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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 19/15321
Date : 5/11/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/07/2019
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9240

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 5 novembre 2021 : RG n° 19/15321 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En quatrième lieu, la société Saint-Honoré soutient des clauses de résiliation qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des partenaires prohibé par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa version en vigueur au 11 décembre 2016.

Au demeurant, cette clause tend à dissuader l'abonné de se défaire unilatéralement de son obligation de verser, à l'avenir, les mensualités de ses abonnements qui ont pour contrepartie un prix négocié sur les communications téléphoniques dès l'origine des contrats, de sorte qu'il ne se déduit de ces clauses aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/15321 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOOL. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 juillet 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018044499.

 

APPELANTE :

SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro XXX, représentée par Maître Cyril DE LA F., avocat au barreau de PARIS, toque : C2011

 

INTIMÉE :

SAS SAINT-HONORE EXERÇANT SOUS L'ENSEIGNE X.

prise en la personne de ses représentants légaux [...], [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro YYY, représentée par Maître Eugénie Z.-R., avocat au barreau de PARIS, toque : C2390

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de commerce Paris du 4 juillet 2019 qui a :

- prononcé la résolution des trois contrats de téléphonie fixe et mobile passés entre la société Saint-Honoré et la Société Commerciale de télécommunication ('société SCT'),

- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société SCT aux dépens,

Vu l'appel interjeté le 24 juillet 2019 par la Société Commerciale de télécommunication ;

* * *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 septembre 2019 pour la Société Commerciale de télécommunication afin d'entendre, en application des articles 1134 du Code Civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré les contrats souscrits comme valables,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- constater la résiliation des contrats de téléphonie fixe et mobile aux torts exclusifs de la société Saint-Honoré.

- débouter la société Saint-Honoré de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Saint-Honoré au paiement des sommes de :

* 1.383,32 euros TTC au titre des factures de consommation de téléphonie fixe et mobile impayées,

* 24.558,61 euros TTC au titre des frais de résiliation fixe et mobile impayés,

- appliquer les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner la société Saint-Honoré au paiement de la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la société Saint-Honoré aux entiers dépens ;

* * *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 27 novembre 2019 pour la société Saint-Honoré, afin d'entendre, en application des articles 1134 et 1152 anciens du code civil, 442-6-I-2° du code de commerce, L. 132-1 ancien, L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution des contrats en litige,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- dire qu'aucun contrat n'a été conclu entre la société Saint-Honoré et la SCT du fait de l'absence de pouvoir de M. Y., charcutier, d'engager la Société Saint-Honoré,

- dire que les conditions générales relatives aux contrats de téléphonie fixe et de téléphonie mobile proposées par la SCT sont inopposables à la société Saint-Honoré,

- dire subsidiairement que la SCT ne justifie pas de ses demandes indemnitaires aux titres des contrats de téléphonie fixe et de téléphonie mobile

- dire subsidiairement que l'indemnité de résiliation sollicitée par la SCT procède d'un déséquilibre constitutif d'une pratique commerciale abusive,

- dire subsidiairement que l'indemnité de résiliation sollicitée par la SCT constitue une clause pénale justifiant sa modération du fait de son caractère manifestement excessif et la réduire à 1 euro,

- condamner la SCT à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCT aux entiers dépens de l'instance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que, selon trois contrats du 25 octobre 2015 sous la signature de M. Y., la société par actions simplifiées Saint-Honoré a convenu avec la société SCT, un premier « Contrat de prestation », sans précision de durée, pour la fourniture d'un ‘standard PABX et 4 postes téléphoniques’, moyennant le versement d'une mensualité de 103,70 euros HT et comprenant un « accès WEB » pour 20 euros HT par mois, ainsi qu'un service de maintenance pour 10,4 euros HT par mois, un deuxième contrat pour la souscription d'une ligne de téléphonie fixe moyennant une mensualité de 110 euros HT par mois, et un troisième contrat pour deux lignes de téléphonie mobile moyennant le versement de soixante-trois mensualités de 98 euros HT.

Par courrier du 5 février 2015, la société Saint-Honoré a dénoncé à la société STC l'erreur sur les pouvoirs dont M. Y. était dépourvu pour consentir aux contrats et a réclamé leur résolution avant de renouveler cette dénonciation par lettre du 19 avril 2016 recommandée avec accusé de réception.

Par deux lettres du 20 avril 2016, la société SCT a accusé réception de la demande de résiliation anticipée des contrats de téléphonie fixe et mobile et réclamé à ce titre le versement de deux sommes de 5.782 euros et 14.673,51 euros avant de réclamer à nouveau le 12 avril 2018 la somme de 25.941,93 euros et d'offrir amiablement le paiement de la somme de 16.000 euros, puis d'assigner en paiement la société Saint-Honoré le 6 juillet 2018.

 

1. Sur les chefs de nullité et de résolution des contrats :

Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la nullité des contrats en raison du défaut de pouvoir de M. Y. pour y souscrire, la société Saint-Honoré relève qu'il n'entrait pas au nombre des dirigeants de la société par actions simplifiées et oppose l'article L. 227-5 du code de commerce disposant que pour ces sociétés, ce sont les statuts qui fixent les conditions dans lesquelles elle est dirigée et pour déduire, in fine, que la société SCT ne pouvait se prévaloir du mandat apparent de M. Y., simple gérant.

Toutefois, ces dispositions qui régissent l'organisation des pouvoirs au sein de la société par actions simplifiées ne sont pas applicables aux contrats qu'elle est habilitée à déléguer pour consentir des contrats avec des tiers, de sorte que le grief manque en droit.

En deuxième lieu, la société Saint-Honoré soutient n'avoir pu souscrire aux conditions générales de services qui ne lui sont par conséquent pas opposables, alors que les mentions suivant lesquelles elle y aurait souscrit sont dissimulées dans un très grand nombre de stipulations aux contrats, écrites en petits caractères dans un texte long et technique.

Cependant, la mention est claire et précise et il n'est au surplus pas soutenu que ces conditions générales de services étaient détachées du contrat auxquelles elles se rapportent ou ont été communiquées séparément des contrats, de sorte que le moyen manque en fait.

En troisième lieu, la société Saint-Honoré prétend que les conditions de la résiliation des contrats de téléphonie fixe et mobile dont se prévaut la société SCT ne sont pas satisfaites d'après une interprétation des clauses des conditions générales de service et dont elle déduit que la sanction est stipulée au seul cas ou la résiliation est prise à l'initiative du prestataire.

Néanmoins, en prévoyant à l'article 4 des conditions générales de services que « la résiliation du Contrat de services avant expiration de la période initiale rendra immédiatement exigibles les montants dus au titre du Service pour la période restant à courir jusqu'au terme de la dite période initiale », et à l'article 14.3.2 qu'en cas de résiliation anticipée, « le client sera redevable immédiatement à SCT TELECOM soit d'une somme correspondant au minimum de facturation multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu'au terme du contrat, soit, si ce montant devrait être supérieur au minimum de facturation susvisé, au montant moyen des facturations (3 derniers mois de consommation habituelle) émises antérieurement à la notification de la résiliation multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu'au terme du contrat », la société SCT est bien fondée à voir appliquer la sanction en réponse à la résiliation anticipée des contrats passés avec la société Saint-Honoré.

En quatrième lieu, la société Saint-Honoré soutient des clauses de résiliation qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des partenaires prohibé par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans sa version en vigueur au 11 décembre 2016.

Au demeurant, cette clause tend à dissuader l'abonné de se défaire unilatéralement de son obligation de verser, à l'avenir, les mensualités de ses abonnements qui ont pour contrepartie un prix négocié sur les communications téléphoniques dès l'origine des contrats, de sorte qu'il ne se déduit de ces clauses aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité des conventions.

 

2. Sur le bien-fondé de la résolution et la qualification de la clause de résiliation :

La seule affirmation selon laquelle la téléphonie fixe a été interrompue moins de 20 heures le 22 ou le 23 décembre 2015, ou celle selon laquelle les cartes SIM nécessaires à la mise en service de ses téléphones mobiles n'ont pas été adressées à la société Saint-Honoré avant février 2016, - ce fait n'ayant pas fait l'objet d'une dénonciation - ne sont pas de nature à justifier la résolution du contrat aux torts de la société Saint-Honoré comme l'ont retenu les premiers juges, en sorte qu'ils seront infirmés de ce chef, étant par ailleurs relevé que l'intimée ne reprend pas explicitement dans écritures ce chef de rupture des contrats.

Sur la régularité des clauses de résiliation et leur sanction, la société STC prétend à leur pleine application en soutenant qu'elles correspondent à des clauses de dédit.

Cependant, ainsi que l'allègue la société Saint-Honoré, en tendant à réclamer la totalité du prix dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme sans considération de son exécution, l'indemnité prévue en cas de résiliation revêt nécessairement un caractère comminatoire en ayant pour objet de contraindre le locataire d'exécuter le contrat jusqu'à son terme et doit être par conséquent être requalifiée en clause pénale susceptible d'être modérée, comme par ailleurs la mise en œuvre de la clause pénale distinctement stipulée de l'indemnité de dédit.

Sur les bases de la durée de l'exécution des contrats, de la durée de l'engagement, de la valeur du matériel et en considération enfin, des gains manqués pour les abonnements de ces lignes, la cour fixera le montant de la clause pénale propre à réparer les conséquences de la résiliation à la somme de 3.000 euros.

 

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société SCT succombant à l'essentiel de sa réclamation initiale, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et en cause d'appel, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en ce qu'il a retenu la résolution des contrats aux torts de la Société Commerciale de télécommunication ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Déclare régulière la résiliation de l'ensemble contractuel ;

Requalifie en clauses pénales, les clauses de résiliation ;

Condamne à ce titre la société Saint-Honoré à payer à la Société Commerciale de télécommunication la somme de 3.000 euros ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais exposés en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE                             LE PRÉSIDENT