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CA DOUAI (2e ch. 1), 27 mai 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (2e ch. 1), 27 mai 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 20/03839
Date : 27/05/2021
Nature de la décision : Compétence
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/09/2020
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8962

CA DOUAI (2e ch. 1), 27 mai 2021 : RG n° 20/03839

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Pour autant, il résulte des éléments de la procédure qu'à l'audience du 17 mars 2020, la cour a renvoyé l'affaire à la mise en état. Cette décision emporte de plein droit la révocation de l'ordonnance de clôture antérieure, et le conseiller de la mise en état était donc bien compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel devant la cour de Douai, qu'il devait relever d'office. »

2/ « Ceci étant exposé, la société Minoterie de Leforest a fait assigner M. et Mme X. en paiement devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version applicable antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016 et les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6 du Code du commerce, ce qui n'est pas contesté.

Or aux termes de l'article D. 442-3 du code du commerce dans sa version issue du décret du 11 novembre 2009, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre, et la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Cette compétence spéciale s'applique dès lors que l'article L. 442-6 du code du commerce est invoqué comme simple moyen de défense, même à titre reconventionnel, peu important que le demandeur ne fonde pas ses demandes sur cet article ou que le tribunal ait statué sur un autre fondement dès lors que l'application de l'article D. 442-3 du code du commerce susvisé n'est pas subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes.

Le tribunal de commerce de Lille Métropole est une juridiction spécialement désignée pour statuer sur les actions en application de l'article L. 442-6 ancien du code du commerce.

En conséquence, c'est à bon droit que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel formé devant la cour de Douai par la société Minoterie de Leforest à l'encontre du jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

DEUXIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

DÉFÉRÉ DU 27 MAI 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03839. N° Portalis DBVT-V-B7E-TGVV. [Recours sur] Ordonnance d'incident (N°20/217) rendue le 17 septembre 2020 par la Cour d'appel de Douai.

 

Demanderesse au déféré :

La SAS Minoterie de Leforest

société par actions simplifiées agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège, ayant son siège social [adresse], représentée et assistée par Maître Isabelle C.-M., avocat au barreau de Lille

 

Défendeurs au déféré :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse]

Madame Y. épouse X.

née [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse]

représentés par Maître Virginie L., avocat au barreau de Douai, assistés par Maître Sandrine M., avocat au barreau de Lille

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Véronique Renard, président de chambre, Geneviève Créon, conseiller, Danielle Thébaud, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier

DÉBATS à l'audience publique du 11 février 2021 après rapport oral de l'affaire par Véronique Renard.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021après prorogation du délibéré initialement prévu le 22 avril 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, président, et Audrey Cerisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'ordonnance rendue le 17 septembre 2020 par le conseiller de la mise en état de cette cour (2ème section), qui a :

- déclaré irrecevable l'appel formé par la société Minoterie de Leforest à l'encontre du jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole,

- condamné la société Minoterie de Leforest aux dépens de l'incident,

Vu la requête en déféré à la cour de ladite ordonnance de la société Minoterie de Leforest, en date du 29 septembre 2020,

[*]

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 janvier 2021 par la société Minoterie de Leforest qui demande à la cour de :

A titre principal,

- déclarer recevable la présente requête en déféré de l'ordonnance rendue le 17 septembre 2020 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai,

A titre principal,

- déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour se prévaloir de l'irrecevabilité de la déclaration d'appel régularisée le 21 janvier 2019 par la société Minoterie de Leforest,

A titre subsidiaire,

- constater que le tribunal de commerce de Lille Métropole n'a pas statué en tant que juridiction spécialisée,

- « confirmer » que la déclaration d'appel du 21 janvier 2019 n'a pas dévolu à la cour d'appel de Douai un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- « confirmer » en conséquence la compétence de la cour d'appel de Douai pour statuer sur le litige en cause dont appel,

En tout état de cause,

- déclarer recevable la déclaration d'appel régularisée par la Sas Minoterie de Leforest le 21 janvier 2019 devant la cour d'appel de Douai,

- infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, en date du 17 septembre 2020,

- condamner in solidum M. X. et Mme X. au paiement d'une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. X. et Mme X. au paiement des entiers frais et dépens,

- débouté M. X. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

[*]

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 02 décembre 2020 par Mme Y. épouse X. et M. X., qui demandent à la cour de :

A titre principal,

- déclarer le conseiller de la mise en état compétent pour constater l'irrecevabilité de la déclaration d'appel régularisée le 21 janvier 2019 par la Sas Minoterie de Leforest,

- confirmer l'ordonnance entreprise,

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable la déclaration d'appel régularisée par la Sas Minoterie de Leforest le 21 janvier 2019 devant la cour d'appel de Douai,

En tout état de cause,

- condamner la société Minoterie de Leforest, au paiement d'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Minoterie de Leforest au paiement des entiers frais et dépens,

[*]

Vu l'audience du 11 février 2021,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Minoterie de Leforest est une société spécialisée dans la fabrication et la vente de farines panifiables.

Par acte sous seing privé en date du 13 mai 2009, la société Minoterie de Leforest a consenti à M. et Mme X. un prêt d'un montant de 20.066,48 euros destiné au financement de la modification de la façade de leur fonds de commerce de boulangerie et pâtisserie, situé à [...], exploité sous l'enseigne Z. Une convention commerciale a été insérée à l'acte de prêt, par laquelle M. et Mme X. se sont engagés à s'approvisionner de manière exclusive auprès de la société Minoterie de Leforest à hauteur de 240 quintaux par an.

M. et Mme X. faisant face à des difficultés financières, la société Minoterie de Leforest leur a consenti, par acte en date du 10 juin 2014, un second prêt d'un montant de 15.000 euros, remboursable en 52 échéances mensuelles de 311,31 euros, le paiement de la première échéance devant avoir lieu le 10 juillet 2014. Une convention commerciale a été insérée à l'acte de prêt, par laquelle M. et Mme X. se sont engagés à s'approvisionner de manière exclusive auprès de la société Minoterie de Leforest pour une durée de 52 mois consécutifs et ininterrompus, à hauteur de 504 quintaux de farine par an minimum, soit 2016 quintaux de farine sur la totalité de la période.

Suivant courrier du 29 avril 2015, M. X. a demandé à procéder au remboursement anticipé du prêt, ce qui a été accepté le 22 mai 2015. Il a adressé à la société Minoterie de Leforest un chèque d'un montant de 11.737,60 euros correspondant au solde du prêt au mois de mai 2015.

M et Mme X. ont par la même occasion mis un terme à leurs approvisionnements en farine, la dernière livraison ayant été effectuée au mois de décembre 2015.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er août 2017, la société Minoterie de Leforest a mis M. et Mme X. en demeure de reprendre leurs approvisionnements en farine, en leur précisant qu'elle entendait, à défaut d'exécution, solliciter le paiement de l'indemnité forfaitaire d'un montant de 18 euros HT calculée sur les volumes de farine non livrés.

Par courrier du 26 septembre 2017, M et Mme X. ont contesté le paiement de l'indemnité de rupture en indiquant que l'engagement d'approvisionnement exclusif était frappé de nullité.

Par acte d'huissier du 8 novembre 2017, la société Minoterie de Leforest a fait assigner M. et Mme X. en paiement devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement rendu le 20 novembre 2018, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit et jugé abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation la clause de l'article 3 de la convention commerciale,

- dit et jugé nulle la clause pénale attachée au nom respect des dispositions de l'article 3 de la convention commerciale,

- débouté la société Minoterie de Leforest de sa demande de paiement par les époux X. de la somme de 34.081,78 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure du 1er août 2017,

- débouté la société Minoterie de Leforest de sa demande de paiement de la somme de 3.500 euros en dommages et intérêts,

- débouté les époux X. de leur demande de paiement par la société Minoterie de Leforest de la somme de 4.380 euros,

- condamné la société Minoterie de Leforest à payer aux époux X. la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Minoterie de Leforest aux frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 77,08 euros en ce qui concerne les frais de greffe,

Par déclaration du 21 janvier 2019, la société Minoterie de Leforest a relevé appel de cette décision.

Dans la procédure au fond enregistrée sous le RG 19/00460, la société Minoterie de Leforest a conclu au fond en dernier lieu le 19 février 2020, les époux X. le 2 mars 2020 et l'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2020.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries devant la cour du 17 mars 2020 avant d'être renvoyée à une audience de mise en état du 24 juin 2020.

Par note adressée le 18 mai 2020, le conseiller de la mise en état a invité les parties à lui faire connaître leurs observations avant le 16 juin 2020 sur le moyen relevé d'office de l'irrecevabilité de l'appel devant la cour de Douai, compte tenu du débat portant sur l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans la convention conclue le 10 juin 2014, en application de l'article L. 442-6 du code de commerce.

Par message adressé par le RPVA le 12 juin 2020, la société Minoterie de Leforest a soutenu que la cour d'appel de Douai était compétente, en faisant valoir que le tribunal de commerce de Lille n'avait pas été saisi en tant que juridiction spécialisée. Elle a indiqué être à l'origine de l'action, fondée sur les articles 1134 et 1147 du code civil et ajouté que le tribunal de commerce de Lille a rendu sa décision sur le fondement de l'article L. 132-1 du code de la consommation et non sur celui de l'article L. 442-6 du code de commerce.

Par message adressé par le RPVA le 9 juin 2020, les époux X. ont indiqué que l'appel était irrecevable devant la cour de Douai, rappelant avoir invoqué le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dès la première instance.

L'affaire a à nouveau été renvoyée à l'audience de mise en état du 8 septembre 2020, date à laquelle a été plaidé l'incident soulevé d'office par le conseiller de la mise en état.

C'est dans ces circonstances que l'ordonnance déférée à la cour a été rendue le 17 septembre 2020.

 

Sur la compétence du conseiller de la mise en état :

La société Minoterie de Leforest, demanderesse au déféré, qui se prévaut des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile dans leur version antérieure au décret du 6 mai 2017, lequel est pourtant applicable depuis le 1er septembre 2017, conteste à titre principal la compétence du conseiller de la mise en état pour soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel devant la cour de Douai le 18 mai 2020, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture intervenue le 10 mars 2020.

Les époux X. répliquent sur ce point que le principe du contradictoire a été respecté.

Pour autant, il résulte des éléments de la procédure qu'à l'audience du 17 mars 2020, la cour a renvoyé l'affaire à la mise en état. Cette décision emporte de plein droit la révocation de l'ordonnance de clôture antérieure, et le conseiller de la mise en état était donc bien compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel devant la cour de Douai, qu'il devait relever d'office.

 

Sur la recevabilité de l'appel :

Pour conclure à l'infirmation de l'ordonnance déférée qui a déclaré l'appel irrecevable devant la cour de Douai, la société Minoterie de Leforest fait valoir que le tribunal de commerce de Lille Métropole n'a pas statué en tant que juridiction spécialisée puisqu'il ne s'est pas prononcé sur l'application de l'article L. 442-6 du code du commerce et que la cour n'a pas été saisie du litige relatif à l'application de ces dispositions, l'appel ayant été limité aux dispositions du jugement ayant retenu l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Les époux X. répliquent que la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des litiges portant sur un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties dans le cadre de certains contrats et qu'en l'espèce, ils ont sollicité en première instance la nullité de leur engagement d'approvisionnement exclusif sur le fondement de l'article L. 442-6 du code du commerce, que le tribunal a bien statué en qualité de juridiction spécialisée et que dès lors l'appel interjeté devant la cour de Douai doit être déclaré irrecevable.

Ceci étant exposé, la société Minoterie de Leforest a fait assigner M. et Mme X. en paiement devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version applicable antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016 et les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6 du Code du commerce, ce qui n'est pas contesté.

Or aux termes de l'article D. 442-3 du code du commerce dans sa version issue du décret du 11 novembre 2009, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre, et la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

Cette compétence spéciale s'applique dès lors que l'article L. 442-6 du code du commerce est invoqué comme simple moyen de défense, même à titre reconventionnel, peu important que le demandeur ne fonde pas ses demandes sur cet article ou que le tribunal ait statué sur un autre fondement dès lors que l'application de l'article D. 442-3 du code du commerce susvisé n'est pas subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes.

Le tribunal de commerce de Lille Métropole est une juridiction spécialement désignée pour statuer sur les actions en application de l'article L. 442-6 ancien du code du commerce.

En conséquence, c'est à bon droit que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel formé devant la cour de Douai par la société Minoterie de Leforest à l'encontre du jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

 

Sur les autres demandes :

L'issue du litige commande de condamner la société Minoterie de Leforest aux dépens de la présente procédure de déféré.

Enfin aucune considération ne justifie l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au présent litige.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour soulever l'irrecevabilité de la déclaration d'appel régularisée le 21 janvier 2019 par la SAS Minoterie de Leforest.

Déboute la SAS Minoterie de Leforest de l'ensemble de ses demandes.

En conséquence,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 septembre 2020 par le conseiller de la mise en état.

Condamne la société Minoterie de Leforest aux dépens de la présente procédure de déféré.

Le greffier                             La présidente

Audrey Cerisier                   Véronique Renard