CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 4 février 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 929
CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 4 février 2003 : RG n° 01/05376
Publication : Juris-Data n° 210526 ; Lamyline
Extrait : « Bien que ne pouvant se prévaloir, en sa qualité de personne morale, de la recommandation n° 85-01 du 17 janvier 1985 de la Commission des Clauses Abusives, la Société BIGARD DISTRIBUTION est fondée à soutenir, du moins en ce qui concerne les clauses qu'elles n'auraient pas implicitement acceptées et celles qui ne font que reproduire des prescriptions légales, que ces règlements ne lui sont pas opposables dès lors qu'ils ne lui ont pas été remis. Toutefois, ce moyen tiré de l'inopposabilité des règlements du service communal d'eau potable est inopérant dès lors qu'il est en l'espèce sans influence sur l'application de la règle de preuve édictée par l'article 1315 du Code Civil et régissant le droit commun des obligations.
Les relevés des index du compteur du branchement de la Société BIGARD DISTRIBUTION constituent la preuve suffisante, la seule possible, du volume d'eau qu'elle a consommé et qui lui a été facturé. Cette preuve n'est certes pas irréfragable et il appartient à la Société BIGARD DISTRIBUTION de la combattre en démontrant que la consommation litigieuse ne lui est pas imputable ou que les relevés des index sont inexacts ou encore qu'ils sont le résultat d'un dysfonctionnement de compteur. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 4 FÉVRIER 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 01/05376.
APPELANTE :
SA BIGARD DISTRIBUTION
[adresse], représentée par Maître Yves GARRIGUE, avoué, assistée de Maître CHABAUD, avocat
INTIMÉE :
SA VIVENDI, venant aux droits de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
[adresse], représentée par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués, assistée de Maître Philippe NESE, avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Monsieur Pierre ROCHE, Président, M. Patrick DERDEYN, M. Antoine GRISON, Conseillers.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte d'huissier du 10 août 2000, la SA VIVENDI déclarant venir aux droits de la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX a fait assigner la SA BIGARD DISTRIBUTION devant le Tribunal de Commerce de PERPIGNAN afin qu'elle soit condamnée, avec exécution provisoire, à lui payer :
- 260.190,04 Francs, outre intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2000, correspondant au montant d'une facture de consommation d'eau, en date du 5 mai 1999 pour la période du 7 avril 1998 au 15 avril 1999 ;
- 8.000,00 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus des dépens.
Par jugement du 9 octobre 2001, le Tribunal de Commerce de Perpignan a :
- dit n'y avoir lieu à ordonner une mesure d'instruction ;
- condamné la SA BIGARD DISTRIBUTION à payer à la SA VIVENDI,
* 260.190,045 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2000 et exécution provisoire ;
* 4.000,00 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus des dépens.
Suivant déclaration enregistrée le 22 novembre 2001, la SA BIGARD DISTRIBUTION a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 22 mars 2002, soutenant que les règlements invoqués par la Société VIVENDI ne lui sont pas opposables et que l'énormité de la consommation révélée par les relevés du compteur est contredite tant par la comparaison des consommations antérieures ou postérieures que par la justification de l'entretien de son installation et de l'absence de fuite sur son réseau, la Société BIGARD DISTRIBUTION demande à la Cour de :
- infirmer le jugement du 9 octobre 2001 ;
- débouter la Société VIVENDI de toutes ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus des dépens ;
- subsidiairement, ordonner une expertise aux fins de vérifier le fonctionnement du compteur et l'entretien de l'installation de la Société BIGARD DISTRIBUTION.
Par conclusions du 29 août 2002, invoquant le contrat d'abonnement et les règlements des services de distribution d'eau potable et d'assainissement qui lui ont été concédés et faisant valoir que la Société BIGARD DISTRIBUTION ne prouve pas que la consommation litigieuse, révélée par le compteur dont le bon fonctionnement est établi, lui serait extérieure, la Société VIVENDI demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 9 octobre 2001 ;
- débouter la Société BIGARD DISTRIBUTION de toutes ses demandes ;
- condamner la Société BIGARD DISTRIBUTION au paiement de la somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus des dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Le contrat liant les parties, en date du 4 mai 1995, stipule que « le présent abonnement est soumis aux clauses et indications des traités et avenants existants ou à venir entre la COLLECTIVITE et la COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX ainsi qu'aux clauses et conditions du règlement des abonnements en vigueur ».
Le règlement du service d'eau potable de la ville de PERPIGNAN, en date du 3 mai 1994, dispose que « l'abonné n'est jamais fondé à solliciter une réduction de consommation en raison des fuites dans ses installations intérieures car il a toujours la possibilité de contrôler lui-même la consommation indiquée par son compteur ».
Cette disposition a été reprise quasiment mot pour mot dans le règlement du 28 octobre 1997.
Bien que ne pouvant se prévaloir, en sa qualité de personne morale, de la recommandation n° 85-01 du 17 janvier 1985 de la Commission des Clauses Abusives, la Société BIGARD DISTRIBUTION est fondée à soutenir, du moins en ce qui concerne les clauses qu'elles n'auraient pas implicitement acceptées et celles qui ne font que reproduire des prescriptions légales, que ces règlements ne lui sont pas opposables dès lors qu'ils ne lui ont pas été remis.
Toutefois, ce moyen tiré de l'inopposabilité des règlements du service communal d'eau potable est inopérant dès lors qu'il est en l'espèce sans influence sur l'application de la règle de preuve édictée par l'article 1315 du Code Civil et régissant le droit commun des obligations.
Les relevés des index du compteur du branchement de la Société BIGARD DISTRIBUTION constituent la preuve suffisante, la seule possible, du volume d'eau qu'elle a consommé et qui lui a été facturé.
Cette preuve n'est certes pas irréfragable et il appartient à la Société BIGARD DISTRIBUTION de la combattre en démontrant que la consommation litigieuse ne lui est pas imputable ou que les relevés des index sont inexacts ou encore qu'ils sont le résultat d'un dysfonctionnement de compteur.
A la suite de la contestation de la Société BIGARD DISTRIBUTION, la consommation litigieuse étant de plus de dix fois supérieure à celle facturée pour la période du 9 avril 1996 au 8 avril 1997 et de quatre fois supérieure à celle facturée pour la période du 8 avril 1997 au 7 avril 1998, les parties ont convenu de faire vérifier le fonctionnement du compteur par la Société HYDROMECA.
La Société HYDROMECA a attesté, après contrôle, du bon fonctionnement du compteur.
La Société BIGARD DISTRIBUTION n'est pas fondée à contester cette vérification alors d'une part que la Société HYDROMECA est agréée pour effectuer ce type de contrôle et d'autre part, qu'elle n'en a pas critiqué le résultat lorsque celui-ci a été communiqué le 22 septembre 1999 ni sollicité soit amiablement soit judiciairement une nouvelle expertise si ce n'est qu'après avoir été assignée en paiement le 10 août 2000.
La Société BIGARD DISTRIBUTION ne prouve pas davantage que la consommation ainsi révélée par les index du compteur ne lui est pas imputable alors que la Société VIVENDI ne peut être tenu pour responsable de l'utilisation et l'entretien du réseau après le compteur.
Au demeurant, les pièces versées aux débats montrent que, pendant la période litigieuse, la Société BIGARD DISTRIBUTION a fait intervenir une entreprise de plomberie à plusieurs reprises, notamment le 30 novembre 1998 pour la réparation d'une canalisation d'eau froide cassée par le gel, le 19 janvier 1999, pour le remplacement d'une canalisation d'eau froide encastrée, le 16 février 1999 pour la réparation d'une fuite provoquée par le gel.
Il est ainsi établi que, nonobstant l'absence de déclaration d'un sinistre dégâts des eaux à son assureur, le réseau privé de la Société BIGARD DISTRIBUTION a été affecté dans le courant de l'hiver 1998-1999 de fuites provoquées par le gel et le fait que la consommation soit redevenue « normale » postérieurement au 15 avril 1999, implique seulement que les réparations effectuées ont finalement remédié à ces fuites.
L'expertise sollicitée par la Société BIGARD DISTRIBUTION pour procéder à l'examen de son installation et à la vérification de son entretien ne s'avère donc d'aucune utilité.
Il échet, par application des dispositions de l'article 1315 du Code Civil, de confirmer le jugement du 9 octobre 2001.
La Société BIGARD DISTRIBUTION, dont les prétentions ont été écartées, sera condamnée aux dépens et par conséquent déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'équité commande enfin d'allouer à la Société VIVENDI une somme de 700,00 euros en sus de celle qui lui a été allouée par le Tribunal en vertu des dispositions du texte précité.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE la SA BIGARD DISTRIBUTION recevable en son appel, mais l'y disant mal fondée,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 9 octobre 2001 par le Tribunal de Commerce de PERPIGNAN et, y ajoutant,
CONDAMNE la SA BIGARD DISTRIBUTION à payer à la Société VIVENDI une somme supplémentaire de 800,00 euros (HUIT CENTS EUROS) en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
REJETTE toutes autres prétentions, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la SA BIGARD DISTRIBUTION aux dépens qui seront le cas échéant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.