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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 24 juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 24 juin 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 18/07416
Date : 24/06/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/04/2018
Référence bibliographique : 5985 (logique, absence de contrat et absence de manquement), 6103 (modification du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9092

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 24 juin 2021 : RG n° 18/07416

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est admis que si le contrat d'assurance est un contrat consensuel, parfait dès la rencontre des volontés, l'absence de signature d'un avenant ne faisant donc pas obstacle à son application, il résulte du texte précité que la preuve du caractère contractuel de l'avenant est subordonnée à la rédaction d'un écrit et que cette preuve peut en être rapportée par la signature de cet avenant ou dans les conditions prévues par les articles 1347 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause.

En l'espèce, Mme X. a bien été destinataire d'un courrier recommandé en date du 21 août 2015 portant à sa connaissance le refus de l'assureur de maintenir la garantie vol, explicitant les motifs de cette modification et précisant que la modification serait applicable à compter du mois de novembre suivant et pendant deux années. Mme X. ne conteste pas avoir reçu ce courrier qui constitue donc un commencement de preuve par écrit.

Pour autant, le seul exemplaire des nouvelles conditions particulières conforme à la modification annoncée par l'assureur qui est versé aux débats est en date du 19 avril 2016, soit postérieur de plusieurs mois à l'appel de l'échéance du mois de novembre 2015. Dans ces circonstances, dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve que Mme X. a eu connaissance de l'avenant avant d'acquitter la cotisation d'assurance, il ne saurait être retenu, ainsi que l'a fait le premier juge, qu'elle a, par ce paiement, acquiescé aux termes de cet avenant.

Le caractère contractuel de l'avenant n'est donc pas démontré. En conséquence, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 24 JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/07416 (2 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PC3. Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 janvier 2018 - Tribunal d'Instance de PANTIN - RG n° 11-16-000659.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], [adresse], [...], [...], représentée par Maître Jean-Philippe A., avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

 

INTIMÉE :

La société GMF

société anonyme prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée par Maître Jean-Jacques L. de la SCP LETU I. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120, substitué à l'audience par Maître Cynthia P. de la SCP LETU I. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mai 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Agnès BISCH, Conseillère, M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 31 octobre 2013, la société Diffusion Industrielle et Automobile par le Crédit (DIAC) a consenti à Mme X. un crédit affecté au financement d'un véhicule d'un montant total de 17.581,90 euros sur une durée de 49 mois avec un taux d'intérêt de 6,88 % par an.

Le véhicule ainsi acquis était assuré auprès de la société GMF assurances, qui a refusé de garantir le sinistre lorsque celui-ci a été volé au mois de février 2016.

Sur la requête de la société DIAC une ordonnance rendue le 24 octobre 2016 a fait injonction à Mme X. de payer la somme de 13.146,47 euros outre intérêts au taux légal correspondant au solde restant dû sur le prêt après déchéance du terme.

Statuant sur l'opposition à cette ordonnance formée par Mme X. qui a appelé à l'instance la société GMF, le tribunal d'instance de Pantin, par un jugement contradictoire rendu le 8 janvier 2018 auquel il convient de se reporter, a :

- condamné Mme X. à payer à la société DIAC la somme de 12.666,27 euros avec intérêt à taux légal à compter du 8 janvier 2018,

- autorisé Mme X. à se libérer de la dette en 24 mensualités, soit 23 mensualités de 500 euros et une dernière mensualité couvrant le solde de la dette, les paiements s'imputant en priorité sur le capital restant dû,

- dit qu'en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date exacte, suivi d'une mise en demeure restée infructueuse durant quinze jours, l'échelonnement précité serait caduc et que la totalité des sommes dues deviendrait immédiatement exigible,

- rejeté les autres demandes.

[*]

Par une déclaration du 9 avril 2018, Mme X. a relevé appel de cette décision à l'encontre de la société GMF.

Aux termes de ses conclusions remises le 9 juillet 2018, elle demande à la cour :

- de réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de la société GMF assurances,

- de condamner cette dernière à lui payer la somme de 12.000 euros correspondant à la valeur de remplacement du véhicule volé au mois de février 2016 outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 18 novembre 2016, date de notification de la mise en demeure,

- de condamner la société GMF assurances à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices consécutifs au refus de garantie abusif de l'assureur,

- de condamner la société GMF assurances à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sous le visa des articles L. 112-3 du code des assurances et R. 212-1 du code de la consommation, l'appelante fait valoir que la modification unilatérale par l'assureur des garanties souscrites rend infondé son refus de garantie.

Elle invoque le caractère abusif de la clause contractuelle selon laquelle une modification du contrat est considérée comme acceptée par le paiement de la cotisation et prend effet à compter de la date portée sur l'avis d'échéance.

[*]

Par une ordonnance rendue le 30 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises le 11 octobre 2018 par la société GMF assurances, intimée dans cette affaire, en application de l'article 909 du code de procédure civile.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le litige est dévolu à la cour dans la seule limite des rapports entre Mme X. et la société GMF.

Il est constant que Mme X., lors de l'acquisition du véhicule litigieux, a conclu avec la société GMF un contrat d'assurance « Auto Pass » qui incluait initialement les garanties « Vol confort », « vol des objets transportés », « capital garanti ».

Selon l'article L. 112-3 alinéa 5 du code des assurances, toute addition ou modification au contrat d'assurance primitif doit être constatée par un avenant signé des parties. Par dérogation, la modification proposée par l'assureur d'un contrat complémentaire santé individuel ou collectif visant à le mettre en conformité avec les règles fixées par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale est réputée acceptée à défaut d'opposition du souscripteur. L'assureur informe par écrit le souscripteur des nouvelles garanties proposées et des conséquences juridiques, sociales, fiscales et tarifaires qui résultent de ce choix en application du même article. Ce dernier dispose d'un délai de trente jours pour refuser par écrit cette proposition. Les modifications acceptées entrent en application au plus tôt un mois après l'expiration du délai précité de trente jours et dans un délai compatible avec les obligations légales et conventionnelles d'information des adhérents ou affiliés par le souscripteur.

L'article 6.4 du contrat prévoit que l'assureur peut être amené à modifier la cotisation, les franchises, les conditions et les plafonds de garantie, que dans ce cas l'assuré est avisé à l'échéance principale du contrat de la date à laquelle les modifications seront appliquées et que la modification est considérée comme acceptée par le paiement de la cotisation et qu'elle prend effet à la date portée sur l'avis d'échéance.

Il indique aussi que si l'assuré refuse cette révision, il peut demander la résiliation du contrat par lettre recommandée dès la connaissance de la modification et au plus tard dans les 30 jours suivant l'échéance principale du contrat et que cette résiliation prend effet un mois après l'envoi de cette lettre.

Mme X. soutient que cette clause contractuelle est une clause abusive qui doit être réputée non écrite.

En application de l'article R. 212-1 du code de la consommation :

« Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

[...] 3° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ; »

[...]

Dès lors que l'article 6.4 du contrat litigieux réserve à l'assureur le droit de modifier les caractéristiques de la garantie accordée, sauf à ce que l'assuré soit contraint de renoncer au contrat, cette disposition contractuelle entre dans le champ de l'article R. 212-1 précité.

S'agissant d'une clause abusive, elle est réputée non écrite, de sorte que l'article L. 112-3 alinéa 5 du code des assurances demeure applicable.

* * *

Il est admis que si le contrat d'assurance est un contrat consensuel, parfait dès la rencontre des volontés, l'absence de signature d'un avenant ne faisant donc pas obstacle à son application, il résulte du texte précité que la preuve du caractère contractuel de l'avenant est subordonnée à la rédaction d'un écrit et que cette preuve peut en être rapportée par la signature de cet avenant ou dans les conditions prévues par les articles 1347 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause.

En l'espèce, Mme X. a bien été destinataire d'un courrier recommandé en date du 21 août 2015 portant à sa connaissance le refus de l'assureur de maintenir la garantie vol, explicitant les motifs de cette modification et précisant que la modification serait applicable à compter du mois de novembre suivant et pendant deux années.

Mme X. ne conteste pas avoir reçu ce courrier qui constitue donc un commencement de preuve par écrit.

Pour autant, le seul exemplaire des nouvelles conditions particulières conforme à la modification annoncée par l'assureur qui est versé aux débats est en date du 19 avril 2016, soit postérieur de plusieurs mois à l'appel de l'échéance du mois de novembre 2015.

Dans ces circonstances, dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve que Mme X. a eu connaissance de l'avenant avant d'acquitter la cotisation d'assurance, il ne saurait être retenu, ainsi que l'a fait le premier juge, qu'elle a, par ce paiement, acquiescé aux termes de cet avenant.

Le caractère contractuel de l'avenant n'est donc pas démontré.

En conséquence, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

La société GMF étant débitrice de la garantie « vol » et ce sinistre s'étant réalisé le 16 février 2016, Mme X. verse aux débats quatre annonces de vente de véhicules de même modèle, de même année de mise en circulation et qui ont parcouru un nombre de kilomètres équivalent au véhicule dérobé.

La moyenne des prix affichés conduit à fixer la valeur vénale du véhicule volé à la somme de 11.200 euros.

En conséquence, la société GMF est condamnée à payer cette somme à Mme X. outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016, date de la mise en demeure.

Il ressort de la procédure menée par la société DIAC à l'encontre de Mme X. que le refus de garantie opposé par la société GMF a exposé Mme X. aux poursuites du prêteur. Si elle n'étaye pas le préjudice financier résultant de cette situation, Mme X. a nécessairement subi un préjudice moral qui justifie l'allocation de la somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts, à la charge de la société GMF.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement dont appel dans les rapports entre Mme X. et la société GMF et statuant à nouveau,

- condamne la société GMF à payer à Mme X. la somme de 11.200 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016 et celle de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts ;

- Déboute Mme X. du surplus de ses demandes ;

- Condamne la société GMF aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente