CASS. CIV. 1re, 30 juin 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9046
CASS. CIV. 1re, 30 juin 2021 : pourvoi n° 19-24659 ; arrêt n° 489
Publication : Legifrance
Extrait : « 4. Dès lors que le prêt en cause était un prêt immobilier consenti à une SCI et que le caractère abusif de la clause de déchéance du prêt n'était pas invoqué par l'emprunteur, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la vérification prétendument omise. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 JUIN 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : W 19-24.659. Arrêt n° 489 F-D.
DEMANDEUR à la cassation : SCI Sacha
DÉFENDEUR à la cassation : Société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne
Président : Mme Batut (président). Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouin-Palat et Boucard.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
La société Sacha, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 19-24.659 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige l'opposant à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. La défenderesse a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Sacha, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 19 septembre 2019), suivant acte notarié du 22 mars 2016, la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti un prêt immobilier à la société civile immobilière Sacha (l'emprunteur).
2. En l'absence de règlement, la banque a invoqué la déchéance du terme et a été autorisée, par une ordonnance du 26 juillet 2018, à vendre par adjudication publique les biens immobiliers de l'emprunteur. Celui-ci a soulevé l'irrégularité de la déchéance du terme.
Examen des moyens :
Sur le moyen du pourvoi principal :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt d'ordonner la vente forcée de ses biens immobiliers, alors « que le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cette fin ; que pour apprécier le caractère abusif de la clause qui, insérée dans un contrat de prêt, permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme en raison de l'inexécution de ses obligations par l'emprunteur, le juge doit vérifier si la mise en œuvre de cette faculté par le prêteur dépend du caractère essentiel de l'obligation inexécutée, du caractère suffisamment grave de l'inexécution au regard de la durée et du montant du prêt, et si le consommateur dispose de moyens lui permettant de s'y soustraire en exécutant ses obligations dans un délai raisonnable ; qu'en s'abstenant de vérifier le caractère abusif de la clause du contrat de prêt stipulant que « toutes les sommes restant dues au titre du prêt en principal, majorées des intérêts échus et non payés […] pourront devenir exigibles à première demande de la banque, sans sommation ni mise en demeure préalable et malgré toutes offres et consignations ultérieures, dans le cas : - de non-paiement d'une échéance à bonne date », qui était pourtant de nature à exposer l'emprunteur à la déchéance du terme indépendamment du montant des sommes dues et le privait de toute possibilité de régulariser sa situation, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016301 du 14 mars 2006, ensemble l'article R. 132-2 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
4. Dès lors que le prêt en cause était un prêt immobilier consenti à une SCI et que le caractère abusif de la clause de déchéance du prêt n'était pas invoqué par l'emprunteur, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la vérification prétendument omise.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
6. Le rejet du pourvoi principal rend sans objet le pourvoi incident éventuel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Constate que le pourvoi incident éventuel est devenu sans objet ;
Condamne la SCI Pacha aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Sacha
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR maintenu l'ordonnance du 26 juillet 2018 du tribunal de l'exécution forcée immobilière de Mulhouse ; d'AVOIR en conséquence ordonné la vente forcée des biens immobiliers situés : - [Adresse 3] et cadastrés comme suit : section AV n° [Cadastre 1], [Adresse 4], 7,73 ares, sous-sol, cave, lot 39, section AV n° [Cadastre 1], [Adresse 4], 7,73 ares, 1er étage, lot 44 - et [Adresse 4] cadastrés comme suit : section AV n° [Cadastre 2], [Adresse 4], 3,39 ares, emplacement parking, lot 1, inscrits au livre foncier de Saint-Louis, au nom de la SCI Sacha, pour avoir paiement des montants suivant : - échéances impayées avant déchéance du terme, soit du 09/01/17 au 09/03/17 : 2.407,02 €, - intérêts courus sur les échéances impayées au taux de 5,45 % l'an au 13/09/17 : 11,60 €, - capital au 09/03/17, et rendu exigible suite au non-paiement des échéances : 141.621,40 €, - intérêts courus sur le capital déchu du terme au taux de 5,45 % l'an du 09/03/17 au 13/09/17 : 317,19 €, - intérêts à courir sur le montant des échéances impayées et sur le capital déchu du terme au taux de 5,45 % l'an à compter du 13/09/17 : P.M., - indemnité forfaitaire de 8 % : 417,24 €, a ? dont versement à déduire : 1.312,87 € ; et D'AVOIR chargé Me [K] [F], notaire associé à [Localité 1], son remplaçant ou son successeur de la procédure d'adjudication forcée ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la déchéance du terme est intervenue le 24 mars 2017 sans mise en demeure préalable, conformément aux dispositions contractuelles contenues dans le paragraphe « exigibilité » qui dispose que toutes les sommes restant dues pourront devenir exigibles à première demande de la banque sans sommation ni mise en demeure préalables en cas notamment de non-paiement d'une échéance à bonne date ; qu'en conséquence, et à défaut de dispositions spécifiques quant à la forme de la déchéance du terme d'un prêt immobilier, la déchéance du terme résulte du seul défaut de paiement des échéances impayées et aucune autre formalité n'est exigée, sauf si elle est prévue par une clause contractuelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'ainsi, le courrier de la banque du 24 mars 2017 en qu'il rend exigible l'intégralité des sommes dues au titre du prêt de 150.000 euros vaut déchéance du terme ; que dès lors que les mensualités de janvier, février et mars 2017 n'ont pas été réglées à échéance la déchéance du terme est régulièrement intervenue. ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'il est constant qu'au regard des dispositions du contrat de prêt, dispensant la banque d'une mise en demeure préalable, la mise en demeure n'était pas un préalable nécessaire à la déchéance du terme ; que la SCI Sacha n'établit pas avoir payé les sommes réclamées par la banque, fussent-elles modestes, de sorte que la banque pouvait prononcer la déchéance du terme dans les termes autorisés par le contrat de prêt ; que de surcroît, la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne reconnaît avoir perçu certains remboursements, justifie en avoir tenu compte (780 € versés par les locataires de la SCI le 7/04/2017, les versements en espèces en date des 8/08/2017, 17/09/2017 et 03/10/2017 pour un montant total de 1.600 €), en produisant le décompte détaillé des sommes dues au 07/04/2017 d'un montant de 2.407,02 € (échéances impayées avant déchéance du terme du 09/01/17 au 09/03/17) et le commandement de payer aux fins de vente forcée en date du 15/05/2018 d'un montant de 160.274,43 € ; que la SCI Sacha ne justifie pas avoir intégralement remboursé sa dette envers la banque poursuivante ; que la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne dispose par conséquent d'une créance certaine, liquide et exigible ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la partie débitrice ne s'acquitte pas de sa dette ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cette fin ; que pour apprécier le caractère abusif de la clause qui, insérée dans un contrat de prêt, permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme en raison de l'inexécution de ses obligations par l'emprunteur, le juge doit vérifier si la mise en œuvre de cette faculté par le prêteur dépend du caractère essentiel de l'obligation inexécutée, du caractère suffisamment grave de l'inexécution au regard de la durée et du montant du prêt, et si le consommateur dispose de moyens lui permettant de s'y soustraire en exécutant ses obligations dans un délai raisonnable ; qu'en s'abstenant de vérifier le caractère abusif de la clause du contrat de prêt stipulant que « toutes les sommes restant dues au titre du prêt en principal, majorées des intérêts échus et non payés […] pourront devenir exigibles à première demande de la banque, sans sommation ni mise en demeure préalable et malgré toutes offres et consignations ultérieures, dans le cas : - de non-paiement d'une échéance à bonne date », qui était pourtant de nature à exposer l'emprunteur à la déchéance du terme indépendamment du montant des sommes dues et le privait de toute possibilité de régulariser sa situation, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016301 du 14 mars 2006, ensemble l'article R. 132-2 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.