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CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 7 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 7 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA) 1re ch. civ. et com.
Demande : 19/02349
Date : 7/09/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/11/2018
Référence bibliographique : 9744 (prêt immobilier, année lombarde), 9742 (prêt en francs suisses)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9136

CA BESANÇON (1re ch. civ. com.), 7 septembre 2021 : RG n° 19/023491 

Publication : Jurica ; Légifrance

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que si les deux contrats de prêts immobiliers consentis aux intimés comportent en effet une clause prescrivant un remboursement dans la devise du contrat, soit le franc suisse, il est avéré qu'ils contenaient un élément d'extranéité en ce que M. X, lors de leur souscription, exerçait une activité professionnelle sur le territoire helvétique rémunérée en francs suisses, de sorte que n'étant pas des contrats internes, ils ne présentent aucune contrariété à l'ordre public économique français ».

2/ « Que dans ces conditions, la clause litigieuse, qui doit s'appréhender au regard de l'économie et des stipulations du contrat dans son ensemble, n'apparaît pas abusive dans la mesure où les emprunteurs ont été informés par le prêteur des risques encourus et qu'ils ont, en connaissance de cause, fait le pari du bénéfice comme de la perte dont ils avaient été avisés, de sorte qu'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat n'est pas caractérisé en l'occurrence ; Que c'est donc par des motifs pertinents et adoptés que le premier juge a retenu que cette clause n'était pas abusive ».

3/ « Attendu que c'est par des motifs pertinents que le premier juge a écarté le premier moyen en rappelant que le risque de perte d'emploi pour un salarié du secteur privé n'est pas plus imprévisible en Suisse qu'il ne l'est en France et que tout emprunteur normalement vigilant ne peut qu'avoir à l'esprit ce risque lors qu'il s'engage dans un crédit immobilier ; que pareillement tout emprunteur ne peut qu'avoir conscience qu'un tel événement génère mathématiquement une perte de revenus ; qu'au surplus la notice d'assurance remise aux emprunteurs mentionne clairement qu'ils sont assurés contre le décès et la perte totale et irréversible d'autonomie, l'invalidité totale et définitive et l'incapacité temporaire totale, et implicitement qu'ils n'ont pas souscrit la garantie perte d'emploi ;

Que pour le surplus il a été démontré précédemment que la particularité des prêts souscrits en devises a été expliquée aux emprunteurs et que leur attention a été tout particulièrement appelée, par une notice signée de leurs mains, sur cette particularité et les risques inhérents, ainsi que sur l'opportunité de souscrire une assurance contre le risque lié à la variation du taux de change; que si les époux X. proposent de longs développements relatifs à la réglementation en matière de prêts souscrits en devises, c'est avec raison que la banque rappelle que celle-ci intervenue postérieurement aux contrats litigieux n'a pas vocation à recevoir application en la cause ;

Qu'enfin il est admis que si le prêteur doit s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur il ne lui incombe pas de délivrer à son client un conseil quant à l'opportunité de l'opération envisagée au risque de s'immiscer dans la gestion de ses affaires ».

4/ « Attendu que c'est par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour fait siens que le premier juge a retenu, d'une part, que la jurisprudence de la Cour de cassation avait désormais vocation à s'appliquer aux faits des causes soumises au juge de façon rétroactive et, d'autre part, qu'il résulte désormais de l'arrêt du 19 juin 2013 de ladite cour qu'en application de l'article 1907 alinéa 2 du code civil et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 anciens du code de la consommation, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile ;

Qu'en l'occurrence, c'est sans inverser la charge de la preuve que le jugement déféré a relevé qu'il résultait de la clause reprise ci-après que les intérêts ont été calculés en l'espèce sur la base de 360 jours et non pas sur celle de l'année civile :

« Ce taux génère le paiement d'intérêts à terme échus à la périodicité stipulée. Les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du prêt en devise en fonction du nombre de jours calendaires ramenés sur la base d'une année égale à 360 jours (sauf pour la livre Sterling) conformément aux usages commerciaux » ;

Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a appliqué à compter de leur souscription le 3 janvier 2013 aux deux contrats de prêts souscrits par les époux X. l'intérêt au taux légal aux lieu et place du taux conventionnel de 2,40 % l'an, jusqu'au terme du contrat, et condamné la banque à leur payer le trop-perçu correspondant ;

Qu'il a dans ces conditions considéré à bon droit qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le moyen surabondant tiré de la nullité de la clause fondée sur une erreur de calcul du TEG ».

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116.00013 -

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 7 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

No de rôle : No RG 19/02349 - No Portalis DBVG-V-B7D-EGHG. Contradictoire. S/appel d'une décision du Tribunal de Grande Instance de BESANCON en date du 11 juin 2019 [R.G. n° 18/00213]. Code affaire : 53A - Prêt - Demande en nullité du contrat ou d'une clause du contrat

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT :

CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, son Président, domicilié en cette qualité audit siège Sis [Adresse 1], Représentée par Maître Delphine GROS de la SELARL TERRYN - AITALI GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant, Représentée par Maître Olivier BERNARDI de la SCP GIDE LOYERETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

 

ET :

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 2], de nationalité française, demeurant [Adresse 2], Représenté par Maître Christophe CARRE de la SCP CHARDIN CARRE, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant, Représenté par Maître Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 2] à [Localité 1], de nationalité française, demeurant [Adresse 2], Représentée par Maître Christophe CARRE de la SCP CHARDIN CARRE, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant, Représentée par Maître Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : MAGISTRATS RAPPORTEURS : Monsieur E. MAZARIN, Président de Chambre, et Madame Bénédicte UGUEN LAITHIER conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré : Monsieur E. MAZARIN, Président de Chambre a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats : Madame B. UGUEN LAITHIER, magistrat rédacteur et Monsieur L. MARCEL, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 15 juin 2021 a été mise en délibéré au 7 septembre 2021. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et prétentions des parties :

Par acte sous seing privé en date du 3 janvier 2012, le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté (la banque) a consenti à M. X et à Mme Y., son épouse, (les époux X.), deux prêts immobiliers d'une durée de 240 mois d'un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses (CHF) de 292.830 euros et de 90.300 euros, moyennant un taux nominal fixe de 2,4 % et un TEG de 3,1053 % pour le premier et de 3,1165 % pour le second.

Lors de la conclusion de ces contrats, M. X exerçait une activité professionnelle en Suisse, dont il a été licencié en 2016.

Par exploit d'huissier délivré le 28 novembre 2017, les époux X. ont fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance de Besançon aux fins de voir prononcer au principal la nullité de ces contrats pour être contraires à l'ordre public économique.

Par jugement rendu le 11 juin 2019 soumis à la cour, ce tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- débouté les époux X. de leur demande de nullité des contrats de prêt,

- prononcé la déchéance du droit de la banque à percevoir les intérêts au taux contractuel des prêts souscrits pour recours à l'année lombarde et y a substitué le taux d'intérêt légal à compter du 3 janvier 2013,

- condamné la banque à payer aux époux X. le trop-perçu d'intérêts conventionnels à compter de cette date et à leur communiquer un nouvel échéancier faisant application du taux d'intérêt légal,

- débouté les époux X. de leur demande de dommages-intérêts,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- condamné la banque à verser aux époux X. 2.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.

[*]

Suivant déclaration reçue au greffe le 29 novembre 2018, la banque a relevé appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions transmises le 13 août 2020, elle demande à la cour de :

- l'infirmer sauf en ce qu'il a rejeté les demandes adverses de nullité et de dommages-intérêts,

- dire l'offre de prêt conforme aux dispositions légales et réglementaires et à l'ordre public économique français,

- dire les demandes adverses irrecevables et à défaut mal fondées,

- débouter en conséquence les époux X. de leurs prétentions,

- la confirmer dans son droit de percevoir les intérêts relatifs aux prêts litigieux,

- condamner les époux X. à lui verser 12.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

[*]

Par dernières écritures déposées le 15 mai 2020, les époux X. demandent à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté leurs demandes de nullité des contrats et de la clause abusive et leur demande de dommages-intérêts,

- dire le contrat nul et non avenu pour être contraire à l'ordre public économique,

- condamner en conséquence la banque à leur payer la somme de 67 402,72 euros à titre de dommages-intérêts,

- déclarer abusive la clause faisant peser sur l'emprunteur le risque de change,

- condamner en conséquence la banque à leur payer la somme de 67 402,72 euros à titre de dommages-intérêts,

- dire que la banque a manqué à son devoir d'information et de conseil,

- condamner en conséquence la banque à leur payer la somme de 67 402,72 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner l'appelant à leur verser 6.000 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens.

[*]

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions susvisées de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 25 mai 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

* Sur l'exception de nullité du contrat pour contrariété à l'ordre public économique :

Attendu que les époux X. se prévalent de deux séries d'arrêts rendus par la cour d'appel de Metz le 6 avril 2017 et par la Cour de cassation le 11 juillet 2018 pour soutenir que le contrat qui exige le remboursement en devises est nul comme contraire au cours légal de la monnaie ;

Que la banque rétorque que l'obligation de payer en euros ne s'applique qu'aux contrats internes alors que le contrat litigieux comportait un élément d'extranéité en ce que M. X exerçait alors une activité professionnelle en Suisse et y était rémunéré en CHF et qu'en tout état de cause, le contrat prévoyait la possibilité d'un remboursement en euros ;

Mais attendu que si les deux contrats de prêts immobiliers consentis aux intimés comportent en effet une clause prescrivant un remboursement dans la devise du contrat, soit le franc suisse, il est avéré qu'ils contenaient un élément d'extranéité en ce que M. X, lors de leur souscription, exerçait une activité professionnelle sur le territoire helvétique rémunérée en francs suisses, de sorte que n'étant pas des contrats internes, ils ne présentent aucune contrariété à l'ordre public économique français ;

 

* Sur le caractère abusif de la clause relative au risque de change :

Attendu que les époux X. exposent qu'en dépit du risque encouru en cas de variation des taux de change pesant exclusivement sur l'emprunteur, la spécificité d'une offre de prêt en CHF ne leur a pas été expliquée par la banque et que la clause correspondante n'est ni claire ni compréhensible quant au fonctionnement complet du mécanisme ; qu'ils estiment que, dès lors qu'elle crée un déséquilibre manifeste à leur détriment, cette clause d'indexation du prêt sur le franc suisse est abusive ;

Que la banque réplique que la clause d'indexation n'est pas abusive dès lors que les époux X. avaient été parfaitement informés du risque de la variation possible des taux de change, que cette clause ne créait pas un déséquilibre manifeste à leur détriment puisqu'elle pouvait leur être favorable, et que le remboursement en devises répondait à une demande de leur part puisque M. X. était rémunéré dans cette monnaie ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation alors en vigueur, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que les époux X. sont des co-emprunteurs non professionnels ;

Qu'en cas de litige concernant une clause abusive, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse ; que la CJUE dans un arrêt du 20 septembre 2017 (no C-186/16) a rappelé à cet égard que « l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 (concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs) doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, cette exigence implique qu'une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières » ;

Attendu qu'en l'espèce la clause de paiement de l'échéance stipule que les remboursements s'effectueront dans la devise figurant dans l'offre par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en devises de l'emprunteur ou à défaut par l'achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en euros de l'emprunteur ; qu'il est précisé que ce dernier supportera donc intégralement, en cas d'achat de devises au comptant ou à terme, le risque de change ;

Que la clause intitulée « disposition particulière relative au risque de change » vient préciser que « il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l'emprunteur conformément aux dispositions de la réglementation des changes et qu'en conséquence le présent prêt ne pourra faire l'objet d'une couverture du risque de change par achat à terme par l'emprunteur, du capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l'autorise. Il reconnaît à cet égard avoir été informé par le prêteur l'avisant du risque particulier lié à ce type de prêt notamment par la notice d'information sur les prêts en devise, ci-annexée » ;

Qu'il est en effet annexé à l'acte une notice d'information « Prêts en devises », datée et signée par les co-emprunteurs qui appelle l'attention de façon circonstanciée et claire sur la particularité du fonctionnement des prêts en devises notamment au regard de l'évolution du marché des changes par rapport à l'euro soulignant que si le gain éventuel est à leur profit la perte éventuelle est intégralement à leur charge ; que la notice invite encore les emprunteurs à garder à l'esprit ce risque pendant toute la durée de remboursement et les invite à contacter leur agence habituelle pour examiner l'opportunité de souscrire une couverture assurantielle de ce risque ;

Que dans ces conditions, la clause litigieuse, qui doit s'appréhender au regard de l'économie et des stipulations du contrat dans son ensemble, n'apparaît pas abusive dans la mesure où les emprunteurs ont été informés par le prêteur des risques encourus et qu'ils ont, en connaissance de cause, fait le pari du bénéfice comme de la perte dont ils avaient été avisés, de sorte qu'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat n'est pas caractérisé en l'occurrence ;

Que c'est donc par des motifs pertinents et adoptés que le premier juge a retenu que cette clause n'était pas abusive ;

 

* Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil :

Attendu que les époux X. considèrent que la banque aurait dû leur conseiller la souscription d'une assurance perte d'emploi ou s'assurer de leur choix éclairé de ne pas y recourir compte tenu des effets néfastes d'une telle perte pour un travailleur frontalier et qu'elle a, ce faisant, manqué à son devoir de mise en garde ; qu'ils soutiennent enfin que la spécificité des prêts en devises et les risques afférents pour l'emprunteur, désormais strictement réglementés, exigeaient du prêteur qu'il satisfasse à une obligation d'information et de conseil sur l'offre la plus adaptée à leur situation, dont il s'est abstenu en l'espèce, alors que l'offre elle-même n'était pas intelligible pour des emprunteurs profanes et n'était pas adaptée à leur situation dès lors que leur patrimoine est constitué en euros, le bien financé étant situé en France ;

Que la banque réplique qu'elle n'a pas manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard des époux X. qui avaient nécessairement conscience du risque de perte d'emploi, qui n'est pas plus important en Suisse qu'en France, et ont fait le choix de ne pas recourir à une assurance perte d'emploi ; qu'elle estime qu'aucun manquement n'est davantage démontré s'agissant de l'information sur la particularité des prêts en devises puisque les notices d'information et les clauses claires du contrat appellent l'attention des co-emprunteurs sur les risques attachés à ce type de prêts, soulignant à cet effet que les intéressés se prévalent de textes entrés en vigueur postérieurement au contrat ;

Attendu que c'est par des motifs pertinents que le premier juge a écarté le premier moyen en rappelant que le risque de perte d'emploi pour un salarié du secteur privé n'est pas plus imprévisible en Suisse qu'il ne l'est en France et que tout emprunteur normalement vigilant ne peut qu'avoir à l'esprit ce risque lors qu'il s'engage dans un crédit immobilier ; que pareillement tout emprunteur ne peut qu'avoir conscience qu'un tel événement génère mathématiquement une perte de revenus ; qu'au surplus la notice d'assurance remise aux emprunteurs mentionne clairement qu'ils sont assurés contre le décès et la perte totale et irréversible d'autonomie, l'invalidité totale et définitive et l'incapacité temporaire totale, et implicitement qu'ils n'ont pas souscrit la garantie perte d'emploi ;

Que pour le surplus il a été démontré précédemment que la particularité des prêts souscrits en devises a été expliquée aux emprunteurs et que leur attention a été tout particulièrement appelée, par une notice signée de leurs mains, sur cette particularité et les risques inhérents, ainsi que sur l'opportunité de souscrire une assurance contre le risque lié à la variation du taux de change; que si les époux X. proposent de longs développements relatifs à la réglementation en matière de prêts souscrits en devises, c'est avec raison que la banque rappelle que celle-ci intervenue postérieurement aux contrats litigieux n'a pas vocation à recevoir application en la cause ;

Qu'enfin il est admis que si le prêteur doit s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur il ne lui incombe pas de délivrer à son client un conseil quant à l'opportunité de l'opération envisagée au risque de s'immiscer dans la gestion de ses affaires ;

 

* Sur la nullité de la clause d'intérêt conventionnel :

Attendu que la banque fait observer que les époux X. contestent la régularité de l'offre de prêt à l'appui de leur demande de nullité de la clause d'intérêt conventionnel alors que l'offre était alors régie par les articles L. 312-8 et suivants du code de la consommation, qui prévoyaient la seule sanction de la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion définie par le juge ;

Qu'elle fait grief au jugement querellé d'avoir inversé la charge de la preuve en retenant la nullité de la clause prévoyant le recours à l'année lombarde, faute pour la banque d'apporter la preuve contraire, alors qu'il incombait aux époux X. de démontrer que les intérêts du prêt avaient effectivement été calculés sur cette base ;

Qu'elle explique en outre que le taux d'intérêt appliqué n'est pas erroné dans la mesure où s'agissant d'une offre de prêt en devises, l'intérêt y est stipulé en contre-valeur d'une somme libellée en euros, de sorte qu'il est sujet à variation en raison du taux de change au jour du paiement de chaque mensualité alors qu'il est stipulé à titre indicatif dans l'offre au taux de change en cours à cette date ;

Que les époux X. prétendent que depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2013, les prêts consentis aux consommateurs doivent comporter un taux nominal et un TEG calculés sur la base de l'année civile, alors que le contrat litigieux vise un calcul sur une période de 360 jours et soutiennent que si la banque prétend avoir calculé ses intérêts sur la base de 12 mois normalisés de 30,41667 jours elle n'en apporte pas la preuve ; qu'ils ajoutent que la jurisprudence de la haute Cour peut désormais s'appliquer rétroactivement ; qu'ils prétendent enfin que la clause d'intérêts conventionnel est également nulle en ce qu'elle comporte une erreur dans le calcul du taux nominal et donc du TEG dès lors que le taux effectivement appliqué est supérieur au taux mentionné au contrat ;

Attendu que c'est par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour fait siens que le premier juge a retenu, d'une part, que la jurisprudence de la Cour de cassation avait désormais vocation à s'appliquer aux faits des causes soumises au juge de façon rétroactive et, d'autre part, qu'il résulte désormais de l'arrêt du 19 juin 2013 de ladite cour qu'en application de l'article 1907 alinéa 2 du code civil et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 anciens du code de la consommation, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile ;

Qu'en l'occurrence, c'est sans inverser la charge de la preuve que le jugement déféré a relevé qu'il résultait de la clause reprise ci-après que les intérêts ont été calculés en l'espèce sur la base de 360 jours et non pas sur celle de l'année civile :

« Ce taux génère le paiement d'intérêts à terme échus à la périodicité stipulée. Les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du prêt en devise en fonction du nombre de jours calendaires ramenés sur la base d'une année égale à 360 jours (sauf pour la livre Sterling) conformément aux usages commerciaux » ;

Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le premier juge a appliqué à compter de leur souscription le 3 janvier 2013 aux deux contrats de prêts souscrits par les époux X. l'intérêt au taux légal aux lieu et place du taux conventionnel de 2,40 % l'an, jusqu'au terme du contrat, et condamné la banque à leur payer le trop-perçu correspondant ;

Qu'il a dans ces conditions considéré à bon droit qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le moyen surabondant tiré de la nullité de la clause fondée sur une erreur de calcul du TEG ;

Qu'il sera fait droit à la demande des intimés tendant à la confirmation pure et simple de la décision entreprise de ces chefs ;

 

* Sur la fin de non-recevoir tirée de l'application de l'article 564 du code de procédure civile :

Attendu que la banque soutient enfin que les époux X. seraient irrecevables à solliciter pour la première fois devant la cour des dommages-intérêts fondés sur la contrariété du contrat de prêt à l'ordre public économique et sur le caractère abusif de la clause d'indexation en ce que cela constitue des demandes nouvelles au regard de l'article 564 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il n'est point besoin de statuer sur ce moyen, privé d'objet, dès lors que le jugement déféré a été confirmé en ce qu'il a écarté les deux moyens fondant précisément ces demandes indemnitaires nouvelles à hauteur de cour ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 11 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Besançon en toutes ses dispositions.

Condamne le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à M. X et Mme Y, son épouse, la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Le condamne aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier,                            le président de chambre