CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 19 avril 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8897
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 19 avril 2021 : RG n° 18/01503 ; arrêt n° 223/21
Publication : Jurica
Extrait (arguments de l’appelant) : « * sur le quantum de la dette, une obligation de la caution ne pouvant excéder celle de la débitrice principale, hors toutes pénalités (cf. supra) et dans la limite des sommes restant dues, l'indemnité contractuelle forfaitaire de recouvrement de 5 %, constituant par ailleurs une clause pénale devant être réduite, ou à tout le moins impliquant réparation par application de l'article L. 442-6 du code de commerce, »
Extrait (motifs) : « Au vu de ce qui précède, la banque ne démontre pas qu'au jour où elle a appelé la caution, le patrimoine de celle-ci lui permettait de faire face à ses obligations.
En conséquence, la banque ne peut se prévaloir des engagements de caution des 7 novembre 2006 et 29 mai 2009, et, en infirmation du jugement entrepris, sa demande en paiement sera rejetée, sans qu'il ne soit besoin d'examiner les moyens opposés, pour le surplus, à la banque par la partie appelante, ni même la demande formée à titre reconventionnel à titre subsidiaire, à fin de compensation, et qui constitue à ce titre un moyen de défense au fond, la demande de M. X. de délais de paiement se trouvant, par ailleurs, sans objet. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 19 AVRIL 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A N° RG 18/01503. Arrêt n° 223/21. N° Portalis DBVW-V-B7C-GXFO. Décision déférée à la Cour : 28 février 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE.
APPELANT :
Monsieur X.
[...], Représenté par Maître Patricia C.-G., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître C., avocat au barreau de ANNECY
INTIMÉS :
Monsieur Y.
[...], non représenté, assigné en l'étude d'huissier le 02.07.2018
SAS BANQUE EUROPÉENNE DU CRÉDIT MUTUEL
prise en la personne de son représentant légal [...], Représentée par Maître Laurence F., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître B., avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 janvier 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller, entendu en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÉT : - par défaut - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par acte notarié en date des 21 et 23 décembre 2004, la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel, ci-après également « la BECM » ou « la banque », a consenti à la société Globe SARL, aux droits de laquelle est ensuite venue la SARL Grands magasins du globe, un prêt d'un montant de 3 millions d'euros, retracé en compte n° 20001202 et une facilité de caisse d'un montant d'un million d'euros utilisable en compte courant ouvert dans les livres de la banque sous le numéro 20001145.
Puis par acte sous seing privé du 7 novembre 2006, la BECM a consenti à la société Globe SARL un crédit d'investissement à moyen terme à hauteur de 750.000 euros, retracé en compte n° 200011- 03. Dans le même acte, M. X., ci-après également « M. X. » et M. Y. se sont portés cautions solidaires de la société Globe SARL dans la limite de la somme de 90.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et ce pour une durée de 108 mois.
Suivant acte du 29 mai 2009, M. X. s'est porté caution solidaire de la SARL Grands magasins du globe dans la limite de 517.500 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 5 ans.
Dans un contexte de difficultés économiques, une procédure de conciliation a été ouverte, selon ordonnance de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 20 avril 2011, au bénéfice de la SARL Grands magasins du globe, avec désignation d'un mandataire ad hoc.
Après avoir, en date du 13 février 2012, dénoncé ses concours, la BECM a accepté, suivant un protocole d'accord des 24 et 28 avril 2012, homologué par jugement du 25 mai 2012, de renoncer à cette dénonciation et de porter à 1 million d'euros la ligne de découvert en compte courant, qui avait été précédemment ramenée à 750.000 euros, par incorporation à cette ligne d'un billet à ordre de 250.000 euros demeurant impayé depuis le 31 mai 2011.
Suivant acte du 19 mai 2012, M. Y. s'est porté caution solidaire de la SARL Grands magasins du globe dans la limite de 872.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 5 ans.
Par jugement du 8 mars 2013, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Grands magasins du globe, procédure dans le cadre de laquelle la BECM a, le 18 avril 2013, régulièrement déclaré sa créance à titre privilégié pour un montant de 189.318,57 euros, outre intérêts, au titre du compte de prêt n° 200011-03 et pour un montant de 997.072,43 euros, outre intérêts, au titre du compte courant n° [...]. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 28 mai 2014.
Entre-temps, par lettres recommandées du 8 mai 2013, la BECM a vainement mis en demeure M. X. et M. Y. d'exécuter leurs engagements de caution, avant de les attraire, respectivement par actes d'huissier en date des 1er et 3 octobre 2013, devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse, en se fondant sur les dispositions de l'article 1134 du code civil, en sa version applicable en la cause.
Par jugement rendu le 28 février 2018, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :
- dit que la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel était en droit de se prévaloir des engagements de caution solidaire souscrits les 7 novembre 2006 et 18 mai 2012 par M. Y.,
- dit que la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel était en droit de se prévaloir des engagements de caution solidaire souscrits les 7 novembre 2006 et 20 mai 2009 par M. X.,
- condamné M. Y. à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 762.000 euros,
- condamné M. X. à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 607.500 euros,
- dit que ces deux condamnations ne pourraient intervenir que dans la limite de la somme restant due par la SARL Grands Magasins du Globe sur la somme déclarée par la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel à hauteur de 1.166.391 euros,
- débouté M. X. et M. Y. de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné solidairement M. X. et M. Y. à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. X. et M. Y. de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. X. et M. Y. aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du tout.
Le premier juge a, notamment, retenu que :
- il était constant que la SARL Grands Magasins du Globe restait devoir des sommes à la banque au titre de son compte courant débiteur et au titre du prêt contracté,
- la créance de la SAS BECM avait été déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Grands Magasins du Globe à hauteur de 189.318,57 euros, outre intérêts, au titre du compte de prêt n° 20001103 et de 997.072,43 euros, outre intérêts, au titre du compte courant n° [...], de sorte que la créance la SAS BECM à l'égard de la SARL Grands Magasins du Globe serait retenue pour ces montants,
- concernant M. Y., les engagements de caution pris respectivement à hauteur de 90.000 et 672.000 euros n'étaient pas manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, celui-ci n'apportant, par ailleurs, pas la preuve que son consentement aurait été vicié par la contrainte, pas davantage que celle d'une ingérence de la banque dans la gestion de la SARL Grands Magasins du Globe, de sorte que la SAS BECM était fondée à se prévaloir des engagements de caution du 7 novembre 2006 et 18 mai 2012,
- concernant M. X.,
* le formalisme prévu aux articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation avait été respecté, s'agissant de simples erreurs et omissions matérielles sans incidence sur consentement de la caution, au demeurant avertie, et dont le non-respect n'aurait affecté que la solidarité du cautionnement, outre que l'engagement de 2009 ne venait pas se substituer à celui de 2006 qui n'avait pas le même objet,
* les deux engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à sa situation financière, ne lui permettant pas de faire face à un neuvième engagement en date du 7 novembre 2006 à hauteur de 90.000 euros, puis à un 15ème engagement à hauteur de 517.500 euros, et ce même s'il avait déclaré un actif net de 889.498 euros au titre de l'impôt sur la fortune pour 2008, sa situation au moment de l'appel de la caution devant cependant lui permettre de faire face à celui-ci, au regard principalement de la consistance de son patrimoine immobilier,
* aucun soutien abusif de la banque n'était démontré, au regard de la situation de la société cautionnée au moment de l'octroi des concours, de l'absence de preuve d'une faute de la banque dans les difficultés survenues par la suite, non plus que de l'immixtion dans la gestion de la société, sans qu'il ne puisse non plus lui être reproché d'avoir affecté la somme de 500.000 euros provenant de la cession de parts sociales de la SCI Mulhouse Globe et de la SARL Grands Magasins du Globe au remboursement des deux billets à ordre garantis OSEO, comme prévu au protocole d'accord de 2012,
* il était justifié de l'information de la caution, et ce jusqu'au moins la déclaration de créance du 18 avril 2013, étant précisé que la demanderesse se prévalait seulement de sa créance déclarée sans les intérêts,
* sur le quantum de la dette, la clause pénale de 5 % prévue au contrat de prêt souscrit par la société Globe SARL en cas de déchéance du terme n'était pas manifestement excessive et il n'y avait donc pas lieu de la réduire,
- s'agissant des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts, aucun comportement fautif de la banque n'était établi,
- M. X. ne justifiait pas de sa situation à l'appui de sa demande de délais de paiement,
[*]
M. X. a interjeté appel de cette décision, par déclaration déposée le 29 mars 2018.
Dans ses dernières conclusions en date du 23 septembre 2019, il demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- dit que la SAS Banque Européenne du Crédit Mutuel est en droit de se prévaloir des engagements de caution solidaire souscrits les 7 novembre 2006 et 26 mai 2009 par le concluant,
- condamné le concluant à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 607.500 euros,
- dit que ces deux condamnations ne peuvent intervenir que dans la limite des sommes restant dues par la SARL Grands magasins du globe, sur la somme déclarée par la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel à hauteur de 1.166.391 euros,
- débouté le concluant de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamné solidairement avec M. Y. à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le concluant de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. Y. et le concluant aux dépens.
Et statuant à nouveau, de :
In limine litis,
- dire et juger que le concluant est admis à se prévaloir des bénéfices de discussion et de division,
à titre principal,
- prononcer la nullité de ses engagements de caution,
Par conséquent,
- débouter la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- constater que le concluant n'est plus tenu par son engagement de caution du 7 novembre 2006,
- constater la disproportion manifeste de ses engagements de caution,
Par conséquent,
- débouter la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel de ses demandes,
à titre encore plus subsidiaire,
- constater le soutien abusif de la banque,
Par conséquent,
- annuler, et à tout le moins réduire à 1 euro, ses engagements de caution,
à titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard, dire et juger que la banque n'a pas respecté les termes du protocole d'accord des 24 et 26 avril 2012,
Par conséquent,
- dire et juger que la créance de la banque au titre du prêt du 7 novembre 2006 doit être réduite à 29 199,59 euros,
- dire et juger qu'à défaut pour la banque de justifier des intérêts et pénalités perçus au titre du découvert en compte de la Société Les Grands magasins du globe, elle sera déboutée de sa demande de paiement de la somme de 518.000 euros à ce titre,
- à tout le moins, dire et juger que les condamnations à 1'encontre de M. Y. et lui-même ne peuvent intervenir que dans la limite des sommes restant due par la SARL Grands magasins du globe sur la somme déclarée par la banque à la procédure collective, et avec un maximum de 1.026.272,02 euros outre déduction des pénalités et intérêts que celle-ci a pu verser par le passé.
- à minima, réduire l'indemnité de 5 % applicable au prêt à 1 euro par application de l'article 1152 du code civil, et à défaut condamner la banque en paiement de la somme de 8.061,79 euros à titre de dommages-intérêts et en ordonner la compensation avec la somme qu'elle réclame au titre de ladite indemnité,
- par application de l'article 1152 du code civil, dire et juger que la banque ne peut solliciter paiement des intérêts majorés sur les sommes dues au titre du découvert en compte, et y substituer une indemnité à hauteur de 1 euro,
- condamner la banque en paiement de la somme de 500.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas être poursuivie en qualité de caution qu'il expose avoir subie,
- ordonner la compensation des sommes dues entre les parties, avec effet à la date d'exigibilité de la première d'entre elles,
- lui accorder un délai de paiement de 2 ans,
- dire et juger que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il entend, enfin, voir déclarer le présent arrêt opposable à M. Y. et condamner la banque aux dépens de première instance et d'appel, outre à lui payer la somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses prétentions, il entend, notamment, invoquer :
- le non-respect du formalisme obligatoire, impliquant la nullité de son engagement de caution, en vertu de l'article L. 341-2 du code de la consommation, de surcroît en l'absence de respect par la banque de son obligation d'information, et, à tout le moins, s'agissant de l'article L. 341-3 du même code, qu'il puisse se prévaloir des bénéfices de discussion et de division, au titre desquels il n'avait pas été avisé des dispositions applicables,
- l'absence de consentement éclairé, en raison de la contrainte économique exercée à l'occasion de son engagement omnibus du 29 mai 2009, qui conditionnait l'octroi par la banque d'un concours à court terme à la société cautionnée, se trouvant alors en difficultés économiques, impliquant également la nullité dudit engagement,
- à titre subsidiaire, l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de ses engagements de caution, d'une part de l'engagement de caution du 7 novembre 2006, auquel le second engagement de caution, omnibus, se serait nécessairement substitué, d'autre part, s'agissant des deux engagements, au regard de la disproportion manifeste de ceux-ci, en l'absence de toute dissimulation de revenus, de patrimoine ou d'engagements, alors qu'il était déjà engagé à huit reprises pour 1.133.000 euros lors du premier engagement, et à quinze reprises pour 2.404.500 euros lors du second engagement, et même en tenant compte des seuls soldes restant dus, ajoutant qu'au moment où il a été appelé, il n'avait plus de revenus d'activité, des biens ayant par ailleurs été vendus et la valorisation nette de son patrimoine étant inférieure à celle de son engagement,
- plus subsidiairement encore, le soutien abusif apporté par la banque à la société des Grands Magasins du Globe, les conditions de l'article L. 650-1 du code de commerce étant réunies, compte tenu de l'octroi d'un crédit abusif alors que la banque connaissait les difficultés de la société, accroissant pourtant ses concours et ne respectant pas, par la suite, les termes du protocole d'accord, ainsi que de la disproportion des garanties, au regard non des revenus des cautions, mais des concours octroyés, outre l'immixtion caractérisée de la BECM, qui aurait imposé des mesures de gestion, en particulier des cessions de parts à prix bradé, en contrepartie du maintien de ses concours, et enfin une fraude, tenant à l'absence de respect du protocole concernant l'utilisation du produit de la cession des parts de la SCI Mulhouse, qui n'aurait laissé aucune chance à la société,
- encore plus subsidiairement :
* la déchéance du droit aux intérêts, en l'absence de respect de l'information annuelle de la caution, impliquant, outre que les condamnations en principal ne soient assorties d'aucun intérêt quelconque, que la créance de la BECM soit réduite du montant des intérêts et pénalités d'ores et déjà perçus,
* sur le quantum de la dette, une obligation de la caution ne pouvant excéder celle de la débitrice principale, hors toutes pénalités (cf. supra) et dans la limite des sommes restant dues, l'indemnité contractuelle forfaitaire de recouvrement de 5 %, constituant par ailleurs une clause pénale devant être réduite, ou à tout le moins impliquant réparation par application de l'article L. 442-6 du code de commerce,
* l'octroi de délais de paiement au regard de sa situation, sa bonne foi étant présumée et sa mauvaise foi non démontrée,
- à titre reconventionnel, la responsabilité de la BECM pour avoir conservé le produit de la cession des parts de la SCI Mulhouse au lieu de l'affecter, comme convenu, au règlement des dettes fournisseurs, privant la société cautionnée d'une possibilité de redressement, et la caution d'une chance de ne pas être poursuivi en cette qualité,
- l'absence de droit de la banque à solliciter sa condamnation en remboursement des frais avancés pour la prise de garanties, ceux-ci ne constituant pas des dépens propres à la présente instance.
[*]
La SAS Banque européenne du Crédit Mutuel s'est constituée intimée le 24 avril 2018.
Dans ses dernières écritures déposées le 3 juin 2019, elle conclut à la confirmation de la décision entreprise, ainsi qu'à la condamnation de l'appelant aux dépens, et à lui verser une indemnité de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour sa part, elle invoque, notamment :
- à titre principal, la validité des engagements souscrits :
* en premier lieu, le respect du formalisme, les mentions manuscrites des deux engagements ne comportant que des erreurs purement matérielles sans incidence sur le sens et la portée de ces mentions et la compréhension par M. X. de l'étendue de son engagement,
* en deuxième lieu, le caractère libre et éclairé du consentement de M. X., à l'exclusion de toute violence illégitime que ne constitue pas une situation objective de dépendance économique, et en l'absence de preuve de toute pression de la part de la concluante, de surcroît à l'égard d'un dirigeant averti connaissant donc l'étendue de ses engagements,
* en troisième lieu, la coexistence des deux engagements, la lettre adressée à M. X. le 8 avril 2009 visant uniquement à annuler les engagements de cautions délivrés en garantie de la facilité de caisse retracée en compte n° [...] et non pas l'engagement de caution du 7 novembre 2006 consenti en garantie du prêt retracé en compte n° 200011 03,
- à titre subsidiaire, l'absence de disproportion manifeste des engagements de la caution, au regard de la rémunération importante perçue par l'intéressé en qualité de dirigeant de plusieurs sociétés, dont les actifs étaient valorisés, ainsi que de son patrimoine immobilier, y compris dépendant de la communauté, indépendamment du consentement du conjoint, et des engagements de caution de celui-ci non porté à la connaissance de la banque, et alors que, si M. X. a fait état de plusieurs engagements de caution consentis à la BPA et à la CCM Mulhouse entre le mois de mai 2002 et le mois d'août 2006 pour un montant total de 1.133.000 euros, les engagements de caution souscrit préalablement à l'engagement de 2009 s'élevant à 1.659.000 euros, le surplus des engagements à cette date étant occultés, outre que la caution ne justifierait toujours pas de l'intégralité de son patrimoine et de ses revenus au jour où elle s'est engagée, et que, le cas échéant, à la date où elle a été appelée, soit le 21 mai 2014, date de la conversion du redressement de la société en liquidation judiciaire, elle continuait à assumer la direction de sociétés et possédait indirectement plusieurs biens immobiliers, au travers d'une SCI dont la valeur des parts resterait conséquente, nonobstant deux nantissements, la réalité de sa situation de revenus et de biens étant dissimulée,
- l'absence de responsabilité de la concluante pour soutien abusif, au titre de laquelle l'appelant reprendrait son argumentaire de première instance écarté par le premier juge, en l'absence de preuve que les conditions de l'article L. 650-1 du code de commerce seraient réunies et que la concluante aurait commis une faute, M. X. se voyant reprocher de procéder par affirmations à cet égard, alors que les cautionnements étaient largement antérieurs au redressement judiciaire et que les cautions étaient averties, peu important, par ailleurs, une éventuelle disproportion des sûretés prises, ou l'existence d'une insuffisance de trésorerie, dès lors qu'elle ne relève pas d'une situation sans issue, le mandataire ad hoc concluant à des perspectives favorables passant par un refinancement global, supposant l'octroi de garanties en contrepartie, et l'octroi d'un protocole d'accord constituant la solution la plus propice à un redressement, les hypothèses prévues par l'article précité n'étant, par ailleurs, pas réunies, en l'absence de garanties disproportionnées, celles-ci étant d'ailleurs inférieures au montant des concours, d'immixtion caractérisée, les mesures mises en place l'ayant été sous couvert du mandataire ad hoc et de la justice commerciale, ou de fraude, les concours n'ayant été accordés que pour favoriser le redressement de la société, et la concluante ayant procédé à des affectations conformes au protocole d'accord,
- le respect de son obligation d'information annuelle de la caution, au regard des courriers versés aux débats, sans qu'il ne lui incombe d'en prouver la réception,
- sur le quantum de la dette, l'absence de finalité coercitive ou comminatoire de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, qui ne sanctionne pas directement l'inexécution de l'obligation, tout comme de l'application du taux majoré, et en tout état de cause l'absence de caractère manifestement excessif de ces indemnités, eu égard au préjudice que cause à la banque le retard dans le paiement de la créance,
- l'absence de justification de délais de paiement au profit de M. X., qui ne justifierait de sa situation que de manière parcellaire, outre que sa bonne foi est mise en cause, à défaut de formulation d'aucune proposition sérieuse de règlement de sa dette suite au courrier adressé par la BECM le 6 mai 2013, et qu'il aurait déjà bénéficié de délais suffisants compte tenu de l'ancienneté de la dette.
[*]
M. Y., assigné par acte extrajudiciaire déposé le 2 juillet 2018 en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué avocat.
[*]
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée le 30 octobre 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 5 février 2020, puis, en raison d'un mouvement de grève des avocats, à celle du 6 janvier 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
À titre liminaire, il sera rappelé que conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Par ailleurs, en vertu de l'article 954, in fine, du code précité, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
En l'espèce, il convient de relever que M. Y. - dont il résulte d'un courrier de son conseil produit par la banque qu'il n'entendait pas faire appel du jugement entrepris - bien que régulièrement assigné, n'a pas constitué avocat, sans que, par ailleurs, les parties ne formulent de demandes à son encontre, si ce n'est, pour la banque, la confirmation du jugement entrepris, et concernant M. X., l'opposabilité du présent arrêt à son encontre, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation envers M. Y. et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Sur les demandes en paiement formées par la BECM à l'encontre de M. X. :
Sur la validité formelle des engagements de caution :
Aux termes de l'article L. 342-1 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause, et désormais reprise aux articles L. 331-1 et L. 343-1 dudit code, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »
Par ailleurs, l'article L. 342-3 du même code, dans sa version applicable en la cause, et désormais reprise aux articles L. 331-2 et L. 343-2 de ce code, prévoit que lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X.. ».
En l'espèce, M. X. met en cause la régularité formelle :
- de l'engagement de caution souscrit le 29 mai 2009, faute de l'indication « la somme de... » précédant le montant cautionné dans la mention manuscrite,
- de l'engagement de caution souscrit le 7 novembre 2006, en l'absence de ponctuation entre les mentions des articles L. 341-2 et L. 341-3 précités, rendant, selon lui, la formule incompréhensible, outre la référence à un article de loi erroné, soit l'article 2310 du code civil, relatif au recours entre les cautions, en lieu et place de l'article 2298 du même code relatif au bénéfice de discussion.
Or, la cour observe, s'agissant de la mention omise dans la formule manuscrite de l'engagement de 2009, que cette omission, d'ordre purement matériel, n'a pas pour effet d'altérer la substance de l'engagement tel qu'il s'évince de cette formulation, de sorte qu'elle n'affecte pas la régularité de l'acte, pas plus qu'elle ne met en cause l'obligation d'information de la BECM s'agissant d'une formulation qui apparaît claire et dépourvue de toute équivoque quant à l'étendue de l'engagement de la caution.
De la même façon, l'absence de ponctuation entre les deux formules dans l'acte souscrit en 2006 n'apparaît pas de nature à affecter la compréhension par la caution de l'étendue de son engagement, en particulier en ce qu'elle renonce au bénéfice de discussion. Et concernant la mention de l'article 2310 en lieu et place de l'article 2298 du code civil, outre que, comme l'a pertinemment relevé le premier juge, elle n'aurait, en tout état de cause d'incidence que sur la possibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité, les dispositions de l'article L. 341-2 précité ayant été respectées, elle n'a, en tout état de cause, pas pour effet d'affecter la portée des mentions manuscrites.
M. X. conteste également, à titre subsidiaire, la possibilité pour la banque de se prévaloir de l'engagement de 2006, dès lors que l'engagement de 2009 viendrait s'y substituer, aux termes d'un courrier de la banque du 8 avril 2009.
Cela étant, il résulte des termes mêmes de ce courrier qu'il se rapporte au renouvellement de la facilité de caisse concernant le compte n° [...], renouvellement conditionné par la régularisation de cautions personnelles et solidaires des associés à hauteur de 100 % du crédit accordé, de sorte que, sur cette question, c'est par des motifs pertinents que la cour approuve, que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, la référence, pour le surplus, de ce courrier au fait que les actes de cautions se substitueraient à ceux en possession de la banque étant, au demeurant, sans incidence, au regard de l'objet du courrier et du fait qu'il est adressé aux deux cautions.
C'est, en conséquence, à bon droit que le premier juge a écarté les moyens tirés de l'irrégularité des engagements de caution souscrits par M. X., le jugement entrepris devant être confirmé à ce titre.
Sur la validité du consentement de M. X. :
M. X. invoque les articles 1108, 1109, 1111 et 1112 du code civil, dans leur version applicable au litige, soutenant que l'engagement de caution du 29 mai 2009 serait nul, comme lui ayant été purement et simplement imposé par la banque, sous peine de voir s'interrompre un concours financier nécessaire à la poursuite de l'activité de la société, de sorte que son consentement lui aurait été extorqué par la violence.
Pour autant, la violence alléguée n'apparaît pas démontrée par M. X., dirigeant de plusieurs sociétés et à ce titre caution avertie, non dépourvue de moyens de défense vis-à-vis de la banque, d'autant qu'il avait déjà souscrit au moins un engagement de caution auprès de l'établissement, l'exigence de la banque d'obtenir une garantie en contrepartie de son concours n'apparaissant, par ailleurs, pas illégitime en elle-même, et n'étant, par conséquent, pas constitutive d'une violence, fût-elle de nature économique, en l'absence de menace ou de pression subies par l'appelant de la part de la banque, au-delà de cette seule exigence de garantie, quand bien même M. X. indique l'avoir acceptée pour obtenir le maintien d'un concours dont la cessation 'laissait peu d'espoir pour la continuation d'activité', sans cependant en apporter la preuve ou même apporter de précisions dans le cadre de son argumentation sur ce point.
Dans ces conditions, la validité du cautionnement de M. X. en date du 29 mai 2009 n'apparaît pas affectée à ce titre.
Sur la disproportion manifeste des engagements de caution :
Aux termes de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
- concernant l'engagement de caution du 7 novembre 2006 :
La cour observe qu'aucune fiche de renseignements n'a été sollicitée par la banque à l'occasion de cet engagement.
Cela étant, il résulte des éléments versés aux débats, en particulier par M. X., sur lequel pèse la charge de la preuve de la disproportion manifeste de son engagement à sa situation de revenus et de patrimoine, que ce dernier a perçu en 2006 des revenus de l'ordre de 128.126 euros.
Concernant son patrimoine, il apparaît que M. X. était propriétaire, à cette date de deux maisons à [ville Q.], l'une acquise le 15 juillet 1998 pour la somme de 1.080.000 francs, soit 164.645 euros, valorisée en 2008 à un montant de 380.000 euros et en 2010 à 390.000 euros, et vendue en 2013, l'autre acquise le 27 octobre 2003 pour la somme de 82.000 euros, valorisée en 2008 à hauteur de 200.000 euros et en 2010 à 220.000 euros, et vendue le 30 juillet 2015.
Il était, en outre, propriétaire d'un bien immobilier situé à [ville A.], acheté le 10 avril 2003 pour la somme de 257.209 euros et vendu le 15 novembre 2007, pour la somme de 385.000 euros.
Il était également titulaire de 430 parts sociales à 100 euros l'unité, pour 200 détenues par son épouse, d'une SCI W, propriétaire depuis 2002 de sa maison d'habitation à [ville D.], acquise le 2 mars 1985 pour la somme de 290.000 francs, soit 44.210 euros, valorisée en 2008 et en 2010 à 525.000 euros. L'en-cours des prêts de cette SCI au 31 décembre 2006 était de 141.514,08 euros. Il est fait état de deux autres biens détenus par cette société, mais cédés en 2004 et 2005 pour un total de 167.000 euros.
Enfin, M. X. était titulaire de 6 parts sociales de la SARL D., valorisées à 10 euros chacune.
Les parties s'accordent, en outre, sur le fait que M. X. devait faire face à des engagements de caution d'un montant total 1 133.000 euros, outre l'engagement cautionné à hauteur de 90.000 euros, comme l'a également relevé le premier juge, et comme cela est, du reste, établi au regard des pièces versées aux débats à hauteur de cour.
Si les éléments qui précèdent, pour certains postérieurs, ne permettent pas de valoriser précisément le patrimoine, en particulier immobilier, de M. X. à la date de son engagement, il apparaît néanmoins, au regard de la consistance de ce patrimoine telle qu'elle peut être appréciée à cette date, et alors que le montant total des engagements de l'intéressé était presque dix fois supérieur à son revenu annuel que c'est à bon droit que le premier juge a retenu le caractère manifestement disproportionné de l'engagement litigieux.
- concernant l'engagement de caution du 29 mai 2009 :
Il résulte des éléments produits par les parties, en l'absence également de fiche patrimoniale établie à cette occasion auprès de la banque par la caution, que M. X. disposait d'un revenu imposable de 143.649 euros en 2008, dont à tout le moins 135.165 euros perçus par l'intéressé à titre de salaires et assimilés, et de 106.823 euros en 2009.
Il disposait, à cette date, d'un patrimoine dont la valeur nette retenue par l'administration fiscale au titre de l'impôt sur la fortune pour 2008 était de 889.496 euros.
À cette date, outre l'engagement en cause, souscrit par M. X. à hauteur de 517.500 euros, il était déjà engagé en tant que caution à hauteur de 1.887.000 euros, l'occultation de l'un quelconque de ces engagements vis-à-vis de la banque n'étant pas démontrée.
Il résulte de ce qui précède que c'est également à bon droit que le premier juge a retenu que l'engagement de caution souscrit par M. X. le 29 mai 2009 était, également, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
- concernant la situation de la caution au moment où celle-ci a été appelée :
Dès lors qu'il est établi qu'au jour de leur conclusion, les engagements litigieux étaient manifestement disproportionnés aux biens et revenus de la caution, il appartient à la banque de démontrer qu'au jour où elle a appelé la caution, le patrimoine de cette dernière lui permettait de faire face à son obligation.
À ce titre, il convient, tout d'abord, de relever que les parties s'accordent pour retenir la date du 21 mai 2014 comme étant celle à laquelle la caution a été appelée, étant précisé que, si M. X. a été assigné en date du 1er octobre 2013 devant le tribunal de grande instance de Mulhouse dans le cadre de la présente procédure, il doit être tenu compte de la période d'observation à l'issue de laquelle, par jugement rendu à la date précitée, la société cautionnée a été placée en liquidation judiciaire, ce qui mettait fin à la suspension des poursuites contre la caution, et ce alors, au demeurant, que la banque avait sollicité qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'échéance de cette période.
Or, si M. X. justifie de revenus en 2013 à hauteur de 48.000 euros annuels, en vertu d'une ordonnance du juge-commissaire fixant sa rémunération en qualité de gérant de la société Grands Magasins du Globe, et verse aux débats un avis d'imposition pour 2015 sur les revenus de l'année 2014, faisant état d'un revenu fiscal de référence de son foyer à hauteur de 14.054 euros, la banque ne justifie pas qu'il aurait bénéficié de revenus supplémentaires ou occultes, que ce soit au titre des quatre sociétés dont il était le gérant déclaré, dont une SCI, ou de l'activité d'agent commercial pour laquelle il était immatriculé à compter du 27 mai 2013, étant relevé que l'avis d'imposition précité prend en compte différentes sources de revenus.
Concernant le patrimoine immobilier, il apparaît que M. X. n'était plus lui-même propriétaire que d'une maison à [ville Q.], valorisée à hauteur de 220.000 euros en 2010, et qui devait être vendue en 2015. L'appelant démontre, par ailleurs, que le produit de la vente, en 2013, de l'autre bien immobilier situé à [ville Q.], pour un montant de 157.318 euros, n'a permis que de solder un prêt consenti par la Société Générale.
Par ailleurs, si la SCI W., dont les époux X. étaient seuls associés, restait propriétaire de la maison d'habitation du couple à [ville D.], valorisée en 2010 à hauteur de 525.000 euros, il est justifié par l'intimé de ce que ce bien était grevé d'emprunts, et plus précisément de trois prêts, pour un montant total de 220.946,61 euros, dont 180.000 au titre d'un prêt in fine, ce dont il résultait que la valeur nette de ce bien était de 304.053 euros, les parts de la SCI faisant l'objet d'un nantissement au bénéfice de la Banque Populaire, auprès de laquelle les trois prêts ont été souscrits, pour un montant de 320.000 euros.
Si, par ailleurs, M. X., était comme son épouse, associé de la société D., dont le patrimoine net était, en date du 27 septembre 2011, selon la mention manuscrite figurant sur l'état produit par la banque, de 3.220.000 euros, il convient de relever que les époux de T. étaient associés à hauteur de 6 % chacun, détenant 6 parts sociales à 10 euros.
Enfin, il convient de prendre en compte les engagements de caution souscrits par M. X., en date des 9 février et 26 avril 2012 au profit de la Société Générale et de la Banque Populaire, à hauteur de 585.000 et 518.000 euros, ce dernier devant donner lieu à poursuite par la Banque Populaire, qui a assigné M. X. en date du 14 mai 2013, en paiement en principal de la somme de 608.000 euros, l'assignant également le 21 mai 2013 en paiement d'une somme de 180.000 euros.
Au vu de ce qui précède, la banque ne démontre pas qu'au jour où elle a appelé la caution, le patrimoine de celle-ci lui permettait de faire face à ses obligations.
En conséquence, la banque ne peut se prévaloir des engagements de caution des 7 novembre 2006 et 29 mai 2009, et, en infirmation du jugement entrepris, sa demande en paiement sera rejetée, sans qu'il ne soit besoin d'examiner les moyens opposés, pour le surplus, à la banque par la partie appelante, ni même la demande formée à titre reconventionnel à titre subsidiaire, à fin de compensation, et qui constitue à ce titre un moyen de défense au fond, la demande de M. X. de délais de paiement se trouvant, par ailleurs, sans objet.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La SAS Banque européenne du Crédit Mutuel, succombant pour l'essentiel, sera tenue aux dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre infirmation du jugement déféré sur cette question, et condamnation de la banque à ce titre, in solidum avec M. Y..
L'équité commande en outre, après infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. X. au titre des frais non compris dans les dépens, et rejeté la demande formée à ce titre à son profit, de mettre à la charge de la banque une indemnité de procédure pour frais irrépétibles pour la première instance et à hauteur de Cour au profit de M. X., tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ce dernier.
Enfin, le présent arrêt sera déclaré opposable à M. Y..
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 28 février 2018 par le tribunal de grande instance de Mulhouse en ce qu'il a :
- dit que la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel était en droit de se prévaloir des engagements de caution solidaire souscrits les 7 novembre 2006 et 29 mai 2009 par M. X.,
- condamné M. X. à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 607 500 euros,
- dit que cette condamnation ne pourraient intervenir que dans la limite de la somme restant due par la SARL Grands Magasins du Globe sur la somme déclarée par la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel à hauteur de 1 166 391 euros,
- débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. X., solidairement avec M. Y., à payer à la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. X. de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X., solidairement avec M. Y., aux dépens,
Statuant à nouveau de ces chefs de demande,
Dit que la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel n'était pas en droit de se prévaloir des engagements de caution solidaire souscrits les 7 novembre 2006 et 29 mai 2009 par M. X.,
En conséquence,
Déboute la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel de sa demande en paiement à l'encontre de M. X.,
Condamne la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel, in solidum avec M. Y. aux dépens de première instance,
Condamne la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Banque européenne du Crédit Mutuel à payer à M. X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur de Cour,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. X. en première instance et à hauteur de Cour,
Déclare le présent arrêt opposable à M. Y..
La Greffière : la Présidente :