CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 3 novembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9229
CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 3 novembre 2021 : RG n° 19/04055
Publication : Jurica
Extrait : « La société Pub Guiness Grill soutient que le nombre de salariés présents dans l'entreprise au sens de l'article L. 221-3 du code de la consommation doit se calculer par référence aux dispositions de l'article L. 1111-1 du code de travail qui dispose que « les salariés temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. » Elle explique que de nombreux salariés travaillent à temps partiel dans son domaine d'activité.
Or, l'article L. 1111-1 auquel l'appelante se réfère précise que les dispositions qu'il édicte s'applique « au présent code ». Dès lors, dans la mesure où l'article L. 221-3 du code de la consommation ne renvoie pas aux dispositions précitées du code du travail et ne fait état d'aucune distinction entre les salariés à temps plein et les salariés à temps partiel, il sera jugé que l'ensemble des salariés doit être pris en compte pour le calcul du nombre de salariés au-delà duquel le professionnel ne peut plus arguer du bénéfice d'un droit de rétractation.
Or, il ressort de la lecture du journal de paie que 12 personnes ont travaillé pour l'appelante pendant l'année 2018, dont 6 personnes au 22 mai 2018, date de la conclusion du contrat. Les pièces produites aux débats ne permettent pas en outre de déterminer l'effectif annuel moyen de l'entreprise et d'établir ainsi qu'il était inférieur au seuil fixé par l'article susvisé.
Il convient en conséquence de juger que l'effectif était supérieur à 5 salariés au 22 mai 2018 et de juger que l'appelante ne disposait pas d'un droit de rétractation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/04055. N° Portalis DBVJ-V-B7D-LESP. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 juillet 2019 (R.G. 2018F01178) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2019.
APPELANTE :
SARL PUB GUINNESS GRILL
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège sis, [adresse], représentée par Maître Benjamin B., avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Gwendal R., de la SELARL AVOXA, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
SAS JDC
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège sis, [adresse], représentée par Maître Patrick D. de la SCP ESENCIA, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Nathalie PIGNON, Présidente, Madame Elisabeth FABRY, Conseiller, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Le 22 mai 2018, la société Pub Guinness Grill, qui exploite un fonds de commerce de restauration, a passé commande auprès de la société Jdc d'un système d'encaissement (caisse tactile et accessoires) et de sa maintenance. Le matériel a été livré et installé les 3 juillet et 4 juillet 2018.
Par lettre recommandée du 8 juillet 2018, la société Pub Guinness Grill a demandé à la société Jdc l'annulation de la vente compte tenu des dysfonctionnements affectant selon elle le système.
Devant le refus de cette dernière, le conseil de la société Pub Guinness Grill arguait du droit de rétractation de sa cliente.
Par exploit d'huissier en date du 27 novembre 2018, la société Pub Guinness Grill a fait assigner la société Jdc devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'obtenir l'annulation de la vente.
Par jugement contradictoire du 5 juillet 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- débouté la société Pub Guinness Grill de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Pub Guinness Grill à verser à la société Jdc la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Pub Guinness Grill aux dépens.
Le tribunal a jugé que le contrat conclu entrait dans le champ d'activité de la demanderesse qui ne pouvait dès lors arguer des dispositions du code de la consommation.
Par déclaration du 18 juillet 2019, la société Pub Guinness Grill a interjeté appel de cette décision à l'encontre de l'ensemble des chefs de la décision qu'elle a expressément énumérés, intimant la société Jdc.
Prétentions et moyens :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 11 septembre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Pub Guinness Grill demande à la cour de :
- Infirmer en sa totalité la décision du Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du 5 juillet 2019 ;
- Et statuant de nouveau :
- Dire et juger recevable et fondée la société Pub Guiness Grill en ses demandes, fins et prétentions ;
- Débouter la société Jdc de ses demandes, fins et prétentions contraires ;
- Dire et juger que la société Pub Guiness Grill est un professionnel employant moins de cinq salariés tant au cours de l'année 2018 qu'à la date du 22 mai 2018 ; que le contrat de vente du matériel informatique de la société Jdc et son accessoire portant sur sa maintenance a été conclu hors établissement le 22 mai 2018 ; que ce contrat ne relève pas du champ de l'activité principale de la société Pub Guiness Grill, laquelle exerce une activité de café licence 3 avec petite restauration ;
- Dire et juger que la société Pub Guiness Grill bénéficiait d'un droit de rétractation qu'elle a valablement exercé ;
- Ordonner l'annulation du contrat de vente et du contrat de maintenance conclus le 22 mai 2018 ;
- Condamner la société Jdc à rembourser à la société Pub Guiness Grill l'ensemble des sommes perçues en exécution dudit contrat, soit la somme de 7.068 euros ;
- Ordonner la reprise aux frais de la société Jdc des matériels livrés à la société Pub Guiness Grill ;
- Condamner la société Jdc à régler à la société Pub Guiness Grill la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la société Jdc aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Pub Guiness Grill fait notamment valoir qu'elle dispose d'un délai de rétractation de 14 jours, sans avoir à motiver sa décision, en application des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation ; que ces dispositions lui sont applicables car l'objet de la vente n'entre pas dans son champ d'activité; que la vente a été conclue hors établissement et que son effectif à la date de conclusion du contrat était inférieur ou égal à 5 salariés, en l'espèce 4,29 euros, en prenant en compte les dispositions des articles L. 1111-1 du code du travail pour tenir compte des salariés à temps partiel ; que lorsque les informations relatives au délai de rétractation n'ont pas été fournies, le délai de rétractation est prolongé de 12 mois à compter de l'expiration du délai initial ; que ce délai prolongé est applicable en l'espèce.
[*]
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 27 septembre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Jdc demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 5 juillet 2019 Constater qu'à la date de conclusion du contrat la société Pub Guiness Grill employait 6 salariés ;
- constater que la caisse objet du contrat entre dans le champ de l'activité principale de la société Pub Guiness Grill ;
- débouter, en conséquence, la société Pub Guiness Grill de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Pub Guiness Grill à verser à Jdc une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Pub Guiness Grill aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution ;
La société Jdc fait notamment valoir que la société Pub Guiness Grill ne peut se prévaloir des dispositions spéciales du code de la consommation dès lors qu'elle emploie 6 salariés ; que les notions d’« effectif », présente dans le code du travail, et de « nombre de salariés », présente dans le code de la consommation, ne se confondent pas ; que l'objet du contrat entre en outre dans le champ de son activité et que, par conséquent, elle ne peut se prévaloir du délai de rétractation du droit de la consommation.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2021 et le dossier a été fixé à l'audience du 29 septembre 2021.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
L'article L. 221-18 de la section 6 du code susvisé dispose que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
La société Pub Guiness Grill soutient que le nombre de salariés présents dans l'entreprise au sens de l'article L. 221-3 du code de la consommation doit se calculer par référence aux dispositions de l'article L. 1111-1 du code de travail qui dispose que « les salariés temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. » Elle explique que de nombreux salariés travaillent à temps partiel dans son domaine d'activité.
Or, l'article L. 1111-1 auquel l'appelante se réfère précise que les dispositions qu'il édicte s'applique « au présent code ». Dès lors, dans la mesure où l'article L. 221-3 du code de la consommation ne renvoie pas aux dispositions précitées du code du travail et ne fait état d'aucune distinction entre les salariés à temps plein et les salariés à temps partiel, il sera jugé que l'ensemble des salariés doit être pris en compte pour le calcul du nombre de salariés au-delà duquel le professionnel ne peut plus arguer du bénéfice d'un droit de rétractation.
Or, il ressort de la lecture du journal de paie que 12 personnes ont travaillé pour l'appelante pendant l'année 2018, dont 6 personnes au 22 mai 2018, date de la conclusion du contrat.
Les pièces produites aux débats ne permettent pas en outre de déterminer l'effectif annuel moyen de l'entreprise et d'établir ainsi qu'il était inférieur au seuil fixé par l'article susvisé.
Il convient en conséquence de juger que l'effectif était supérieur à 5 salariés au 22 mai 2018 et de juger que l'appelante ne disposait pas d'un droit de rétractation.
Le jugement de première instance, qui avait également débouté la société Pub Guiness Grill de sa demande, mais pour un autre motif, sera ainsi intégralement confirmé.
La société Pub Guiness Grill sera condamnée à verser la somme de 1.500 euros à la société Jdc au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera condamnée aux dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier recours,
CONFIRME en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux le 5 juillet 2019, y compris la condamnation au paiement d'une indemnité de procédure et les dépens,
CONDAMNE la société Pub Guiness Grill à verser la somme de 1.500 euros à la société Jdc au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Pub Guiness Grill sera aux dépens de cette instance.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.