TI MONTMORENCY, 11 juin 1998
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 92
TI MONTMORENCY, 11 juin 1998 : RG n° 97/000038
(sur appel CA Versailles (1re ch. B), 16 juin 2000 : RG n° 98/7179)
Extrait : « Par jugement avant dire-droit du 19 mars 1998, le Tribunal ordonnait la réouverture des débats à l'audience du 9 avril 1998 à 14 heures et invitait les parties :
- à s'expliquer sur l'absence des mentions prévues à l'article L. 121-23 6° du Code de la Consommation aux deux contrats de vente à domicile signés par Monsieur X. et par voie de conséquence sur la nullité des contrats de vente,
- à s'expliquer sur l'absence de reproduction du texte intégral de l'alinéa 1 de l'article L. 121-25 du Code de la Consommation aux contrats de vente à domicile et par voie de conséquence sur la nullité de ces deux contrats,
- et en particulier la banque Sofinco à s'expliquer sur le non-respect de l'article L. 311-20 du Code de la Consommation et sur les conséquences de la violation dudit article, à savoir l'impossibilité pour le prêteur de réclamer à l'emprunteur la restitution de la somme prêtée. »
TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTMORENCY
JUGEMENT DU 11 JUIN 1998
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 11-97-000038.
DEMANDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], représenté(e) par Maître LE CORRE, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR(S) :
1° SA BANQUE SOFINCO
[adresse], représenté(e) par SCP SOUDRI ET DELPLA, avocat au barreau de PONTOISE
2° SARL CPF, centre de protection du feu
[adresse], représenté(e) par Maître LE BRUN Laurent, avocat
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : LEFEBVRE Sandrine
Greffier : PIERSON Nadine
DÉBATS : Audience publique du 9 avril 1998
JUGEMENT : du 11 juin 1998
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
En date du 7 juin 1996, Monsieur X. souscrivait deux contrats de vente à domicile portant sur l'acquisition auprès de la société Centre de Protection du Feu d'une centrale de détection et de dissuasion individuelle de foyer pour un prix de 12.000 francs et d'un transphone de centrale de foyer individuel moyennant paiement d'une somme de 13.000 francs.
Monsieur et Madame X. souscrivaient le même jour auprès de la Banque Sofinco un contrat de crédit d'un montant de 25.000 francs en vue de financer les biens acquis auprès de la société Centre de Protection du Feu.
Par acte d'huissier en date du 19 décembre 1997, Monsieur X. assignait la société Centre de Protection du Feu et la Banque Sofinco aux fins de voir le Tribunal d'Instance de Montmorency, par une décision assortie de l'exécution provisoire, constater l'inexécution par le vendeur de ses obligations contractuelles, ce dernier n'ayant pas respecté le délai de livraison de 15 jours stipulé aux contrats de vente, et de prononcer par conséquent la résiliation judiciaire du contrat de vente et l'annulation du contrat de crédit souscrit auprès de la Banque Sofinco. Il demandait en outre de condamner la société Centre de Protection du Feu au paiement d'une somme de 3.000 francs versée à titre d'acompte.
Il sollicitait enfin la condamnation solidaire des défendeurs au paiement d'une somme de 3.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.
A l'audience du 5 février 1998, Monsieur et Madame X. réitéraient leurs prétentions. Ils sollicitaient toutefois le paiement d'une somme de 12.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en raison des renvois de l'affaire.
La société Centre de Protection du Feu concluait au rejet des prétentions adverses aux motifs qu'en ayant livré les biens le 4 juillet 1996, elle avait respecté le délai de livraison, le contrat ne stipulant pas une livraison 15 jours après la commande mais une expédition à compter du 15ème jour.
Elle ajoutait par ailleurs que le délai de livraison n'était pas une cause de résiliation du contrat.
Elle précisait enfin que Monsieur X. n'avait jamais invoqué à l'appui de sa demande de résiliation du contrat le non-respect des délais de livraison mais des difficultés financières.
Elle sollicitait enfin la condamnation du défendeur au paiement d'une somme de 5.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.
La Banque Sofinco faisait sienne l'argumentation de la société Centre de Protection du Feu ; à titre reconventionnel, elle demandait de condamner les consorts X. au paiement d'une somme de 25.322,53 francs majorée des intérêts contractuels à compter du 22 novembre 1996 ainsi qu'à celle de 3.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.
[minute page 3] À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les contrats de vente seraient annulés, elle sollicitait des consorts X. ou de la société CPF, au cas où elle aurait reçu le paiement, la restitution du capital prêté ainsi que leur condamnation au paiement d'une somme de 3.322 francs correspondant aux intérêts et pénalités de retard et représentant le préjudice subi par elle en raison de l'annulation du contrat.
Par jugement avant dire-droit du 19 mars 1998, le Tribunal ordonnait la réouverture des débats à l'audience du 9 avril 1998 à 14 heures et invitait les parties :
- à s'expliquer sur l'absence des mentions prévues à l'article L. 121-23 6° du Code de la Consommation aux deux contrats de vente à domicile signés par Monsieur X. et par voie de conséquence sur la nullité des contrats de vente,
- à s'expliquer sur l'absence de reproduction du texte intégral de l'alinéa 1 de l'article L. 121-25 du Code de la Consommation aux contrats de vente à domicile et par voie de conséquence sur la nullité de ces deux contrats,
- et en particulier la banque Sofinco à s'expliquer sur le non-respect de l'article L. 311-20 du Code de la Consommation et sur les conséquences de la violation dudit article, à savoir l'impossibilité pour le prêteur de réclamer à l'emprunteur la restitution de la somme prêtée.
A l'audience du 9 avril 1998, Monsieur et Madame X. demandaient de prononcer la nullité des contrats de vente intervenus en raison de l'absence de mentions reproduisant les conditions de renoncement ; ils dénonçaient en outre la violation de l'article L. 311-25 du Code de la Consommation, le prêteur n'ayant pas informé les emprunteurs de l'attribution du crédit dans un délai de 7 jours. Ils ajoutaient que les articles L. 121-26 et L. 311-23, L. 311-27 et L. 311-28 du Code de la Consommation n'avaient pas été respectés dans la mesure où la société CPF avait perçu un acompte de 3.000 francs. Ils précisaient que la première échéance du crédit avait été prélevée avant la livraison des biens achetés. Au vu de ces éléments, ils demandaient de constater la résiliation de plein droit des contrats et sollicitaient la restitution de la somme de 3.000 francs assorties des intérêts au taux légal outre une somme en vertu de l'article 700 du NCPC.
Le Banque Sofinco ne faisait pas d'observations particulières quant à la non-conformité des contrats de [démarchage] souscrits par Monsieur et Madame X. Elle indiquait toutefois avoir débloqué les fonds pour financer les achats à la réception de la demande de financement de la société CPF en date du 7 juin 1997, laquelle certifiait la livraison des biens stipulés aux bons de commande. Estimant ainsi ne pas avoir commis de faute en débloquant les fonds, elle réitérait ses prétentions à l'égard des parties et demandait à être garantie de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre et du remboursement d'une somme de 22.000 francs par la société CPF.
La société CPF répliquait que les mentions de l'article L. 121-25 du Code de la Consommation figuraient aux contrats de [démarchage] ; elle indiquait au surplus que Monsieur X. avait attesté du commencement d'exécution du contrat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'en date du 7 juin 1996, Monsieur X. a souscrit deux contrats de vente à domicile portant sur l'acquisition auprès de la société Centre de Protection du Feu [minute page 4] d'une centrale de détection et de dissuasion individuelle de foyer pour un prix de 12.000 francs et d'un transphone de centrale de foyer individuel moyennant paiement d'une somme de 13.000 francs,
Que l'achat de ces biens a été financé par un contrat de prêt auprès de la Banque Sofinco,
Attendu qu'en vertu de l'article L. 121-23, 6° du Code de la Consommation, la vente par démarchage à domicile doit faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et doit comporter, à peine de nullité, le prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 du Code de la Consommation,
Attendu toutefois qu'il n'est pas mentionné aux deux contrats de vente à domicile les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, à savoir le nom du prêteur, la nature et les modalités du contrat de crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 du Code de la Consommation,
Que les dispositions des articles L. 311-15 à L. 311-17 et L. 311-22 et celles de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation ne figurent pas sur les contrats de [démarchage],
Attendu par ailleurs que l'article L. 121-23 5° du Code de la Consommation dispose que le contrat de démarchage à domicile doit comporter les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d'exécution de la prestation de services,
Attendu qu'il est mentionné aux deux contrats de démarchage : « Délai de livraison, à compter du 15 jours »,
Qu'il convient de constater que la formule ainsi mentionnée est imprécise,
Attendu par ailleurs qu'en vertu de l'article L. 121-23 7° du Code de la Consommation, les contrats de démarchage doivent comprendre le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la Consommation,
Attendu néanmoins que les deux contrats de démarchage signés par Monsieur X. ne comprennent pas le texte intégral de l'alinéa 1 de l'article L. 121-25 du Code de la Consommation,
Qu'en effet, il n'est nullement mentionné que si le délai de rétractation expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant,
Qu'au vu de ces éléments, il convient de prononcer la nullité des contrats de vente à domicile signés par Monsieur X. en application de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation,
[minute page 5] Que les autres moyens sont surabondants,
Qu'en application de l'article L. 311-21 du Code de la Consommation, il convient d'annuler le contrat de crédit souscrit par Monsieur X. le 7 juin 1996 auprès de la Banque Sofinco,
Attendu que Monsieur X. a versé un acompte de 3.000 francs lors de la souscription des deux contrats de vente à domicile,
Qu'il convient par conséquent de condamner la société CPF à verser à Monsieur et Madame X. la somme de 3.000 francs,
*
Attendu que la banque Sofinco sollicite la restitution par les consorts X. ou la société CPF, au cas où elle aurait reçu le paiement, la somme de 22.000 francs représentant le montant du capital prêté outre la somme de 3.322 francs correspondant aux intérêts et pénalités de retard et représentant le préjudice subi en raison de l'annulation de la vente,
Attendu qu'en vertu de l'article L. 311-20 du Code de la Consommation, lorsque l'offre préalable mentionne le bien ou la prestation de services financés, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien,
Qu'il ressort des débats que Monsieur X. a refusé la livraison des biens commandés qui ont été retournés au vendeur,
Attendu toutefois que la Banque Sofinco verse aux débats la demande de financement de la société CPF en date du 7 juin 1996 aux termes de laquelle Monsieur X. a signé la déclaration suivante : « j'ai bénéficié ce jour de la première exécution telle que prévue et à mon entière satisfaction. Je demande le financement correspondant à l'offre préalable de crédit que l'ai accepté »,
Attendu que Monsieur X. ne conteste pas avoir signé ce reçu,
Qu'il convient par conséquent de constater que la banque Sofinco n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds,
Attendu que la Banque Sofinco sollicite le paiement d'une somme de 22.000 francs au titre du contrat de crédit souscrit à l'encontre des consorts X.,
Attendu que les époux X. ne contestent pas ne pas avoir reçu les fonds ou ne rapportent pas la preuve de les avoir reversés à la société CPF,
Qu'ils ne font au surplus aucune demande reconventionnelle à l'encontre de la société CPF aux fins d'obtenir les fonds qu'ils auraient versé en paiement des biens achetés à l'exception de la somme de 3.000 francs versée à titre d'acompte,
Qu'en application de l'article L. 311-21 du Code de la Consommation, il convient de condamner Monsieur et Madame X., en leur qualité d'emprunteur, de verser la somme [minute page 6] de 22.000 francs représentant le montant du capital prêté,
Attendu que la Banque Sofinco sollicite en outre une somme de 3.322 francs correspondant aux intérêts et pénalités de retard et représentant le préjudice subi par elle en raison de l'annulation du contrat,
Attendu toutefois que les intérêts et pénalité de retard stipulés au contrat en cas de défaillance des emprunteurs ne peuvent recevoir application en raison de l'annulation dudit contrat,
Attendu au surplus que l'annulation du contrat n'est pas imputable aux emprunteurs, Qu'il convient par conséquent de rejeter la demande,
Attendu que l'exécution provisoire de la présente décision n'étant ni justifiée, ni nécessaire, il n'y a pas lieu de l'ordonner,
Attendu qu'il est conforme à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile de condamner la société CPF à verser à Monsieur et Madame X. la somme de 2.000 francs,
Qu'il est conforme à l'article 700 du NCPC de débouter les époux X. de leur demande en paiement d'une indemnité à l'encontre de la banque Sofinco,
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de la banque Sofinco, organisme bancaire, à l'encontre de Monsieur et Madame X. eu égard à la situation économique respective des parties,
Attendu que la société CPF qui succombe dans la présente instance sera condamnée aux dépens,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,
Prononce la nullité des contrats de démarchage souscrit par Monsieur X. auprès de la société CPF en date du 7 juin 1996,
Condamne la société CPF à payer à Monsieur et Madame X. la somme de 3.000 francs versée à titre d'acompte,
Condamne Monsieur et Madame X. à verser la somme de 22.000 francs à la banque Sofinco,
Rejette le surplus des demandes,
Déboute Monsieur et Madame X. de leur demande en paiement d'une indemnité [minute page 7] fondée sur l'article 700 du NCPC à l'encontre de la Banque Sofinco,
Déboute la banque Sofinco de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du NCPC à l'encontre de Monsieur et Madame X.,
Condamne la société CPF à verser à Monsieur et Madame X. la somme de 2.000 francs en application de l'article 700 du NCPC,
Condamne la société CPF aux entiers dépens.
Ainsi jugé et prononcé à Montmorency, le 11 juin 1998.
LE PRESIDENT LE GREFFIER