CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-6), 23 septembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9135
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-6), 23 septembre 2021 : RG n° 20/07929 ; arrêt n° 2021/366
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Par application de l'article L. 132 -1 du code de la consommation dans sa version applicable au moment de la signature du contrat de prévoyance le 20 octobre 2000 dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 a introduit un article préliminaire dans le code de la consommation énonçant qu'est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.
Au moment de l'accident de trajet dont il a été victime, M. X. était employé en qualité d'enseignant par l'AFPBTP (association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics) du Var à Toulon, qui n'est pas appelée aux débats.
Des pièces produites au dossier et plus précisément de la note de service (P 3 de l'appelant) que l'employeur s'est adressé à l'ensemble du personnel en ces termes nous vous confirmons que dans le cadre de l'assurance de notre Association, nous avons souscrit auprès de la Compagnie MMA... un contrat d'assurance collective « individuelle accident » qui prévoit notamment... une garantie en cas d'incapacité permanente accidentelle de 800.000 francs x « N » (N étant le taux d'incapacité permanente légal).... Il est prévu... que l'ouverture de cet avantage est conditionnée par l'obligation faite aux salariés de l'Association de compléter et régulariser un bulletin individuel d'affiliation fournie par l'assureur.
Ces éléments ne suffisent pas pour déterminer si en l'espèce la mise en place de cette « prévoyance » était imposée par la convention collective de branche applicable dans l'entreprise ou encore par la loi.
En tout état de cause, ce contrat a été conclu par l'AFPBTP avec comme date d'effet le 1er janvier 2000. La pièce produite mentionne que cette association, souscripteur du contrat, a la qualité de sociétaire et que d'autre part, chaque personne qui a satisfait aux formalités d'admission (Etat civil, consentement à l'assurance, désignation du ou des bénéficiaires du capital décès) acquiert la qualité d'assuré.
Il s'ensuit que M. X., qui ne peut plaider aux lieux et place de l'AFPBTP, absente du débat, n'est pas le co-contractant de la société Quatrem venant aux droits de la société MMA, mais le bénéficiaire du contrat d'assurance souscrit entre les parties. Il ne peut en conséquence invoquer à son profit les dispositions précitées, et la qualité de consommateur, pour soutenir le caractère abusif des clauses contractuelles. »
2/ « Si M. X. n'a pas cette qualité de consommateur il a celle d'assuré à qui sont applicables les clauses contractuelles et il a donc qualité et intérêt à agir en contestation de leur validité en application du droit des contrats. Il conclut à la nullité de la clause 2.4 qui exclut l'indemnisation des « risques graves ».
Par application de l'article L. 112-4 du code des assurances les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. En vertu de l'article L.113 en suivant, les pertes et dommages occasionnées par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Les clauses d'exclusion doivent donc être rédigées en caractères très apparents par rapport aux autres clauses rédigées en caractères apparents. La clause litigieuse est ainsi libellée : l'assuré présentant un taux d'incapacité permanente « N » résultant d'un accident et reconnu au plus tard dans un délai de douze mois à compter du jour de l'accident, reçoit un capital proportionnel au taux d'incapacité dont le montant est fixé au paragraphe 4.2 - MONTANT DES PRESTATIONS GARANTIES.
Cette clause qui se présente pour définir le risque et qui échapperait donc à une condition particulière de lisibilité s'analyse néanmoins comme une clause d'exclusion de la garantie. En effet et a priori, cette définition de la garantie implique une couverture quelque soit le taux d'incapacité permanente, mais elle introduit une condition limitative voire exclusive en posant la condition selon laquelle la consolidation de l'état de la victime, qui correspond à la fixation du taux d'incapacité permanente, doit être fixée dans le délai de douze mois à compter du jour de l'accident. Ce faisant, cette condition garantissant le risque, limite l'indemnisation du préjudice corporel à un assuré, victime d'une très faible atteinte du potentiel fonctionnel permanent, la consolidation à un an n'intéressant que des taux de déficit fonctionnel permanent compris entre 0 et 5 %, et en dehors de toute intervention chirurgicale.
[…] En conséquence, la clause 2.4 définissant la garantie en cas d'incapacité permanente et soumettant sa mobilisation à une consolidation acquise dans un délai de douze mois à compter du jour de l'accident est une clause d'exclusion, puisqu'elle exclut de fait tous les risques lourds pourtant visés au barème, et dont les termes auraient dû apparaître en caractères très apparents ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la clause étant rédigée en caractères non gras et dans une police identique à l'ensemble des autres clauses. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-6
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/07929. Arrêt n° 2021/366. N° Portalis DBVB-V-B7E-BGFW3. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 16 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le R.G. n° 19/00356.
APPELANT :
Monsieur X.
Assuré social sous le n° XX, né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté et ayant plaidé par Me Thierry C. de la SELARL C. ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOULON, et représenté par Maître Isabelle F. de la SELARL L. F. & ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIMÉES :
Compagnie d'assurance QUATREM
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en qualité au siège social, demeurant [adresse], représentée par Maître Martine D. de la SCP D. M & J, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et représentée par Maître Isabelle G., avocat plaidant au barreau de PARIS.
Caisse CPAM du VAR
Assignée le 05/10/2020 à personne habilitée. Signification le 26/11/2020 à étude. Signification des conclusions 01/03/2021 à personne habilitée. demeurant [adresse], Défaillante.
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 juin 2021 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, Madame Anne VELLA, Conseillère, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Rudy LESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
ARRÊT : Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021, Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé des faits et procédure :
Le 9 décembre 2008, alors qu'il se rendait à son travail, M. X. a été victime d'un grave accident de la circulation.
Antérieurement, par l'intermédiaire de son employeur, il a été affilié auprès de la société MMA, devenue depuis la société Quatrem, au bénéfice d'un contrat de prévoyance. Le 11 décembre 2008 et par télécopie, l'employeur a déclaré le sinistre auprès de cette société.
L'assureur a contesté la mobilisation de sa garantie au motif qu'il n'a jamais reçu la déclaration de sinistre et que la consolidation par la Cpam est intervenue plus d'un an après l'accident alors que le contrat ne couvre que les victimes consolidées dans l'année de l'accident.
Par acte du 16 janvier 2019, et du 21 juin 2019, M. X. a fait assigner la société Quatrem devant le tribunal de grande instance de Toulon, pour obtenir paiement d'une indemnité d'assurance et ce, en présence de la Cpam du Var.
M. X. a soutenu que la clause alléguée, qui limite à douze mois la reconnaissance du taux d'incapacité permanente, excluant de ce fait les dommages corporels graves et instaurant une inégalité entre les assurés, est abusive.
La société Quatrem n'a pas comparu.
Selon jugement du 16 juillet 2020, le tribunal a :
- débouté M. X. des fins de sa demande ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au 20 octobre 2000, le tribunal a considéré qu'il n'était démontré aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et que la rupture de l'égalité entre les assurés n'est pas davantage démontrée en ce qu'il n'est ni établi ni même allégué de différence de traitement entre personnes placées dans la même situation.
Par déclaration du 19 août 2020, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées, M. X. a relevé appel de ce jugement en visant expressément chacune des mentions contenues au dispositif.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 juin 2021.
Prétentions et moyens des parties
Selon ses conclusions du 1er juin 2021, M. X. demande à la cour de :
- le recevoir en son appel et le dire bien fondé ;
- réformer le jugement ;
statuant à nouveau
- juger que la clause 2.4 des conditions générales du contrat est abusive en ce qu'elle limite à douze mois la reconnaissance du taux d'incapacité permanente excluant de ce fait les graves dommages corporels et instaure une inégalité entre les assurés, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, à son préjudice ;
- juger que la clause 2.4 des conditions générales du contrat qui constitue une exclusion de garantie est nulle en ce qu'elle n'est pas conforme aux dispositions édictées par les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances ;
- juger qu'il doit être indemnisé conformément aux prescriptions contractuelles, à l'exclusion de la partie illégale et abusive de l'article 2.4 des conditions générales ;
à titre principal
- condamner la société Quatrem à lui verser la somme de 121.959 € au titre de l'exécution du contrat avec intérêts au taux légal à compter de la demande en paiement du 11 décembre 2008 qui correspond à la déclaration de sinistre, ou subsidiairement de la mise en demeure par lettre recommandée du 2 août 2016 conformément aux dispositions de l'article 1344-1 du code civil ;
à titre subsidiaire, au visa de l'article 143 du code de procédure civile
- désigner tel expert médical qu'il plaira la juridiction afin d'évaluer son préjudice corporel conformément aux prescriptions contractuelles ;
en tout état de cause
- débouter la société Quatrem de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions incidentes ;
- la condamner à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil.
Au visa de l'article 132-1 du code de la consommation, il fait valoir, que contrairement à ce que soutient la société Quatrem, et alors que le contrat garantit la victime d'accident au cours de ses activités professionnelles, il n'a pas la qualité de professionnel et n'exerce aucune activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Il est tout simplement professeur de mathématiques. Même dans l'exercice de sa profession mais dans un domaine qui ne relève pas de sa spécialité, un professionnel peut être considéré comme consommateur. Il est donc parfaitement recevable à solliciter l'application des dispositions précitées du code de la consommation. En l'espèce le contrat souscrit par le centre de formation du bâtiment, son employeur, n'était soumis à aucune règle régie par le code du travail et le code de la sécurité sociale. Ce n'est pas un contrat de prévoyance mais un contrat « individuelle accident » dont l'adhésion n'est pas obligatoire mais facultative, nonobstant les stipulations de l'article 1.3 des conditions générales. Le seul contrat de travail dont il dispose ne suffisait pas à lui faire bénéficier de ce contrat.
La loi du 17 mars 2014 qui a introduit l'article préliminaire dans le code de la consommation venant apporter la définition du consommateur est une loi interprétative des dispositions de ce code et elle bénéficie d'une rétroactivité maximale si bien que la cour ne pourra écarter la définition légale de la notion de consommateur. En tout état de cause tant lui-même que son employeur, souscripteur du contrat de groupe, ne sauraient être assimilés à des professionnels.
Il soutient que la clause 2.4 des conditions générales, est abusive. En effet pour que la garantie s'applique, il faudrait que l'assuré soit consolidé par la Cpam dans les 12 mois suivant l'accident puisque le taux d'incapacité consécutif à l'accident du travail n'est fixé par la sécurité sociale que lorsque l'assuré est consolidé. En pratique ce contrat ne pourrait donc indemniser que les petits préjudices, en effet les personnes présentant un taux d'incapacité permanente supérieure 10 % ne peuvent être consolidées au bout de 12 mois. Par cette clause l'assureur se préserve d'indemniser les préjudices importants. Pourtant les employeurs qui signent ces contrats sont persuadés que les employés sont bien assurés et couverts de tous leurs préjudices en cas d'accident. Cette clause est manifestement abusive car l'objet même du contrat est éludé par sa rédaction.
Il ajoute que les conditions générales au titre du barème visent la garantie des incapacités très importantes comme la paralysie, des amputations, la perte de la vue etc. ce qui vient démontrer qu'il ne s'agit pas d'une couverture limitée au petit risque mais d'une couverture comportant contractuellement des risques importants. L'assuré bénéficiaire, et non-signataire direct du contrat, est donc trompé par cette annexe.
Cette clause constitue ni plus ni moins qu'une exclusion de garantie qui au terme de l'article L. 113-1 du code des assurances devrait être formelle et limitée, expresse, claire et précise et soumise à l'article L. 112-4 du même code, selon lequel l'exclusion doit être rédigée en caractères très apparents. Cette clause est manifestement illégale et abusive et elle devra être déclarée nulle et non écrite.
Il demande donc l'application du contrat sur la base de l'évaluation du docteur Z. qui retient un déficit fonctionnel permanent de 65 %. La médecine du travail a reconnu une invalidité de 67 % correspondant aux séquelles suivantes : troubles de l'équilibre et de la marche, troubles des fonctions cognitives, raideur lombaire, perte fonctionnelle partielle de la main gauche. En utilisant le barème contractuel de l'assureur, ces séquelles confèrent un taux d'incapacité égale à 100 %. Il ne peut plus travailler, il a de graves pertes de mémoire et de raisonnement et présente une aliénation mentale qui l'a contraint à arrêter de travailler et l'a coupé de toute occupation. La compagnie d'assurance doit donc lui verser la somme de 121.959 € correspondant au calcul suivant : 800.000 F x 100 (n=100).
Ce n'est qu'à titre très subsidiaire qu'il sollicite l'instauration d'une mesure d'expertise.
[*]
Par conclusions du 4 juin 2021, la société Quatrem demande à la cour, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
à titre infiniment subsidiaire dans l'hypothèse où la cour venait à infirmer le jugement juger que la garantie incapacité permanente est acquise,
- évaluer à 80.712,67 € le montant du capital incapacité permanente qui serait dû à M. X. ;
- le débouter du surplus de ses demandes, fins et prétentions ;
- le condamner à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Elle soutient que l'article L. 132-1 du code de la consommation s'applique aux contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, et ne s'applique pas aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le contractant. Au jour de la conclusion du contrat le 20 octobre 2000, le code de la consommation ne définissait pas la notion de consommateur qui a été introduite par la loi du 17 mars 2014 et précisée par la loi Hamon du 14 mars 2016.
Au terme d'un arrêt rendu le 21 novembre 2012, la Cour de cassation a rappelé que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne trouvaient pas à s'appliquer s'agissant d'une garantie conventionnelle régie par le code du travail et le code de la sécurité sociale, souscrite par un employeur pour le compte de ses salariés. Cette décision s'est prononcée sur l'application du code de la consommation et en particulier sur celle de l'article L. 132-1 aux parties, lorsqu'elles sont liées par un accord collectif professionnel. La Cour de cassation a jugé que l'employeur, qui souscrit une assurance collective pour le compte de ses salariés afin de garantir ses obligations découlant de la convention collective, n'a pas la qualité de consommateur au sens de ses dispositions, s'agissant d'une personne morale agissant dans le cadre de son activité professionnelle.
En l'espèce, M. X. a été affilié à un contrat de prévoyance collective à adhésion obligatoire, souscrit par son employeur pour gager ses obligations découlant de la convention collective, d'un accord collectif ou d'une déclaration unilatérale du sociétaire. L'employeur ne peut donc avoir la qualité de consommateur.
Le contrat souscrit est un contrat obligatoire au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1989, les assurés étant garantis collectivement soit sur la base d'une convention ou d'un accord collectif, soit à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'un projet d'accord, soit par décision unilatérale du sociétaire qui s'applique à l'ensemble des enseignants, du personnel administratif et du personnel de service. La seule chose qui incombe aux salariés et de compléter et de régulariser un bulletin individuel d'affiliation. En outre dans le cadre de ce contrat, seuls sont garantis les accidents dont les assurés peuvent être victimes au cours de leur activité professionnelle. Le contrat d'assurance auquel M. X. a été affilié a un rapport direct avec son activité professionnelle et il n'y a été affilié que par l'effet de son contrat de travail.
En conséquence, M. X. ne peut invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation qui ne sont pas applicables en l'espèce.
En tout état de cause, elle rappelle qu'aux termes de ce texte, sont abusives les clauses ayant pour objet de créer au détriment du non professionnel et du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. La clause litigieuse prévoit que la garantie est due si l'assuré présente un taux d'incapacité permanente résultant d'un accident et reconnu au plus tard dans un délai de 12 mois à compter de l'accident. Par référence à l'alinéa 7 du texte cité, cette clause définit l'objet principal du contrat en ce qu'elle détermine le risque assuré en matière d'invalidité permanente qui est un élément essentiel de la police et caractérise celle-ci. Elle est rédigée de manière claire et précise, parfaitement intelligible et ne peut donner lieu à l'appréciation sur son éventuel caractère abusif. En tout état de cause ce caractère abusif allégué n'est pas démontré. Ce contrat complète la couverture complémentaire dont l'assuré bénéficie par ailleurs en application des dispositions du code du travail et du code de la sécurité sociale. Le fait que la couverture puisse être limitée aux petits risques n'est pas de nature à établir un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. M. X. ne peut soutenir qu'il aurait été trompé par l'annexe au contrat comportant le barème médical fixant les taux d'invalidité en ce qu'il prévoit selon ses indications une très large indemnisation de préjudices importants. Le jugement sera donc confirmé.
M. X. demande à la cour de juger que la clause de l'article 2.4 constitue une exclusion de garantie qui serait non conforme aux dispositions des articles L. 113-1 et L.112.4 du code des assurances. Or ces dispositions ne s'appliquent pas aux clauses qui définissent le risque assuré ou les conditions de la garantie.
Si la cour devait considérer qu'il s'agit d'une clause d'exclusion de garantie, elle répond aux exigences des dispositions précitées, rédigée en termes clairs et très apparents, en caractères gras de façon à attirer spécialement d'attention de l'assuré. Elle est formelle et limitée puisqu'elle se réfère à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées. Le jugement sera confirmé de ce chef.
À titre encore plus subsidiaire si la cour devait juger que la garantie est acquise à M. X., il ne pourrait obtenir un capital d'incapacité permanente évaluée à 100 %, le docteur Z. ayant fixé ce taux à 65 % et la médecine du travail lui ayant reconnu un taux d'incapacité globale de 67 %, soit tout au plus l'allocation d'une somme de 80.712,67 €.
[*]
La Cpam du Var, assignée par M. X., par acte d'huissier du 5 octobre 2020, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.
Par courrier du 1er février 2021 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 642.532,88 €, correspondant à :
- des prestations en nature : 327.589,54 €
- des indemnités journalières versées du 10 décembre 2008 au 20 décembre 2011 : 84.662,94 €
- les arrérages d'une rente versée du 21 décembre 2011 au 23 janvier 2012 : 812,56 €
- le capital représentatif de la rente de 80.010,65 €
- frais futurs : 148.608,69 €.
[*]
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur la qualité de consommateur :
Par application de l'article L. 132 -1 du code de la consommation dans sa version applicable au moment de la signature du contrat de prévoyance le 20 octobre 2000 dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 a introduit un article préliminaire dans le code de la consommation énonçant qu'est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.
Au moment de l'accident de trajet dont il a été victime, M. X. était employé en qualité d'enseignant par l'AFPBTP (association pour la formation professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics) du Var à Toulon, qui n'est pas appelée aux débats.
Des pièces produites au dossier et plus précisément de la note de service (P 3 de l'appelant) que l'employeur s'est adressé à l'ensemble du personnel en ces termes nous vous confirmons que dans le cadre de l'assurance de notre Association, nous avons souscrit auprès de la Compagnie MMA... un contrat d'assurance collective « individuelle accident » qui prévoit notamment... une garantie en cas d'incapacité permanente accidentelle de 800.000 francs x « N » (N étant le taux d'incapacité permanente légal).... Il est prévu... que l'ouverture de cet avantage est conditionnée par l'obligation faite aux salariés de l'Association de compléter et régulariser un bulletin individuel d'affiliation fournie par l'assureur.
Ces éléments ne suffisent pas pour déterminer si en l'espèce la mise en place de cette « prévoyance » était imposée par la convention collective de branche applicable dans l'entreprise ou encore par la loi.
En tout état de cause, ce contrat a été conclu par l'AFPBTP avec comme date d'effet le 1er janvier 2000. La pièce produite mentionne que cette association, souscripteur du contrat, a la qualité de sociétaire et que d'autre part, chaque personne qui a satisfait aux formalités d'admission (Etat civil, consentement à l'assurance, désignation du ou des bénéficiaires du capital décès) acquiert la qualité d'assuré.
Il s'ensuit que M. X., qui ne peut plaider aux lieux et place de l'AFPBTP, absente du débat, n'est pas le co-contractant de la société Quatrem venant aux droits de la société MMA, mais le bénéficiaire du contrat d'assurance souscrit entre les parties. Il ne peut en conséquence invoquer à son profit les dispositions précitées, et la qualité de consommateur, pour soutenir le caractère abusif des clauses contractuelles.
Sur la nullité de la clause 2.4 :
Si M. X. n'a pas cette qualité de consommateur il a celle d'assuré à qui sont applicables les clauses contractuelles et il a donc qualité et intérêt à agir en contestation de leur validité en application du droit des contrats. Il conclut à la nullité de la clause 2.4 qui exclut l'indemnisation des « risques graves ».
Par application de l'article L. 112-4 du code des assurances les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
En vertu de l'article L.113 en suivant, les pertes et dommages occasionnées par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Les clauses d'exclusion doivent donc être rédigées en caractères très apparents par rapport aux autres clauses rédigées en caractères apparents.
La clause litigieuse est ainsi libellée : l'assuré présentant un taux d'incapacité permanente « N » résultant d'un accident et reconnu au plus tard dans un délai de douze mois à compter du jour de l'accident, reçoit un capital proportionnel au taux d'incapacité dont le montant est fixé au paragraphe 4.2 - MONTANT DES PRESTATIONS GARANTIES.
Cette clause qui se présente pour définir le risque et qui échapperait donc à une condition particulière de lisibilité s'analyse néanmoins comme une clause d'exclusion de la garantie. En effet et a priori, cette définition de la garantie implique une couverture quelque soit le taux d'incapacité permanente, mais elle introduit une condition limitative voire exclusive en posant la condition selon laquelle la consolidation de l'état de la victime, qui correspond à la fixation du taux d'incapacité permanente, doit être fixée dans le délai de douze mois à compter du jour de l'accident.
Ce faisant, cette condition garantissant le risque, limite l'indemnisation du préjudice corporel à un assuré, victime d'une très faible atteinte du potentiel fonctionnel permanent, la consolidation à un an n'intéressant que des taux de déficit fonctionnel permanent compris entre 0 et 5 %, et en dehors de toute intervention chirurgicale.
Pourtant cette clause 2.4 renvoie d'une part à la clause 4.2 qui énonce que la garantie en cas d'incapacité permanente par assuré est de 800.000 francs x « N », « N » étant le taux d'incapacité permanente égale, mais aussi au Titre 7 en annexe intitulé BAREME, servant de base à la détermination du taux d'incapacité en cas d'invalidité permanente.
Les atteintes objet de la garantie sont ainsi listées de façon non exhaustive : aliénation mentale totale et incurable rendant impossible tout travail ou toute occupation, brèche osseuse crânienne complète, épilepsie démontrée post-traumatique, perte des deux yeux, perte totale d'un œil, perte de la vision d'un œil, surdité incurable totale ou partielle, ablation du maxillaire inférieur totale ou partielle, fracture du maxillaire inférieur et supérieur, les infirmités portant sur les deux membres, mains, bras, jambes, pieds, les infirmités portant sur les membres supérieurs dont la paralysie totale d'un membre supérieur, où la paralysie totale de certains nerfs, les amputations de la main, d'un doigt de la main, les infirmités portant sur les membres inférieurs avec notamment amputations, fracture grave avec paralysie complète des membres inférieurs, fracture d'un corps vertébral suivant les lésions médullaires, fracture du bassin perte des deux bras des deux mains, perte des deux jambes des deux pieds perte complètes de leur usage, perte d'un bras ou d'une main et d'une jambe ou d'un pied, perte complète de leur usage, fracture d'un corps vertébral suivant les lésions médullaires, fracture des côtes, fracture avec séquelles du bassin.
L'expertise de M. X. réalisée le 8 juillet 2011 par les docteurs Z. et W. fait état au titre des incidences médico-légales :
- d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance et plus précisément d'un hématome extradural droit et d'une contusion temporale gauche ayant nécessité une intervention pour évacuation de l'hématome extradural droit laissant persister une cicatrice du cuir chevelu avec un défect osseux ainsi que d'importants déficits cognitifs portant sur les capacités de raisonnement complexes ayant des conséquences sur les capacités de jugement au quotidien, une anosognosie, des troubles linguistiques et comportementaux,
- un traumatisme thoracique ayant entraîné un volet costal gauche avec fracture des 2ème à 9ème côte gauche, associé à des fractures costo-transversaires et des fractures des apophyses épineuses de D5 à D9, une fracture du corps vertébral de D7, une fracture des 5ème, 6ème et 7ème cote droite occasionnant un hémothorax gauche et un pneumothorax droit ayant nécessité une intubation et une ventilation,
- un traumatisme rénal,
- un traumatisme du poignet gauche ayant entraîné une fracture, et laissant persister comme séquelles une main gauche neurologique, pas fonctionnelle avec une importante amyotrophie en territoire cubital et médian,
- deux interventions chirurgicales réalisées en raison de très importantes para ostéo-artheropathies des deux hanches ayant permis d'améliorer les capacités de marche.
À l'exception du traumatisme rénal, chacune de ces séquelles a été visée par l'assureur dans le barème servant d'évaluation à la détermination du taux d'incapacité permanente.
Or, les experts ont fixé une date de consolidation acquise le 31 mars 2011 soit au 27e mois après l'accident, et après la fin de toute thérapeutique active curative, outre un taux de déficit fonctionnel permanent global évalué à 65 %. Ils ont en outre précisé que M. X. en raison de son état de fait l'objet de plusieurs hospitalisations entre le 9 décembre 2008 et le 3 juillet 2010.
En conséquence, la clause 2.4 définissant la garantie en cas d'incapacité permanente et soumettant sa mobilisation à une consolidation acquise dans un délai de douze mois à compter du jour de l'accident est une clause d'exclusion, puisqu'elle exclut de fait tous les risques lourds pourtant visés au barème, et dont les termes auraient dû apparaître en caractères très apparents ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la clause étant rédigée en caractères non gras et dans une police identique à l'ensemble des autres clauses.
Aucunes des séquelles que M. X. présente après sa consolidation, bien que prévues individuellement par l'assureur dans son barème d'évaluation du déficit fonctionnel permanent n'étaient susceptibles d'être consolidées dans un délai de 12 mois.
Cette clause en son premier paragraphe reproduit plus avant est donc déclarée nulle et de nul effet.
Sur l'indemnisation du préjudice :
M. X. ne peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 100 %, au motif que le barème de la société Quatrem servant de base à la détermination du taux d'incapacité en cas d'invalidité permanente prévoit 100 % de déficit fonctionnel permanent au titre d'une aliénation mentale. Il faut entendre que ce barème envisage pour chaque séquelle l'indemnisation en fonction d'un taux minimum et maximum de déficit fonctionnel permanent, ou maximum. En l'occurrence les experts les docteurs Z. et W. ont évalué le déficit fonctionnel permanent global à 65 % après avoir pris en compte chaque séquelle, là où l'organisme social a évalué cette invalidité à 67 %, dernier taux que la société Quatrem demande à la cour de retenir.
C'est donc en fonction de ce taux que l'indemnisation doit être calculée et elle s'établit sur la base d'un point de déficit fonctionnel permanent évalué à 1.219,59 € (8.000 francs) à la somme de 81.712,67 €, créance qui n'est déterminée qu'au terme du présent arrêt et donc augmentée des intérêts au taux légal à compter de son prononcé le 23 septembre 2021.
Sur les demandes annexes :
La société Quatrem qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel. L'équité ne justifie pas de lui allouer une somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à M. X. une indemnité de 4000' au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
La Cour,
- Infirme le jugement,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- Dit que la clause 2.4 prévue par le contrat de prévoyance de la société Quatrem est nulle ;
- Dit que l'indemnité revenant à M. X. s'établit à 81.712,67 € ;
- Condamne la société Quatrem à payer à M. X. les sommes de :
* 81.712,67 €, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt le 23 septembre 2021 ;
* 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;
- Déboute la société Quatrem de sa demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ;
- Condamne la société Quatrem aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
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