CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8853
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 mars 2021 : RG n° 18/02628
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat de location longue durée stipule en son article 11 qu'en cas de retard dans le paiement des loyers, toute somme échue et non réglée sera de plein droit et par le seul effet de l'expiration du terme, productrice, à titre de clause pénale, d'une indemnité forfaitaire égale à 10 % du montant du loyer en retard, le tout sans préjudice du droit du bailleur de résilier la location conformément aux dispositions de l'article 16.
11 - Cette clause, qui n'est ni plus ni moins qu'une clause pénale destinée à évaluer forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractuelle du locataire de payer ses loyers n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties au contrat au profit du professionnel au détriment du consommateur.
12 - Le contrat de location longue durée stipule en son article 16 qu'en cas de résiliation, le locataire est tenu de remettre immédiatement le véhicule à la disposition du loueur, et de lui verser, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, en sus des loyers impayés et de tous leurs accessoires ; l'ajustement rétroactif prévu à l'article 15a) ; en réparation du préjudice subi, une indemnité égale à 40 % des loyers TTC postérieurs à la résiliation sauf en cas de procédure collective.
Cette clause doit se lire par référence à l'article 15 du contrat qui ouvre au locataire une faculté de résiliation du contrat certes avec l'accord du loueur mais de manière efficiente. L'équilibre est à cet égard respecté.
Elle doit également s'apprécier au regard de l'ensemble des obligations stipulées à l'article 16 qui prévoit l'envoi d'une mise en demeure préalable à la résiliation ouvrant un délai de huit jours au locataire pour éviter cette résiliation. L'équilibre est là aussi respecté.
L'obligation de restitution du véhicule, contrepartie de la résiliation du contrat et conséquence du droit de propriété du bailleur, n'est pas en soi créatrice d'un déséquilibre significatif. M. X. ne démontre pas en quoi la non prise en compte de tout ou partie du prix de revente est de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La clause ne peut dès lors être considérée comme abusive pas plus que le cumul des clauses de l'article 11 et de l'article 16, amenées à réparer deux préjudices distincts du bailleur. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/02628. N° Portalis DBVK-V-B7C-NVNX. Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 AVRIL 2018, TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS : R.G. n° 11-17-001840.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [...], [...], [...], Représenté par Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH
Société à responsabilité limitée de droit allemand, au capital de XXX euros ayant son siège social sis à [...], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualité au dit siège immatriculée au RCS de PONTOISE sous le n° YYY ayant sa succursale en France sise [...], [...], [...], Représentée par Maître Gilles B. de la SCP R., S., P., G., D.'O., B., A., S., avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 28 décembre 2020
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020, l'affaire a été jugée sans audience, les conseils des parties en ayant été avisés et ne s'y étant pas opposés dans le délai imparti.
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre a fait le rapport de l'affaire à la cour composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors de la mise à disposition : Madame Marie-José TEYSSIER
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Madame Marie-José TEYSSIER, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
1 - Vu le jugement du tribunal d'instance de BÉZIERS qui dit que l'action de la SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH (ci-après la banque) n'est pas forclose, condamne M. X. à lui payer la somme de 22.050.56 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, celle de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
2 - Vu la déclaration d'appel du 20 mai 2018 par M. X.
3 - Vu ses dernières conclusions du 20 décembre 2018 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, aux termes desquelles il demande de :
« Vu notamment l'article L. 132-1 du Code de la Consommation,
Vu les recommandations de la Commission des Clauses Pénale n° 96-02,
Vu l'article 1152 du Code Civil,
Vu les pièces versées aux débats,
- Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. X.
- Infirmer le Jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- Dire et juger que les dispositions des articles L. 311-2 et suivant du Code de la Consommation ne peuvent s'appliquer en l'espèce s'agissant d'un Contrat de location Longue Durée, et non « d'un contrat de location assorti d'une promesse de vente ou de location-vente ».
- Dire et juger que les clauses pénales inscrites aux articles 11 et 18 des Conditions Générales de Contrat de Location sont constitutives de clauses abusives et doivent être réputées non écrites.
- Débouter la Société VOLKSWAGEN BANK GMBH de l'intégralité de ses demandes et de son argumentation.
A titre subsidiaire :
Si par extraordinaire la Cour ne devait pas juger ces clauses non écrites,
- Dire et juger que les clauses pénales intégrées aux Conditions Générales du Contrat de Location sont manifestement excessives.
- Constater en tout état de cause que le véhicule a été restitué, et très certainement revendu.
- En conséquence Dire et Juger que cette indemnité ne saurait excéder 1 Euro.
- Condamner la Société VOLKSWAGEN BANK GMBH à payer à M. X. la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de Première Instance et d'appel. »
[*]
4 - Vu les dernières conclusions déposées le 11 octobre 2018 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, aux termes desquelles la banque demande de :
« Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,
- Y venir la partie requise,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les arguments et demandes de Monsieur X.,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité le montant des condamnations de Monsieur X. à la somme 22.050,56 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant des condamnations de Monsieur X. à la somme 22.050,56 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- Statuant à nouveau sur ce chef de jugement :
- Condamner Monsieur X. à payer à la société VOLKSWAGEN BANK GMBH une somme principale de 22.276,04 € due pour les causes sus énoncées,
- Condamner Monsieur X. à payer à la société VOLKSWAGEN BANK GMBH les intérêts au taux légal sur la somme de 22.276,04 € et ce à compter du 17 juin 2014 jusqu'à complet règlement,
- Dire et juger que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
- En tout état de cause :
- Rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur X.,
- Condamner Monsieur X. à payer à la société VOLKSWAGEN BANK GMBH la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Monsieur X. aux entiers dépens, »
[*]
5 - Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 décembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
6 - Les parties sont en l'état d'un contrat de location longue durée souscrit le 30 avril 2012 par M. X. auprès de la banque stipulant la location moyennant des versements mensuels de 749,99 € TTC sur une durée de 60 mois d'un véhicule de marque AUDI Q5 acheté par la banque auprès d'une société CAPISCOL DISTRIBUTION pour la somme de 56.006.50 €.
Des loyers sont demeurés impayés à partir du 24 novembre 2013 et par courrier recommandé du 17 juin 2014, la banque a prononcé la déchéance du terme.
M. X. a été assigné devant le tribunal d'instance le 23 novembre 2015 et la décision dont appel a été prononcée.
7 - M. X. fait grief au premier juge d'avoir statué en application des dispositions des articles L. 311-2 et suivants du code de la consommation, assimilant le contrat de location longue durée au contrat de location assorti d'une promesse de vente ou de location-vente et qu'en conséquence, les clauses contractuelles instaurant une indemnité de résiliation ne pouvaient revêtir un caractère abusif susceptible de justifier leur nullité.
La banque n'en disconvient pas sauf à en tirer parti pour souligner que les articles du code de la consommation applicables au contrat de location avec option d'achat prévoient la possibilité de réclamer des indemnités de résiliation, ce qui dénote l'absence de caractère abusif des clauses stipulant de telles indemnités.
8 - En cet état de moyens et au vu du contrat, il convient en effet de retenir que les parties sont liées par un contrat de location de longue durée qui n'est pas assimilable à un contrat de location avec option d'achat pour lequel le consommateur bénéficie des dispositions des articles L. 311-2 et suivants du code de la consommation alors applicables.
9 - M. X. soutient que les stipulations contractuelles qui déterminent le versement d'une indemnité de résiliation fixant à 40 % du montant des loyers TTC postérieurs à la résiliation (article 16) et d'une indemnité qualifiée de clause pénale égale à 10 % du montant du loyer en retard (article 11) sont des clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ce que leur cumul aggrave. Le déséquilibre significatif dans les droits des parties est caractérisé par le fait que la résiliation ne peut intervenir que du fait du loueur, cette indemnité étant stipulée à son seul bénéfice, que ces indemnités sont prévues sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure et que la banque ne peut prétendre au rétablissement d'un équilibre financier alors que le véhicule lui a été restitué.
La banque réplique que ces clauses visent à rétablir l'équilibre financier du contrat en cas de résiliation anticipée en raison de la défaillance du preneur à bail ; que la clause de l'article 11 est classique et vise exclusivement à rétablir un équilibre contractuel faussé en raison de la carence du locataire à exécuter ses obligations ; que l'indemnité de résiliation de l'article 16 (19.045.72 €) augmentée des loyers versés (en tout 22.106.65 €) permet la perception d'une somme de 41.152.37 € alors que si M. X. avait respecté ses engagements, elle aurait perçu 49.677.81 €.
10 - Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable,
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...)
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
(...) »
Le contrat de location longue durée stipule en son article 11 qu'en cas de retard dans le paiement des loyers, toute somme échue et non réglée sera de plein droit et par le seul effet de l'expiration du terme, productrice, à titre de clause pénale, d'une indemnité forfaitaire égale à 10 % du montant du loyer en retard, le tout sans préjudice du droit du bailleur de résilier la location conformément aux dispositions de l'article 16.
11 - Cette clause, qui n'est ni plus ni moins qu'une clause pénale destinée à évaluer forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractuelle du locataire de payer ses loyers n'a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties au contrat au profit du professionnel au détriment du consommateur.
12 - Le contrat de location longue durée stipule en son article 16 qu'en cas de résiliation, le locataire est tenu de remettre immédiatement le véhicule à la disposition du loueur, et de lui verser, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, en sus des loyers impayés et de tous leurs accessoires ; l'ajustement rétroactif prévu à l'article 15a) ; en réparation du préjudice subi, une indemnité égale à 40 % des loyers TTC postérieurs à la résiliation sauf en cas de procédure collective.
Cette clause doit se lire par référence à l'article 15 du contrat qui ouvre au locataire une faculté de résiliation du contrat certes avec l'accord du loueur mais de manière efficiente. L'équilibre est à cet égard respecté.
Elle doit également s'apprécier au regard de l'ensemble des obligations stipulées à l'article 16 qui prévoit l'envoi d'une mise en demeure préalable à la résiliation ouvrant un délai de huit jours au locataire pour éviter cette résiliation. L'équilibre est là aussi respecté.
L'obligation de restitution du véhicule, contrepartie de la résiliation du contrat et conséquence du droit de propriété du bailleur, n'est pas en soi créatrice d'un déséquilibre significatif. M. X. ne démontre pas en quoi la non prise en compte de tout ou partie du prix de revente est de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La clause ne peut dès lors être considérée comme abusive pas plus que le cumul des clauses de l'article 11 et de l'article 16, amenées à réparer deux préjudices distincts du bailleur.
13 - M. X. soutient le caractère manifestement excessif des clauses pénales des articles 11 et 16 alors que la banque ayant repris possession du véhicule, oublie de justifier de sa valeur et de son éventuel prix de revente. La banque ne mettant pas la cour en mesure d'apprécier l'étendue de son préjudice, l'indemnité de résiliation doit être réduite à la somme de 1 euro.
La banque qui ne conteste pas la qualification de clause pénale de cette indemnité de résiliation mais soutient qu'il n'y a pas lieu de la réduire en application de l'article 1152 ancien du code civil puisqu'elle ne revêt aucun caractère manifestement excessif : elle a acquis le véhicule pour 56.006 €, M. X. n'a réglé que 22.106,65 € pendant le cours contractuel ; le montant cumulé des versements et de l'indemnité de résiliation (41.152,37 €) reste largement inférieur au prix d'achat ; si le contrat avait été mené à terme, M. X. aurait dû en toute hypothèse restituer le véhicule et le montant cumulé encaissé par elle aurait été de 49.677,81€.
14 - En cet état de fait et de droit, étant souligné la différence fondamentale existant entre un contrat de location de longue durée et un contrat de location avec promesse de vente en terme d'exercice d'une option en fin de contrat qui peut permettre dans le second au locataire de devenir propriétaire du véhicule, ce que le premier ne permet pas, l'indemnité de résiliation destinée à compenser la rupture de l'équilibre économique et financier du contrat, calculée à hauteur de 40% des loyers restant à courir, ne présente pas de caractère manifestement excessif. Il en est de même de l'application d'une majoration de 10% sur les échéances non réglées de nature à réparer le préjudice financier né du retard dans le paiement.
15 - M. X. sera en conséquence condamné à payer à la banque la somme de :
- loyers impayés : 3.004,84 € et clause pénale de 10 % calculée par la banque sur 3 des 4 échéances : 225,48 €, soit 3.230,32 €
- indemnité de résiliation : 19.045,72 €
Total 22.276,04 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2014, date de la mise en demeure.
16 - La capitalisation des intérêts, demandée en justice, sera prononcée.
17 - M. X., partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, supportera les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
Réforme le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH la somme de 22.050,56 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
statuant à nouveau de ces chefs infirmés
Condamne M. X. à payer à la SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH la somme de 22.276,04 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2014,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les termes de l'article 1154 ancien du code civil,
Confirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Juge que les clauses des articles 11 et 16 du contrat de location longue durée ne sont pas des clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation,
Juge que les clauses pénales ne sont pas manifestement excessives au sens de l'article 1152 ancien du code civil,
Condamne M. X. à payer à la SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH la somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X. aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT