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CASS. COM., 31 mars 2021

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 31 mars 2021
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 19-16139
Décision : 21-302
Date : 31/03/2021
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00302
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 302
Référence bibliographique : 6169 (L. 442-6, partenariat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9053

CASS. COM., 31 mars 2021 : pourvoi n° 19-16139 ; arrêt n° 302

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « L'article L. 442-6-I-5° du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer dès lors qu'il n'existe pas de relation commerciale entre un chirurgien-dentiste et son fournisseur de matériel dentaire ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE

ARRÊT DU 31 MARS 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : K 19-16.139. Arrêt n° 302 F-P.

DEMANDEUR à la cassation : Société Sourire et santé

DÉFENDEUR à la cassation : Société Laboratoire BC

PARTIE INTERVENANTE à la cassation : Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes

Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président). Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

La société Sourire et santé, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [adresse], a formé le pourvoi n° K 19-16.139 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Laboratoire BC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [adresse], défenderesse à la cassation.

Partie intervenante :

- le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, dont le siège est [adresse],

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sourire et santé et du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Laboratoire BC, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

Intervention volontaire :

1. Il est donné acte au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes de son intervention volontaire.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2018), la Selarl Sourire et santé, cabinet de chirurgiens-dentistes, s'est fournie pendant plusieurs années auprès de la Sarl Laboratoire BC (le laboratoire) en matériel dentaire et, notamment, en prothèses dentaires.

3. Le 10 juillet 2014, elle a informé son fournisseur de la cessation immédiate de toute collaboration.

4. Lui reprochant d'avoir rompu brutalement la relation commerciale établie qu'elles entretenaient depuis plusieurs années, le laboratoire a assigné la Selarl Sourire et santé en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et, subsidiairement, sur celui de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

 

Examen du moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

5. La Selarl Sourire et santé fait grief à l'arrêt de constater qu'elle a entretenu avec le laboratoire des relations commerciales établies pendant six années, brutalement interrompues et de la condamner à payer à ce dernier une certaine somme en réparation de son préjudice, alors « que lorsqu'elle est exercée sous la forme d'une société d'exercice libéral autorisée par l'article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la profession de chirurgien-dentiste demeure une profession libérale qu'il est interdit de pratiquer comme un commerce, si bien qu'en retenant que la relation entre la Selarl Sourire et Santé et la Sarl Laboratoire BC était de nature commerciale car elle accomplissait des actes de commerce en commandant des prothèses dentaires pour les besoins des patients des chirurgiens-dentistes la composant, la cour d'appel a méconnu les dispositions du texte précité et de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique et violé l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et l'article R. 4127-215 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2020-1658 du 22 décembre 2020 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

6. Aux termes du premier de ces textes, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Selon le second, la profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. Pour retenir la responsabilité de la Selarl Sourire et santé, l'arrêt retient qu'entre dans le champ d'application de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce toute relation commerciale qui porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service et qu'en l'espèce, le laboratoire, qui fabrique du matériel dentaire, vendait ses produits au cabinet de chirurgiens-dentistes, lequel les refacturait dans l'exécution de ses prestations, dégageant une marge brute sur ces produits, de sorte que ces deux sociétés, commerciales par la forme, effectuaient des actes de commerce.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

8. En statuant ainsi, alors que l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer dès lors qu'il n'existe pas de relation commerciale entre un chirurgien-dentiste et son fournisseur de matériel dentaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la nullité du jugement rendu le 27 janvier 2016 par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Laboratoire BC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Laboratoire BC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Sourire et santé et le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que les sociétés SOURIRE et SANTE et Laboratoire BC ont entretenu des relations commerciales établies pendant six années, brutalement interrompues par la première et d'avoir condamné la société SOURIRE et SANTE à payer à la société Laboratoire BC la somme de 33.077,70 euros représentant le préjudice de cette dernière,

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE La société appelante soulève, en premier lieu, l'inapplicabilité de l'article L 442-6-1-5° du code de commerce au présent litige, en raison de la nature libérale de son activité, ce que conteste l'intimée.

En application des dispositions de l'article susmentionné « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...) de rompre brutalement ».

Entre donc dans le champ d'application dudit article toute relation commerciale qui porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de services. Au cas particulier, la société Laboratoire BC, qui fabrique du matériel dentaire, vendait ses produits à la société SOURIRE et SANTE, laquelle les refacturait à ses clients dans l'exécution de ses prestations, dégageant une marge brute sur ces produits ; ces deux sociétés commerciales par la forme effectuaient des actes de commerce, relevant du domaine d'application de l'article précité. Ce premier moyen est donc inopérant.

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE lorsqu'elle est exercée sous la forme de d'une société d'exercice libéral autorisée par l'article 1er de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, la profession de chirurgien-dentiste demeure une profession libérale qu'il est interdit de pratiquer comme un commerce, si bien qu'en retenant que la relation entre la SELARL Sourire et Santé et la SARL Laboratoire BC était de nature commerciale car elle accomplissait des actes de commerce en commandant des prothèses dentaires pour les besoins des patients des chirurgiens-dentistes la composant, la cour d'appel a méconnu les dispositions du texte précité et de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique et violé l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.