CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 4 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 4 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 19/05753
Date : 4/11/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 25/10/2019
Référence bibliographique : 6198 (442-1 C. com., approvisionnement exclusif)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9233

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 4 novembre 2021 : RG n° 19/05753 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Pour autant, la Cour observe que la société Brasserie B. s'abstient de se prévaloir dans le corps de ses conclusions du déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, comme de tout autre délit civil prévu aux termes des dispositions de cet article et dont le jugement relève du pouvoir exclusif de la cour d'appel de Paris, à peine de fin de non-recevoir relevée d'office.

Si le dispositif des conclusions de la société B., qui datent du 22 avril 2021, vise l'article L. 442-6 du code de commerce sans autre précision, la Cour considère qu'il s'agit des dispositions en vigueur depuis le 26 avril 2019 résultant de l'ordonnance déjà mentionnée. Or, ce texte est étranger au présent litige, puisqu'il fulmine une peine d'amende contre celui qui impose un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale. Par conséquent, le visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans le dispositif des conclusions d'appelant est sans conséquence. »

2/ « En droit, la clause d'objectif minimum étant par principe valide, il appartient à la Cour de vérifier que cet objectif minimum et les moyens pour le remplir ont été adoptés par les parties dans le respect des dispositions de l'article 1174 du code civil dans sa rédaction applicable à un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, qui dispose que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige.

A cet égard, l'obligation de fourniture à charge du brasseur en vertu de l'article 3 déjà mentionné est bien conclue sous la condition suspensive de l'article 2. Il résulte de ce mécanisme contractuel que l'obligation de fourniture de toute bière dont la marque est définie au contrat disparaît purement et simplement si le brasseur décide « à tout moment » de « modifier la composition des produits » contractuels, dans les hypothèses ainsi définies : « […] soit parce que l'une ou l'autre des bières désignées ne serait plus fabriquée, soit par adjonction de tout nouveau produit aux caractéristiques équivalentes que la brasserie entendrait commercialiser. »

Or, il résulte de la formulation de cette clause que la réalisation de la condition assortissant l'obligation de fournir les bières définies au contrat dépend, en définitive, de la seule volonté du brasseur. C'est pourquoi cette condition est purement potestative, ce qui conduit à dire qu'elle est nulle. En outre, la nullité affecte la seule condition de l'obligation de fourniture et non l'ensemble constitué par la clause de modification unilatérale de produit et la clause de sanction pécuniaire.

La nullité de la clause sanctionnant le non-respect de l'objectif contractuel ne peut être prononcée sur le fondement de la nullité des conditions potestatives car il ne s'agit pas d'une condition. Par ailleurs, en droit, les clauses du contrat autres que la condition déjà annulée subsistent dès lors qu'elles peuvent être exécutées indépendamment de cette condition. Or, en l'espèce, il est établi que les clauses autres que la condition annulée sont susceptibles d'être exécutées malgré la nullité prononcée. Par conséquent, les demandes en nullité plus amples que celle déjà prononcées doivent être rejetées.

Cependant, la nullité prononcée de la condition purement potestative figurant à l'article 2 rétablit le droit de la société Brasserie B. de se prévaloir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de la suppression unilatéralement décidée par la société Brasserie Castelain des produits que celle-ci était engagée à lui fournir. »

Extrait (dispositif) : « Annule la clause de l'article 2 du contrat ainsi rédigée : « De convention expresse, la brasserie [le fournisseur] pourra, à tout moment, modifier la composition des produits ci-dessus, soit parce que l'une ou l'autre des bières désignées ne serait plus fabriquée, soit par adjonction de tout nouveau produit aux caractéristiques équivalentes que la brasserie entendrait commercialiser.

Une telle modification apportée aux produits objets du contrat ne saurait être considérée par l'entrepositaire comme étant une modification substantielle du contrat l'autorisant à le dénoncer avant son terme » ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/05753. N° Portalis DBVT-V-B7D-SVC3. Jugement R.G. n° 2017/853 rendu le 4 octobre 2019 par le tribunal de commerce d'Arras.

 

APPELANTE :

SA Brasserie B.

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [...], représentée et assistée par Maître Alex D., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

 

INTIMÉE :

SAS Brasserie Castelain

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège social [...], représentée et assistée par Maître Alain F., avocat au barreau d'Arras substitué à l'audience par Maître Vincent M., avocat au barreau d'Arras

 

DÉBATS à l'audience publique du 8 septembre 2021 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Véronique Renard, présidente de chambre, Dominique Gilles, président, Geneviève Créon, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 novembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 juin 2021

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous seings privés intitulé contrat d'entrepositaire de bières et daté du 1er septembre 2015, la société Brasserie Castelain et la société Brasserie B. ont redéfini les relations partenariales qu'elles entretenaient de longue date et aux termes desquelles celle-ci, l'entrepositaire, était fournie en bières par celle-là, le brasseur, afin de les distribuer à une clientèle constituée de cafés, d'hôtels et de restaurants.

La société Brasserie B. a reproché à la société Brasserie Castelain des manquements dans l'exécution du contrat et dans sa politique tarifaire.

Par acte extrajudiciaire du 3 avril 2017, la société Brasserie B. a assigné la société Brasserie Castelain pour obtenir, notamment, la résiliation du contrat aux torts du défendeur. Celui-ci a alors réclamé, à titre reconventionnel, l'application des sanctions pécuniaires pour le non-respect des objectifs de volumes prévus au contrat.

C'est dans ces conditions que par jugement du 4 octobre 2019, le tribunal de commerce d'Arras a :

- dit que la demande reconventionnelle de la SAS Brasserie Castelain en nullité de l'exploit introductif d'instance est rejetée,

- condamné la SA Brasserie B. à payer à la SAS Brasserie Castelain la somme de 287.422 euros à titre d'indemnité contractuelle pour non-respect des volumes convenus (article 4 du contrat),

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la SA Brasserie B. à verser à la SAS Brasserie Castelain la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Brasserie B. aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 25 octobre 2019, la société Brasserie B. a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Par dernière conclusions déposées et signifiées le 22 avril 2021, la société Brasserie B. demande à la Cour de :

- vu les articles 1147, 1170 et 1174 (anciens) du code civil,

- vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

- infirmer le jugement entrepris,

- annuler la clause de modification unilatérale de produit et de sanction de l'absence de l'objectif d'achats en raison de leur caractère purement potestatif,

- annuler le contrat d'entrepositaire conclu entre les parties,

- subsidiairement, à défaut d'annulation du contrat,

- ordonner la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Brasserie Castelai,

- dire irrecevable la demande reconventionnelle de la société Brasserie Castelain faute de lien suffisant avec la demande principale,

- débouter celle-ci de ses demandes,

- subsidiairement, ramener le montant de la clause pénale à l'euro symbolique,

- condamner la société Brasserie Castelain au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

[*]

Par dernières conclusions du 11 juin 2021, la société Brasserie Castelain prie la Cour de :

- dire irrecevables comme tardives les conclusions de la société Brasserie B. du 7 avril 2021,

- subsidiairement prononcé le rabat et le report de la clôture,

- confirmer le jugement entrepris,

y ajoutant :

- condamner la société Brasserie B. à lui payer la somme de 148.980 euros à titre d'indemnité pour non-respect des volumes convenus au titre de l'année 2019,

- condamner la société Brasserie B. à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.

[*]

L'ordonnance de clôture est du 17 juin 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Sur la forme :

Dès lors que l'ordonnance de clôture a été reportée au 17 juin 2021, les dernières conclusions, celles de la société Brasserie Castelain, datant du 11 juin 2021 sans qu'il soit justifié que le délai restant pour y répliquer ait été trop court, la demande de la société Brasserie Castelain de rejet des conclusions de la société Brasserie B. se trouve mal fondée.

 

Sur la recevabilité de la demande au titre du non-respect de l'objectif de vente :

Si la société Brasserie B. soutient l'irrecevabilité de cette demande reconventionnelle, au motif qu'elle ne se rattacherait pas aux prétentions originaires par un lien suffisant, il convient au contraire de retenir que l'action en exécution forcée du contrat s'agissant de la demande reconventionnelle en paiement des pénalités contractuelles se rattache par un lien suffisant à l'action en résiliation pour inexécution de ce même contrat. La demande reconventionnelle de la société Brasserie Castelain est donc recevable. Sur ce point, le jugement entrepris sera confirmé.

 

Sur la validité des stipulations :

Par acte sous seings privés du 1er septembre 2015 à effet au 1er janvier 2016, la société Brasserie B., dénommée l'entrepositaire, s'est engagée à se fournir auprès de la société Brasserie Castelain, dénommée le brasseur, pour une quantité minimum annuelle, en bières dont les marques et formats sont listés à l'article 2 du contrat (marques : Ch'ti, Derby, Jade, Maltesse, Fantastic, Korma, bières de saison, Abbayes de Lille). Cet article prévoit que :

« De convention expresse, la brasserie [le fournisseur] pourra, à tout moment, moment, modifier la composition des produits ci-dessus, soit parce que l'une ou l'autre des bières désignées ne serait plus fabriquée, soit par adjonction de tout nouveau produit aux caractéristiques équivalentes que la brasserie entendrait commercialiser.

Une telle modification apportée aux produits objets du contrat ne saurait être considérée par l'entrepositaire comme étant une modification substantielle du contrat l'autorisant à le dénoncer avant son terme ».

L'article 3 de ce contrat précise que la quantité minimum annuelle fixée d'un commun accord est de 5.000 hectolitres par an et que l'entrepositaire est susceptible de pénalités s'il n'atteint pas cet objectif.

L'article 4 du contrat fixe à 40 euros par hectolitre manquant le montant de la pénalité due en cas de non-respect de l'objectif.

La société B. affirme, en préliminaire de la discussion de la validité puis de la résolution du contrat, que la société Brasserie Castelain, pour lui imposer la signature d'un contrat d'entrepositaire déséquilibré, a profité de mauvaise foi du besoin de trésorerie qu'elle avait exprimé et qui avait donné lieu à un achat par le fournisseur de 34 % du capital social de la société entrepositaire, avec promesse de revendre les titres au cédant, M. B., dans un délai et des conditions déterminées.

Pour autant, la Cour observe que la société Brasserie B. s'abstient de se prévaloir dans le corps de ses conclusions du déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, comme de tout autre délit civil prévu aux termes des dispositions de cet article et dont le jugement relève du pouvoir exclusif de la cour d'appel de Paris, à peine de fin de non-recevoir relevée d'office.

Si le dispositif des conclusions de la société B., qui datent du 22 avril 2021, vise l'article L. 442-6 du code de commerce sans autre précision, la Cour considère qu'il s'agit des dispositions en vigueur depuis le 26 avril 2019 résultant de l'ordonnance déjà mentionnée. Or, ce texte est étranger au présent litige, puisqu'il fulmine une peine d'amende contre celui qui impose un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale. Par conséquent, le visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans le dispositif des conclusions d'appelant est sans conséquence.

Et s'agissant de la mauvaise foi alléguée, la société Brasserie B. s'abstient également d'en préciser la sanction qui, de toutes manières, ne peut être ni la nullité du contrat ni sa résiliation, seules demandées au titre du dispositif des conclusions qui seules lient la Cour.

S'agissant de la validité de la clause de modification unilatérale des produits et de sanction du non-respect des objectifs d'achat, la société Brasserie B. soutient qu'il s'agit d'une clause purement potestative et qu'elle est de nature à entraîner la nullité de la convention du 1er septembre 2015.

La Cour rappelle que l'article 2 déjà mentionné, après qu'il énonce la liste des marques dont l'entrepositaire s'engage à se fournir auprès du brasseur dans les quantités minimales définies à l'article 3, se lit ainsi :

« De convention expresse, la brasserie [le fournisseur] pourra, à tout moment, modifier la composition des produits ci-dessus, soit parce que l'une ou l'autre des bières désignées ne serait plus fabriquée, soit par adjonction de tout nouveau produit aux caractéristiques équivalentes que la brasserie entendrait commercialiser.

Une telle modification apportée aux produits objets du contrat ne saurait être considérée par l'entrepositaire comme étant une modification substantielle du contrat l'autorisant à le dénoncer avant son terme ».

L'article 4 définit la pénalité pour manquement à l'objectif minimum.

L'objectif minimum annuel a été imparti à la société B., sous peine de sanction pécuniaire, alors qu'il lui était simultanément fait interdiction de se prévaloir contre la société Brasserie Castelain, créancière de l'indemnité stipulée, des modifications que celle-ci déciderait unilatéralement dans la gamme des bières dont le distributeur s'engageait, dans le même acte, à se fournir auprès de ce fournisseur.

L'article 3 du contrat indique encore :

« L'entrepositaire s'engage, en conséquence, à commander et à commercialiser pendant toute la durée du contrat, le minimum annuel ci-dessus convenu d'un commun accord, à défaut de quoi il est susceptible d'encourir le paiement de pénalités pour non réalisation des objectifs fixés.

L'entrepositaire reconnaît avoir une parfaite connaissance du marché sur lequel il intervient pour l'exploiter depuis longue date et affirme que les hectolitres contractuellement fixés aux termes du présent contrat, sont tout à fait conformes aux données existantes et au potentiel de son marché.

De son côté, la brasserie s'engage à fournir l'entrepositaire dans les délais normaux d'acheminement des produits, les quantités commandées par l'entrepositaire aux conditions de prix et de livraison ci-dessus fixées ».

En droit, la clause d'objectif minimum étant par principe valide, il appartient à la Cour de vérifier que cet objectif minimum et les moyens pour le remplir ont été adoptés par les parties dans le respect des dispositions de l'article 1174 du code civil dans sa rédaction applicable à un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, qui dispose que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige.

A cet égard, l'obligation de fourniture à charge du brasseur en vertu de l'article 3 déjà mentionné est bien conclue sous la condition suspensive de l'article 2. Il résulte de ce mécanisme contractuel que l'obligation de fourniture de toute bière dont la marque est définie au contrat disparaît purement et simplement si le brasseur décide « à tout moment » de « modifier la composition des produits » contractuels, dans les hypothèses ainsi définies :

« […] soit parce que l'une ou l'autre des bières désignées ne serait plus fabriquée, soit par adjonction de tout nouveau produit aux caractéristiques équivalentes que la brasserie entendrait commercialiser. »

Or, il résulte de la formulation de cette clause que la réalisation de la condition assortissant l'obligation de fournir les bières définies au contrat dépend, en définitive, de la seule volonté du brasseur.

C'est pourquoi cette condition est purement potestative, ce qui conduit à dire qu'elle est nulle.

En outre, la nullité affecte la seule condition de l'obligation de fourniture et non l'ensemble constitué par la clause de modification unilatérale de produit et la clause de sanction pécuniaire.

La nullité de la clause sanctionnant le non-respect de l'objectif contractuel ne peut être prononcée sur le fondement de la nullité des conditions potestatives car il ne s'agit pas d'une condition.

Par ailleurs, en droit, les clauses du contrat autres que la condition déjà annulée subsistent dès lors qu'elles peuvent être exécutées indépendamment de cette condition. Or, en l'espèce, il est établi que les clauses autres que la condition annulée sont susceptibles d'être exécutées malgré la nullité prononcée.

Par conséquent, les demandes en nullité plus amples que celle déjà prononcées doivent être rejetées.

Cependant, la nullité prononcée de la condition purement potestative figurant à l'article 2 rétablit le droit de la société Brasserie B. de se prévaloir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de la suppression unilatéralement décidée par la société Brasserie Castelain des produits que celle-ci était engagée à lui fournir.

 

Sur la responsabilité contractuelle des parties :

S'agissant de la preuve que les objectifs de volume n'ont pas été atteints, la brasserie B. soutient l'infirmation du jugement entrepris, aux moyens essentiels que :

- aucune des parties et notamment pas la brasserie Castelain n'a communiqué de preuve permettant de justifier, de manière incontestable, le volume d'achat de l'entrepositaire ;

- le tribunal s'est contenté des seules affirmations de la brasserie Castelain et a renversé la charge de la preuve qui porte sur celle-ci.

Sur ce point, la Cour relève que l'article 4 du contrat prévoit expressément que les parties conviennent de déterminer, aux termes de chaque année civile, le montant des hectolitres manquants afin de vérifier que les engagements de production et de fourniture réciproques ont été réalisés. Or, la société Brasserie Castelain étaye sa demande, qui est faite au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019, uniquement sur un tableau de statistiques de ventes par brasserie et par article sur 10 ans, situation en date du 31 août 2017. Il s'agit de la pièce n°16 de la production de la société Brasserie Castelain. Or, ce document, par définition, ne renseigne ni sur 2017 ni sur 2018, ni sur 2018 tandis que la brasserie B., qui pourtant dispose dans sa propre comptabilité des moyens de vérifier la bonne application sur ce point du contrat qu'elle a signé, s'abstient de produire quelque élément que ce soit pour contredire les données qui lui sont opposées. Il s'en déduit, sans renverser la charge de la preuve, puisque le contrat, précisément, la répartit entre les co-contractants, d'une part que les premiers juges ont retenu à bon droit que les volumes de vente portées à ce tableau étaient exacts pour 2016, à savoir 3.562,48 hectolitres, d'autre part que le jugement doit être réformé en ce qu'il a retenu que les volumes fournis étaient établis tant pour 2017 - puisque pour cette dernière année rien ne justifie du volume d'achat entre le 31 août et le 31 décembre -, que pour 2018 et 2019 - puisque ces deux dernières années sont étrangères au tableau fourni en pièce n°16.

La demande qui ne peut être rejetée faute de preuve au titre de ces années 2017 et 2018 est donc de 142.499,20 euros (3.562,48 x 40 = 142 499,20). La responsabilité de la société Brasserie B. pour non-respect de l'objectif contractuel fixé est donc susceptible d'être engagée.

Cependant, la société Brasserie B. soutient que les manquements contractuels de la société Brasserie Castelain l'exonèrent de toute responsabilité et elle demande la résiliation du contrat aux torts exclusifs du brasseur.

S'agissant de cette demande en résiliation du contrat, la Cour retient que dès l'année 2016, soit la première année d'application du contrat litigieux, la société Brasserie Castelain a décidé de limiter puis de supprimer les possibilités pour la société Brasserie B. de s'approvisionner auprès d'elle en bière Korma.

Ainsi, alors qu'au mois d'avril 2016, la société Brasserie B. expliquait à la société Brasserie Castelain qu'elle avait déjà vendu 400 hectolitres de bière Korma au premier trimestre de cette année et qu'elle prévoyait d'en vendre 1.800 sur l'année entière, le plan d'affaires proposé par le brasseur à l'entrepositaire, non accepté par celui-ci, mentionnait un volume prévisionnel de vente de 3.715 hectolitres « hors Korma » tandis que le brasseur réduisait à six le nombre de marques offertes à la distribution.

Or, par courriel du 20 juillet 2016, la société Brasserie Castelain a notifié la fin immédiate de la production et de la commercialisation de la bière Korma.

Il résulte de ces éléments, eu égard à l'importance de la part de la bière Korma dans les prévisions en volume qui ont conduit la société Brasserie B. à souscrire à l'objectif annuel minimum de vente de 5.000 hectolitres, que la société Brasserie Castelain a commis un manquement à son obligation de fourniture essentielle au contrat, en modifiant sur ce point la gamme disponible pour la distribution par l'entrepositaire.

En présence de ce manquement contractuel dès la première année d'application contrat, qui justifie le non-respect de l'objectif contractuel, la société Brasserie Castelain doit voir rejeter sa demande en pénalité pour le non-respect de l'objectif contractuel.

La résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la société Brasserie Castelain doit être prononcée.

Le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point.

Sur les autres demandes et les frais :

La société Brasserie Castelain verra rejeter l'ensemble de ses autres demandes.

En équité, elle devra verser à la société Brasserie B. une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

La société Brasserie Castelain sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevables les demandes en paiement de la société Brasserie Castelain au titre des pénalités pour non atteinte des volumes convenus ;

Pour le surplus et y ajoutant ;

Réforme le jugement entrepris ;

Annule la clause de l'article 2 du contrat ainsi rédigée : « De convention expresse, la brasserie [le fournisseur] pourra, à tout moment, modifier la composition des produits ci-dessus, soit parce que l'une ou l'autre des bières désignées ne serait plus fabriquée, soit par adjonction de tout nouveau produit aux caractéristiques équivalentes que la brasserie entendrait commercialiser.

Une telle modification apportée aux produits objets du contrat ne saurait être considérée par l'entrepositaire comme étant une modification substantielle du contrat l'autorisant à le dénoncer avant son terme » ;

Prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Brasserie Castelain ;

Rejette les demandes de la société Brasserie Castelain ;

Condamne la société Brasserie Castelain à payer à la société Brasserie B. une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Brasserie Castelain aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés comme prévu par l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

Le greffier                                         La présidente

Valérie Roelofs                                 Véronique Renard