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CA MONTPELLIER (ch. com.), 16 mars 2021

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (ch. com.), 16 mars 2021
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), ch. com.
Demande : 18/03764
Date : 16/03/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/07/2018
Référence bibliographique : 6224 (442-1 C. com., transport)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8852

CA MONTPELLIER (ch. com.), 16 mars 2021 : RG n° 18/03764

Publication : Jurica

 

Extrait : « Si les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services doivent être fixées dans la convention écrite conclue entre le fournisseur et distributeur ou le prestataire de services, conformément à l'article L. 441-7 du code de commerce dans sa rédaction de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, il ne peut être soutenu, en l'occurrence, que la bonification de fin d'année ne se trouve pas fixée dans le document intitulé « demande d'ouverture compte fournisseur » liant la société GE Trans à la société Union matériaux, alors que les modalités de calcul de cette bonification y sont suffisamment définies et permettent au prestataire d'appréhender l'avantage ainsi consenti à son client par rapport au montant de sa propre facturation.

La bonification de fin d'année au taux de 8 % sur le chiffre d'affaires réalisé, que la société GE Trans a ainsi consenti dans le cadre d'une convention litigieuse conclue pour une durée indéterminée, ne peut davantage être regardée comme constituant un avantage disproportionnée ou sans contrepartie ou procurant un déséquilibre significatif dans la relation commerciale ; il n'est pas, en effet, établi en quoi cette bonification, calculée sur le chiffre d'affaires, entraînerait un avantage disproportionné ou un déséquilibre significatif eu égard au taux de marge de la société GE Trans sur le montant des prestations facturées, alors qu'aucun prix n'a été imposé par la société Union matériaux pour la facturation de ces prestations.

Dès lors que la bonification due par la société GE Trans sur le chiffre d'affaires de l'exercice 2013 constituait une créance certaine, liquide et exigible, la société Union matériaux était fondée à opérer une compensation avec les factures émises postérieurement par son prestataire, conformément aux articles 1289 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a débouté la société GE Trans de sa demande en paiement de la somme de 17.817,15 euros. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MARS 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/03764. N° Portalis DBVK-V-B7C-NYCM. Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 MAI 2018, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 2017003820.

 

APPELANTE :

SARL GE TRANS

immatriculée au RCS de VIENNE sous le n° XXX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège, [...], [...], Représentée par Maître Gilles B. de la SCP R., S., P., G., DELL'O., B., A., S., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

SAS UNION MATÉRIAUX

[...], [...], Représentée par Maître Denis B., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 janvier 2021

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 FÉVRIER 2021, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller, Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Manon BORREMANS

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Mme Manon BORREMANS, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SARL GE Trans, qui exerce une activité de transport routier de marchandises, a été en relations commerciales avec la SAS Union matériaux, négociant en bois et matériaux de construction, sur la base d'un document intitulé « demande d'ouverture compte fournisseur » en date du 15 janvier 2013.

Ce document comporte une clause mentionnant : « Conditions de BFA : 8 % (le pourcentage étant inscrit de manière manuscrite).

Au motif que la société Union matériaux ne réglait pas en totalité les factures émises, mais y appliquait une retenue, la société GE Trans a, par exploit du 8 février 2017, fait assigner cette dernière devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 17.817,15 euros au titre des retenues indûment pratiquées, correspondant à une facture dite de « coopération commerciale 2013 » éditée le 7 avril 2014 par son cocontractant égale à 8 % du chiffre d'affaires réalisé en 2013, soit 126.216,08 euros.

Le tribunal, par jugement du 28 mai 2018 a débouté la société GE Trans de sa demande, a rejeté la demande reconventionnelle de la société Union matériaux en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

La société GE Trans a régulièrement relevé appel, le 19 juillet 2018, de ce jugement en vue de sa réformation et dans ses dernières conclusions déposées le 4 mars 2019 via le RPVA, elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1289 du code civil et des articles L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce, de :

(...)

- constater qu'elle était en relation d'affaires avec la société Union matériaux à compter de janvier 2013 et qu'elle a émis des factures ensuite de chaque prestation commandée,

- constater que la société Union matériaux a appliqué des retenues sur les factures émises,

- constater que la clause de BFA lui est inopposable,

- constater que la société Union matériaux ne justifie d'aucune créance à son égard et encore moins de créance liquide et exigible,

- en conséquence, débouter la société Union matériaux de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- dire et juger que la société Union des matériaux était mal fondée à procéder à des retenues sur les factures émises par elle,

- dire et juger la clause de BFA nulle et dépourvue de tout effet,

- dire et juger que la compensation invoquée par la société Union matériaux est inopérante faute de justifier d'une créance valide,

- condamner la société Union matériaux à lui payer la somme de 17.817,15 euros au titre des retenues indûment pratiquées, outre intérêts au taux légal à compter du 8 février 2017, date de l'assignation introductive d'instance,

- dire et juger n'y avoir lieu à la condamner à payer quelque somme que ce soit au profit de la société Union matériaux au titre des frais irrépétibles et des dépens exposés en première instance,

- condamner la société Union matériaux à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Union matériaux.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel que la clause de BFA insérée dans la demande d'ouverture de compte fournisseur est inefficace compte tenu de l'imprécision de son mode de calcul, qu'une telle clause n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 441-7 du code de commerce dans sa rédaction de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, que la société Union matériaux ne peut invoquer le régime de la compensation à défaut de détenir une créance issue de la BFA liquide et exigible et que la clause litigieuse, dépourvue de toute précision et ne comportant pas de contrepartie aux retenues effectuées, doit être regardée comme créant un déséquilibre significatif à son détriment au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce.

[*]

La société Union matériaux, dont les conclusions ont été déposées le 4 décembre 2018 par le RPVA, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société GE Trans de sa demande ; formant appel incident, elle réclame la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en vertu des articles 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que c'est dans le strict respect de la convention liant les parties qu'elle a émis la facture du 7 avril 2014 pour 17.817,15 euros par référence au chiffre d'affaires réalisé en 2013 par la société GE Trans en y appliquant le taux de bonification de 8 % prévu contractuellement, que la clause litigieuse, négociée entre les parties, est licite et ne conduit pas à créer un déséquilibre significatif au détriment de la société GE Trans, laquelle ne communique pas son taux de marge, que la facture du 7 avril 2014 a été adressée à celle-ci, qui l'a reçue sans émettre ni protestation ni réserve, et qu'enfin, elle n'a pas opéré de « retenue » mais a fait application de la convention, sachant que la compensation a joué de plein droit entre les créances réciproques par application des articles 1289 et suivants du code civil.

[*]

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 12 janvier 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS de la DÉCISION :

Dans le document intitulé « demande d'ouverture compte fournisseur » à l'en-tête de la société Union matériaux, la société GE Trans est désignée comme le fournisseur devant envoyer ses factures au siège (de la société Union matériaux) en deux exemplaires et par point de livraison ; il est précisé dans ce document que la date de règlement des factures s'effectue par lettre de change relevé à 30 jours de la date de la facture et il y est stipulé des « conditions de BFA (pour bonification de fin d'année) » de 8 %, le taux étant mentionné de façon manuscrite, avec comme précision « merci de nous envoyer vos stats d'achats (CA et volume par succursale), au mois, au trimestre et au semestre ».

En l'état de ces stipulations, le premier juge a justement retenu que le bénéficiaire de la bonification était d'évidence la société Union matériaux pour le compte de laquelle devaient être effectuées les prestations de transport, et que la bonification avait vocation à s'appliquer à l'ensemble du contrat, son calcul devant ainsi s'effectuer sur le montant total des prestations facturées ; dès lors que la société GE Trans avait l'obligation de communiquer à son cocontractant le montant de son chiffre d'affaires, il s'en déduit nécessairement que l'assiette de la bonification de 8 % est le chiffre d'affaires réalisé ; celle-ci ne conteste d'ailleurs pas que les prestations de transport accomplies en 2013 pour le compte de la société Union matériaux a généré un chiffre d'affaires de 186 216,08 euros, mentionné sur la facture du 7 avril 2014, qui a donc constitué la base de calcul du montant de la bonification.

Si les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services doivent être fixées dans la convention écrite conclue entre le fournisseur et distributeur ou le prestataire de services, conformément à l'article L. 441-7 du code de commerce dans sa rédaction de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, il ne peut être soutenu, en l'occurrence, que la bonification de fin d'année ne se trouve pas fixée dans le document intitulé « demande d'ouverture compte fournisseur » liant la société GE Trans à la société Union matériaux, alors que les modalités de calcul de cette bonification y sont suffisamment définies et permettent au prestataire d'appréhender l'avantage ainsi consenti à son client par rapport au montant de sa propre facturation.

La bonification de fin d'année au taux de 8 % sur le chiffre d'affaires réalisé, que la société GE Trans a ainsi consenti dans le cadre d'une convention litigieuse conclue pour une durée indéterminée, ne peut davantage être regardée comme constituant un avantage disproportionnée ou sans contrepartie ou procurant un déséquilibre significatif dans la relation commerciale ; il n'est pas, en effet, établi en quoi cette bonification, calculée sur le chiffre d'affaires, entraînerait un avantage disproportionné ou un déséquilibre significatif eu égard au taux de marge de la société GE Trans sur le montant des prestations facturées, alors qu'aucun prix n'a été imposé par la société Union matériaux pour la facturation de ces prestations.

Dès lors que la bonification due par la société GE Trans sur le chiffre d'affaires de l'exercice 2013 constituait une créance certaine, liquide et exigible, la société Union matériaux était fondée à opérer une compensation avec les factures émises postérieurement par son prestataire, conformément aux articles 1289 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a débouté la société GE Trans de sa demande en paiement de la somme de 17.817,15 euros.

Pour hasardeuse qu'elle soit l'action engagée par la société GE Trans n'apparaît pas constitutive d'un abus de droit caractérisé de sa part de nature à justifier que des dommages et intérêts soient alloués de ce chef à la société Union matériaux ; le premier juge doit également être approuvé en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Succombant sur son appel, la société GE Trans doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Union matériaux la somme de 1.500 euros au titre des frais non taxables qu'elle a dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 28 mai 2018,

Condamne la société GE Trans aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Union matériaux la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

Le greffier,                                        Le président,