CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 27 mai 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9080
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 27 mai 2021 : RG n° 18/19743
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il n'est pas discuté que M. X. - et non pas M. J. X. âgé de 17 ans - a conclu avec la société Atelier Prep'art un contrat de prestation de services d'enseignement. Si la société Atelier Prep'art a souhaité - dans un but pédagogique qui n'est pas critiquable - recueillir la signature de l'élève sur l'instrumentum du contrat, le défaut de la capacité de contracter qui atteint un mineur de 18 ans ne saurait conférer quelque portée juridique à cette signature. »
2/ « En l'espèce, il résulte non seulement des pièces versées aux débats mais aussi des conclusions mêmes de l'intimée que les parties sont entrées en contact via le site internet de la société Atelier Prep'art, que la procédure d'inscription est proposée « en ligne », que seul le mineur, X. a eu un entretien physique avec l'une des préposées de la société Atelier Prep'art, que le consentement écrit de la société Atelier Prep'art a été transmis à M. X. le 5 décembre 2015 par voie électronique et que la transmission du dossier complet qui vaut inscription définitive a été faite à la société Atelier Prep'art par voie postale pour l'année 2016-2017.
Le contrat litigieux a donc été conclu dans le cadre d'un système organisé de vente à distance avec le recours de la technique de communication que constitue internet selon des modalités fixées par le professionnel.
L'appelant, dont la qualité de consommateur au sens du texte précité n'est pas contestée, fait valoir à juste titre que l'entretien avec le candidat-élève, préalable au consentement de la société Atelier Prep'art est indifférent à l'application de l'article L. 121-16 précité, dès lors d'une part que cet entretien physique n'implique pas les deux parties au contrat, d'autre part que le jeune Jean-Eudes n'avait pas la capacité de contracter.
En conséquence, le contrat litigieux entre dans les prévisions de l'article précité et constitue une vente à distance. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9-A
ARRÊT DU 27 MAI 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/19743 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IWB. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 juillet 2018 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-17-11-466.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...], représenté par Maître Camille M., avocat au barreau de PARIS, toque : D0754, assisté de Maître Patrick D. de la SCP ESENCIA, avocat au barreau de BORDEAUX, toque : 723
INTIMÉE :
La société ATELIER PREP'ART
SAS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée par Maître Benoît H. de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 avril 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 18 décembre 2015 M. X. a inscrit son fils J. X. pour l'année scolaire 2016-2017 auprès de la société Atelier Prep'art. A cette occasion il a établi un chèque de 350 euros pour les frais d'inscription et trois chèques de 2.000 euros, 2.100 euros et 2.100 euros en paiement des frais de scolarité ; seuls les chèques de 350 euros et 2.000 euros ont été encaissés.
Au début de l'année 2016, M. X. a informé l'établissement de son désistement.
Le 14 mars 2016, il a été informé par l'établissement du non-remboursement des frais d'inscription et du prix du premier trimestre de la scolarité.
Saisi par M. X. d'une action tendant principalement à la restitution des sommes acquittées, le tribunal d'instance de Paris, par jugement contradictoire rendu le 16 juillet 2018 auquel il convient de se reporter, a :
- rejeté des débats les pièces communiquées par la société Atelier Prep'art le jour de l'audience,
- débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes,
- condamné M. X. aux dépens de l'instance et à payer à la société Atelier Prep'art une somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a principalement retenu que les modalités de conclusion du contrat n'ouvraient pas un droit de rétractation et il a fait application des dispositions contractuelles.
Le 6 août 2018, M. X. a relevé appel de cette de cette décision.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 30 janvier 2019, M. X. demande à la cour :
- d'annuler le jugement dont appel,
- de condamner la société Atelier Prep'art à lui payer la somme de 2.350 euros représentant les frais d'inscription et un tiers des frais de scolarité,
- de condamner la société Atelier Prep'art à lui payer la somme de 2.350 euros à titre d'indemnité de retard, outre les intérêts au taux légal à compter du 18 août 2017,
- de condamner la société Atelier Prep'art à lui payer la somme de 700 euros au titre de la résistance abusive,
- de condamner la société Atelier Prep'art à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sous le visa de l'article L. 121-6 du code de la consommation, l'appelant soutient que le contrat conclu entre M. X. et la société Atelier Prep'art est un contrat conclu à distance dès lors qu'il a été signé sans la présence physique « simultanée » des parties.
Il expose par ailleurs que son fils est un mineur incapable, dont la prise d'initiative de contacter l'école comme la participation à une réunion préalable sont sans incidence sur la qualification du contrat litigieux.
Sous le visa des articles L. 121-1, L. 121-7, L. 121-17, L. 121-21-4 alinéa 3 du code de la consommation, il fait valoir que la société Atelier Prép'art a failli à son obligation précontractuelle d'information sur le droit de rétractation, que le délai de rétractation est donc prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai initial et que la rétractation exprimée le 27 février 2016 et à nouveau le 2 juillet 2016 est donc valable.
Sous le visa de l'article L. 121-17 I du code de la consommation, l'appelant soutient en outre que le contrat est nul en raison de manquements à l'obligation précontractuelle d'information.
Il fait valoir que la société Atelier Prep'art est redevable des majorations prévues par l'article L. 121-21-4 du même code pour n'avoir pas restitué les chèques reçus dans le délai légal de 14 jours.
Il impute à la société Atelier Prep'art une résistance abusive.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 13 novembre 2018, la société Atelier Prep'art demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner M. X. à payer à la société Atelier Prep'art la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle relate que M. J. X. l'a contactée via son site internet puis a été reçu par le directeur pédagogique de l'établissement avant de renvoyer un dossier d'inscription complet le 4 janvier 2016.
Sous le visa des articles L. 221-1 et L. 221-8 du code de la consommation, l'intimée fait valoir que le contrat litigieux n'est pas un contrat conclu hors établissement et n'est pas davantage un contrat de vente à distance, nonobstant l'envoi du dossier par voie postale, de sorte qu'il n'y a pas de délai de possibilité de rétractation et elle rappelle les dispositions contractuelles applicables en cas de désistement.
[*]
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
En l'espèce, M. X. sollicite l'annulation du jugement dont appel sans invoquer le moindre moyen à l'appui de cette prétention.
Il n'y a donc lieu à annulation du jugement.
Il n'est pas discuté que M. X. - et non pas M. J. X. âgé de 17 ans - a conclu avec la société Atelier Prep'art un contrat de prestation de services d'enseignement.
Si la société Atelier Prep'art a souhaité - dans un but pédagogique qui n'est pas critiquable - recueillir la signature de l'élève sur l'instrumentum du contrat, le défaut de la capacité de contracter qui atteint un mineur de 18 ans ne saurait conférer quelque portée juridique à cette signature.
En application de l'article L. 121-16 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du contrat litigieux (désormais L. 221-1), sont considérés comme :
1° « Contrat à distance » tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ;
2° « Contrat hors établissement » tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
En l'espèce, il résulte non seulement des pièces versées aux débats mais aussi des conclusions mêmes de l'intimée que les parties sont entrées en contact via le site internet de la société Atelier Prep'art, que la procédure d'inscription est proposée « en ligne », que seul le mineur, X. a eu un entretien physique avec l'une des préposées de la société Atelier Prep'art, que le consentement écrit de la société Atelier Prep'art a été transmis à M. X. le 5 décembre 2015 par voie électronique et que la transmission du dossier complet qui vaut inscription définitive a été faite à la société Atelier Prep'art par voie postale pour l'année 2016-2017.
Le contrat litigieux a donc été conclu dans le cadre d'un système organisé de vente à distance avec le recours de la technique de communication que constitue internet selon des modalités fixées par le professionnel.
L'appelant, dont la qualité de consommateur au sens du texte précité n'est pas contestée, fait valoir à juste titre que l'entretien avec le candidat-élève, préalable au consentement de la société Atelier Prep'art est indifférent à l'application de l'article L. 121-16 précité, dès lors d'une part que cet entretien physique n'implique pas les deux parties au contrat, d'autre part que le jeune Jean-Eudes n'avait pas la capacité de contracter.
En conséquence, le contrat litigieux entre dans les prévisions de l'article précité et constitue une vente à distance.
* * *
Selon l'article L. 121-21 du code de la consommation, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.
Le délai mentionné au premier alinéa du présent article court à compter du jour de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 121-16-2.
L'article L. 121-17 du même code dispose que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : [...]
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; [...]
L'article L. 121-21-1 prévoit que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° du I de l'article L. 121-17, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 121-21.
L'article L. 121-21-4 dispose que lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter.
Pour les contrats de vente de biens, à moins qu'il ne propose de récupérer lui-même les biens, le professionnel peut différer le remboursement jusqu'à récupération des biens ou jusqu'à ce que le consommateur ait fourni une preuve de l'expédition de ces biens, la date retenue étant celle du premier de ces faits.
Au-delà, les sommes dues sont de plein droit majorées du taux d'intérêt légal si le remboursement intervient au plus tard dix jours après l'expiration des délais fixés aux deux premiers alinéas, de 5 % si le retard est compris entre dix et vingt jours, de 10 % si le retard est compris entre vingt et trente jours, de 20 % si le retard est compris entre trente et soixante jours, de 50 % entre soixante et quatre-vingt-dix jours et de cinq points supplémentaires par nouveau mois de retard jusqu'au prix du produit, puis du taux d'intérêt légal.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Atelier Prep'art n'a pas informé M. X. de son droit de rétractation conformément aux dispositions précitées.
M. X. disposait donc d'un délai d'un an et quatorze jours à compter de la date de conclusion du contrat (18 décembre 2015) pour renoncer au contrat.
La société Atelier Prep'art a été informée de manière informelle au mois de décembre 2015 que l'élève X. renonçait à son inscription, puis M. X. a le 8 avril 2016 contesté le non remboursement du prix du premier trimestre de cours et il a fait adresser un courrier recommandé avec avis de réception par son conseil le 17 mai 2016, date retenue comme étant celle de la rétractation effective du consommateur.
Intervenue dans un délai utile, cette rétractation a mis le contrat à néant.
En conséquence, M. X. est bien fondé à solliciter la restitution des sommes qu'il a acquittées auprès de la société Atelier Prep'Art soit 2.000 euros et 350 euros.
Conformément à l'article L. 121-21-4 précité, ce remboursement aurait dû intervenir dans les quatorze jours suivant le courrier recommandé avec avis de réception du 17 mai 2016.
En l'absence de remboursement pendant plus de quinze mois à compter du 2 juin 2016, la société Atelier Prep'Art est redevable d'une pénalité de 100 % outre intérêts au taux légal.
Partant, le jugement dont appel est infirmé en toutes ses dispositions et la société Atelier Prep'Art est condamnée à payer à M. X. la somme de 2.350 euros correspondant au remboursement des sommes acquittées et celle de 2.350 euros à titre de pénalités de retard augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2017.
Toutes demandes plus amples ou contraires sont rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
- Rejette la demande d'annulation du jugement dont appel mais infirme ce jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- Condamne la société Atelier Prep'Art à payer à M. X. la somme de 2.350 euros correspondant au remboursement des sommes acquittées et celle de 2.350 euros à titre de pénalités de retard augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2017 ;
- Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
- Condamne la société Atelier Prep'Art aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. X. la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente