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CA LYON (1re ch. civ. B), 27 avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. B), 27 avril 2021
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. B
Demande : 19/06381
Date : 27/04/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/09/2019
Référence bibliographique : 5848 (notion de professionnel)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8907

CA LYON (1re ch. civ. B), 27 avril 2021 : RG n° 19/06381 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que ces stipulations, conformément à l'article 1134 du code civil, ont force obligatoire entre les parties et doivent être exécutées de bonne foi ;

Qu'elles ne contredisent pas l'économie générale de la convention à terme conclue dans l'intérêt des deux parties ;

Que les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, invoquées par l'appelante ne sont pas applicables au cas de l'espèce, s'agissant d'un contrat de vente qui lie deux parties non professionnelles ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de faire droit à la demande d'annulation de la clause résolutoire contractuelle au motif qu'elle serait abusive ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/06381. N° Portalis DBVX-V-B7D-MSY6. Décision du Tribunal de Grande Instance de ROANNE, Au fond, du 10 mai 2019 : R.G. n° 19/00215.

 

APPELANTE :

Mme X. épouse Y.

née le [date] à [ville], [adresse], [...], Représentée par la SELARL DE F. AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1102 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

 

INTIMÉS :

M. Y.

[date] à [ville], Non constitué

Mme W.

née le [date] à [ville], [adresse], [...], Représentée par Maître Anne-Sophie L., avocat au barreau de LYON, toque : 1259, Assistée de Maître Laurence D., avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

 

Date de clôture de l'instruction : 17 décembre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 mars 2021

Date de mise à disposition : 27 avril 2021

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Agnès CHAUVE, président, - Florence PAPIN, conseiller, - Dominique DEFRASNE, conseiller, assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.

A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt de défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :

Par acte authentique, en date du 20 octobre 2008, Mme W. a vendu à M. Y. et à Mme X., son épouse, une maison d'habitation située à [adresse], moyennant le prix de 261.000 €.

Il était convenu à l'acte que l'acquéreur réglait le même jour, comptant, la somme de 10.000 € et que le solde de 251.000 € serait payé :

- à concurrence de 144.000 €, en 240 échéances mensuelles de 990,56 €, du 1er décembre 2008 au 1er décembre 2028, avec intérêts au taux annuel de 5,50 %, chaque échéance comprenant les intérêts et une fraction du capital,

- à concurrence de 107.000 €, en 5 échéances bisannuelles de 25.056,88 €, du 1er décembre 2010 au 1er décembre 2018, avec intérêts au taux annuel de 5,50 %, chaque échéance comprenant les intérêts et une fraction du capital.

L'acte de vente comportait également une clause de déchéance du terme et une clause de résiliation de plein droit, en cas de non-paiement d'un seul terme de remboursement à son échéance et stipulait, en cas de résolution, le bénéfice au profit du vendeur de toutes les sommes versées par l'acquéreur à titre de dommages-intérêts et d'indemnité forfaitaire.

Dès le mois de décembre 2010, les époux Y. ont pris du retard dans le règlement de certaines échéances et à compter du mois de mai 2018 ils ont cessé tout règlement.

Par acte d'huissier du 18 février 2019 qui faisait suite à plusieurs procédures d'exécution demeurées infructueuses, Mme W. a fait assigner les époux Y. devant le tribunal de grande instance de Roanne aux fins de voir prononcer la résolution de la vente sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil et pour avoir paiement de la somme de 32.981,38 € augmentée des intérêts conventionnels.

Cette assignation a été régulièrement publiée à la conservation des hypothèques.

Par jugement réputé contradictoire du 10 mai 2019, les époux Y. n'ayant pas comparu, le tribunal de grande instance a :

- prononcé la résolution de la vente établie par acte authentique du 20 octobre 2008,

- constaté que Mme W. était propriétaire de la propriété cadastrée section ZH n° 44, sise [adresse],

- jugé que conformément à la clause résolutoire, les sommes versées par M. et Mme Y. et toutes les améliorations apportées à l'immeuble vendu étaient définitivement acquises à Mme W. à titre de dommages-intérêts et indemnité forfaitaire,

- ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques,

- condamné solidairement M. et Mme Y. à verser à Mme W. la somme de 32.981,36 € correspondant au montant de leur dette, outre intérêts au taux de 5,50 % par an à compter du 18 février 2019,

- condamné solidairement M. et Mme Y. à verser à Mme W. la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi, outre intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019,

- rejeté la demande de Mme W. en règlement des sommes impayées et en réserve de ses droits sur ces sommes jusqu'à exécution du jugement,

- condamné solidairement M. et Mme Y. au paiement de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les mêmes aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

[*]

Par déclaration du 16 septembre 2019 Mme X., épouse Y., a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 1er juillet 2020, l'appelante demande la cour :

- de juger son appel recevable et bien fondé,

- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance,

- d'annuler la clause résolutoire insérée à l'acte du 20 octobre 2008 pour lui permettre de vendre le bien immobilier et de payer sa dette,

- de lui allouer plus larges délais de grâce pour vendre le bien et solder l'emprunt,

- de débouter Mme W. de l'ensemble de ses prétentions,

- de condamner Mme W. aux dépens.

Sur la recevabilité de l'appel, contestée par Mme W., elle explique que son recours a bien été formé dans le délai légal, applicable en matière d'aide juridictionnelle.

Elle fait valoir sur le fond :

- qu'elle a remboursé pendant plus de dix ans un emprunt ruineux et qu'elle se trouve, en outre, dépouillée de son bien par une clause résolutoire scélérate,

- que cette clause doit être jugée nulle comme étant abusive en application des articles 1134, 1135 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation,

- qu'en réalité, la convention des parties s'analyse en un crédit vendeur avec une clause habituellement réservée aux ventes en viager et qu'elle aurait eu un sort meilleur si elle s'était adressée à une banque,

- qu'elle doit faire face aujourd'hui à une procédure de divorce avec M. M. et à des difficultés pécuniaires importantes.

[*]

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 3 mars 2020, Mme W. demande de son côté à la cour :

- de juger l'appel irrecevable,

- de confirmer intégralement le jugement du tribunal de grande instance de Roanne,

- de débouter Mme X. de toutes ses prétentions,

- d'ordonner l'expulsion immédiate de M. et Mme Y. ainsi que celle de tous occupants et objets de leur chef du logement sis à [...] et ce, avec l'assistance de la force publique si besoin est,

- de condamner solidairement M. et Mme Y. aux dépens ainsi qu'au paiement de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que le jugement a été signifié à Mme X., le11 juillet 2019 et à M. Y. le 8 août 2019 et que Mme X., ne justifie pas de la demande d'aide juridictionnelle qu'elle dit avoir déposée,

- que les parties ont convenu d'une vente d'immeubles avec paiement à terme,

- que la clause résolutoire contestée a été expressément convenue dans l'acte de vente,

- que le défaut de paiement des échéances par les acquéreurs a entraîné pour elle des difficultés financières car elle ne perçoit que le RSA, ainsi qu'un grave état dépressif ayant nécessité son hospitalisation en psychiatrie par suite d'une tentative de suicide, de sorte qu'elle subit un préjudice moral important,

- qu'à ce jour, la maison est inoccupée et laissée à l'abandon.

[*]

M. Y. n'a pas constitué avocat devant la cour.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 dispose :

Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

a) de la notification de la décision d'admission provisoire ;

b) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

c) de la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

d) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Attendu, en l'espèce, que le jugement du 10 mai 2019 a été signifié à Mme X. le11 juillet 2019, que celle-ci a déposé une demande d'aide juridictionnelle, le 5 août 2019, dans le délai d'appel d'un mois, que la décision de son admission à l'aide juridictionnelle est intervenue le 5 septembre 2019 et que Mme X. a ensuite régularisé sa déclaration d'appel dans le nouveau délai qui lui était imparti, le 17 septembre 2019 ;

Qu'il s'ensuit que l'appel est recevable ;

 

2) Sur le fond :

- Sur la demande d'annulation de la clause résolutoire :

Attendu que l'acte authentique de vente avec paiement à terme, conclu entre Mme W. et les époux Y., le 20 octobre 2008, comporte sous l'intitulé « Conditions du paiement à terme » les stipulations suivantes :

«1-) ... A défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de remboursement du capital et d'un seul terme d'intérêts, la présente vente sera résolue de plein droit, purement et simplement, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable, ni de remplir de formalité judiciaire nonobstant une offre postérieure de paiement.

Lors de la résolution toutes les sommes versées par l'acquéreur au vendeur pour quelque motif que ce soit et toute amélioration apportée à l'immeuble vendu seront de plein droit définitivement acquis au vendeur, sans recours ni répétition, à titre de dommages-intérêts et d'indemnité forfaitaire » ;

Attendu que ces stipulations, conformément à l'article 1134 du code civil, ont force obligatoire entre les parties et doivent être exécutées de bonne foi ;

Qu'elles ne contredisent pas l'économie générale de la convention à terme conclue dans l'intérêt des deux parties ;

Que les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, invoquées par l'appelante ne sont pas applicables au cas de l'espèce, s'agissant d'un contrat de vente qui lie deux parties non professionnelles ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de faire droit à la demande d'annulation de la clause résolutoire contractuelle au motif qu'elle serait abusive ;

 

- Sur la demande de résolution de la vente :

Attendu qu'aux termes de l'article 1184 (ancien) du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ;

Attendu en l'espèce que Mme W. sollicite devant la cour, comme devant le premier juge, la résolution judiciaire de la vente conclue entre les parties ;

Attendu qu'il est constant que dès le mois de décembre 2010 les époux Y. ont pris du retard dans le règlement des échéances prévues au contrat et qu'ils ont complètement cessé de régler ces échéances à compter du mois de mai 2018 ;

Qu'il n'apparaît pas qu'ils ont formulé auprès du vendeur des propositions d'apurement de tout ou partie de leur dette, étant relevé que toutes les procédures d'exécution diligentées contre eux par Mme W. sont demeurées infructueuses ;

Attendu que la défaillance des époux Y. dans l'exécution de leurs obligations contractuelles pendant cette longue période est d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution de la vente et qu'il convient donc de confirmer le jugement querellé sur ce point avec la conséquence de droit concernant la restitution de la propriété de l'immeuble au vendeur ;

Que dans ces conditions, la demande de délai de grâce formulée par Mme X. pour vendre ce même immeuble ne peut qu'être rejetée ;

Attendu qu'il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il a décidé, conformément aux stipulations contractuelles précitées, que les sommes versées par les acquéreurs et toutes les améliorations apportées par eux à l'immeuble vendu seront définitivement acquises à Mme W. à titre de dommages-intérêts et d'indemnité forfaitaire, étant noté que Mme X. ne formule pas d'observations particulières sur ces dispositions constitutives d'une clause pénale ;

 

- Sur la demande en paiement de l'arriéré :

Attendu que Mme W. réclame le paiement de 8 mensualités de 990,56 €, de mai à décembre 2018 ainsi que la dernière échéance bisannuelle de 25.058,88 €, soit au total 32.981,36 € ;

Qu'il convient, à l'instar du premier juge, de faire droit à cette demande, sauf à fixer le taux de l'intérêt moratoire à compter de l'acte introductif de première instance, au taux conventionnel de 5,50 % majoré de deux points, comme le prévoit l'acte de vente du 20 octobre 2008 ;

Attendu que Mme X. ne formule aucune proposition concrète de paiement, pouvant permettre l'examen du délai de grâce sollicitée sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil, de sorte que sa demande de ce chef sera également rejetée ;

 

- Sur la demande d'expulsion :

Attendu que par suite de la résolution de la vente de l'immeuble, Mme W. est en droit de prétendre à la libération des lieux et qu'il sera donc fait droit à cette demande ;

 

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts supplémentaires :

Attendu qu'à l'appui de cette demande Mme W. verse aux débats des documents de 2018 et 2019 révélant ses faibles ressources et dans lesquels il est indiqué qu'elle est hébergée par des proches ;

Qu'elle produit aussi un certificat médical mentionnant un effondrement important de l'humeur, un profond désarroi avec des velléités suicidaires qu'elle attribue au non-paiement par les époux Y. des sommes qui lui étaient dues ;

Attendu toutefois qu'il ne résulte pas de ces documents la preuve d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité forfaitaire contractuelle et les intérêts moratoires ;

Qu'en conséquence et contrairement à l'avis du premier juge ce chef de demande ne peut prospérer ;

 

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que les dispositions du jugement querellé concernant les dépens et les frais irrépétibles de première instance doivent être confirmées ;

Attendu que les époux Y. supporteront les dépens d'appel et devront régler en cause d'appel à Mme W. la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Dit l'appel recevable,

Déboute Mme X., épouse Y., de ses demandes d'annulation de la clause résolutoire et de délais de grâce,

Confirme le jugement querellé, sauf sur le taux des intérêts moratoires et sur la condamnation des époux Y. au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la somme de 32.981,36 € due par M. Y. et Mme X., épouse Y. à Mme W. sera assortie des intérêts au taux annuel de 5,50 %, majoré de deux points, à compter du 18 février 2019,

Déboute Mme W. de sa demande en paiement de dommages-intérêts supplémentaires pour préjudice moral,

Y ajoutant,

Dit que dans le mois de la signification du présent arrêt, M. Y. et Mme X., épouse Y., devront libérer la propriété cadastrée section ZH n°44, sise [...] et la rendre libre de tous occupants et objets de leur chef, faute de quoi ils pourront en être expulsés, au besoin avec l'assistance de la force publique,

Condamne solidairement M. Y. et Mme X., épouse Y. à payer à Mme W. la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement M. Y. et Mme X., épouse Y. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                    LA PRÉSIDENTE