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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 18 mars 2021

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 18 mars 2021
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 20/02830
Décision : 2021/97
Date : 18/03/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 97
Référence bibliographique : 6017 (clause portant sur l’objet principal, crédit), 6638 (prêt immobilier, clause de taux variable)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8845

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 18 mars 2021 : RG n° 20/02830 ; arrêt n° 2021/97

Publication : Jurica

 

Extrait : « La convention de prêt stipule que pendant les trois premiers mois, les intérêts sont calculés au taux de 5,3 % puis que le taux d'intérêt est révisé chaque trimestre sur la base du taux Euribor trois mois majoré de 1,3 point. Pendant les 15 premières années, période d'amortissement différé, le taux révisé ne peut excéder 6,75 %.

M. X. prétend que la clause est abusive en ce qu'elle institue un taux d'appel applicable seulement les trois premiers mois, lequel a pour effet de fausser la perception par l'emprunteur du coût total du crédit.

L'appréciation du caractère abusif d'une clause, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La clause litigieuse définit l'objet principal du contrat en ce qu'elle fixe les modalités de calcul du taux d'intérêt, lesquelles déterminent le montant des mensualités à la charge de l'emprunteur.

La convention de prêt comporte, en annexe, une notice qui explique en des termes dépourvus de technicité, accessibles à un emprunteur profane, les modalités de calcul du taux révisé, la périodicité de la révision et le plafonnement de taux applicable pendant les 15 premières années. En outre, deux simulations du montant des échéances exigibles sont effectuées, sur la base d'un taux révisé de 6,318 %, l'une dans le cas d'une baisse de deux points de ce taux, l'autre dans le cas d'une hausse de deux points.

Les conditions particulières de la convention font mention d'un coût total du crédit évalué sur la base d'une simulation prenant en compte un taux d'intérêt révisé de 6,297 %, lequel, contrairement à ce que soutient M. X., ne peut être interprété comme étant le taux applicable après les trois premiers mois.

Les modalités de fixation du taux révisé étant claires et compréhensibles, M. X. est mal fondé à invoquer les dispositions régissant les clauses abusives. La demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'intérêts est rejetée. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU18 MARS 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Rôle N° RG 20/02830. Arrêt n° 2021/97. N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUXG. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 12 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/05164.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Elodie F. de la SELAS SELAS B & F, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Blandine C., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT, venant aux droits de la BANQUE PATRIMOINE IMMOBILIER

prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [...], représentée par Maître Laurence A.-D. de l'AARPI ADSL, avocat au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne DUBOIS, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseillère.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR

Selon une offre du 1er décembre 2008, acceptée le 14 décembre suivant, la Banque Patrimoine & Immobilier, aux droits de laquelle se trouve le Crédit immobilier de France développement, a consenti à M. X. un crédit immobilier de 477.378 € sur 30 ans, assorti d'un différé d'amortissement les 15 premières années, à un taux variable. L'offre fait mention d'un taux effectif global (TEG) de 6,88 %.

Invoquant le caractère erroné du TEG, M. X. a assigné la banque Patrimoine & Immobilier, le 7 avril 2016, à titre principal, en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts.

Intervenu volontairement aux débats, le Crédit immobilier de France développement a opposé la prescription de l'action.

Par jugement contradictoire du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- donné acte au Crédit immobilier de France développement de son intervention volontaire ;

- déclaré les actions formées par M. X. irrecevables comme prescrites ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné M. X. aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu les conclusions remises le 6 avril 2020 auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles M. X. demande à la cour de :

- dire que l'emprunteur sera délié des effets de la clause d'intérêts, laquelle doit être réputée non écrite à raison de son caractère abusif ;

- constater que le TEG n'a pas été calculé conformément aux exigences légales et dire que le prêteur ne peut, dès lors, prétendre qu'aux intérêts calculés au taux légal ;

Subsidiairement,

- ordonner la déchéance des intérêts et le retour à l'intérêt légal applicable au jour de l'acceptation de l'offre ;

En tout état de cause,

- condamner la banque aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu les conclusions remises le 26 novembre 2020, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles le Crédit immobilier de France développement demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes en déchéance du droit aux intérêts et en nullité de la clause d'intérêts ;

- juger que la clause d'intérêts n'est pas abusive ;

Subsidiairement,

- débouter M. X. de ses demandes en déchéance et en nullité ;

Très subsidiairement,

- juger que la seule sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts et débouter M. X. de sa demande en déchéance ;

- condamner M. X. aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 janvier 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. X. demande, en premier lieu, que la clause d'intérêts soit réputée non écrite pour présenter un caractère abusif. En second lieu, reprochant à la banque un TEG erroné, il agit en nullité de la clause d'intérêts, et subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts.

 

Sur la demande tendant à voir réputer non écrite la clause stipulant un taux d'intérêt variable :

La convention de prêt stipule que pendant les trois premiers mois, les intérêts sont calculés au taux de 5,3 % puis que le taux d'intérêt est révisé chaque trimestre sur la base du taux Euribor trois mois majoré de 1,3 point. Pendant les 15 premières années, période d'amortissement différé, le taux révisé ne peut excéder 6,75 %.

M. X. prétend que la clause est abusive en ce qu'elle institue un taux d'appel applicable seulement les trois premiers mois, lequel a pour effet de fausser la perception par l'emprunteur du coût total du crédit.

L'appréciation du caractère abusif d'une clause, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La clause litigieuse définit l'objet principal du contrat en ce qu'elle fixe les modalités de calcul du taux d'intérêt, lesquelles déterminent le montant des mensualités à la charge de l'emprunteur.

La convention de prêt comporte, en annexe, une notice qui explique en des termes dépourvus de technicité, accessibles à un emprunteur profane, les modalités de calcul du taux révisé, la périodicité de la révision et le plafonnement de taux applicable pendant les 15 premières années. En outre, deux simulations du montant des échéances exigibles sont effectuées, sur la base d'un taux révisé de 6,318 %, l'une dans le cas d'une baisse de deux points de ce taux, l'autre dans le cas d'une hausse de deux points.

Les conditions particulières de la convention font mention d'un coût total du crédit évalué sur la base d'une simulation prenant en compte un taux d'intérêt révisé de 6,297 %, lequel, contrairement à ce que soutient M. X., ne peut être interprété comme étant le taux applicable après les trois premiers mois.

Les modalités de fixation du taux révisé étant claires et compréhensibles, M. X. est mal fondé à invoquer les dispositions régissant les clauses abusives.

La demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'intérêts est rejetée.

 

Sur les demandes en nullité de la clause d'intérêts et, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts :

M. X. fait valoir que le prêteur n'a pas « opéré son calcul à partir de la valeur d'une suite de termes en progression géométrique mis en facteur commun, mais d'une suite de termes, ni comptés pour la valeur des intérêts composés, ni factorisables en une seule sommation ». Le grief est tiré de modalités de calcul du TEG qui ne prendraient en compte ni la méthode des intérêts composés, ni les modalités d'amortissement du crédit.

M. X. en déduit que le TEG, mentionné pour 6,88 %, est en réalité de 6,96 %.

La banque lui oppose la prescription quinquennale des demandes.

En premier lieu, il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et de l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que l'inexactitude du TEG mentionné dans une offre de crédit immobilier acceptée, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l'écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1.

En deuxième lieu, la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts, pour cause d'inexactitude du TEG, court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux. En l'espèce, le grief étant exclusivement fondé sur les modalités de calcul du TEG, selon les règles complexes des mathématiques financières, M. X. est fondé à soutenir qu'il n'a pas été en mesure de connaître l'erreur qu'il invoque antérieurement à la remise, le 3 mai 2017, d'un rapport d'expertise amiable.

La prescription, qui a couru à compter du 3 mai 2017, n'était pas acquise lorsque la demande en justice a été formée, sur le fondement de ce grief, pour la première fois par conclusions d'appel du 6 avril 2020.

En troisième lieu, l'écart entre le TEG mentionné, soit 6,88%, et le TEG réel prétendu, soit 6,96 %, n'excédant pas une décimale au sens de l'article R. 313-1 susvisé, la demande en déchéance ne peut qu'être rejetée.

* * *

M. X., qui succombe, est condamné aux dépens et, en considération de l'équité, au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de l'indemnité fixée en première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette la demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'intérêts,

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en nullité de la clause d'intérêts et en déchéance du droit aux intérêts,

Statuant à nouveau,

Dit que la seule sanction applicable en cas de mention d'un TEG erroné dans une offre de crédit immobilier est la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge,

Déclare recevable la demande en déchéance du droit aux intérêts,

La rejette,

Confirme le jugement attaqué sur les dépens et sur l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X. aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT