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CA POITIERS (2e ch. civ.), 1er juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 1er juin 2021
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 19/03961
Décision : 21/265
Date : 1/06/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/12/2019
Numéro de la décision : 265
Référence bibliographique : 6151 (1171, application dans le temps), 6296 (cautionnement)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8985

CA POITIERS (2e ch. civ.), 1er juin 2021 : RG n° 19/03961 ; arrêt n° 265 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Monsieur X. oppose ensuite à la société Banque Populaire les termes de l'article 1171 du code civil en vertu desquels, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Ce moyen est néanmoins inopérant en ce que l'article 1171 du code civil est, dans la rédaction dont excipe « 'appelant, postérieur aux deux contrats litigieux puisque cette rédaction résulte de l'article 2 de l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 puis a été modifiée par l'article 7 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018

Toutefois, il est constant en droit que, en vertu de l'article L. 622-29 du code de commerce et, par renvoi, de l'article L. 631-14 du même code, le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé ; que, par application combinée de ces dispositions avec celles de l'article 2290 du code civil, qui prévoient que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, la caution bénéficie également de la règle du maintien du terme ; que, dès lors, nonobstant toute clause contraire qui doit être réputée non écrite, la déchéance du terme qui n'est pas encourue par le débiteur principal en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire ne peut, compte tenu du caractère accessoire du cautionnement, être invoquée contre la caution. En conséquence, la cour regardera comme non écrites les stipulations contractuelles respectives des contrats du 21 mai 2010, du 6 août 2012 et du 16 février 2016. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1re JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/03961. Arrêt n° 265. N° Portalis DBV5-V-B7D-F5CD. Décision déférée à la Cour : jugement du 26 novembre 2019 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de NIORT.

 

APPELANTE :

BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. [...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Paul M. de la SCP M. AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [adresse], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Stéphane P. de la SCP D'AVOCATS TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS.

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Sophie BRIEU, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie BRIEU, Conseiller, Monsieur Fabrice VETU, Conseiller.

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU.

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I.] Par contrat en date du 21 mai 2010, la société coopérative Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique a consenti à la société à responsabilité limitée LB Finances un prêt d'un montant principal de 670.000 euros amortissable en sept échéances annuelles au taux effectif global de 3,8263 % l'an.

Monsieur X. s'est porté caution solidaire de cet emprunt, dans la limite de la somme de 217.750 euros, par acte en date du 21 mai 2010.

Par contrat en date du 16 février 2016, la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique a consenti à la société LB Finances un prêt d'un montant principal de 200.000 euros amortissable en 48 échéances mensuelles au taux nominal de 2,35 % l'an.

Monsieur X. s'est porté caution solidaire de cet emprunt, dans la limite de la somme de 200.000 euros, par acte en date du même jour.

Par jugement en date du 14 décembre 2016, le tribunal de commerce de Niort a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société LB Finances puis, le 7 mars 2018, a arrêté le plan de redressement de cette société et désigné la société H. en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par lettre recommandée en date du 16 janvier 2017, la société Banque Populaire a mis Monsieur X. en demeure d'honorer ses obligations en sa qualité de caution solidaire de la société LB Finances.

II.] Par acte reçu le 31 août 2012 par Maître P., notaire à [ville C.], la société Banque Populaire a consenti à la société à responsabilité limitée C.P.L. un concours financier sous la forme de découvert en compte courant à hauteur de 300.000 euros au taux Euribor 3 mois majoré de 2,20 %.

Maître P. a également reçu, dans le même acte, le principe de l'engagement de caution solidaire de Monsieur X. qui a garanti, dans la limite de la somme de 300.000 euros, le paiement des sommes dues par la société C.P.L. au titre de cette ligne de crédit et a affecté à cette garantie une hypothèque de premier rang au bénéfice de la société Banque Populaire sur un immeuble situé [ville A.] ; les conditions particulières de ce cautionnement ont toutefois été formalisées dans un acte sous seing privé en date du 6 août 2012.

La société C.P.L. a été placée en procédure de sauvegarde en exécution d'un jugement du tribunal de commerce de Niort en date du 21 décembre 2016, lequel a, par jugement en date du 7 mars 2018, arrêté un plan de sauvegarde d'une durée de 120 mois et nommé la société H. en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan.

La société Banque Populaire a, par lettre recommandée en date du 16 janvier 2017, rappelé à Monsieur X. son engagement de caution en l'informant de l'existence d'un solde débiteur du compte courant de la société C.P.L pour un montant de 299.015,50 euros arrêté au 20 décembre 2016.

III.] Par assignation délivrée le 30 novembre 2018, la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique a fait assigner Monsieur X. devant le tribunal de commerce de Niort aux fins de paiement de diverses sommes au titre des trois cautionnements énoncés supra.

Par jugement prononcé le 26 novembre 2019, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- dit et juge la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique mal fondée ;

- déboute la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamne la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 11 décembre 2019.

* * *

Par dernières conclusions communiquées le 18 février 2020 par voie électronique, la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique demande à la cour de :

Vu les articles 2288 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable à l'espèce,

Vu l'article L. 622-28 alinéa 2 et l'article R. 622-26 du code de commerce,

- réformer le jugement rendu le 26 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Niort en toutes ses dispositions et en conséquence,

- condamner Monsieur X. à verser à la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique pour les causes sus énoncées, en sa qualité de caution de la société LB Finances, les sommes de :

- au titre de son engagement de caution du prêt n° 088XX4 en date du 16 février 2016 à concurrence de 200.000 euros : la somme de 164.940,20 euros arrêtée au 24 février 2017, outre intérêts au taux contractuel de 2,35 % à compter du 25 février 2017 jusqu'à parfait règlement,

- au titre de son engagement de caution du prêt n° 07YY68 en date du 21 mai 2010 à concurrence de 670.000 euros : la somme de 341.912,54 euros arrêtée au 24 février 2017, outre intérêts au taux contractuel de 3,80 % à compter du 25 février 2017 jusqu'à parfait règlement ;

- condamner Monsieur X. à verser à la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique pour les causes sus énoncées, en sa qualité de caution de la société C.P.L., la somme de 299.497,46 euros arrêtée au 24 février 2017 outre intérêts au taux légal à compter du 25 février 2017 et jusqu'à parfait règlement ;

- dire que l'exécution du jugement à venir sera suspendu, pour ce qui concerne l'engagement de caution au titre de la société C.P.L., pendant l'exécution du plan de sauvegarde et jusqu'à sa résolution ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner Monsieur X. à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

* * *

Par dernières écritures communiquées le 28 avril 2020 par voie électronique, Monsieur X. demande à la cour de :

Vu les articles L. 621-49, L. 626-11 et L. 641-3 du code de commerce,

Vu l'article 1171 du code civil,

- débouter la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique de son appel le jugeant mal fondé ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique à payer à M. X. la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

* * *

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2020.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique fait grief au jugement déféré d'avoir retenu qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'exigibilité des sommes dues à l'égard des deux sociétés débitrices et d'en avoir tiré la conséquence qu'elle ne pouvait donc s'en prévaloir à l'égard de la caution, déboutant ainsi la banque de ses demandes.

L'appelante rappelle qu'elle ne discute pas le principe selon lequel l'ouverture d'une procédure de redressement ou de sauvegarde ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé ; elle soutient que, toutefois, en ce qui concerne la caution, les parties peuvent déroger conventionnellement à cette règle et fait valoir que, en l'espèce, une telle dérogation a été expressément stipulée aux deux contrats de cautionnement des obligations de la société LB Finances.

L'appelante excipe ainsi du dernier alinéa de l'article 2 du contrat en date du 21 mai 2010 exprimé dans les termes suivants : « Nonobstant l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de la déchéance du terme de l'obligation ci-dessus, en cas d'échéance impayée, le défaut de paiement par mes soins de ladite échéance après mise en jeu de mon engagement par la banque entraînera de plein droit à mon égard l'exigibilité de l'intégralité des sommes dues au titre de cette obligation. »

La société Banque Populaire se prévaut également, à ce titre, de la dernière phrase de l'article 2 du contrat de cautionnement en date du 16 février 2016 ainsi rédigée : « Nonobstant l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de la déchéance du terme de l'obligation ci-dessus, en cas d'échéance impayée, le défaut de paiement par ses soins de ladite échéance après mise en jeu de son engagement par la banque entraînera de plein droit à son égard l'exigibilité de l'intégralité des sommes dues au titre de cette obligation. »

Également, il apparaît que le contrat de cautionnement en date du 6 août 2012 mentionne un article 3 alinéa 4 ainsi exprimé : « Nonobstant l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de la déchéance du terme d'une obligation concernée, en cas d'échéance impayée, le défaut de paiement par mes soins de ladite échéance après mise en jeu de mon engagement par la banque entraînera de plein droit à mon égard l'exigibilité de l'intégralité des sommes dues au titre de cette obligation. »

L'appelante rappelle enfin qu'elle a, par courrier en date du 16 janvier 2017 reçu le 18 janvier suivant par Monsieur X., mis en demeure la caution de régler, en lieu et place des sociétés débitrices, les échéances en retard ainsi que les échéances à échoir ; cette mise en demeure n'ayant pas été suivie d'effet, la société Banque Populaire en tire la conséquence de l'exigibilité anticipée à l'encontre de la caution de la totalité des dettes des sociétés LB Finances et C.P.L.

L'intimé lui oppose tout d'abord le fait qu'il est de principe que l'exigibilité anticipée de la dette est inopposable à la caution, sauf convention contraire expresse ; il soutient que, en l'espèce, les contrats litigieux ne prévoient aucune stipulation de renonciation expresse à se prévaloir de l'inopposabilité de la déchéance du terme.

La cour observe que ce moyen est sans objet puisque l'appelante précise qu'elle agit contre la caution non en suite de la déchéance du terme ayant sanctionné les sociétés débitrices principales - qui n'est pas encourue - mais en application d'une stipulation contractuelle propre au contrat de cautionnement qui prévoir une déchéance du terme autonome à l'égard de la caution.

Monsieur X. oppose ensuite à la société Banque Populaire les termes de l'article 1171 du code civil en vertu desquels, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

Ce moyen est néanmoins inopérant en ce que l'article 1171 du code civil est, dans la rédaction dont excipe l'appelant, postérieur aux deux contrats litigieux puisque cette rédaction résulte de l'article 2 de l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 puis a été modifiée par l'article 7 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018.

Toutefois, il est constant en droit que, en vertu de l'article L. 622-29 du code de commerce et, par renvoi, de l'article L. 631-14 du même code, le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé ; que, par application combinée de ces dispositions avec celles de l'article 2290 du code civil, qui prévoient que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, la caution bénéficie également de la règle du maintien du terme ; que, dès lors, nonobstant toute clause contraire qui doit être réputée non écrite, la déchéance du terme qui n'est pas encourue par le débiteur principal en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire ne peut, compte tenu du caractère accessoire du cautionnement, être invoquée contre la caution.

En conséquence, la cour regardera comme non écrites les stipulations contractuelles respectives des contrats du 21 mai 2010, du 6 août 2012 et du 16 février 2016.

Dès lors, étant par ailleurs rappelé que l'exigibilité des créances litigieuses n'était pas encourue avant l'ouverture des procédures de redressement de la société LB Finances et de sauvegarde de la société C.P.L., le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique de sa demande en paiement formée contre Monsieur X. en sa qualité de caution ainsi qu'en ce qu'il a condamné la société Banque Populaire à indemniser les frais irrépétibles de Monsieur X. à hauteur de 1.000 euros et à payer les dépens.

Y ajoutant, la cour condamnera l'appelante à verser à l'intimé la somme de 3.000 euros en indemnité de procédure et à payer les dépens de l'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement prononcé le 26 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Niort.

Y ajoutant,

Condamne la société Banque Populaire Centre Atlantique à payer à Monsieur X. la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Banque Populaire Centre Atlantique à payer les dépens de l'appel.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,