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CA VERSAILLES (16e ch.), 3 juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 3 juin 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 20/01853
Date : 3/06/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/03/2020
Référence bibliographique : 5997 (indice, recommandation), 6619 (TEG)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8997

CA VERSAILLES (16e ch.), 3 juin 2021 : RG n° 20/01853

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « S'agissant d'un prêt immobilier consenti à un consommateur, la nullité de la clause d'intérêts figurant dans l'offre de prêt n'est pas légalement prévue à l'article L. 312-33 devenu L. 341-34 du code de la consommation qui sanctionne par la déchéance éventuelle du droit aux intérêts conventionnels les irrégularités de l'offre telles que la mention erronée du TEG dans l'offre de crédit en méconnaissance de l'article L. 312-8 devenu L. 313-25 du même code. (Civ. 1re, 6 juin 2018, n°17-16300).

Pour couper court à toutes discussions, la doctrine de principe désormais affirmée par la Cour de Cassation (Civ. 1re,10 juin 2020, n° 18-24287) consiste, pour permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement commis et le préjudice subi par l'emprunteur, dans tous les contrats, y compris ceux qui ont été souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, à uniformiser le régime des sanctions, et sans plus distinguer entre l'offre de crédit et le contrat de prêt, à juger qu'en cas d'omission du taux effectif global, dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la détermination de ce taux dans un tel écrit, le prêteur pourra être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la demande tendant au prononcé d'une sanction non prévue par les textes ne pouvait qu'être déclarée irrecevable. Le jugement qui tout en se référant à des motifs identiques, sans par conséquent examiner le fond de la demande, en a débouté M. X., sera réformé en ce sens. »

2/ « Selon lui, cette clause serait abusive, et devrait ipso facto priver le prêteur du bénéfice de la stipulation d'intérêts conventionnels.

En réalité, cette clause, dite du douzième mensuel se borne à exposer les bases théoriques de rapport ou d'équivalence présidant à l'amortissement du prêt, de manière uniforme sur toute sa durée, mais elle n'implique pas par elle-même que l'amortissement du prêt ait été conçu sur la base de l'année dite lombarde.

Une telle clause, figurant dans l'offre de crédit, outre qu'elle n'est pas concernée par la recommandation n°05-02 de la Commission des clauses abusives du 14 avril 2005 applicable uniquement en matière de conventions de compte de dépôt, comme le rappelle opportunément la banque, ne serait susceptible de sanctions que pour autant que l'amortissement du prêt serait consenti au détriment des emprunteurs, à des conditions illicites au regard des textes applicables qui exigent que le calcul des intérêts se base sur les dates et périodes correspondant à une année civile de 365 jours, 52 semaines, ou 12 mois normalisés.

D'une part, la clause, rédigée de façon claire, et qui, sauf preuve contraire de M. X. qu'il ne tente même pas de rapporter en l'espèce, n'a ni pour objet, ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt, ne constitue pas une clause abusive.

D'autre part, c'est à M. X. qu'il incombe de démontrer que la banque a fait application à son prêt d'une base illicite de calcul des intérêts à son préjudice.

Mais en l'espèce, la cour observe que M. X., cite les textes et la jurisprudence relativement aux mentions devant figurer sans une offre de prêt soumise aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, et aux erreurs de calculs entachant la détermination du TEG mentionné dans l'offre, sans aucun développement ni démonstration de ce que le TEG de 3,98 % et le taux de période mensuel de 0,332 % figurant à son offre de prêt auraient été calculés sur des bases autres que l'année civile. Sa critique manque donc en fait.

Au demeurant, il est constant qu'au stade de la formation du contrat, dans l'ignorance de la date de déblocage des fonds, les échéances figurant au tableau d'amortissement annexé à l'offre de prêt ne peuvent qu'être numérotées et non datées, de telle sorte que la clause litigieuse dite du douzième mensuel se borne à exposer le calcul théorique de l'amortissement du prêt, de manière uniforme sur toute sa durée. Or les échéances ainsi que la part des intérêts de période reportés au tableau d'amortissement, correspondent exactement au calcul sur la base de l'année civile de 12 mois normalisés sur 365 jours, qui contrairement à ce que soutient M. X. est parfaitement valable en matière de crédit immobilier, et arithmétiquement identique à celle résultant de la base 30/360, que l'année soit bissextile ou pas.

De la même façon, en ce qui concerne cette fois non plus la détermination du TEG mais le calcul des intérêts conventionnels, étant d'ailleurs observé que l'unique pièce versée aux débats par M. X. est l'offre de prêt litigieuse, sans les pièces d'exécution, M. X. qui se borne à critiquer l'impossible équivalence du calcul des intérêts selon la méthode dite lombarde, ou sur la base de l'année civile et l'année civile rapportée au mois normalisé, en raison des échéances « brisées », ne produit pas le tableau d'amortissement d'exécution de son prêt, daté à compter du déblocage des fonds, ni aucune proposition de calcul destinée à démontrer que dans son cas, le calcul des intérêts conventionnels aurait été fait sur une base illicite ayant pour effet de lui faire supporter des intérêts indus. Au contraire, se voyant imposer par l'emprunteur une inversion indue de la charge de la preuve, c'est la Banque Populaire Rives de Paris qui pour se défendre des allégations opposées par son adversaire, verse la démonstration chiffrée par un actuaire, de l'exactitude du calcul des intérêts.

Enfin, pour être complet, si au stade cette fois de l'exécution du contrat, il s'avérait que la banque avait commis une faute dans le calcul des intérêts sur une ou plusieurs échéances notamment les échéances dite « brisées », aboutissant à une surévaluation du montant des intérêts perçus au préjudice de l'emprunteur, il appartenait à ce dernier d'en demander réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la banque. Cependant force est de constater que M. X. n'entre pas dans ce débat, et ne formule au dispositif de ses conclusions, même à titre subsidiaire, aucune demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la banque. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM. XU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 3 JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01853. N° Portalis DBV3-V-B7E-T2QT. Code nac : 53D. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 février 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE : R.G. n° 16/13374.

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [adresse], [...], Représentant : Maître Yann G., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

 

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS

Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L. 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier, et l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit, N° Siret : XXX (RCS Paris), [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Yves-marie R. de la SELARL R. & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0209 - Représentant : Maître Mélina P., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 24881

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 mai 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Sylvie NEROT, Président, Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre émise le 21 août 2013, la société Banque populaire rives de Paris a consenti à M. X. un prêt immobilier d'un montant de 118.000 euros, remboursable en 300 mensualités au TEG affiché de 3,98 %, et un prêt à taux zéro de 24.200 € remboursable en 180 mensualités au TEG de 0,84 %.

Le 25 novembre 2016, invoquant le caractère irrégulier du TEG relatif au premier prêt, M. X. a fait assigner la banque en nullité de la stipulation d'intérêts.

Par jugement contradictoire rendu le 21 février 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- débouté M. X. de l'ensemble de ses prétentions,

- l'a condamné aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL R. & associés, ainsi qu'à payer à la Banque populaire rives de Paris la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 26 mars 2020 M. X. a interjeté appel de cette décision.

[*]

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 17 septembre 2020, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X., appelant, demande à la cour de :

A titre principal :

- réformer le jugement entrepris.

Statuant à nouveau :

- dire recevables les demandes de M. X. ;

- prononcer la nullité de la clause d'intérêts figurant au contrat de prêt et dire que le taux légal devra être substitué au taux contractuel, les intérêts ayant été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours et non sur l'année civile ;

- déclarer non écrite la stipulation d'intérêts, au regard de la recommandation de la Commission des clauses abusives susvisée.

Subsidiairement,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

En toute hypothèse,

- débouter la banque de son appel incident et de toutes ses prétentions ;

- dire, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation que le taux légal de l'année de souscription du contrat de prêt (2013) devra être appliqué ;

- dire que les sommes ayant été réglées par la partie requérante au titre des intérêts devront être ré-imputées sur le capital et que le trop-perçu devra être restitué à la partie demanderesse ;

- condamner la banque à établir, un nouveau tableau d'amortissement avec effet à la date de conclusion du contrat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- dire que les condamnations à intervenir seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de la présente assignation ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;

- condamner la société intimée au paiement de la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, dont attribution à Maître G., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demande M. X. fait valoir :

Sur la motivation du jugement entrepris et la sanction applicable :

- que la motivation de la décision du tribunal judiciaire de Nanterre tient en seulement quelques lignes ; qu'il avait également sollicité la déchéance du droit aux intérêts; que de multiples jurisprudences décident que « l'inexactitude du TEG dans un acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêt » (Civ 1re, 22 mai 2019, n°18-16281), que dès lors la nullité de la stipulation d'intérêt est donc bien la sanction applicable en l'espèce.

Sur le calcul des intérêts sur 360 jours et ses conséquences :

- que la Commission des clauses abusives et la Cour de cassation (Civ. 1re, 19 juin 2013, n° 12-16651) condamnent cette pratique du diviseur 360 ; qu'ainsi, la déchéance du droit aux intérêts de la banque doit systématiquement prononcée lorsque l'étude de l'offre de prêt fera apparaître que le taux a été calculé sur 360 jours ; qu'en l'espèce, l'offre de prêt l'indique en toutes lettres en bas de la page 22 à l'article « conditions financières » ; que dès lors la clause du contrat de prêt prévoyant le calcul des intérêts sur 360 jours est donc abusive et devra être réputée non-écrite.

- que la première chambre civile, par un arrêt du 17 juin 2015 (n°14-14326), a rappelé que cette solution devait être retenue tant pour TEG que pour le taux d'intérêt conventionnel ; que de multiples autres décisions rendues dans toute la France confirment que la pratique de l'année lombarde n'était pas conforme aux dispositions du code de la consommation, (cf. en particulier: Com, 29 novembre 2017, n°16-17802) ;

- qu'il est rappelé que selon la jurisprudence de la cour d'appel de Paris, les années bissextiles de 366 jours doivent impérativement être prises en compte, ce qui écarte tout calcul des intérêts sur la base d'un supposé mois « normalisé » de 30,4166666 jours / 365 jours ; qu'il convient de préciser qu'un douzième d'année civile (365 ou 366 jours) n'est pas égal à un douzième d'année lombarde (360 jours) puisqu'il existe en effet des échéances dites brisées et des échéances d'une durée distincte d'un mois complet ;

- qu'en outre le mois dit « normalisé », correspondant à un douzième d'année civile n'a pas été défini mathématiquement pour le calcul des intérêts ; que la périodicité d'un taux de période défini pour le calcul du TEG est sans lien avec la périodicité de calcul des intérêts; que les intérêts peuvent être calculés en jours exacts sur l'année civile tout en ayant un taux de période et un TEG calculés selon un mois normalisé rapporté à l'année civile ; que toutefois, les prêts mentionnés à l'article L. 312-2 du code de la consommation ne sont pas soumis à l'annexe de l'article R. 313-1 ;

- que les banques assument pleinement la violation de la loi, ce qui constitue en droit une « faute lucrative ».

[*]

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 17 juillet 2020, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Banque populaire rives de Paris, intimée, demande à la cour de :

- déclarer M. X. mal fondé en son appel, l'en débouter ;

- déclarer la Banque populaire rives de Paris recevable et bien fondée en son appel incident,

- infirmer le jugement, uniquement en ce qu'il a déclaré la demande de M. X. recevable, au titre de la nullité de la stipulation d'intérêts.

Statuant à nouveau sur cette disposition,

- déclarer irrecevable M. X., au titre de la nullité de la stipulation d'intérêts,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X., au titre de la nullité de la stipulation d'intérêts

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

- condamner M. X. à payer à la Banque populaire rives de Paris la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. X. aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina P., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions la Banque populaire rives de Paris fait valoir :

Sur l'irrecevabilité de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts :

- que l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel est de jurisprudence constante, irrecevable s'agissant d'un prêt immobilier soumis aux dispositions dérogatoires et d'ordre public des anciens articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, qui dérogent aux dispositions générales posées par l'article 1907 du code civil ; que le législateur a consacré ce principe, désormais inscrit à l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global, règle qui s'applique à l'identique à un acte authentique de prêt (Civ. 1ère, 10 juin 2020, n°18-24284) ; et tant pour le TEG que pour les intérêts conventionnels(Civ. 1ère, 11 mars 2020, n°19-10875) ; et que ce principe ne s'applique pas uniquement en cas d'irrégularité du TEG mais également en cas de calcul des intérêts sur une base autre que l'année civile.

Sur le mal fondé de l'action en nullité de la clause d'intérêt conventionnel :

a) Sur la légalité de la clause critiquée :

- que la clause intitulée « Conditions financières » que critique l'appelant, ne signifie pas que les intérêts auraient été calculés sur une autre période que celle de l'année civile, mais constitue une clause de rapport ou d'équivalence financière ; qu'en l'espèce, et ainsi que le stipule le contrat en page 22 des conditions générales de l'offre de prêt, les intérêts sont remboursés en échéance constante et selon une périodicité mensuelle ; que la clause critiquée ne fait qu'exprimer le rapport de calcul des intérêts pour une année normalisée, ceci que l'année soit, ou non, bissextile, selon une analyse qui a été validée en tout point par la Cour de cassation, qui souligne l'équivalence financière entre ces rapports et, en conséquence, la licéité de la Clause 30/360 (voir notamment : Civ. 1ère, 14 novembre 2019, n°18-18246 ; Civ. 1ère, 20 mai 2020, n°19-13719) ;

- que la clause critiquée ne fait que rappeler l'une des deux méthodes de calcul de l'année normalisée et ne signifie pas, contrairement à ce que M. X. soutient, que les intérêts auraient été calculés au taux conventionnel sur une base de 360 jours ;

b) Sur le prétendu caractère abusif de la clause litigieuse :

- qu'il ressort de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date d'acceptation de l'offre de prêt immobilier, que le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, et l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; que M. X. ne rapporte pas la preuve d'une clause prétendument ambiguë et incompréhensible, ni d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (Civ. 1ère, 11 mars 2020, n°19-10858) ;

- que la recommandation n° 05-02 de la Commission des clauses abusives du 14 avril 2005 est applicable uniquement en matière de conventions de compte de dépôt, et donc inapplicable en l'espèce ;

Sur le calcul des intérêts sur la base de l'année civile :

- qu'en vertu de l'ancien article L. 312-8 du code de la consommation, le prêteur a l'obligation de joindre à son offre de prêt un « échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts » ; que la banque, ignorant au jour de l'émission de son offre de prêt la date à laquelle le déblocage des fonds interviendra, est dans l'incapacité de calculer les échéances d'intérêts sur la base du nombre de jours exact de chaque mois, et n'a d'autre choix pour établir ce tableau d'amortissement, que de « lisser » le nombre de jours de chaque mois en recourant au mois normalisé de 30,41666 jours défini à l'article R. 313-1 du code de la consommation et son annexe, qui s'applique tant en matière de calcul du TEG, que des intérêts conventionnels des crédits immobiliers (Civ. 1ère, 15 juin 2016, n°15-16498 et Civ. 1ère, 4 juillet 2019, n°17-27621) ;

- qu'en l'espèce M. X. se contente de soulever la prétendue irrégularité de la clause sans toutefois prendre la peine de proposer à la cour le moindre calcul ; que dès lors, M. X. ne rapporte pas la preuve, dont il a la charge, d'une erreur commise dans le calcul du TEG ou des intérêts conventionnels ou encore, d'un quelconque préjudice qu'il aurait subi en raison d'une telle erreur ;

- que la Banque populaire rives de Paris démontre de son côté qu'elle a bien calculé le TEG en y intégrant les taux conventionnels sur une année civile et non sur 360 jours.

Sur la sanction applicable :

- Que si par impossible il était retenu que la Banque a commis une erreur dans le calcul des échéances d'intérêts du prêt, la seule sanction applicable consisterait en le remboursement des intérêts trop perçus ;

[*]

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 avril 2021. L'audience de plaidoirie a été fixée au 5 mai 2021 et le prononcé de l'arrêt au 3 juin 2021 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. X. conteste formellement la validité de la clause d'intérêts telle que figurant dans l'offre de prêt immobilier du 21 août 2013, qui soumet expressément le contrat aux dispositions de l'article L. 312-1 et suivants du code de la consommation.

Il a introduit le 25 novembre 2016, une action principale en nullité de la stipulation d'intérêts et substitution du taux légal au taux contractuel ab initio.

 

Sur la recevabilité de l'action en nullité :

S'agissant d'un prêt immobilier consenti à un consommateur, la nullité de la clause d'intérêts figurant dans l'offre de prêt n'est pas légalement prévue à l'article L. 312-33 devenu L. 341-34 du code de la consommation qui sanctionne par la déchéance éventuelle du droit aux intérêts conventionnels les irrégularités de l'offre telles que la mention erronée du TEG dans l'offre de crédit en méconnaissance de l'article L. 312-8 devenu L. 313-25 du même code. (Civ. 1re, 6 juin 2018, n°17-16300).

Pour couper court à toutes discussions, la doctrine de principe désormais affirmée par la Cour de Cassation (Civ. 1re,10 juin 2020, n° 18-24287) consiste, pour permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement commis et le préjudice subi par l'emprunteur, dans tous les contrats, y compris ceux qui ont été souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, à uniformiser le régime des sanctions, et sans plus distinguer entre l'offre de crédit et le contrat de prêt, à juger qu'en cas d'omission du taux effectif global, dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la détermination de ce taux dans un tel écrit, le prêteur pourra être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la demande tendant au prononcé d'une sanction non prévue par les textes ne pouvait qu'être déclarée irrecevable. Le jugement qui tout en se référant à des motifs identiques, sans par conséquent examiner le fond de la demande, en a débouté M. X., sera réformé en ce sens.

En cause d'appel, M. X. a formé une demande subsidiaire en déchéance du droit aux intérêts qu'il convient d'examiner ci-après.

 

Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit de la banque aux intérêts :

Bien que mélangeant les moyens, références textuelles et jurisprudentielles sur le TEG et le taux conventionnel, alors qu'il n'attaque que l'offre de prêt dont le formalisme n'est imposé que pour protéger le consommateur au stade de la formation du contrat, soit à un moment où par hypothèse le prêt n'est pas encore entré en phase d'exécution contractuelle, M. X. cristallise son grief sur une seule clause figurant aux conditions générales en page 22 sur les conditions financières selon laquelle « les intérêts seront calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

Selon lui, cette clause serait abusive, et devrait ipso facto priver le prêteur du bénéfice de la stipulation d'intérêts conventionnels.

En réalité, cette clause, dite du douzième mensuel se borne à exposer les bases théoriques de rapport ou d'équivalence présidant à l'amortissement du prêt, de manière uniforme sur toute sa durée, mais elle n'implique pas par elle-même que l'amortissement du prêt ait été conçu sur la base de l'année dite lombarde.

Une telle clause, figurant dans l'offre de crédit, outre qu'elle n'est pas concernée par la recommandation n°05-02 de la Commission des clauses abusives du 14 avril 2005 applicable uniquement en matière de conventions de compte de dépôt, comme le rappelle opportunément la banque, ne serait susceptible de sanctions que pour autant que l'amortissement du prêt serait consenti au détriment des emprunteurs, à des conditions illicites au regard des textes applicables qui exigent que le calcul des intérêts se base sur les dates et périodes correspondant à une année civile de 365 jours, 52 semaines, ou 12 mois normalisés.

D'une part, la clause, rédigée de façon claire, et qui, sauf preuve contraire de M. X. qu'il ne tente même pas de rapporter en l'espèce, n'a ni pour objet, ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt, ne constitue pas une clause abusive.

D'autre part, c'est à M. X. qu'il incombe de démontrer que la banque a fait application à son prêt d'une base illicite de calcul des intérêts à son préjudice.

Mais en l'espèce, la cour observe que M. X., cite les textes et la jurisprudence relativement aux mentions devant figurer sans une offre de prêt soumise aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, et aux erreurs de calculs entachant la détermination du TEG mentionné dans l'offre, sans aucun développement ni démonstration de ce que le TEG de 3,98 % et le taux de période mensuel de 0,332 % figurant à son offre de prêt auraient été calculés sur des bases autres que l'année civile. Sa critique manque donc en fait.

Au demeurant, il est constant qu'au stade de la formation du contrat, dans l'ignorance de la date de déblocage des fonds, les échéances figurant au tableau d'amortissement annexé à l'offre de prêt ne peuvent qu'être numérotées et non datées, de telle sorte que la clause litigieuse dite du douzième mensuel se borne à exposer le calcul théorique de l'amortissement du prêt, de manière uniforme sur toute sa durée. Or les échéances ainsi que la part des intérêts de période reportés au tableau d'amortissement, correspondent exactement au calcul sur la base de l'année civile de 12 mois normalisés sur 365 jours, qui contrairement à ce que soutient M. X. est parfaitement valable en matière de crédit immobilier, et arithmétiquement identique à celle résultant de la base 30/360, que l'année soit bissextile ou pas.

De la même façon, en ce qui concerne cette fois non plus la détermination du TEG mais le calcul des intérêts conventionnels, étant d'ailleurs observé que l'unique pièce versée aux débats par M. X. est l'offre de prêt litigieuse, sans les pièces d'exécution, M. X. qui se borne à critiquer l'impossible équivalence du calcul des intérêts selon la méthode dite lombarde, ou sur la base de l'année civile et l'année civile rapportée au mois normalisé, en raison des échéances « brisées », ne produit pas le tableau d'amortissement d'exécution de son prêt, daté à compter du déblocage des fonds, ni aucune proposition de calcul destinée à démontrer que dans son cas, le calcul des intérêts conventionnels aurait été fait sur une base illicite ayant pour effet de lui faire supporter des intérêts indus. Au contraire, se voyant imposer par l'emprunteur une inversion indue de la charge de la preuve, c'est la Banque Populaire Rives de Paris qui pour se défendre des allégations opposées par son adversaire, verse la démonstration chiffrée par un actuaire, de l'exactitude du calcul des intérêts.

Enfin, pour être complet, si au stade cette fois de l'exécution du contrat, il s'avérait que la banque avait commis une faute dans le calcul des intérêts sur une ou plusieurs échéances notamment les échéances dite « brisées », aboutissant à une surévaluation du montant des intérêts perçus au préjudice de l'emprunteur, il appartenait à ce dernier d'en demander réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la banque. Cependant force est de constater que M. X. n'entre pas dans ce débat, et ne formule au dispositif de ses conclusions, même à titre subsidiaire, aucune demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la banque.

La banque n'encourt donc en l'espèce aucune déchéance du droit aux intérêts, même partielle, et M. X. doit être débouté de toutes ses demandes.

L'appelant qui échoue en son recours supportera les dépens d'appel, et l'équité commande d'allouer à la banque Populaire Rives de Paris une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement par décision contradictoire rendue en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise, sauf en sa dispositions relative aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu de sanctionner une clause prétendument abusive ;

Déclare irrecevable la demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts ;

Déboute M. X. de sa demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque ;

Condamne M. X. à payer à la société Banque Populaire Rives de Paris la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie NEROT, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                            Le président,