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CA DIJON (2e ch. civ.), 2 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (2e ch. civ.), 2 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 2e ch. civ.
Demande : 19/01239
Date : 2/09/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/07/2019
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3 C. consom.)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9024

CA DIJON (2e ch. civ.), 2 septembre 2021 : RG n° 19/01239 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « A hauteur d'appel, M. X. invoque à titre principal la nullité du contrat litigieux, en faisant valoir que la création d'un site internet était illicite au regard de l'article 39 du code de déontologie des pédicures-podologues auquel il est professionnellement soumis, dès lors que ce texte interdit tous procédés directs ou indirects de publicité.

Toutefois, il résulte des propres pièces de M. X., à savoir un extrait d'un guide explicatif tiré du site internet de l'Ordre national des pédicures podologues, et présentant un « décodage » détaillé de l'article 39, qu'il n'est en réalité aucunement interdit à un pédicure-podologue de créer un site internet, mais qu'il appartient au professionnel de soumettre le contenu du site à l'Ordre, aux fins de vérification de son caractère non publicitaire.

En l'espèce, force est de constater qu'il n'est produit aux débats strictement aucun élément relatif au contenu du site objet du contrat de location, de sorte que M. X. ne démontre nullement qu'il présenterait un caractère publicitaire, et, partant, illicite. Cette demande ne pourra qu'être rejetée. »

2/ « Il n'est pas contesté, ainsi que cela ressort au demeurant du libellé de l'identification des parties figurant au contrat concerné, que la société Locam est une société de financement agréée auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour exercer à titre habituel l'activité de location avec option d'achat.

En tant que telle, elle est soumise aux dispositions du Code monétaire et financier. Or, l'article L. 311-2-II de ce code, relatif à la définition des opérations connexes aux opérations de banque, dispose que les sociétés de financement peuvent effectuer les opérations connexes à leur activité mentionnées notamment au 6 du I du même article, lequel énonce que constituent une activité connexe « les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail ».

Par ailleurs, l'article L. 511-21 du code monétaire et financier relatif aux prestataires de services bancaires, dispose que « l'expression « service bancaire » désigne une opération de banque au sens de l'article L 311-1 ou l'une des activités connexes au sens de l'article I de l'article L 311-2. »

Il résulte de la combinaison de ces textes que la location mobilière effectuée par une société de financement constitue une activité connexe aux opérations de banque, de sorte qu'elle relève bien de la catégorie des services financiers.

Le contrat litigieux porte donc sur un service financier, et, à ce titre échappe à l'application des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation.

Dès lors ainsi que les règles relatives au délai de rétractation et à sa prorogation, telles que prévues aux articles L. 221-18 et L. 221-20 du code de la consommation, ne sont pas applicables au contrat, le premier juge ne pouvait retenir que M. X. s'était valablement rétracté le 16 octobre 2017, en considérant au demeurant de manière erronée que cette rétractation avait entraîné la nullité du contrat, alors qu'elle ne pouvait avoir eu pour effet que de mettre fin aux obligations des parties. »

 

COUR D’APPEL DE DIJON

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 2 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01239. N° Portalis DBVF-V-B7D-FJ4X. Décision déférée à la Cour : au fond du 28 juin 2019, rendue par le tribunal d'instance de Dijon : R.G. n° 18/000654.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES ET MATÉRIELS

agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité au siège social sis : [...], [...], représentée par Maître Florent S., membre de la SCP S.-R., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127, assisté de Maître Michel T., membre de la SELARL LEXI Conseil & Défense, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

domicilié : [adresse], [...], représenté par Maître Vincent C., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 34, assisté de Maître Sandra N., avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 juin 2021 en audience publique devant la cour composée de : Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président, Michel WACHTER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président, Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2021,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 30 septembre 2016, M. X., qui exerce la profession de pédicure-podologue, a conclu avec la SAS Locam un contrat de location de site web fourni par la société 2FCI, moyennant le paiement de 48 mensualités de 180 € TTC.

Par exploit du 2 juillet 2018, faisant valoir que les loyers étaient restés impayés depuis le mois de novembre 2017, et qu'elle avait procédé à la résiliation du contrat en application de ses conditions générales, la société Locam a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Dijon en paiement de la somme de 7.524 €.

M. X. s'est opposé à cette demande, en faisant valoir qu'au regard des dispositions du code de la consommation applicables, il avait valablement exercé son droit de rétractation le 16 octobre 2017.

Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal a retenu qu'en application de l'article L 221-3 du code de la consommation, le contrat conclu entre M. X. et la société Locam relevait des dispositions de ce code, dès lors qu'il avait été signé hors établissement et que, bien que M. X. soit un professionnel, le contrat n'entrait pas dans le champ de son activité principale. Il a ensuite relevé que le contrat ne faisait pas référence à la possibilité de rétractation du locataire, et, rappelant qu'en vertu de l'article L. 212-21-1 du code de la consommation, en l'absence d'information sur le droit de rétractation, celui-ci était prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial déterminé à l'article L. 121-21, il a considéré que M. X. avait valablement exercé son droit de rétractation le 16 octobre 2017, et qu'il avait donc été mis fin au contrat, la réception du matériel et le paiement de mensualités du loyer ne remettant pas en cause la volonté de se rétracter. Il a ajouté que, « par conséquent, il convient de prendre acte de cette rétractation et de prononcer la nullité du contrat. La nullité du contrat principal entraîne, par voie de conséquence, la résiliation du contrat de location financière qui est un contrat accessoire au contrat de location de site web ». Le tribunal a en conséquence :

- déclaré valable la rétractation du 16 octobre 2017 ;

- prononcé la nullité du contrat entre la société Locam et M. X. du 30 septembre 2016 (sic) ;

- débouté la société Locam de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la société Locam à verser à M. X. la somme de 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Locam aux entiers dépens.

La société Locam a relevé appel de cette décision le 26 juillet 2019.

[*]

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2020, l'appelante demande à la cour :

Vu les articles 1103 et suivants et 1231-2 du code civil,

Vu l'article 14 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 221-2-4° du code de la consommation,

Vu les articles 311-2 et 511-21 du code monétaire et financier,

Vu le principe de l'estoppel,

- de dire la concluante recevable et bien fondée en son appel ;

- y faisant droit, de réformer entièrement le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- de condamner M. X. à régler à la société Locam la somme principale de 7.524 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 janvier 2018 ;

- de débouter M. X. de toutes ses demandes ;

- de condamner M. X. à régler à la société Locam une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL Lexi Conseil & Défense, avocats, sur son affirmation de droit.

[*]

Par conclusions notifiées le 24 avril 2021, M. X. demande à la cour :

Vu le code de procédure civile,

Vu le code de la consommation, notamment les articles L. 121-21-1 et L. 221-1 et suivants,

A titre principal,

- de constater la nullité du contrat liant M. X. à la SAS Locam, son objet étant illicite ;

En conséquence :

- de débouter la société Locam SAS de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

- de condamner la société Locam SAS à payer à M. X. la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Locam SAS aux entiers dépens.

[*]

La clôture de la procédure a été prononcée le 4 mai 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, la cour :

Sur la nullité du contrat pour cause illicite :

A hauteur d'appel, M. X. invoque à titre principal la nullité du contrat litigieux, en faisant valoir que la création d'un site internet était illicite au regard de l'article 39 du code de déontologie des pédicures-podologues auquel il est professionnellement soumis, dès lors que ce texte interdit tous procédés directs ou indirects de publicité.

Toutefois, il résulte des propres pièces de M. X., à savoir un extrait d'un guide explicatif tiré du site internet de l'Ordre national des pédicures podologues, et présentant un « décodage » détaillé de l'article 39, qu'il n'est en réalité aucunement interdit à un pédicure-podologue de créer un site internet, mais qu'il appartient au professionnel de soumettre le contenu du site à l'Ordre, aux fins de vérification de son caractère non publicitaire.

En l'espèce, force est de constater qu'il n'est produit aux débats strictement aucun élément relatif au contenu du site objet du contrat de location, de sorte que M. X. ne démontre nullement qu'il présenterait un caractère publicitaire, et, partant, illicite.

Cette demande ne pourra qu'être rejetée.

 

Sur la demande en paiement :

Pour obtenir l'infirmation du jugement déféré, qui, pour rejeter sa demande, a appliqué au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement, la société Locam fait valoir que l'article L. 221-2-4° exclut expressément du champ d'application de ces dispositions les contrats portant sur les services financiers.

En réplique, M. X. soutient que, s'agissant d'un contrat de location, il ne porte pas sur un service financier, de sorte que l'exception invoquée par l'appelante ne s'applique pas à l'espèce.

Il n'est pas contesté, ainsi que cela ressort au demeurant du libellé de l'identification des parties figurant au contrat concerné, que la société Locam est une société de financement agréée auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour exercer à titre habituel l'activité de location avec option d'achat.

En tant que telle, elle est soumise aux dispositions du Code monétaire et financier. Or, l'article L. 311-2-II de ce code, relatif à la définition des opérations connexes aux opérations de banque, dispose que les sociétés de financement peuvent effectuer les opérations connexes à leur activité mentionnées notamment au 6 du I du même article, lequel énonce que constituent une activité connexe « les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail ».

Par ailleurs, l'article L. 511-21 du code monétaire et financier relatif aux prestataires de services bancaires, dispose que « l'expression « service bancaire » désigne une opération de banque au sens de l'article L 311-1 ou l'une des activités connexes au sens de l'article I de l'article L 311-2. »

Il résulte de la combinaison de ces textes que la location mobilière effectuée par une société de financement constitue une activité connexe aux opérations de banque, de sorte qu'elle relève bien de la catégorie des services financiers.

Le contrat litigieux porte donc sur un service financier, et, à ce titre échappe à l'application des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation.

Dès lors ainsi que les règles relatives au délai de rétractation et à sa prorogation, telles que prévues aux articles L. 221-18 et L. 221-20 du code de la consommation, ne sont pas applicables au contrat, le premier juge ne pouvait retenir que M. X. s'était valablement rétracté le 16 octobre 2017, en considérant au demeurant de manière erronée que cette rétractation avait entraîné la nullité du contrat, alors qu'elle ne pouvait avoir eu pour effet que de mettre fin aux obligations des parties.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Le contrat s'étant poursuivi, M. X. restait tenu du paiement des loyers, de sorte qu'en l'absence de règlement malgré mise en demeure, la société Locam était fondée à faire application de la clause contractuelle de résiliation stipulée à l'article 18 des conditions générales du contrat.

Il en résulte qu'en application des stipulations contractuelles prévues au même article, l'intimé est redevable de la somme totale de 7.524 € selon détail suivant :

- loyers impayés au mois de juin 2018...................................................... 1.440 €

- indemnité de résiliation :

* loyers restant à échoir.................................................................. 5.400 €

*10 % des loyers impayés............................................................... 144 €

*10 % des loyers à échoir............................................................... 540 €

Sous-total............................ 6.084 €

M. X. ne fait valoir aucune contestation sur ces sommes, qui sont en tout état de cause calculées conformément aux stipulations et document contractuels.

Il sera en conséquence condamné à payer ce montant à la société Locam, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 juillet 2018, la mise en demeure du 29 janvier 2018 étant antérieure à la résiliation du bail et donc à l'exigibilité de l'indemnité de résiliation.

 

Sur les autres dispositions :

Il n'est pas inéquitable de laissser à la société Locam la charge de ses frais de défense irrépétibles.

M. X. sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de M. X. tendant à la nullité du contrat de location de site web pour cause illicite ;

Infirme le jugement rendu le 28 juin 2019 par le tribunal d'instance de Dijon en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Condamne M. X. à payer à la société Locam la somme de 7.524 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 juillet 2018 ;

Rejette la demande formée par la société Locam sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,                           Le Président,