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CA RENNES (3e ch. com.), 28 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (3e ch. com.), 28 septembre 2021
Pays : UE
Juridiction : Rennes (CA), 3e ch. com.
Demande : 18/06234
Décision : 21-433
Date : 28/09/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 433
Référence bibliographique : 6619 (prêt, TEG), 5826 (crédit, ordre public, déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9107

CA RENNES (3e ch. com.), 28 septembre 2021 : RG n° 18/06234 ; arrêt n° 433

Publication : Jurica

 

Extrait : « A la date de souscription du prêt, le taux effectif global d'un prêt professionnel était défini par les dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation.

M. et Mme X. ne reprochent pas à la banque d'avoir effectué le passage entre le taux contractuel et le taux effectif global selon des modalités de calcul non conformes à ce texte. Ils lui reprochent uniquement de ne pas avoir inclus dans ce calcul les frais nécessaires à la constitution des garanties sur le prêt et produisent des calculs incluant ces frais. […]

Ces frais étaient imposés à l'emprunteur dans la mesure où ils étaient nécessaires à la constitution des garanties à laquelle la banque conditionnait l'octroi du prêt. L'acte de prêt a été signé le 7 février 2013 et l'enregistrement des privilèges effectué le 19 février 2013. La banque prétend que le montant des frais n'était pas déterminable le jour de la souscription du prêt, mais ne le démontre par aucune pièce, ceci alors mêmes que les frais litigieux sont réglementés et pouvaient être déterminés en appliquant à l'espèce les décrets y afférents. Ils devaient donc être pris en considération dans le calcul du taux effectif global.

Le taux effectif global ressortissant de la prise en compte de ces frais s'établit pour les époux X. à la somme de 5,393682 %, selon des modalités de calcul explicitées et qui pouvaient être contestées par la banque, ainsi qu'il a été dit plus haut, ce qu'elle n'a pas fait. Le taux effectif global mentionné à l'acte était de 5,259179 et la différence est donc de 0,134503, supérieure à une décimale.

En vertu des dispositions de l'ordonnance du 17 juillet 2019, dans le cas d'une telle erreur, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur. Cette disposition légale a été rappelée dans les conclusions de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, qui vient aux droits du CRÉDIT MARITIME, sans que pour autant les époux X. aient caractérisé le préjudice découlant de l'erreur très minime de la banque.

Par conséquent, à défaut de caractérisation d'un préjudice indemnisable, M. et Mme X. sont déboutés de leurs demandes. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/06234. Arrêt n° 433. N° Portalis DBVL-V-B7C-PFUQ.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER : Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats, et Madame Frédérique HABARE, lors du prononcé,

DÉBATS : A l'audience publique du 24 juin 2021, devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 28 septembre 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], [...], [...]

Représentés par Maître Yohann K. de la SELARL K. AVOCAT, postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentés par Maître Hervé B., plaidant, avocat au barreau de NANCY

 

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST venant aux droits du CRÉDIT MARITIME MUTUEL BRETAGNE-NORMANDIE

[...], [...], Représentée par Maître Marie-Cécile P.-L. de la SELARL P.-L., plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon offre de prêt émise le 26 décembre 2012, le CREDIT MARITIME MUTUEL BRETAGNE NORMANDIE, devenu depuis BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, a consenti à Monsieur et Madame X. un prêt professionnel d'un montant de 115.000 €, remboursable en 192 mois, au taux nominal de 5,15 %.

Cette offre de prêt précisait que le TEG appliqué à ce crédit était de 5,259179 %, soit un taux de période de 0,438264 %.

Cet acte a été réitéré devant Notaire le 7 février 2013.

Suivant assignation en date du 18 décembre 2017, sans avoir pris préalablement contact avec leur banque, Monsieur et Madame X. ont saisi le Tribunal de Commerce de Rennes aux fins de voir constater l'erreur affectant le TEG du prêt consenti par la BPGO, et voir la banque déchue de tout droit aux intérêts contractuels.

Par jugement du 17 juillet 2018, le tribunal de commerce de Rennes a :

- dit que les demandeurs n'apportent pas la preuve d'une irrégularité supérieure à une décimale affectant le TEG du prêt permettant sa remise en cause,

- débouté Monsieur et Madame X. de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné Monsieur et Madame X. à verser à la BPGO venant aux droits du CREDIT MARTIME MUTUEL NORMANDIE BRETAGNE la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC.

- condamné Monsieur et Madame X. aux entiers dépens.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

[*]

Appelants de ce jugement, M. et Mme X., par conclusions du 5 décembre 2018, ont demandé que la Cour :

- les reçoive en leur appel,

- réforme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- ordonne la déchéance des intérêts et le retour à l'intérêt légal applicable pour l'année de la mise en place du crédit et de l'acceptation par signature du projet de contrat de crédit commercial ou professionnel ;

- condamne le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçu excédant l'intérêt légal ;

- condamne le prêteur à émettre un nouveau tableau d'amortissement couvrant les échéances futures ;

- condamne en tout état de cause la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST à payer à l'emprunteur une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- laisse à sa charge les dépens de l'instance, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Yohann K., sur son affirmation de droit.

[*]

Par conclusions du 22 janvier 2019, la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel Bretagne Normandie, a demandé que la Cour :

- déboute Monsieur et Madame X. de leur appel et le dire mal fondé,

A titre principal,

- juge que Monsieur et Madame X. n'apportent pas la preuve légalement admissible d'une erreur significative affectant le TEG du prêt du 26 décembre 2012 et dise que le TEG n'est pas entaché d'irrégularité ou en toute hypothèse que la preuve d'une irrégularité supérieure à une décimale n'est pas rapportée et ne permet pas sa remise en cause,

A titre plus subsidiaire,

- dise que Monsieur et Madame X. ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une clause abusive dans l'acte de prêt du 26 décembre 2012,

- dise que Monsieur et Madame X. sont irrecevables en leur demande en nullité de la clause de stipulation des intérêts,

- dise que Monsieur et Madame X. ne justifient d'aucun préjudice indemnisable,

Encore plus subsidiairement,

- dise que la déchéance des intérêts conventionnels ne pourra être que partielle,

En toute hypothèse,

- condamne Monsieur et Madame X. à lui payer une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamne Monsieur et Madame X. aux entiers dépens.

[*]

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A la date de souscription du prêt, le taux effectif global d'un prêt professionnel était défini par les dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation.

M. et Mme X. ne reprochent pas à la banque d'avoir effectué le passage entre le taux contractuel et le taux effectif global selon des modalités de calcul non conformes à ce texte.

Ils lui reprochent uniquement de ne pas avoir inclus dans ce calcul les frais nécessaires à la constitution des garanties sur le prêt et produisent des calculs incluant ces frais.

Sur ce point, ils versent aux débats un rapport d'expertise qui certes, n'est pas contradictoire, mais qui explicite chaque ligne de ses calculs, lesquels ne sont que des calculs de taux d'intérêts actualisés, aisément vérifiables par n'importe quel actuaire, comme il en existe dans chaque institution bancaire.

Il ne s'agit donc pas d'une expertise au sens strict, dans laquelle l'expert donne un avis personnel après analyse de circonstances factuelles, mais de la simple description d'un calcul prenant en considération des données différentes de celles de la banque.

La prise en considération des données constitue le fondement juridique du passage du taux contractuel au taux effectif global et l'analyse de l'expert des époux X. a sans difficulté été contestée par le CRÉDIT MARITIME.

Pour les raisons mentionnées plus haut, le CRÉDIT MARITIME pouvait aussi sans difficulté contester, le cas échéant, tous les calculs réalisés en prenant ou en ne prenant pas en considération telle ou telle donnée.

Pour calculer le taux effectif global mentionné dans l'offre, le CRÉDIT MARITIME a fait la somme du montant des intérêts payés (56.238,08 euros) et des frais de dossiers (900 euros), selon un calcul que les époux X. reconnaissent exact.

Les époux X. contestent en revanche que bien que le contrat de prêt mentionne la prise d'un privilège de prêteur de deniers ainsi que d'une hypothèque complémentaire, ces frais n'aient pas été compris dans le calcul du taux effectif global. Ceux-ci, selon le notaire, se sont montés à 954,78 euros TTC de frais de rédaction d'acte authentique de prêt, à 64 euros de frais d'inscription du privilège de prêteur de deniers, et de 76 euros de frais d'hypothèque conventionnelle, pour un total donc de 1.094,78 euros.

Ces frais étaient imposés à l'emprunteur dans la mesure où ils étaient nécessaires à la constitution des garanties à laquelle la banque conditionnait l'octroi du prêt.

L'acte de prêt a été signé le 7 février 2013 et l'enregistrement des privilèges effectué le 19 février 2013.

La banque prétend que le montant des frais n'était pas déterminable le jour de la souscription du prêt, mais ne le démontre par aucune pièce, ceci alors mêmes que les frais litigieux sont réglementés et pouvaient être déterminés en appliquant à l'espèce les décrets y afférents.

Ils devaient donc être pris en considération dans le calcul du taux effectif global.

Le taux effectif global ressortissant de la prise en compte de ces frais s'établit pour les époux X. à la somme de 5,393682 %, selon des modalités de calcul explicitées et qui pouvaient être contestées par la banque, ainsi qu'il a été dit plus haut, ce qu'elle n'a pas fait.

Le taux effectif global mentionné à l'acte était de 5,259179 et la différence est donc de 0,134503, supérieure à une décimale.

En vertu des dispositions de l'ordonnance du 17 juillet 2019, dans le cas d'une telle erreur, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

Cette disposition légale a été rappelée dans les conclusions de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, qui vient aux droits du CRÉDIT MARITIME, sans que pour autant les époux X. aient caractérisé le préjudice découlant de l'erreur très minime de la banque.

Par conséquent, à défaut de caractérisation d'un préjudice indemnisable, M. et Mme X. sont déboutés de leurs demandes.

Le jugement est donc confirmé.

M. et Mme X., qui succombent, sont condamnés aux dépens d'appel. Les demandes émises sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré.

Condamne M. et Mme X. aux dépens d'appel.

Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT