CA VERSAILLES (14e ch.), 4 novembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9243
CA VERSAILLES (14e ch.), 4 novembre 2021 : RG n° 21/01269
Publication : Jurica
Extrait : « Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond. À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Il sera par ailleurs relevé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, ni dans ceux de la cour à sa suite, de juger du caractère abusif ou pas d'une clause, ni de juger de l'existence d'une exception d'inexécution, ces moyens ne pouvant qu'être examinés sur le fait de savoir s'ils constituent une contestation suffisamment sérieuse à la demande d'octroi d'une provision par le créancier.
En l'espèce, il résulte de la pièce numéro 3 versée aux débats par l'appelante que la société ITIC lui a indiqué par courriel du 20 novembre 2018 que le « solde de la scolarité reste dû » conformément à la clause des conditions générales du contrat stipulant que « si la résiliation intervient moins de 60 jours avant la rentrée des classes, la totalité des frais d'inscription et de scolarité resteront dus à l'ITIC, à titre de clause pénale ». Cette stipulation figure en effet à l'article 4 des conditions générales, suivie de la reproduction des dispositions de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5 du même code, relatif aux clauses pénales et au pouvoir modérateur, même d'office, du juge du fond.
Ainsi, compte tenu de la nature de cette clause et des moyens soulevés par Mme X. qui en conteste l'applicabilité, il sera considéré qu'il existe des contestations suffisamment sérieuses faisant obstacle au prononcé en référé d'une condamnation sur son fondement. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
QUATORZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/01269. N° Portalis DBV3-V-B7F-UK7B. Code nac : 38Z. RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 19 novembre 2021 par le Tribunal de proximité de SANNOIS : R.G. n° 12-20-0008.
LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française [...], [...], Représentant : Maître Gilles P. de la SCP P. ET ASSOCIE, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 02 - N° du dossier 20/5195, (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
INTIMÉE :
SA LA BANQUE POSTALE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège N° SIRET : XXX (RCS Paris), [...], [...], Représentant : Me Katell F.-L. de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20210094
Assistée de: Me Jean-philippe G. de la SELEURL CABINET G., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0812 -
INTIMÉE DÉFAILLANTE :
SARL INSTITUT DES TECHNIQUES INFORMATIQUES ET COMMERCIALES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...]
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 septembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Nicolette GUILLAUME, Président, Madame Marie LE BRAS, Conseiller, Madame Marina IGELMAN, Conseiller.
Greffier, lors des débats : M. Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme X. et la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales (ITIC) ont conclu un contrat d'études, le 24 septembre 2018, avec remise en mains propres à cette dernière d'un chèque n°76XX2 de la SA La Banque Postale, d'un montant de 5.490 euros, visant à garantir le paiement des frais de scolarité.
Mme X. a formé opposition à ce chèque pour perte auprès de la société La Banque Postale.
Par acte d'huissier de justice délivré les 12 et 17 août 2020, la société ITIC a fait assigner en référé Mme X. et la société La Banque Postale aux fins d'obtenir principalement la mainlevée de l'opposition pratiquée par Mme X., la condamnation sous astreinte de la société La Banque Postale à procéder à cette mainlevée et la condamnation de Mme X. à lui payer la somme provisionnelle de 5.490 euros.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 19 novembre 2020, le juge des référés du tribunal de proximité de Sannois a :
- déclaré la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales irrecevable en sa demande de mainlevée de l'opposition au chèque n°76XX2 daté du 24 septembre 2018 tiré par Mme X.,
- condamné Mme X. à payer à la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales la somme de 5.490 euros à titre de provision,
- condamné Mme X. à payer à la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X. à payer à la SA La Banque Postale la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- condamné Mme X. aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe le 25 février 2021, Mme X. a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle déclaré la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales (ITIC) irrecevable en sa demande de mainlevée de l'opposition au chèque et débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
[*]
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 mars 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme X. demande à la cour, au visa des articles 1171, 1219 et 1220 du code civil, de :
- déclarer son appel recevable ;
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise en sa chambre détachée de proximité de Sannois statuant en référé en date du 19 novembre 2020 ;
en conséquence,
- débouter la société ITIC de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter la société ITIC de ses demandes tendant à lui verser la somme de 5 490 euros ;
- condamner la société ITIC à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société ITIC aux entiers dépens de la procédure.
[*]
Dans ses dernières conclusions déposées le 26 mars 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société La Banque Postale demande à la cour, au visa de l'article L. 131-35 du code monétaire et financier, de :
- la recevoir en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée ;
- dire qu'il n'appartient pas à l'établissement tiré de vérifier la réalité du motif d'opposition invoqué par son client ;
- statuer ce que de droit quant à la demande de mainlevée formée par la société ITIC ;
- débouter la société ITIC et/ou Mme X. de toute demande formée à son encontre, en particulier la demande de condamnation sous astreinte concernant la mainlevée de l'opposition d'un chèque devenu périmé ;
- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de proximité de Sannois le 19 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;
- condamner la partie succombante à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
[*]
La société ITIC, à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées à personne morale le 23 et 25 mars 2021, n'a pas constitué avocat.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 août 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Mme X. sollicite l'infirmation de la décision et le débouté de la société ITIC de ses demandes de condamnation à son encontre.
Elle relate qu'aux termes du contrat d'études conclu le 24 septembre 2018 avec la société ITIC, il était expressément convenu qu'elle paierait en 10 mois les frais d'inscription et de scolarité, pour un montant total de 5.490 euros, soit la somme mensuelle de 549 euros entre les mois d'octobre 2018 et juillet 2019 mais qu'elle avait toutefois remis un chèque de 5.490 euros en garantie de ce paiement.
Elle explique qu'elle devait commencer un stage mais que son tuteur ne lui a plus donné de nouvelles de sorte qu'elle s'est retrouvée sans ressources et a donc fait part à la société ITIC le 19 novembre 2018 de sa volonté de résilier le contrat, ce à quoi la société ITIC lui a répondu que les frais lui restaient acquis en application des conditions générales du contrat.
Elle prétend avoir « en toute bonne foi » fait opposition au chèque d'un montant de 5.490 euros, étant mère d'un enfant en bas âge et n'occupant aucun emploi.
Elle invoque en premier lieu que l'article 4 des conditions générales du contrat relatif à la résiliation est abusif sur le fondement de l'article 1171 du code civil puisqu'il est rédigé de telle sorte que les possibilités de résiliation sont extrêmement faibles.
Elle fait valoir qu'il est possible de s'inscrire à partir des résultats des partiels, soit à compter du mois de juillet, la rentrée des classes étant en septembre de sorte que les étudiants n'ont que deux mois pour s'inscrire et que par conséquent, il leur est impossible de résilier le contrat puisque le délai de 60 jours est entamé.
Ainsi, elle considère que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisque les étudiants ne peuvent s'en prévaloir sans devoir payer l'intégralité des frais de scolarité.
En second lieu, elle invoque l'exception d'inexécution, soutenant que la société ITIC devait s'engager à ce que son stage puisse se dérouler dans les meilleures conditions afin qu'elle puisse valider son année, tandis que son tuteur ne lui a plus répondu, rendant impossible cette validation.
Elle estime que la société ITIC ne s'étant pas impliquée dans la résolution de cette difficulté, elle a manqué à ses obligations, raison pour laquelle elle n'a pu remplir les siennes.
La société Banque Postale indique s'en remettre à la cour quant au bien ou mal fondé des prétentions « de la société ITIC ».
Sur ce,
Selon l'article 472 du code de procédure civile, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. La cour ne fait toutefois droit aux demandes et aux moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés.
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Il sera par ailleurs relevé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, ni dans ceux de la cour à sa suite, de juger du caractère abusif ou pas d'une clause, ni de juger de l'existence d'une exception d'inexécution, ces moyens ne pouvant qu'être examinés sur le fait de savoir s'ils constituent une contestation suffisamment sérieuse à la demande d'octroi d'une provision par le créancier.
En l'espèce, il résulte de la pièce numéro 3 versée aux débats par l'appelante que la société ITIC lui a indiqué par courriel du 20 novembre 2018 que le « solde de la scolarité reste dû » conformément à la clause des conditions générales du contrat stipulant que « si la résiliation intervient moins de 60 jours avant la rentrée des classes, la totalité des frais d'inscription et de scolarité resteront dus à l'ITIC, à titre de clause pénale ».
Cette stipulation figure en effet à l'article 4 des conditions générales, suivie de la reproduction des dispositions de l'article 1152 du code civil, devenu l'article 1231-5 du même code, relatif aux clauses pénales et au pouvoir modérateur, même d'office, du juge du fond.
Ainsi, compte tenu de la nature de cette clause et des moyens soulevés par Mme X. qui en conteste l'applicabilité, il sera considéré qu'il existe des contestations suffisamment sérieuses faisant obstacle au prononcé en référé d'une condamnation sur son fondement.
L'ordonnance ayant condamné Mme X. à payer à la société IRIC la somme de 5.490 euros à titre de provision sera en conséquence infirmée, étant relevé qu'aucune demande n'est formulée par ou contre la société La Banque Postale à hauteur d'appel.
Sur les demandes accessoires :
Mme X. étant accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance mais uniquement s'agissant de la société ITIC pour les frais irrépétibles. Elle sera confirmée sur la condamnation de Mme X. à payer la somme de 300 euros à la société La Banque Postale au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société ITIC devra supporter les dépens d'appel.
L'équité commande en revanche de débouter les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,
INFIRME l'ordonnance du 19 novembre 2020 en ses dispositions critiquées sauf en ce qu'elle a condamné Mme X. à payer à la SA La Banque Postale la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales à l'égard de Mme X.,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
DIT que la SARL Institut des Techniques Informatiques et Commerciales supportera les dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,