipement en septembre 2013 puis lors des exercices ultérieurs jusqu'à la liquidation. Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur le préjudice de la société Artemis Investissement:
Cette société a acquis 470 des 500 parts de la société Les Thermes d'Orvault en 2007 pour un prix de 141.000 €. Elle soutient que, du fait de la liquidation judiciaire, elle a perdu irrévocablement son compte courant d'associé d'un montant de 68.042 €, somme dont elle demande paiement devant la cour.
Toutefois, les comptes de la société Les Thermes d'Orvault versés aux débats mettent en évidence un compte d'associé d'un montant important détenu par cette société associée, de même d'ailleurs que par l'autre associé M. B. dans les comptes de la société liquidée, ce dès 2009 et qui a perduré par la suite. La somme portée sur ce compte, qui traduit des apports réguliers à la société afin d'en soutenir l'activité et qui relève de décisions de gestion, dont la perte est inhérente à la liquidation judiciaire est donc sans lien avec l'interruption et l'inachèvement des travaux de création de la piscine. Dès lors, le jugement qui a rejeté cette demande doit être confirmé.
Sur le préjudice de M. Y. :
M. Y. invoque une perte de revenus tenant à la progression de sa rémunération qui avait été prévue à compter de juin 2013 et qui n'a pu lui être accordée. Cependant, il n'est produit aucune pièce émanant de la société confirmant l'augmentation projetée immédiatement après la mise en service du nouveau bassin, visée dans le rapport de la société XO Conseil.
Par ailleurs, M. Y. ne fournit aucune information sur sa situation professionnelle et ses revenus, plus particulièrement après la cessation d'activité du fait de la liquidation judiciaire en novembre 2016. Sa demande ne peut donc être accueillie.
L'appelant fait également état d'un préjudice moral important en lien avec le déroulement des travaux. Sur ce point, il produit de certificats médicaux qui témoignent de troubles anxiodépressifs et d'une dépression d’épuisement sévère, en lien avec la sphère professionnelle à compter d'août 2013. Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, le chantier en cause ne présentait pas de difficultés techniques particulières, ses interruptions puis son inachèvement résultent uniquement de l'absence de prise en compte par les constructeurs de la configuration du terrain qui ne présentait pas, en tout état de cause, un caractère exceptionnel.
Il ne peut être fait grief à M. Y. de ne pas avoir financé les travaux de reprise d'un coût relativement modeste, inférieur à 30.000 €, ce d'autant que les constructeurs fautifs ont été eux-mêmes très frileux pour en assumer le coût alors que l'expert avait clairement identifié l'erreur de conception affectant le mur. De la même façon, les travaux de reprise engagés en 2015 ont subi des modifications dont aucune pièce n'établit qu'elles ont été décidées avec l'accord de M. Y., qui au contraire en a averti l'expert. Dès lors, la somme accordée par le premier juge doit être confirmée, M. Y. ne justifiant pas d'un préjudice à hauteur de la somme de 75.000 € qu'il réclame. Elle sera mise à la charge in solidum de M. X. garanti par la MAF, de la société Socabat et de la société P. Ingenierie, l'architecte ne pouvant opposer à M. Y., tiers au contrat signé avec la SCI, les dipositions excluant la solidarité. Cette somme sera répartie entre coobligés conformément au partage de responsabilité fixé plus haut.
En raison de l'expertise à venir et de la liquidation de la société Les Thermes du Forum, il sera accordé à Maître B. ès qualités, une provision ad litem de 15.000 € pour financer cette mesure qui sera mise à la charge de M. X. et de la MAF.
Il sera sursis à statuer sur le surplus des demandes et sur les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes contre la société Qualiconsult et les demandes d'indemnisation de la société Artemis Investissement, prononcé la résiliation judiciaire des contrats de M. X. et de la société Socabat avec la SCI la Capitainerie,
Statuant à nouveau,
Déboute Maître D. ès qualités de sa demande de résiliation du contrat conclu entre la société P. Ingénierie et la SCI la Capitainerie,
Constate que Maître D. ès qualités ne formule pas de demande au titre des pénalités de retard dans ses dernières écritures,
Déclare M. X., la société Socabat et la société P. Ingénierie responsables de l'interruption et de l'inachèvement du chantier,
Fixe les parts de responsabilités entre co-responsables comme suit :
- 50% à la charge de M. X.,
- 35% à la charge de la société Socabat,
- 15% à la charge de la société P. Ingénierie,
Déclare M. X. et la MAF bien fondés à opposer à la SCI la Capitainerie la clause de non solidarité prévue au contrat de maîtrise d'oeuvre,
Condamne in solidum la société P. Ingénierie, la société Socabat et M. X., dans la limite de 96.094,10 € en ce qui concerne ce dernier, à verser à Maître D. en qualité de liquidateur de la SCI la Capitainerie la somme de 192.188,19 €,
Condamne M. X. et la MAF à garantir la société P. Ingénierie de cette condamnation dans la limite de 50 % et la société Socabat dans la limite de 35 %,
Condamne in solidum la société P. Ingénierie, la société Socabat, M. X. et la MAF à verser à M. Y. une somme de 10.000 €,
Donne acte à la MAF qu'elle garantit M. X., au besoin, l'y condamne,
Condamne la société Socabat à garantir M. X. et la MAF de la condamnation au profit de M. Y. dans la limite de 35% et condamne la société P. Ingénierie à les garantir dans la limite de 15 %,
Condamne M. X. et la MAF à garantir la société P. Ingenierie de la condamnation au profit de M. Y. dans la limite de 50 % et condamne la société Socabat à les garantir dans la limite de 35 %,
Avant dire droit,
Ordonne une expertise relative au préjudice de la société les Thermes du Forum représentée par Maître B. son liquidateur,
Désigne pour y procéder M François D.[...] ([...])
avec mission de :
- convoquer les parties, leurs conseils avisés,
- de prendre connaissance et se faire communiquer tous documents qu'il jugera utile, et notamment les pièces comptables de la société, les pièces relatives à la politique tarifaire de la société si nécessaire,
- entendre les parties et tout sachant,
- donner un avis sur la perte de chiffres d'affaires, la perte d'exploitation et la perte de chance de voir progresser son chiffre d'affaires subis par la société jusqu'à son placement en liquidation judiciaire en novembre 2016, en lien direct avec l'absence de mise à disposition de la piscine en juillet 2013, puis l'absence d'achèvement des travaux et l'arrêt du chantier en juin 2015,
Dit que lors de la première réunion qui devra se dérouler dans un délai maximum d'un mois à compter de l'avis donné par le greffe de la consignation de la provision, l'expert devra, en concertation avec les parties, dresser un programme de ses investigations et proposer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires, de ses frais et débours, ainsi que la date de dépôt de son rapport avant d'adresser ces informations au juge chargé du contrôle lequel rendra, si nécessaire, une ordonnance complémentaire fixant le montant de la provision complémentaire ainsi que le délai prévu pour le dépôt du rapport ;
Invite l'expert à solliciter, en leur adressant un pré-rapport, les observations des parties dans un délai qu'il fixera et à y répondre dans son rapport définitif conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile ;
Rappelle que l'expert peut s'adjoindre d'initiative, si besoin est, un technicien dans une autre spécialité que la sienne dont le rapport sera joint à son rapport définitif en application des articles 278 et 282 du code de procédure civile et/ou se faire assister par une personne de son choix intervenant sous son contrôle et sa responsabilité en application de l'article 278-1 du code de procédure civile ;
Fixe à la somme de 8.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que Maître B. ès qualités devra consigner au moyen d'un chèque émis à l'ordre du régisseur de la cour d'appel de Rennes dans un délai de 2 mois à compter du présent arrêt ;
Dit que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de 3 mois à compter du jour où il sera informé de la consignation sauf demande de prorogation motivée de ce délai adressée au juge chargé du contrôle des expertises ;
Dit qu'en cas de difficulté, il en sera référé par simple requête de la partie la plus diligente au juge chargé du contrôle des expertises ;
Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert désigné il pourra être pourvu à son remplacement par ordonnance prise par le juge chargé du contrôle des expertises ;
Désigne Mme Delapierregrosse, présidente de chambre, pour suivre l'exécution de la présente mesure d'expertise ;
Condamne M. X. et la MAF à verser à Maître B. ès qualités une provision ad litem de 15.000 € ;
Renvoie l'affaire à la mise en état à l'audience du 5 octobre 2021 à 10h30
Surseoit à statuer sur les autres demandes,
Réserve l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Le Greffier, Le Président,
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