CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9119
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021 : RG n° 19/03291 ; arrêt n° 21/863
Publication : Jurica
Extrait : « Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Pour qu'une clause soit déclarée abusive, encore faut-il qu'il existe une clause.
Or, l'offre litigieuse ne renferme aucune stipulation relative à la base de calcul des intérêts conventionnels. D'ailleurs, M. X. ne vise aucune stipulation précise se bornant à faire valoir que 'tout pacte obscur s'interprète contre celui qui l'a rédigé (et qu') à défaut de renfermer une clause définissant clairement les modalités de calcul des intérêts périodiques, il y a lieu de présumer que celles-ci reposent non pas sur la base d'une année civile, mais sur celle d'une année de 360 jours, conformément d'ailleurs à l'usage bancaire répandu.'
La demande de M. X. tendant à voir déclarer abusive et écarter une clause inexistante ne peut donc qu'être rejetée, de même que les demandes subséquentes de substitution du taux légal au taux conventionnel, en remboursement de la somme de 64.652,26 euros à actualiser et tendant à la production par la banque d'un nouveau tableau d'amortissement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 9 SEPTEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/03291. Arrêt n° 21/863. N° Portalis DBVT-V-B7D-SM6G. Jugement (R.G. n° 18/01356) rendu le 30 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Lille.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] - de nationalité française [...], [...] , Représenté par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai
INTIMÉE :
Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France (Crédit Agricole Nord de France)
société coopérative à capital variable, agréée en tant qu'établissement de crédit, société de courtage d'assurance immatriculée au registre des intermédiaires en assurance (Orias) sous le n° XXX RCS Lille, prise en la personne de Monsieur Z., chef du service juridique [...], [...], Représentée par Maître Martine M., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 1er juillet 2021 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Collière, président de chambre, Hélène Billières, conseiller, Pauline Mimiague, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 1er juin 2021
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon offre de prêt émise le 25 février 2009 et acceptée le 10 mars 2009, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a consenti à M. X. un prêt immobilier d'un montant de 149.200 euros, remboursable en 240 mensualités incluant des intérêts au taux nominal fixe de 5,75 %, le taux effectif global étant affiché comme s'élevant à 6,2638 % l'an.
Par acte du 16 janvier 2018, M. X. a fait assigner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de voir prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels, de voir ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et d'obtenir le remboursement de l'excédent d'intérêts indus.
Par jugement contradictoire en date du 30 avril 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :
- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de la clause de stipulation d'intérêts et de déchéance des intérêts conventionnels de l'offre de prêt acceptée le 31 octobre 2007 ainsi que les demandes subséquentes et accessoires dont celle de dommages et intérêts ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- condamné M. X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France de toutes ses demandes.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 12 juin 2019, M. X. a relevé appel de l'ensemble des chefs susvisés, sauf en ce qui concerne le rejet des demandes de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, la déclaration d'appel mentionnant un jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 30 juin 2019.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 26 mai 2021, il demande à la cour, se fondant sur l'article 1907 du code civil et les articles L. 313-1 et suivants, R. 313-1 et suivants du code de la consommation de :
- déclarer l'appel recevable ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de la clause de stipulation d'intérêts et de déchéance des intérêts conventionnels de l'offre de prêt acceptée le 31 octobre 2007 ainsi que les demandes subséquentes et accessoires dont celle de dommages et intérêts, l'a condamné aux dépens et à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant de :
- dire et juger que ses demandes sont recevables et bien fondées ;
- constater que les intérêts périodiques du prêt n° 99XX134 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile ;
- constater que de telles modalités de calcul des intérêts périodiques procèdent d'une clause abusive ; en écarter l'application ;
- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit ;
- enjoindre à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre ;
- condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à lui restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal, et notamment la somme à parfaire de 64.652,26 euros, arrêtée au 11 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- ordonner l'actualisation des sommes au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat ;
A titre subsidiaire,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts du prêt n° 99XX134 ;
- condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ;
- condamner la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France aux dépens de l'instance.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures en date du 31 mai 2021, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, se fondant sur les articles L. 110-4 du code de commerce, L. 313-1, R. 313-1 et L. 312-2 anciens du code de la consommation demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer M. X. irrecevables en ses demandes en appel non comprises dans sa déclaration d'appel ;
A titre subsidiaire,
- débouter M. X. de toutes ses demandes ;
A titre très subsidiaire,
- dans l'hypothèse où par extraordinaire la critique portant sur le TEG serait admise, ordonner la transmission de l'arrêt au Trésor public à la diligence du greffe ;
Vu les articles 1240 nouveau du code civil et 1382 ancien du code civil,
- condamner M. X. au paiement d'une somme de 6.000 euros pour procédure abusive et infirmer le jugement de ce chef ;
- condamner M. X. aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme supplémentaire de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais d'expertise amiable de M. H., soit la somme de 3 500 euros.
[*]
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le rappel complet des prétentions et moyens soutenus.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la nullité de la déclaration d'appel :
Selon l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Si la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France soutient dans les motifs de ses conclusions que la déclaration d'appel serait nulle comme ne respectant pas les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, aucune prétention de ce chef n'est reprise dans le dispositif de sorte que la cour n'a pas à statuer, étant précisé en tout état de cause que les exceptions de nullité des actes de la procédure doivent être soumises au magistrat de la mise en état par conclusions spécialement adressées à ce dernier.
Sur la recevabilité des demandes de l'appelant :
Selon l'article 901, 4°, du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit mentionner les chefs de jugement expressément critiqués auquel l'appel est limité.
En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France fait valoir que les demandes de M. X. formées dans ses conclusions sous l'intitulé 'statuant à nouveau' sont irrecevables, l'appel étant limité aux chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel.
En l'espèce, la déclaration d'appel mentionne que l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de la clause de stipulation d'intérêts et de déchéance des intérêts conventionnels de l'offre de prêt acceptée le 31 octobre 2007 ainsi que les demandes subséquentes et accessoires dont celle de dommages et intérêts, l'a condamné aux dépens et à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il résulte du dispositif des dernières conclusions de M. X. devant le premier juge que ses demandes étaient les suivantes :
« Vu l'article 1907 du code civil ;
Vu les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation et les articles R. 313-1 et suivants du même code ;
Vu la jurisprudence applicable ;
Vu les pièces versées aux débats ;
Il est demandé de :
DIRE ET JUGER QUE les demandes de Monsieur X. sont recevables et bien fondées ;
CONSTATER que les intérêts périodiques du prêt référencé 99XX134 souscrit par Monsieur X. auprès du CREDIT AGRICOLE ont été calculés sur une base autre que l'année civile ;
PRONONCER la nullité de la clause d'intérêts conventionnels renfermée dans l'offre de prêt en date du 25 février 2009 émise par le CRÉDIT AGRICOLE portant sur le prêt référencé 99XX134 ;
ORDONNER en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu entre la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE et Monsieur X.
ENJOINDRE à la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE France d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre ;
CONDAMNER la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE France à restituer à Monsieur X. le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal, et notamment la somme à parfaire de 64652,26 euros, arrêtée au 11 janvier 2018, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
DIRE ET JUGER que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat ;
CONDAMNER la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE à payer à Monsieur X. la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETER toutes demandes et prétentions contraires de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE France ;
CONDAMNER la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE France aux entiers dépens de l'instance ;
ORDONNER l'exécution provisoire ».
Le premier juge ayant déclaré la demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels et les demandes subséquentes et accessoires prescrites, il n'a pas examiné ces demandes au fond, de sorte qu'en mentionnant dans l'acte d'appel que l'appel tendait à faire réformer la décision déférée en qu'elle a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de la clause de stipulation d'intérêts et de déchéance des intérêts conventionnels de l'offre de prêt ainsi que les demandes subséquentes et accessoires, M. X. a respecté les dispositions susvisées de l'article 901, 4° et énoncé les chefs du jugement expressément critiqués. Le litige s'est trouvé dévolu à la cour tant sur la prescription des demandes que sur le fond si la cour venait à déclarer ces demandes recevables, les demandes sur le fond ayant été régulièrement présentées dans les conclusions de M. X.
Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée de ce que les demandes formées en appel par M. X. ne seraient pas comprises dans sa déclaration d'appel doit être rejetée.
Sur la prescription de la demande en nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel :
Il résulte des dispositions des articles 1304 et 1907 du code civil, et L. 313-2 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige, qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par celui-ci en raison d'une erreur affectant le taux effectif global court, de même que l'exception de nullité d'une telle stipulation contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d'exécution, à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur.
Le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou, à défaut, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur.
Pour déclarer la demande de M. X. irrecevable, le premier juge a retenu que :
« M. X. soutient dans son assignation que le taux effectif global est affecté d'irrégularités au motif que le calcul des intérêts a été effectué sur 360 jours et que certains frais ont été omis du calcul du taux effectif global.
Cependant, l'absence alléguée de prise en compte de certains frais dans la détermination du taux effectif global constitue une absence décelable à la seule lecture de l'offre de crédit qui mentionne le montant des différents frais pris en compte (frais de dossier, assurance décès invalidité, frais de prise de garantie évalués à 2.520 euros).
Dès lors le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé à la date de l'acceptation de l'offre soit le 10 mars 2009, nonobstant la qualité d'emprunteur non professionnel de M. X. et l'autre motif allégué d'inexactitude tenant au calcul des intérêts conventionnels.
L'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts de l'offre acceptée le 10 mars 2009 est donc prescrite, l'action n'ayant été engagée que par assignation du 16 janvier 2018. Les demandes principale, subséquentes et accessoires sont irrecevables.
S'agissant du point de départ de la prescription, il sera relevé qu'en application des dispositions de l'article 446-2 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, applicable à la présente instance, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le report allégué dans les conclusions récapitulatives pour dol de la banque ou le caractère abusif d'une clause d'intérêts basée sur une année bancaire de 360 jours (non présente dans l'offre litigieuse) au motif que le dispositif de ces conclusions mentionne une demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêt conventionnel de l'offre de prêt au visa des articles 1907 du code civil, L. 313-1 et suivants du code de la consommation et qu'aucun demande de nullité pour dol ou autre n'y est formulée. »
Or, et à supposer même que, dans son acte introductif d'instance du 16 janvier 2018, M. X. ait fondé sa demande en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel non seulement sur l'utilisation de l'année bancaire de 360 jours pour le calcul des intérêts mais aussi sur l'absence d'inclusion de certains frais dans le calcul du taux effectif global, il ne s'appuyait plus dans ses dernières écritures que sur le calcul des intérêts sur la base de l'année bancaire de sorte que la prescription de l'action en nullité devait être examinée au regard de la seule irrégularité invoquée.
Force est de constater qu'aucune mention de l'offre de prêt acceptée par M. X. ne fournit d'indication quant au nombre de jours sur la base duquel les intérêts contractuels ont été calculés.
En l'absence de précision quant à la méthode de calcul retenue, il n'est pas démontré que l'emprunteur disposait de connaissances suffisantes pour déceler par lui-même, à la seule lecture de l'offre, l'erreur qui affecterait le calcul des intérêts conventionnels.
Au vu des pièces produites, il convient de retenir que c'est seulement le 11 janvier 2018, date à laquelle M. X. a disposé d'un tableau d'amortissement « reconstitué sur la base d'une année civile » (pièce n°4) que l'erreur qui, selon lui, affecterait le mode de calcul du taux conventionnel lui a été révélée.
Sa demande en nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel n'était donc pas prescrite quand il l'a formulée devant le tribunal de grande instance de Lille dans l'assignation qu'il a fait délivrer à la banque le 16 janvier 2019.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de déclarer recevable la demande de M. X. tendant à l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel et les demandes subséquentes en substitution du taux légal au taux conventionnel, en remboursement de la somme de 64 652,26 euros et tendant à la production par la banque d'un nouveau tableau d'amortissement, étant précisé que le jugement déféré statuait dans son dispositif, outre sur la recevabilité de la demande en nullité, sur la recevabilité d'une demande de déchéance du droit aux intérêts et d'une demande en dommages et intérêts qui n'avaient pas été formées devant lui par M. X. et mentionnait que l'offre de prêt était en date du 31 octobre 2007, alors qu'elle a été émise le 25 février 2009 et acceptée le 10 mars 2009.
La cour observe que, alors que dans le dispositif de ses dernières conclusions de première instance, M. X. demandait au tribunal de « PRONONCER la nullité de la clause d'intérêts conventionnels renfermée dans l'offre de prêt en date du 25 février 2009... » il ne demande plus en appel, dans le dispositif de ses dernières écritures, que, à titre principal, de « constater que les modalités de calcul des intérêts périodiques procèdent d'une clause abusive », d' « en écarter l'application » et d' « ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial ».
Sur le caractère abusif de la clause :
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Pour qu'une clause soit déclarée abusive, encore faut-il qu'il existe une clause.
Or, l'offre litigieuse ne renferme aucune stipulation relative à la base de calcul des intérêts conventionnels. D'ailleurs, M. X. ne vise aucune stipulation précise se bornant à faire valoir que 'tout pacte obscur s'interprète contre celui qui l'a rédigé (et qu') à défaut de renfermer une clause définissant clairement les modalités de calcul des intérêts périodiques, il y a lieu de présumer que celles-ci reposent non pas sur la base d'une année civile, mais sur celle d'une année de 360 jours, conformément d'ailleurs à l'usage bancaire répandu.'
La demande de M. X. tendant à voir déclarer abusive et écarter une clause inexistante ne peut donc qu'être rejetée, de même que les demandes subséquentes de substitution du taux légal au taux conventionnel, en remboursement de la somme de 64.652,26 euros à actualiser et tendant à la production par la banque d'un nouveau tableau d'amortissement.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
- Sur la prescription :
Il résulte des dispositions des articles L. 312-33 du code de la consommation et L. 110-4 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global.
Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus lors de l'examen de la prescription de la demande en nullité, il y a lieu de retenir que c'est seulement le 11 janvier 2018, date à laquelle M. X. a disposé d'un tableau d'amortissement 'reconstitué sur la base d'une année civile' (pièce n°4) que l'erreur qui, selon lui, affecterait le mode de calcul du taux conventionnel lui a été révélée.
Il en ressort que la demande de déchéance du droit aux intérêts formée pour la première fois par M. X. dans ses conclusions du 26 mai 2021, n'est pas prescrite.
- Sur le fond :
Il résulte des articles L. 312-8, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation, chacun dans sa rédaction applicable au litige, que la mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale.
L'exigence d'un écart supérieur à la décimale en ce qu'elle permet l'application d'une sanction ayant un caractère effectif, proportionné et dissuasif n'est pas contraire au droit de l'Union européenne.
En l'espèce, à supposer même que les intérêts conventionnels aient été calculés sur la base de l'année bancaire et non sur la base d'une année civile, force est de constater que M. X. ne démontre pas que l'inexactitude du taux conventionnel entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à la décimale.
M. X. sera donc débouté de sa demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts.
Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :
A défaut pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France de démontrer les préjudices matériel et moral qu'elle allègue, il convient de confirmer le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La solution du litige conduit à confirmer le jugement dans ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Partie perdante en cause d'appel, M. X. sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient en revanche de le condamner à régler à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a été contrainte d'exposer en appel (comprenant partie des frais d'expertise amiable de M. H.).
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Vu l'article 954 du code de procédure civile ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France tirée de ce que les demandes formées en appel par M. X. ne seraient pas comprises dans sa déclaration d'appel ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. X. de nullité de la clause de stipulation d'intérêts et de déchéance des intérêts conventionnels de l'offre de prêt acceptée le 31 octobre 2007 ainsi que les demandes subséquentes et accessoires dont celle de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare recevables la demande de M. X. de nullité de la clause de stipulation de l'intérêt conventionnel présentée en première instance et les demandes subséquentes en substitution du taux légal au taux conventionnel, en remboursement de la somme de 64.652,26 euros et tendant à la production par la banque d'un nouveau tableau d'amortissement ;
Déboute M. X. de sa demande tendant à voir dire que les modalités de calcul des intérêts périodiques procèdent d'une clause abusive et à en écarter l'application et ses demandes subséquentes de substitution du taux légal au taux conventionnel, en remboursement de la somme de 64.652,26 euros à actualiser et tendant à la production par la banque d'un nouveau tableau d'amortissement ;
Déclare la demande de M. X. tendant à la déchéance du droit aux intérêts recevable ;
Déboute M. X. de sa demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts ;
Déboute M. X. de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;
Condamne M. X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. X. aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
I. Capiez S. Collière