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CA MONTPELLIER (2e ch. civ.), 28 octobre 2021

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (2e ch. civ.), 28 octobre 2021
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 2e ch.
Demande : 21/00905
Date : 28/10/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/02/2021
Référence bibliographique : 5889 (art. L. 221-3), 5956 (L. 212-1, domaine, défibrillateur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9214

CA MONTPELLIER (2e ch. civ.), 28 octobre 2021 : RG n° 21/00905 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il convient de relever qu'aucun texte n'impose aux infirmiers exerçant à titre libéral de disposer d'un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l'exercice de cette profession, dont l'activité principale n'est pas une activité de secourisme mais est de dispenser des soins au domicile de ses patients et ce, d'autant plus que ce type de matériel dénommé « DAE » comme indiqué dans le contrat de Madame X. n'est pas transportable mais fixé sur un mur. Il convient donc de considérer que l'objet du contrat liant les parties n'entre pas dans le champ de l'activité professionnelle principale de l'appelante.

Madame X. est donc fondée à prétendre à l'application de l'ancien L. 121-18-1 repris à l'article L. 221-9, imposant au professionnel, à peine de nullité, de fournir un contrat comprenant notamment, par renvoi à l'article L. 121-17 dorénavant L. 221-5, les informations sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétraction lorsqu'il existe, ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le contrat en cause versé aux débats ne comporte aucune information sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation et il n'est pas établi qu'il était accompagné d'un formulaire de rétractation. Expressément prévue par le texte, la nullité du contrat du 2 mars 2016 est donc encourue, même si le cocontractant peut également se prévaloir d'une prolongation du droit de rétractation dans les conditions de l'ancien article L. 121-21-1 du code de la consommation, désormais l'article L. 221-20, cette faculté de prolongation n'interdisant pas au cocontractant d'invoquer la nullité du contrat en cause.

Le fait que Madame X. ait exécuté le contrat en procédant au paiement de loyers est indifférent dès lors que n'ayant pas été informée de son droit à rétractation, elle n'a pu en faire usage et se dispenser d'honorer les obligations résultant de ce contrat.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que l'argumentation de Madame X. au regard de la nullité du contrat litigieux n'est manifestement pas dépourvue de caractère sérieux et qu'elle nécessite dès lors un examen au fond qui seul permettra de trancher cette question. Cet examen ne relève pas des pouvoirs du juge des référés mais de celles du juge du fond. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00905. N° Portalis DBVK-V-B7F-O3YK. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 JANVIER 2021, JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BEZIERS : R.G. n° 20/00254.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française [...], [...], Représentée par Maître Sophie A. substituant Maître Victor E., avocat au barreau de NARBONNE

 

INTIMÉE :

M2M FINANCEMENT

Société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT-ETIENNE, sous le numéro XXX, dont le siège social est sis [...], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Yann LE T. de la SEP ALAIN A. ET YANN LE T., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

Ordonnance de clôture du 6 septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 SEPTEMBRE 2021, en audience publique, Madame Nelly CARLIER ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : Monsieur Éric SENNA, Président de chambre, Madame Myriam GREGORI, Conseiller, Nelly CARLIER, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 2 mars 2016, la SAS M2M Financement et Madame X., infirmière libérale ont signé un contrat de location longue durée portant sur un défibrillateur pour une durée de 60 mois moyennant un loyer mensuel de 119 euros HT.

A la suite d'impayés survenus à compter du 15 décembre 2018, la SAS M2M Financement a fait assigner Madame X. devant le juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Etienne, par exploit d'huissier du 31 janvier 2020 aux fins de la voir condamner au paiement d'une provision correspondant aux sommes restant dues ainsi qu'à la restitution du matériel.

Par ordonnance en date du 29 juin 2020, le président du tribunal de commerce de Saint-Étienne statuant en référé s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers a :

- renvoyé les parties à se pourvoir au fond, mais dès à présent :

- condamné Madame X. à payer à la SAS M2M FINANCEMENT la somme de 4083,06 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 31 janvier 2020 ;

- condamné Madame X. à restituer le défibrillateur objet du contrat en date du 2 mars 2016 selon les modalités de1'article 15 dudit contrat ;

- rejeté le surplus des demandes formées par les parties ;

- condamné Madame X. à payer à la SAS M2M FINANCEMENT la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné Madame X. aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 11 février 2021, Madame X. a relevé appel de cette décision.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 7 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame X. demande à la Cour de :

* réformer la décision de première instance en ce qu'elle a :

- condamné Madame X. à payer à la SAS M2M FINANCEMENT la somme de 4.083,06 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en date du 31 janvier 2020 ;

- condamné Madame X. à restituer le défibrillateur, objet du contrat en date du 2 mars 2016 selon les modalités de l'article 15 dudit contrat ;

- rejeté le surplus des demandes formées par les parties ;

- condamné Madame X. à payer à la SAS M2M FINANCEMENT la somme de 800 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné Madame X. aux dépens ;

* Et statuant à nouveau,

- dire et juger que Madame X. soulève des contestations sérieuses quant à la validité du contrat du 26 février 2016 qui est un contrat hors établissement conclus entre professionnels, Madame X. justifiant embaucher moins de 5 salariés, et l'objet du contrat ne rentrant pas dans son champ d'activité principale, ne comprenant aucune information sur les modalités et délais de rétractation ni bordereau de rétractation.

- débouter la société M2M de toutes ses demandes, fins et prétentions

- dire n'y avoir lieu à référé en l'état des contestations sérieuses.

* A titre subsidiaire,

- limiter la condamnation de Madame X. à Ia somme de 2.041,02 euros, au titre des loyers échus, à la date du 15 janvier 2020, l'obligation étant sérieusement contestable pour le surplus.

* A titre infiniment subsidiaire,

- ramener le montant de Ia clause pénale à Ia somme symbolique de 1 euro.

- rejeter les demandes de Ia SAS M2M FINANCEMENT au titre de l'article L. 441-6 du Code de commerce.

- dire et juger que Madame X. a restitué le matériel litigieux à la société CITYCARE mandataire de la société M2M.

- accorder à Madame X. les plus larges délais de paiement.

* condamner la société M2M au paiement de la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître E., Avocat.

[*]

Dans le dernier état de ses écritures signifiées par la voie électronique le 20 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Ia SAS M2M FINANCEMENT demande à la Cour de :

* confirmer la décision entreprise.

* condamner Mme X., à régler à la société M2M FINANCEMENT la somme provisionnelle de :

- 2.041,02 € au titre des loyers impayés du 15 décembre 2018 au 15 janvier 2020 outre intérêts contractuels au taux de 1,5 % à compter de la date d'exigibilité de chaque loyer impayé et jusqu'à complet paiement ;

- 1.856,40 € au titre du solde du contrat de location, correspondant aux loyers dus du 15 février 2020 au 15 février 2021, outre intérêts contractuels au taux de 1,5 % à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2019 et jusqu'à complet paiement ;

- 500 € au titre de la clause pénale modulée à la hausse ;

* ordonner la restitution du matériel loué sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à venir.

* débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

* condamner Mme X. au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et à supporter les entiers dépens de l'instance.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande de provision :

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il convient de rappeler qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, qui n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

En l'espèce, la demande de provision formée par la SAS M2M à l'encontre de Madame X. a pour fondement un contrat de location d'un matériel défibrillateur signé par les parties les 26 février et 2 mars 2016, le contrat mentionnant la qualité d'infirmière libérale de Madame X.

Il ressort d'un procès-verbal de réception que le matériel a été livré à Madame X. le 26 février 2016.

Madame X. ne conteste pas ne plus avoir honoré le remboursement des loyers prévus par ce contrat depuis le 15 décembre 2018, de sorte que le contrat a été résilié par la SAS M2M par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 décembre 2019 non réclamée, la SAS M2M justifiant que Madame X. est redevable au 15 février 2021 de la somme totale de 4.083,06 €, clause pénale inclue au titre de ce contrat.

Madame X. invoque cependant l'existence de plusieurs contestations sérieuses concernant la validité de ce contrat.

Elle soutient, en premier lieu, que le contrat en cause est nul sur le fondement des articles L 121-16-1-III et suivants du code de la consommation (devenu L 221-3) qui s'appliquent notamment aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à 5, ce qui est son cas, en l'espèce et que le contrat ne comporte pas les informations précontractuelles relatives aux modalités de rétractation, telles que prévues à l'article R. 221-3, ni le bordereau-type de rétractation conformément à l'article R. 221-1 du code de la consommation, ces formalités étant prescrites à peine de nullité.

La SAS M2M Financement fait valoir sur ce point que les dispositions invoquées du code de la consommation ne s'appliquent pas en l'espèce, la location d'un défibrillateur qui est un matériel médical entrant dans le champ d'application de l'activité professionnelle de Madame X. Elle ajoute que le contrat comporte les mentions obligatoires invoquées et qu'en tout état de cause, la seule sanction de l'absence d'information du droit de rétractation n'est pas la nullité du contrat mais la prolongation du délai de rétractation conformément à l'article L. 221-20 du code de la consommation, délai dont Madame X. n'a pas usé.

[*]

Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, anciennement article L. 121-16-1 issu de la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat avec un autre professionnel dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie de certaines des dispositions protectrices du consommateur parmi lesquelles figure le droit de rétractation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat du 2 mars 2016 liant les parties est un contrat hors établissement au sens de l'article L. 121-6 ancien du code de la consommation, devenu L. 221-1, puisqu'il a été conclu dans les locaux de Madame X., dont il n'est pas discuté par la SAS M2M qu'elle n'emploie pas de salariés.

Il convient de relever qu'aucun texte n'impose aux infirmiers exerçant à titre libéral de disposer d'un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l'exercice de cette profession, dont l'activité principale n'est pas une activité de secourisme mais est de dispenser des soins au domicile de ses patients et ce, d'autant plus que ce type de matériel dénommé « DAE » comme indiqué dans le contrat de Madame X. n'est pas transportable mais fixé sur un mur.

Il convient donc de considérer que l'objet du contrat liant les parties n'entre pas dans le champ de l'activité professionnelle principale de l'appelante.

Madame X. est donc fondée à prétendre à l'application de l'ancien L. 121-18-1 repris à l'article L. 221-9, imposant au professionnel, à peine de nullité, de fournir un contrat comprenant notamment, par renvoi à l'article L. 121-17 dorénavant L. 221-5, les informations sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétraction lorsqu'il existe, ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le contrat en cause versé aux débats ne comporte aucune information sur les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation et il n'est pas établi qu'il était accompagné d'un formulaire de rétractation.

Expressément prévue par le texte, la nullité du contrat du 2 mars 2016 est donc encourue, même si le cocontractant peut également se prévaloir d'une prolongation du droit de rétractation dans les conditions de l'ancien article L. 121-21-1 du code de la consommation, désormais l'article L. 221-20, cette faculté de prolongation n'interdisant pas au cocontractant d'invoquer la nullité du contrat en cause.

Le fait que Madame X. ait exécuté le contrat en procédant au paiement de loyers est indifférent dès lors que n'ayant pas été informée de son droit à rétractation, elle n'a pu en faire usage et se dispenser d'honorer les obligations résultant de ce contrat.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que l'argumentation de Madame X. au regard de la nullité du contrat litigieux n'est manifestement pas dépourvue de caractère sérieux et qu'elle nécessite dès lors un examen au fond qui seul permettra de trancher cette question. Cet examen ne relève pas des pouvoirs du juge des référés mais de celles du juge du fond.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de dire n'y avoir lieu à référé en présence d'une contestation sérieuse et de renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, sans qu'il soit besoin d'évoquer les autres contestations soulevées par Madame X. et ses demandes subsidiaires.

Il en sera de même de la demande de restitution du matériel, qui dépend de l'application du contrat et de sa validité.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Madame X. les sommes non comprises dans les dépens. La SAS M2M Financement sera condamnée à lui payer la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande formée sur le même fondement par la SAS M2M Financement qui succombe à l'instance sera rejetée.

Pour les mêmes motifs, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- dit n'y avoir lieu à référé

- renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront.

Y ajoutant,

- condamne la SAS M2M Financement à payer à Madame X. la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejette la demande formée par la SAS M2M Financement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne la SAS M2M Financement aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT