CA ANGERS (ch. A civ.), 26 octobre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9200
CA ANGERS (ch. A civ.), 26 octobre 2021 : RG n° 21/00789
Publication : Jurica
Extrait : « L'ancien article L. 312-23 du code de la consommation dispose que : « Aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles. Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement, sur justification, des frais taxables qui lui auront été occasionnés par cette défaillance à l'exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement. »
La société CKV estime que la SCI GESTINVEST ne peut avoir le statut de consommateur et que c'est à tort que le prêt est assimilé à un crédit immobilier au sens du code de la consommation.
L'ancien article L. 312-2 du code de la consommation prévoyait que les dispositions du chapitre s'appliquaient pour « les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation : a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance ; b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance ; c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3 ».
Il importe selon la jurisprudence, d'apprécier la finalité de l'opération de crédit afin d'apprécier l'application du droit consumériste. L'arrêt de la Cour de cassation (Cass. civ. 3e, 4 février 2016 pourvoi n°14-29.347) a rappelé, s'agissant d'une SCI de promotion immobilière, qu'elle « était un professionnel de l'immobilier mais pas un professionnel de la construction, la cour d'appel a pu retenir que celle-ci devait être considérée comme un non-professionnel vis-à-vis du contrôleur technique en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation » que cela a été confirmé par un arrêt du 17 octobre 2019 pourvoi 18-18.469 rappelant que « la qualité de non-professionnel d'une personne morale s'apprécie au regard de son activité et non de celle de son représentant légal ».
Il apparaît ainsi dans l'acte de vente en date du 29 mars 2012, par lequel monsieur X. a cédé le bien concerné à la SCI GESTINVEST, qu'il était aussi le gérant de ladite société dont le siège social est situé à son domicile. Le prêt a été contracté en vue du remboursement de deux crédits CIC et d'un autre auprès de la société générale et l'acquisition du bien ainsi que des frais y afférents. Il ne s'agit donc pas d'une activité professionnelle mais de l'acquisition d'un bien. Aucun élément ne permet d'établir qu'il avait une finalité professionnelle.
Les dispositions de l'article L. 312-23 du code de la consommation, comme l'a rappelé l'arrêt du 6 janvier 2021, sont d'ordre public. Il convient en conséquence de faire application de l'article L. 312-23 du code de la consommation.
Compte tenu de l'application de l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 mars 2016, la clause 2 du protocole du 15 janvier 2015 est nulle comme étant non conforme à cet article d'ordre public. En conséquence, la société GESTINVEST est fondée à solliciter la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 17 novembre 2016 pour défaut d'exigibilité de la créance. En effet, la somme en vertu de laquelle le commandement a été délivré, prenait en compte des arriérés capitalisés en vertu de l'article 2 du protocole.
Il importe donc d'infirmer le jugement du 14 décembre 2017 en toutes ses dispositions autres que celles non atteintes par la cassation puisque la nullité du commandement de payer entraîne la nullité de toute la procédure de saisie immobilière subséquente. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A CIVILE
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/00789. N° Portalis DBVP-V-B7F-EZRT. Jugements des 14 décembre 2017 et 12 avril 2018, Juge de l'exécution de LORIENT, n° d'inscription au RG de première instance : R.G. n° 17/00182. Arrêt du 27 novembre 2018 de la Cour d'Appel de RENNES. Arrêt du 6 janvier 2021 de la Cour de Cassation.
APPELANTE ET DEMANDERESSE AU RENVOI :
SCI GESTINVEST
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [...], [...], Représentée par Maître Inès R. substituant Maître Benoit G. de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 214494, et Maître Jean-Pierre S., avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES ET DÉFENDERESSES AU RENVOI :
SOCIÉTÉ CENTRALE KREDIETVERLENING
Société anonyme de droit belge, venant aux droits de la société RECORD CREDITS, anciennement dénommée RECORD BANK prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...]
SOCIÉTÉ RECORD CREDITS
Société de droit étranger anciennement dénommée RECORD BANK, société anonyme de droit belge prise en la personne de ses administrateurs légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...]
SOCIÉTÉ RECORD BANK
Représentée par ses administrateurs légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...],
Représentées par Maître C. substituant Maître Patrick B. de la SELARL B. PATRICK & ASSOCIES, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 210176, et Maître Éric S., avocat plaidant au barreau de PARIS
SA CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL
Ayant élu domicile en l'étude de Maître D. [...], [...], Assignée, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 14 septembre 2021 à 14 H, Madame ROUSTEAU, Président de chambre, ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de : Madame ROUSTEAU, Présidente de chambre, Madame MULLER, Conseiller, Madame REUFLET, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRÊT : réputé contradictoire ; Prononcé publiquement le 26 octobre 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Catherine MULLER, Conseiller en remplacement de Sylvie ROUSTEAU, Présidente de chambre, empêchée et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Par acte notarié en date du 29 mars 2012, la société (SCI) Gestinvest a notamment souscrit auprès de la société anonyme (SA) de droit belge Record Bank - nouvellement dénommée Record Crédits aux droits de laquelle vient la société anonyme (SA) de droit belge Centrale Kredietverlening (dite CKV) - un prêt d'un montant principal de 1.000.000 euros, avec une première échéance au 5 mai 2012. M. X., gérant, s'est porté caution personnelle et solitaire.
Suite à des difficultés de remboursement du prêt, la SCI Gestinvest a conclu avec la société CKV un protocole transactionnel le 15 janvier 2015, aux termes duquel la SCI Gestinvest se reconnaissait débitrice de la somme de 926.126,98 euros en principal, intérêts et frais arrêtés au 2 octobre 2014.
Suivant ce protocole d'accord, les parties ont ainsi convenu, à l'article 2, que les arriérés au titre dudit prêt seront capitalisés de telle sorte que cette dernière somme sera remboursable au taux de 5,25% pour une période de 114 mois, un nouveau tableau d'amortissement étant annexé au protocole étant précisé que ce nouveau tableau « ne portera novation, ni autre dérogation quelconque aux clauses et conditions de l'acte de prêt susvisé qui restent d'application et dont la présente doit être considéré comme en faisant partie intégrante. »
Plusieurs échéances n'ayant pas été acquittées, la SA Record Bank a prononcé la déchéance du terme (par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2015). Par acte d'huissier du 17 novembre 2016, publié au service de la publicité foncière de Lorient, le 28 novembre 2016, volume 2016 n°35, la SA Record Bank a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière, portant sur la somme de 938.844,92 euros représentant sa créance en vertu du prêt, en principal, intérêt et frais arrêtée au 1er décembre 2016 et, à défaut de paiement, sur une saisie de l'immeuble sis à [...], figurant au cadastre section XXX pour une contenance de 2 ha 4 a 96 ca. La SA Record Bank a poursuivi la procédure de saisie immobilière en vue d'obtenir la vente forcée de l'immeuble en faisant assigner le 23 janvier 2017 la SCI GESTINVEST à l'audience d'orientation, puis en dénonçant le commandement le 26 janvier 2017 à la société (SA) Crédit industriel et Commercial, créancier inscrit.
Par jugement du 14 décembre 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient a :
- déclaré recevable la demande formée par la SA Record Bank,
- constaté que la créance du poursuivant s'élève à 967.940,30 euros en principal, frais, intérêts et accessoires arrêtés au 28 septembre 2017,
- autorisé la SCI Gestinvest à vendre amiablement l'immeuble et fixé à 890.000 euros le prix en deçà duquel l'immeuble ne pourra être vendu,
- taxé les frais du poursuivant à la somme de 8.425,45 euros,
- renvoyé à l'audience du 12 avril 2018 pour s'assurer de la vente,
- condamné la SCI Gestinvest à régler à la SA Record Bank la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'emploi des dépens en frais taxables de poursuites.
La SCI Gestinvest a interjeté appel de ce jugement le 2 janvier 2018.
La société Centrale Kredietverlening est venue aux droits de la société Record Crédits (anciennement dénommée Record Bank) suivant cession de créance du 15 janvier 2018.
Par décision du 12 avril 2018, après avoir constaté qu'il n'était pas justifié de la réalisation de la vente amiable, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient a :
- ordonné la vente forcée de l'immeuble situé [...], cadastré section XXX pour 2 ha 4 a 96 ca,
- fixé la date de l'audience d'adjudication au 5 juillet 2018 à 14h,
- désigné la SELARL ABC Huissiers, huissiers de justice à Lorient, aux fins de faire visiter l'immeuble, au besoin avec l'assistance de la force publique,
- ordonné l'emploi des dépens en frais taxables de poursuites.
La SCI Gestinvest a interjeté appel de ce dernier jugement le 27 avril 2018.
Par ordonnance du 19 juin 2018, le premier président de la cour d'appel de Rennes a jugé que la demande de sursis à exécution du jugement du 12 avril 2018 était irrecevable, cette décision étant insusceptible d'appel.
Par jugement sur incident du 5 juillet 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient a rejeté les demandes de la SCI Gestinvest en nullité et/ou caducité de la procédure de saisie-immobilière que celle-ci fondait en invoquant une nullité des formalités de publicité, et a reporté la date de vente forcée à l'audience du 28 mars 2019.
Par arrêt du 27 novembre 2018, la cour d'appel de Rennes, sur les deux appels de la SCI Gestinvest à l'encontre des deux jugements susvisés des 14 décembre 2017 et 12 avril 2018, a ordonné la jonction des deux procédures d'appel ;
* Sur l'appel du jugement du 14 décembre 2017 la Cour a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Record Bank et de la société Central Kredietverlening (venant aux droits de la SA Record Crédits, anciennement dénommée Record Bank),
- confirmé le jugement du 14 décembre 2017 en ce qu'il a débouté la société Gestinvest de sa demande « d'irrecevabilité » pour défaut de recherche amiable, de sa demande de nullité du commandement pour novation et défaut d'exigibilité de la créance,
- condamné la société Gestinvest à payer à la société Record Bank et à la société Centrale Kredietverlening la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ;
* Sur l'appel du jugement du 12 avril 2018 elle a :
- déclaré l'appel irrecevable,
- débouté la société Gestinvest de sa demande de nullité du jugement,
- condamné la société Gestinvest à payer à la société Centrale Kredietverlening la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Par jugement du 28 mars 2019 devant le juge de l'exécution de Lorient, il a été pris acte du désistement des parties et jugé l'instance éteinte.
Dans le cadre du contrat de vente du bien par la société GESTINVEST à la société IMMOLUXE, le vendeur, la SCI GESTINVEST, s'est engagé à régler à CKV « au plus tard à la signature de l'acte de vente soit le 1er mars 2019 laquelle devra intervenir avant l'audience du 28 mars 2019 », la somme de « 1.055.874,44 € TTC en principal arrêtée au 1er avril 2019 augmentée des intérêts contractuels courus depuis cette date ». Il est aussi précisé que « sous réserve de l'exécution des présentes, renoncent expressément à engager toute procédure judiciaire sur quelque fondement et pour quelques motifs qui seraient relatifs au principe et au montant de la créance de la société CKV. »
La société GESTINVEST a fait un pourvoi en cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 27 novembre 2018.
La cour de cassation a, par arrêt du 6 janvier 2021, cassé et annulé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 27 novembre 2018 en ce qu'il rejetait la demande de nullité du commandement pour défaut d'exigibilité de la créance et a remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers et condamné la société CKV venant aux droits de la société Record Crédits anciennement dénommée Record Bank aux dépens, rejetant par ailleurs les demandes en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour de cassation a d'abord observé que la règle édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, « fait obstacle à l'application d'une clause stipulant dans le contrat de prêt ou un accord ultérieur une capitalisation des intérêts ». Elle a jugé que la cour d'appel, en retenant, pour rejeter la demande d'annulation du commandement en raison de l'absence d'exigibilité de la créance de la banque, après avoir admis que le prêt immobilier était soumis aux dispositions du code de la consommation, que la SCI a, en signant le protocole, accepté conformément à l'article 2 de celui-ci que les arriérés soient capitalisés, a violé le texte susvisé.
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 19 mai 2021 un arrêt de rabat partiel de l'arrêt qu'elle avait rendu le 6 janvier 2021. Elle a maintenu intégralement son dispositif et, y ajoutant, a rejeté la demande de non-lieu à statuer de la société CKV, jugeant que « si la banque invoque que, postérieurement à l'arrêt attaqué par le pourvoi, elle s'est désistée de la procédure de saisie immobilière après la vente de l'immeuble et que le pourvoi est dirigé, en ses trois moyens, contre une saisie devenue inexistante, la SCI a, cependant, conservé un intérêt à faire valoir que le commandement était nul, en raison de sa condamnation par l'arrêt du 27 novembre 2008 à payer différentes sommes au titre des frais irrépétibles, de sorte que le pourvoi n'est pas dénué d'objet » ; que « la demande de non-lieu à statuer ne peut donc être accueillie. »
Par déclaration du 23 mars 2021, la SCI Gestinvest a saisi la cour d'appel d'Angers sur renvoi de la Cour de cassation.
Par ordonnance du 30 mars 2021, le magistrat délégué par le premier Président de la cour d'appel d'Angers a autorisé la SCI à faire procéder par voie d'appel à jour fixe à l'encontre des jugements du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient en date des 14 décembre 2017 et 12 avril 2018 et a dit qu'il serait statué sur le mérite de l'appel à l'audience du 14 septembre 2021.
Par actes d'huissier des 13 et 14 avril 2021, la SCI Gestinvest a fait délivrer aux sociétés Centrale Kredietverlening, Crédit Industriel et Commercial, Record Bank et Record Crédits assignation à jour fixe pour l'audience du 14 septembre 2021.
La SA Crédit Industriel et Commercial (CIC) n'a pas constitué avocat avant l'audience et les conclusions des parties ont d'ailleurs été signifiées à personne morale le 5 juillet 2021 par la société CKV et Record crédits et le 11 août 2021 par la société GESTINVEST.
* * *
Prétentions et moyens des parties
La SCI Gestinvest d'une part et les sociétés Centrale Kredietverlening et Record Crédits (anciennement dénommée Record Bank dénommé CKV) ont conclu.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :
- du 10 septembre 2021 pour la SCI Gestinvest,
- du 10 septembre 2021 pour les sociétés Centrale Kredietverlening (CKV) et Record Crédits (anciennement dénommée Record Bank),
* * *
La SCI Gestinvest demande à la cour de :
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 6 janvier 2021,
Vu les dispositions des articles applicables à l'espèce L. 312-21, 22 et 23 du code de la consommation, ainsi que l'article 1240 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 1275 du code civil,
- prononcer la nullité de la clause 2 du protocole en date du 15 janvier 2015 et en conséquence du commandement valant saisie immobilière en date du 17 novembre 2016 pour défaut d'exigibilité de la créance,
et en conséquence,
- annuler tous les actes de procédure subséquents et particulièrement les jugements du 14 décembre 2017, du 12 avril 2018 et du 12 avril 2019
- en tous cas, infirmer lesdits jugements des 14 décembre 2017 et 12 avril 2018 en ce qu'ils n'ont pas fait droit à la demande de nullité de la procédure de saisie immobilière en raison de nullité du commandement,
statuant en toute hypothèse à nouveau,
- prononcer la nullité de la saisie, en ordonner la mainlevée, avec toutes suites et conséquences de droit,
- dire et juger irrecevables et mal fondées en leurs exceptions et fins de non-recevoir les sociétés Centrale Kredietverlening et Record Crédits au titre de l'extinction de la procédure en application de l'article R. 311-5 et L. 123-6 du code des procédures civiles d'exécution, notamment en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Cour de cassation du 6 janvier 2021,
- dire et juger recevables et bien fondées les fins de non-recevoir soulevées par la SCI Gestinvest au titre de l'autorité qui s'attache à la décision de la Cour de cassation du 6 janvier 2021 et des principes juridiques applicables en l'espèce de l'estoppel et de concentration des moyens,
- dire et juger nulle et de nul effet la clause de renonciation à contester le principe et le montant de la créance de CKV pour violation d'ordre public en tant que de besoin prononcer la nullité
- condamner solidairement les sociétés Record Bank SA dénommée Record Crédits et Centrale Kredietverlening à payer à la SCI Gestinvest les sommes suivantes, qui seront fixées à :
* 189.950,84 euros au titre de restitution des intérêts,
* 750.550,84 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi, sauf à parfaire,
- condamner solidairement les sociétés Record Bank SA dénommée Record Crédits et Centrale Kredietverlening à la restitution des frais et dépens notamment des jugements des 14 décembre 2017 et 18 avril 208 de la juridiction d'exécution et des arrêts en date des 19 juin 2018 et 27 novembre 2018 de la cour d'appel de Rennes,
- condamner solidairement les sociétés Record Crédits et Centrale Kredietverlening à payer à la SCI Gestinvest la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la société Lexavoué Rennes Angers, Maître Benoît G., aux offres de droit.
La SCI Gestinvest relève que la Cour de cassation a rappelé que selon une règle d'ordre public, aucune indemnité, ni aucun coût, autres que ceux mentionnées aux articles L. 312-21 à L. 312-22 du code de la consommation, ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévues par ces articles, qu'ils soient contenus dans le prêt initial ou dans un acte ultérieur prévoyant la capitalisation des intérêts. Elle soutient que du fait de cette règle, la clause 2 du protocole du 15 janvier 2015 est nulle ; qu'en conséquence, elle est fondée à solliciter la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 17 novembre 2016 pour défaut d'exigibilité de la créance, dès lors que la somme en vertu de laquelle le commandement a été délivré, fixée conventionnellement au titre du protocole transactionnel qui subsistait malgré la résolution de plein droit du protocole souverainement décidé par la Cour de cassation, ainsi fixée illicitement, n'a plus d'existence légale, rendant sans objet ledit commandement faute de créance exigible. Elle se dit en droit d'obtenir, par suite, l'infirmation du jugement du 14 décembre 2017 ayant fixé la créance en vertu de la clause 2 du protocole, et la nullité de la procédure de saisie immobilière.
En conséquence, la demanderesse au renvoi s'estime légitime en sa demande de réparation dont elle prétend qu'elle doit inclure :
- la restitution des intérêts et accessoires (indemnités et pénalités, frais de procédure) mis à sa charge en vertu de l'article 2 du protocole du 15 janvier 2015, dès lors que la violation de l'article L. 311-33 du code de la consommation est sanctionnée par la nullité de la clause transactionnelle de renonciation à contester le principe et le montant de la créance de la société CKV figurant dans le protocole, en application d'une règle d'ordre public qui édicte en sanction, la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur, soit la restitution de 180.289,88 euros avec intérêts de droit,
- en vertu de l'article 1240 du code civil, des dommages et intérêts à hauteur de 750.550,84 euros sont sollicités.
Elle observe que la Cour de cassation a jugé qu'en cas de nullité d'une clause pour illicéité, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, la partie est en droit d'obtenir devant les juridictions civiles la réparation notamment par l'octroi de dommages-intérêts de tout préjudice direct ou indirect.
Elle soutient que la délivrance du commandement de payer l'a empêchée de mettre en vente amiablement son immeuble, par l'intermédiaire d'agences immobilières et qu'une vente aurait pu aboutir. Elle affirme avoir été contrainte de vendre son immeuble en réméré à un financier, pour un prix ne correspondant pas au prix du marché, ce dans l'espoir de trouver un acquéreur avec engagement de payer 2.100.000 euros si le rachat intervenait dans les 12 mois de la vente. Elle précise que l'opération de réméré a entraîné des frais considérables et inutiles qu'elle détaille et dont elle entend être indemnisée,
- les frais et dépens des jugements du juge de l'exécution et de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes.
Répliquant aux arguments adverses, elle estime que tous les moyens soulevés par la société CKV se heurtent à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour de cassation, qu'ils sont hors débat eu égard à l'objet du litige devant la cour d'appel de renvoi fixé par ledit arrêt, qu'ils sont irrecevables violant les principes de l'estoppel et de concentration des moyens.
Ainsi, excipe-t-elle de la recevabilité de sa demande, estimant que la société CKV ne peut invoquer une extinction de l'instance du fait de son désistement partiel aux termes de l'acte du 1er mars 2019.
Elle fait valoir que la Cour de cassation a souverainement jugé recevable toute demande fondée sur un dommage résultant de la nullité du commandement de payer nonobstant le désistement de la procédure de saisie immobilière. Elle affirme subir un préjudice du fait du désistement de la société CKV, dès lors qu'elle avait un intérêt à poursuivre la procédure notamment contre la société Record Crédits pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la procédure de saisie immobilière.
Elle estime sa demande encore recevable en raison de la compétence de la cour :
- en vertu de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution,
- en vertu de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, dès lors que sa demande de réparation repose sur une inexécution fautive de la procédure de saisie immobilière par la société CKV .
* * *
La société Centrale Kredietverlening et la société Record Crédits (anciennement dénommée Record Bank) dite société CKV demandent à la cour :
Vu les articles 122, 384 et 385 du code de procédure civile et de la jurisprudence y afférente, vu les articles 623, 624 et 633 du code de procédure civile, les articles (sic) 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, les articles 1103, 1104 et 2044 du code civil, les articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation et l'article L. 312-3 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
Vu l'accord transactionnel conclu aux termes de l'acte de vente du 1er mars 2019,
Vu le jugement rendu en date du 28 mars 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient, vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
in limine litis,
1. Sur l'irrecevabilité des demandes de la SCI Gestinvest en raison de l'extinction de l'instance afférente à la procédure de saisie-immobilière :
- dire et juger éteinte par l'effet du désistement d'instance la procédure de saisie immobilière introduite par la société Record Bank, dénommée à présent Record Crédits,
- dire et juger que l'extinction de la procédure de saisie-immobilière, enrôlée sous le numéro de RG 17/00182, a été prononcée suivant jugement en date du 28 mars 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient,
- dire et juger que la SCI Gestinvest a elle-même mis fin à la procédure de saisie immobilière en procédant au règlement intégral de la créance hypothécaire entre les mains de la société Centrale Kredietverlening,
- constater que le commandement de payer valant saisie-immobilière publié auprès du service de la publicité foncière de Lorient en date du 28 novembre 2016 a été radié,
- dire et juger que le jugement rendu par le TGI de Lorient en date du 28 mars 2019 ayant constaté le désistement réciproque des parties est désormais revêtu de la force de la chose jugée,
ce faisant,
- dire et juger irrecevable et mal fondée la SCI Gestinvest en toutes ses demandes, fins et conclusions,
2. Sur l'irrecevabilité de la présente action et des demandes formulées par la SCI GESTINVEST prises en violation de l'accord transactionnel du 1er mars 2019 :
- dire et juger qu'il ressort expressément du contrat de vente notarié du 1er mars 2019, que l'intention commune des parties au sens de l'article 1188 du code civil était de mettre un terme à l'ensemble des procédures en cours et à venir les opposant ;
- dire et juger que la SCI GESTINVEST fait preuve de mauvaise foi en affirmant que les parties n'ont pas convenu de mettre un terme au pourvoi diligenté par elle devant la Cour de cassation, à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes ;
- dire et juger que l'accord transactionnel - conclu aux termes du contrat de vente notarié du 1er mars 2019 - liant les parties fait obstacle à la présente action diligentée par la SCI GESTINVEST ;
et ce faisant
- dire et juger irrecevable la présente action en ce qu'elle a été diligentée par la SCI GESTINVEST à l'encontre de la société CKV en violation de l'accord transactionnel conclu aux termes de l'acte de vente notarié en date du 1er mars 2019 ;
3. Sur l'irrecevabilité des demandes de la SCI GESTINVEST prises en violation de l'article R 311-5 du code des procédures civiles d'exécution :
- dire et juger irrecevables les nouvelles contestations formulées par la SCI Gestinvest en raison de la violation de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution,
4. Sur l'irrecevabilité des demandes de la SCI Gestinvest formulées en violation de l'article L. 213-6 du code des procédures civiles d'exécution :
- dire et juger irrecevables les demandes de la SCI Gestinvest, fondées sur la prétendue responsabilité de la société CKV, assorties de demandes de condamnation au paiement de dommages-intérêts, en ce qu'elles excèdent les pouvoirs que détient la cour d'appel statuant en matière de saisie-immobilière en application de l'article L. 213-6 du code des procédures civiles d'exécution,
ce faisant,
- rejeter purement et simplement les demandes formulées par la SCI Gestinvest, fondées sur la prétendue responsabilité de la société CKV, assorties de demandes de condamnation au paiement de dommages-intérêts,
au fond et à titre subsidiaire,
- débouter la SCI Gestinvest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions visant à la condamnation des sociétés concluantes à lui restituer la somme de 189.950,84 euros au titre des intérêts prétendument indûment perçus, en ce qu'elles sont formulées en parfaite violation de l'accord transactionnel conclu aux termes de l'acte de vente notarié en date du 1er mars 2019,
Au fond et à titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger régulière la procédure de saisie-immobilière diligentée à l'encontre de la SCI Gestinvest,
- dire et juger que le commandement de payer valant saisie-immobilière publié auprès du service de la publicité foncière de Lorient 2 en date du 28 novembre 2016, volume 2016 YY numéro ZZ ne peut être frappé de nullité puisque la SCI Gestinvest ne détient pas la qualité de consommateur au sens des dispositions du chapitre II « crédit immobilier » du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
En tout état de cause,
- condamner la SCI Gestinvest à payer à la société CKV, venant aux droits de la société Record Bank, dénommée à présent Record Crédits, la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Gestinvest à l'emploi des dépens au profit de la SELARL Cabinet Patrick B. & Associés, prise en la personne de Maître Patrick B., avocats au barreau d'Angers.
In limine litis, la société CKV invoque l'irrecevabilité de l'ensemble des demandes présentées par la SCI Gestinvest.
Elle argue de l'extinction pure et simple de l'instance suite au jugement du 28 mars 2019 de la procédure de saisie-immobilière ayant mis fin à ladite procédure. La société CKV a donné mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière (lequel a été radié), puis a fait signifier des conclusions aux fins de désistement d'instance et d'action en vue de l'audience du 28 mars 2019. Elle souligne que la SCI Gestinvest a accepté sans réserve ce désistement et a conclu à l'extinction de l'instance. Elle en déduit que la demanderesse au renvoi ne peut plus contester le commandement de payer valant saisie immobilière, ni les jugements des 14 décembre 2017 et 12 avril 2018.
Elle estime que la demanderesse au renvoi d'une part sort du périmètre de saisine de la cour d'appel de renvoi qui, du fait de la cassation intervenue, se limite à la question de la nullité éventuelle du commandement susvisé, et d'autre part, fait des demandes en responsabilité et réparations non conformes à l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution. Elle fait remarquer que l'opération de réméré sur laquelle la SCI Gestinvest se fonde pour ses prétentions indemnitaires est bien postérieure à l'audience d'orientation du 14 décembre 2017 et affirme que l'acte de vente du 1er mars 2019 ne constitue pas un acte de procédure au sens de cet article.
Elle relève aussi que la cour d'appel de renvoi, statuant en matière de saisie immobilière, ne peut connaître de demandes tendant à rechercher la responsabilité de la banque créancière et sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en vertu des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, 633 du code de procédure civile et d'une jurisprudence constante, lesquelles excèdent les pouvoirs que ladite juridiction détient.
Au fond et à titre subsidiaire, la société CKV conclut au rejet de la demande de la SCI Gestinvest de condamnation au paiement au titre de la restitution des intérêts, considérant qu'une telle demande méconnaît l'accord transactionnel liant les parties et estiment que la SCI Gestinvest ne peut contester le quantum ou le bien-fondé de la créance hypothécaire des sociétés CKV et Record Crédits.
Au fond et à titre infiniment subsidiaire, elle soutient que les articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation sont inapplicables au prêt du 29 mars 2012. Elle reproche à la Cour de cassation d'avoir repris la qualification erronée opérée dans l'arrêt du 27 novembre 2018 et admis l'application des dispositions protectrices du code de la consommation au profit de la SCI Gestinvest, assimilant le prêt à un crédit immobilier au sens de ce code. Elle affirme qu'au vu de sa date de conclusion, ce contrat est soumis à l'ancien article L. 312-3 dudit code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui, au vu des circonstances, l'excluait du champ d'application des dispositions relatives au crédit immobilier et du bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation. Elle conclut que la SCI Gestinvest ne peut être assimilée à un consommateur et doit être déboutée purement et simplement de toutes ses demandes, le commandement de payer ne pouvant être frappé de nullité et la procédure de saisie immobilière étant parfaitement régulière.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Sur la recevabilité !
Il est soutenu par la société CKV que la demande de la SCI GESTINVEST est irrecevable compte tenu de l'extinction pure et simple de l'instance suite au jugement du 28 mars 2019 de la procédure de saisie-immobilière. Il convient de relever que la cour de cassation dans son arrêt du 19 mai 2021 a estimé que : « si la banque invoque que, postérieurement à l'arrêt attaqué par le pourvoi, elle s'est désistée de la procédure de saisie immobilière après la vente de l'immeuble et que le pourvoi est dirigé, en ses trois moyens, contre une saisie devenue inexistante, la SCI a, cependant, conservé un intérêt à faire valoir que le commandement était nul, en raison de sa condamnation par l'arrêt du 27 novembre 2008 à payer différentes sommes au titre des frais irrépétibles, de sorte que le pourvoi n'est pas dénué d'objet ». La demande ne peut donc être considérée comme étant irrecevable.
Par jugement du 28 mars 2019, le juge de l'exécution de Lorient a constaté le désistement et l'extinction de l'instance enrôlée sous le numéro de RG 17/00182. Cette décision constatant le désistement est certes liée au protocole d'accord du 1er mars 2019 mais résulte aussi de la vente du bien visé par la saisie immobilière et alors que la société CKV a été remboursée du prêt suite à cette vente comme le prévoit l'acte notarié. La procédure de saisie immobilière était donc de fait devenue sans objet. En tout état de cause, le jugement (pièce n°20 de la SCI) constate la demande de désistement de la part de la société CKV et que la SCI GESTINVEST a conclu à son acceptation du désistement et subsidiairement demandé la mainlevée du commandement de payer valant saisie immobilière. Le désistement étant parfait, il a été constaté, alors que la banque CIC créancier inscrit était non comparant à la procédure. Le caractère non avenu de cette décision ne peut être soulevé puisque seul le CIC non comparant aurait pu s'en prévaloir. Ce moyen ne peut prospérer.
Il convient de relever que l'accord transactionnel du 1er mars 2019 lie certes la SCI GESTINVEST et la société CKV mais que la société RECORDS CREDIT est tiers à ce protocole.
Ce protocole d'accord prévoit que la SCI GESTINVEST s'engage à régler à CKV « au plus tard à la signature de l'acte de vente soit le 1er mars 2019 laquelle devra intervenir avant l'audience du 28 mars 2019 », la somme de « 1.055.874,44 € TTC en principal arrêté au 1er avril 2019 augmentée des intérêts contractuels courus depuis cette date ». Il est aussi précisé que « sous réserve de l'exécution des présentes, renoncent expressément à engager toute procédure judiciaire sur quelque fondement et pour quelque motifs qui seraient relatifs au principe et au montant de la créance de la société CKV ».
'Dans l'hypothèse ou la vente ne se réaliserait pas au 1er mars 2019 et que la somme susvisée ne serait pas versée à la société CKV, celle -ci se réserve le droit de donner toutes les suites qu'elle jugera utiles...'
La SCI soutient que les parties ont entendu exclure la présente procédure du champ de cet accord mais la société CKV soutient le contraire.
L'article 2048 du code civil dispose que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. » ainsi tout accord transactionnel doit donc être interprété de façon restrictive. Dès lors la renonciation apparaît clairement à la lecture du protocole du 1er mars 2019 comme étant en lien avec la procédure de saisie immobilière et non avec le pourvoi en cassation qui était alors en cours puisqu'aucun élément n'évoque ce pourvoi. En application de l'article 2048 du code civil, il importe de constater que la fin de non-recevoir ne peut prospérer de ce chef.
Au fond :
Il convient tout d'abord de préciser que l'appel de la décision du juge de l'exécution de Lorient, en date du 12 avril 2018, a été déclaré irrecevable par la Cour d'appel de Rennes et cette décision est dorénavant définitive la Cour de cassation n'en ayant pas été saisie.
L'article 624 du code de procédure civile dispose que : « La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. ». L'article 625 précise alors que : « Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. »
En application de ces textes, il convient de statuer sur la validité du commandement de payer à la lecture de l'arrêt de la cour de cassation saisissant la cour d'appel d'Angers.
Ainsi, la Cour de cassation a rappelé que la règle édictée par l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 mars 2016, devait être examinée et que la Cour d'appel de Rennes, en rejetant la demande d'annulation du commandement de payer en raison de l'absence d'exigibilité de la créance après avoir admis que le prêt était soumis aux dispositions du code de la consommation mais retenant l'application du protocole transactionnel signé par les parties, avait violé la loi.
L'ancien article L. 312-23 du code de la consommation dispose que : « Aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles.
Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement, sur justification, des frais taxables qui lui auront été occasionnés par cette défaillance à l'exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement. »
La société CKV estime que la SCI GESTINVEST ne peut avoir le statut de consommateur et que c'est à tort que le prêt est assimilé à un crédit immobilier au sens du code de la consommation.
L'ancien article L. 312-2 du code de la consommation prévoyait que les dispositions du chapitre s'appliquaient pour « les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel d'habitation :
a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance ;
b) La souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance ;
c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l'article L. 311-3 ».
Il importe selon la jurisprudence, d'apprécier la finalité de l'opération de crédit afin d'apprécier l'application du droit consumériste. L'arrêt de la Cour de cassation (Cass. civ. 3e, 4 février 2016 pourvoi n°14-29.347) a rappelé, s'agissant d'une SCI de promotion immobilière, qu'elle « était un professionnel de l'immobilier mais pas un professionnel de la construction, la cour d'appel a pu retenir que celle-ci devait être considérée comme un non-professionnel vis-à-vis du contrôleur technique en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation » que cela a été confirmé par un arrêt du 17 octobre 2019 pourvoi 18-18.469 rappelant que « la qualité de non-professionnel d'une personne morale s'apprécie au regard de son activité et non de celle de son représentant légal ».
Il apparaît ainsi dans l'acte de vente en date du 29 mars 2012, par lequel monsieur X. a cédé le bien concerné à la SCI GESTINVEST, qu'il était aussi le gérant de ladite société dont le siège social est situé à son domicile. Le prêt a été contracté en vue du remboursement de deux crédits CIC et d'un autre auprès de la société générale et l'acquisition du bien ainsi que des frais y afférents. Il ne s'agit donc pas d'une activité professionnelle mais de l'acquisition d'un bien. Aucun élément ne permet d'établir qu'il avait une finalité professionnelle.
Les dispositions de l'article L. 312-23 du code de la consommation, comme l'a rappelé l'arrêt du 6 janvier 2021, sont d'ordre public. Il convient en conséquence de faire application de l'article L. 312-23 du code de la consommation.
Compte tenu de l'application de l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 25 mars 2016, la clause 2 du protocole du 15 janvier 2015 est nulle comme étant non conforme à cet article d'ordre public. En conséquence, la société GESTINVEST est fondée à solliciter la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 17 novembre 2016 pour défaut d'exigibilité de la créance. En effet, la somme en vertu de laquelle le commandement a été délivré, prenait en compte des arriérés capitalisés en vertu de l'article 2 du protocole.
Il importe donc d'infirmer le jugement du 14 décembre 2017 en toutes ses dispositions autres que celles non atteintes par la cassation puisque la nullité du commandement de payer entraîne la nullité de toute la procédure de saisie immobilière subséquente.
La SCI GESTINVEST fait des demandes de restitution d'intérêts et de dommages et intérêts.
Toutefois, l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire précise la compétence du juge de l'exécution qui connaît « de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires. »
La demande de la SCI apparaît donc au-delà de la compétence du Juge de l'exécution comme étant sans lien avec la procédure de saisie immobilière et par là même au-delà du périmètre de compétence dont la Cour est saisie par l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation. Elle est donc irrecevable.
Compte tenu de l'infirmation du jugement du juge de l'exécution de Lorient en date du 14 décembre 2017, l'appelante à savoir la SCI GESTINVEST, ne doit garder à sa charge aucun frais d'instance et de condamnation en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel (excepté ceux de l'appel irrecevable du jugement du 27 avril 2018).
La SCI GESTINVEST demande la condamnation de la société CKV à lui verser la somme de 10.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de faire droit à sa demande à hauteur de 7.500 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe
REJETTE les fins de non-recevoir de la société Centrale Kredietverlening et la société Record Credits liée à l'extinction de l'instance de saisie immobilière et à la violation de l'accord transactionnel du 1er mars 2019 ;
INFIRME le jugement du 14 décembre 2017 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lorient en toutes ses dispositions non atteintes par la cassation ;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
ANNULE l'article 2 du protocole transactionnel signé le 15 janvier 2015 entre la SCI GESTINVEST et la société Centrale Kredietverlening et la société Record Credits ;
ANNULE le commandement de payer pour défaut d'exigibilité de la créance et toute la procédure de saisie immobilière subséquente ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de la SCI GESTINVEST en paiement de la somme de 750.550.84 € à titre de dommages et intérêts ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de la SCI GESTINVEST de restitution des sommes versées en vertu du protocole soit la somme de 189.750.84 € ;
CONDAMNE les sociétés Centrale Kredietverlening et Record Crédits (anciennement dénommée Record Bank) à verser à la société GESTINVEST la somme de 7.500 € en vertu de l'article 700 code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés Centrale Kredietverlening et Record Crédits (anciennement dénommée Record Bank) aux dépens de première instance et d'appel (excepté ceux de l'appel irrecevable du jugement du 27 avril 2018).
LE GREFFIER P/LEPRESIDENT EMPECHE
C. LEVEUF C. MULLER