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CAA NANTES (4e ch.), 15 octobre 2021

Nature : Décision
Titre : CAA NANTES (4e ch.), 15 octobre 2021
Pays : France
Juridiction : Nantes (CAA)
Demande : 20NT02610
Date : 15/10/2021
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Legifrance
Référence bibliographique : 6981 (contrôleur technique)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9376

CAA NANTES (4e ch.), 15 octobre 2021 : req. n° 20NT02610 

Publication : Jurica

 

Extrait : « 22. L'article 5 des conditions générales d'intervention pour le contrôle technique d'une construction, qui figurait dans la convention conclue avec la commune de Saint-Lumine-de-Coutais, stipule que « La responsabilité du contrôleur technique est celle d'un prestataire de service assujetti à une obligation de moyens. / Elle ne peut être recherchée pour une mauvaise conception ou exécution d'ouvrages dont les documents ne lui ont pas été transmis ou d'ouvrages utilisés en fonction de destinations qui ne lui ont pas été signalées. / La responsabilité du contrôleur technique s'apprécie dans les limites de la mission à lui confiée par le maître d'ouvrage. / Dans le cas où les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables, elle ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires perçus par le contrôleur technique au titre de la mission pour laquelle sa responsabilité serait retenu ». Par ailleurs, l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, alors en vigueur, dispose que : « Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 ».

23. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la responsabilité de la société Bureau Véritas Construction, contrôleur technique, est engagée à l'égard de la commune de Saint-Lumine-de-Coutais au titre des désordres affectant tant la charpente et les menuiseries extérieures de la salle communale que le vitrage de cette dernière sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs et dès lors en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, rappelées au point précédent du présent arrêt. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société Bureau Véritas Construction, la clause limitant sa responsabilité issue de l'article 5 des conditions générales d'intervention pour le contrôle technique d'une construction n'est pas opposable à la commune maître d'ouvrage. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

QUATRIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Requête n° 20NT02610.

 

APPELANT :

Société F. Architecte

 

INTIMÉES :

Commune de Saint-Lumine-de-Coutais

SAS Bureau Véritas Construction - SAS Juignet Armand

Président : M. LAINE

Rapporteur : Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE

Rapporteur public : M. PONS

Avocat(s) : SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT

 

Vu la procédure suivante :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Lumine-de-Coutais a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la société F. Architecte et la société Bureau Veritas, aux droits de laquelle vient la société Bureau Veritas Construction, à lui verser une somme de 55..000 euros au titre des travaux de reprise de sa salle polyvalente assortie des intérêts et de leur capitalisation, ou à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Juignet Armand et Vitrages Isolants Vendéens à lui verser une somme de 11..000 euros au titre des travaux de reprise des vitrages de la salle, assortie des intérêts et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1807959 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a, en premier lieu, condamné solidairement la société F. Architecte et la société Bureau Veritas Construction à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 44.000 euros au titre des travaux de reprise de la charpente et des menuiseries, avec intérêts à compter du 28 août 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 28 août 2019 et à chaque échéance annuelle, en deuxième lieu, condamné la société F. Architecte à garantir la société Bureau Veritas Construction à hauteur de 90 % de cette condamnation, en troisième lieu, condamné la société Bureau Veritas Construction à garantir la société F. Architecte à hauteur de 10 % de cette condamnation, en quatrième lieu, condamné solidairement la société F. Architecte et la société Bureau Veritas Construction à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais une somme de 11.000 euros au titre des travaux de reprise des vitrages, assortie des intérêts à compter du 28 août 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 28 août 2019 et à chaque échéance annuelle, en cinquième lieu, condamné la société Juignet Armand à garantir la société Bureau Véritas Construction et la société F. Architecte à hauteur de 100 % de cette condamnation, et en sixième lieu, condamné la société F. Architecte, la société Bureau Veritas Construction et la société Juignet Armand à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 2.925, 72 euros chacune au titre des frais d'expertise.

 

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2020 et le 29 janvier 2021, la société Jacques F. Architecte, représentée par la SELARL Claire Livory, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 1807959 du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes de la commune de Saint-Lumine-de-Coutais dirigées à son encontre devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) à titre subsidiaire :

- de réduire les sommes allouées à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais ;

- de condamner solidairement la société Bureau Véritas Construction, venant aux droits de la SA Bureau Véritas, et la SAS Juignet Armand à la garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire des parties perdantes la somme de cinq mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres affectant la charpente de la salle polyvalente de Saint-Lumine-de-Coutais ne lui sont pas imputables ; elle n'a commis aucune erreur dans la conception de la charpente, à l'origine du fluage progressif de la poutre en béton ; l'origine directe des désordres provient de la conception défaillante de la SAS Juignet Armand, fournisseur, de la réalisation sans réserve et sans soumission des plans au préalable par la société TBF et de l'absence d'avis suspendu ou défavorable du bureau de contrôle ;

- à titre subsidiaire, sa responsabilité, fixée à 90 % par les premiers juges, doit être minorée par rapport aux autres intervenants spécialistes ;

- en ce qui concerne le montant des condamnations :

* la commune de Saint-Lumine-de-Coutais n'a pas apporté pendant longtemps la preuve de l'évaluation réelle de son préjudice ; le montant doit être réduit, la commune établissant en dernier lieu avoir supporté la somme de 41.820, 26 euros TTC ;

* la commune ne justifiant pas de son régime fiscal au regard des articles L. 1615-1 à L. 1615-13 du code général des collectivités territoriales, elle ne peut obtenir le règlement des sommes toutes taxes comprises ;

- à titre subsidiaire, elle doit être garantie par la SAS Juignet Armand et la société Bureau Véritas Construction :

* elle doit être intégralement garantie, en application des principes dont s'inspirent les articles 1382 et suivants du code civil, par la SAS Juignet Armand qui a réalisé les plans d'exécution pour la société TBF et n'a pas pris en compte le fluage naturel de la poutre de longue portée ; cette société, qui a activement participé à la conception et à la réalisation de l'ouvrage, ne peut être considérée comme un simple fournisseur de la société TBF ;

* elle doit être garantie par la société Bureau Véritas Construction qui n'a pas attiré l'attention du maître d'œuvre et du maître d'ouvrage sur les conséquences du fléchissement de la poutre béton au titre de sa mission L ; la condamnation solidaire de la société Bureau Véritas Construction avec les autres constructions découle du caractère d'ordre public des obligations découlant de l'article 1792 du code civil ; la stipulation du contrat du contrôleur technique limitant sa responsabilité à deux fois le montant de ses honoraires est une clause abusive nulle et de nul effet.

[*]

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 octobre 2020, le 30 décembre 2020 et le 14 janvier 2021, la commune de Saint-Lumine-de-Coutais, représentée par Maître Gillot-Garnier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter l'appel de la société F. Architecte ;

2°) par la voie de l'appel incident, de ramener à 41.820, 26 euros TTC la condamnation solidaire de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas au titre des travaux de reprise, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nantes et capitalisation des intérêts ;

3°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner la société Juignet et la société Vitrages Isolants Vendéens à lui verser une somme de 11.000 euros TTC au titre des travaux de reprise des vitrages sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle, avec intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nantes et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la société F. Architecte, de la société Bureau Véritas, de la société Juignet et de la société Vitrages Isolants Vendéens la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les désordres affectant la charpente et les menuiseries et ceux affectant le vitrage revêtent un caractère décennal ; le fléchissement de la charpente porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ; la déformation des vitrages entraine une impropriété à leur destination ;

- en ce qui concerne les désordres affectant la charpente et les menuiseries ;

* les désordres sont imputables à une faute de conception et une insuffisance de contrôle de la société F. Architecte et à la société Bureau Véritas Construction ; l'expert avait également retenu la responsabilité de l'entreprise TBF titulaire du lot « charpente- menuiserie » et de la société Juignet, fabricant des menuiseries ;

* elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour concernant la répartition des responsabilités ;

- à titre subsidiaire, en ce qui concerne les désordres affectant le vitrage, ne pouvant engager la responsabilité de la société TBF, titulaire du lot « charpente menuiserie », qui a disparu depuis juin 2013, elle entend rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la société Juignet et celle de la société Vitrages Isolants Vendéens ; l'action à l'encontre de la société Vitrages Isolants Vendéens n'est pas prescrite en application de l'article 2224 du code civil dès lors que la prescription quinquennale n'a commencé à courir qu'en janvier 2014 et a été interrompue par la reconnaissance par cette société de sa responsabilité ;

- en ce qui concerne le montant des préjudices, elle justifie avoir exposé la somme totale de 41 820,26 euros TTC pour réparer les préjudices et limite ses conclusions à ce montant.

[*]

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2020, le 12 janvier 2021 et le 26 mai 2021, la société par actions simplifiées (SAS) Bureau Véritas Construction, représentée par Maître Draghi-Alonso, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807959 du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) statuant par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter les demandes de la commune de Saint-Lumine-de-Coutais, de la société F. Architecte ou de toute autre partie dirigées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire :

- de rejeter toute demande de condamnation solidaire à son encontre,

- de limiter sa condamnation à la somme de 5 184 euros ;

- de condamner solidairement la société F. Architecte et la société Juignet Armand à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne les désordres affectant la charpente et les menuiseries :

* les désordres ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne relèvent pas de sa mission L ;

* les désordres ne lui sont pas imputables compte tenu du rôle exact et des limites d'un contrôleur technique découlant des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ; en outre, il avait émis un avis sur la charpente et les menuiseries extérieures ;

- en ce qui concerne les désordres affectant les vitrages :

* les désordres ne portent pas atteinte à la sécurité des personnes et ne relèvent pas de sa mission SEI ; les vitrages, en outre, sont des éléments dissociables relevant de la mission LP et non de la mission L ;

* les désordres ne lui sont pas imputables et n'entraient pas dans sa mission ;

- à titre subsidiaire, elle devrait être garantie :

* par la société F. Architecte au titre des désordres affectant la charpente et les menuiseries, ces désordres étant imputables à un manquement du maître d'œuvre au stade de la conception, au stade de l'exécution et au stade de la réception ;

* par la société Juignet Armand au titre des désordres affectant les vitrages, cette société, entreprise spécialisée, n'ayant pas signalé les risques de dysfonctionnement des menuiseries compte tenu de la fixation de leur traverse haute sous la poutre métallique de rive ; cette société doit être considérée comme une construction au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil puisqu'elle ne s'est pas contentée de fournir les menuiseries mais a participé activement à la construction de l'ouvrage tant au stade de la conception que lors de la phase d'exécution ;

- le montant des condamnations doit être diminué ; la commune n'a justifié que très tardivement le montant des travaux de reprise ; ce montant n'a pu être discuté contradictoirement ;

- il n'est pas possible de la condamner solidairement avec les autres constructeurs puisqu'aucun désordre ne lui est imputable ;

- il doit être fait application de la clause limitative de responsabilité prévue par l'article 5 de ses conditions générales d'intervention ; sa condamnation doit être limitée à 5.184 euros.

[*]

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, la SAS Juignet Armand, représentée par Maître Maupetit, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la société F. Architecte et les conclusions de la société Bureau Véritas Construction dirigées à son encontre ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1807959 du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 en tant qu'il l'a condamnée, en premier lieu, à garantir intégralement la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction de leur condamnation au paiement de la somme de 11.000 euros avec intérêts à compter du 28 août 2019 et capitalisation des intérêts, en deuxième lieu, à payer la somme de 2.925,72 euros au titre des frais d'expertise, et en dernier lieu, la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire :

- de condamner, par la voie de l'appel incident, solidairement la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction à la garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre des désordres affectant les charpentes et les menuiseries ;

- de condamner, par la voie de l'appel provoqué, solidairement la société Vitrages Isolants Vendéens, la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction à la garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre des désordres affectant les vitrages ;

4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées à son encontre sur le fondement quasi-délictuel ne peuvent être accueillies dès lors qu'elle n'a pas la qualité de sous-traitant mais celle de fournisseur de profilés à la société TBF ; les conclusions ne peuvent être accueillies devant la juridiction administrative ;

- les conclusions dirigées à son encontre sur le fondement quasi-délictuel ne peuvent être accueillies dès lors qu'elle n'a pas la qualité de constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil, ou de fabriquant au sens de l'article 1792-4 du même code, mais de fournisseur de profilés standardisés ; elle ne s'est pas rendue sur le chantier pour aider à la pose des ouvrages et n'a pas donné d'instructions techniques précises au poseur ;

- à titre subsidiaire, elle ne saurait garantir la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction au titre des désordres affectant la charpente et les menuiseries et des désordres affectant les vitrages :

* en ce qui concerne les désordres affectant la charpente et les menuiseries, les désordres affectant les menuiseries et les châssis ne sont que la conséquence du fléchissement de la charpente conçue par la société F. Architecte ; ses plans d'exécution n'ont pas été sollicités par le maître d'œuvre ; elle ne pouvait prévoir le fluage de la poutre n'ayant pas eu à se déplacer sur site ; elle n'est pas intervenue pour aider à la pose et aux réglages des vantaux et a uniquement fourni les châssis ; elle n'avait de devoir de conseil qu'à l'égard de la société TBF, seule liée contractuellement avec elle ;

* en ce qui concerne les désordres affectant les vitrages, les désordres proviennent d'un défaut de fabrication de l'ouvrage, alors que les vitrages ont été fabriqués par la société Pilkington aux droits de laquelle vient la société Vitrages Isolants Vendéens ; n'ayant fait que livrer les vitrages, elle n'avait pas à s'assurer de la compatibilité des matériaux fournis ; la déformation des vitrages est un aléa technique pouvant générer un accident corporel et entrant dans la mission SEI du contrôleur technique ; les désordres sont également imputables à la société F. Architecte, qui avait une mission de maître d'œuvre complète ;

- à titre très subsidiaire, elle doit être intégralement garantie par la société Vitrages Isolants Vendéens, la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction :

* la société F. Architecte a commis des fautes dans sa mission de maîtrise d'œuvre, des fautes de conception, des fautes dans l'exécution du chantier, dans le contrôle des travaux et n'a pas sollicité ses plans d'exécution ;

* la société Bureau Véritas Construction a failli à ses missions SEI et L en n'alertant pas le maître d'oeuvre sur les conséquences du fléchissement de la poutre béton et de déformation des vitrages ;

* la société Vitrages Isolants Vendéens a fabriqué des vitres avec une pression interne du double vitrage trop basse.

[*]

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code civil ; - le code des assurances ; - le code de la construction et de l'habitation ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère, - les conclusions de M. Pons, rapporteur public, - et les observations de Maître Dupont, représentant la SAS Juignet Armand.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Lumine-de-Coutais (Loire-Atlantique) a décidé en 2002 la construction d'une salle polyvalente constituée par un bâtiment de plain-pied recouvert d'une toiture terrasse sur une charpente métallique. La maîtrise d'œuvre complète de l'opération a été confiée, par un contrat du 22 janvier 2002, à un groupement constitué d'une part par Mme B. et M. F., architectes associés au sein de la SARL B. et F. Associés, aux droits de laquelle vient la société F. Architecte, et d'autre part, par M. A., économiste. Le contrôle technique de l'opération a été confié par une convention du 6 juillet 2002 à la société Bureau Véritas, la convention portant sur la mission L, concernant la solidité des ouvrages et éléments d'équipement indissociables, et la mission SEI, afférente aux conditions de sécurité des personnes dans les constructions achevées, applicable aux ERP et aux IGH. Par ailleurs, les lots n° 2 « charpente bois et métal » et n° 4 « menuiseries extérieures en aluminium » ont été confiés par des actes respectifs du 19 juillet 2002 et du 19 juin 2002 à la SARL TBF, qui a ultérieurement disparu. Pour l'exécution du lot n° 4, les châssis des menuiseries en aluminium ont été fournis par la SAS Juignet Armand, à la suite d'un devis du 5 juillet 2002. Les travaux de construction de la salle polyvalente de Saint-Lumine-de-Coutais ont été réceptionnés sans réserve le 11 mars 2003. Néanmoins, au cours de l'année 2009, des désordres affectant les menuiseries installées par la société TBF ont été constatés. La commune de Saint-Lumine-de-Coutais a saisi, en mars 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes pour obtenir la désignation d'un expert, demande à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 16 avril 2013. M. C., l'expert désigné, a déposé son rapport le 13 janvier 2014. La commune de Saint-Lumine-de-Coutais a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation solidaire de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas à lui verser la somme globale de 55.000 euros au titre des travaux de reprise nécessités par l'état de sa salle polyvalente. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a, en premier lieu, condamné solidairement la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 44.000 euros au titre des travaux de reprise de la charpente et des menuiseries, avec intérêts à compter du 28 août 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 28 août 2019 et à chaque échéance annuelle, en deuxième lieu, condamné la société F. Architecte à garantir la société Bureau Véritas Construction à hauteur de 90 % de cette condamnation, en troisième lieu, condamné la société Bureau Veritas Construction à garantir la société F. Architecte à hauteur de 10 % de cette condamnation, en quatrième lieu, condamné solidairement la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais une somme de 11.000 euros au titre des travaux de reprise des vitrages, assortie des intérêts à compter du 28 août 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 28 août 2019 et à chaque échéance annuelle, en cinquième lieu, condamné la société Juignet Armand à garantir la société Bureau Véritas Construction et la société F. Architecte à hauteur de 100 % chacun de cette condamnation, et en sixième lieu, condamné la société F. Architecte, la société Bureau Veritas Construction et la société Juignet Armand à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 2 925, 72 euros chacune au titre des frais d'expertise.

2. La société F. Architecte relève appel des articles 1, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020, relatifs aux condamnations prononcées au titre des travaux de reprise de la charpente et des menuiseries. Par ailleurs, la société Bureau Véritas Construction, dont les conclusions, compte tenu de l'absence de certitude concernant la notification du jugement du tribunal administratif de Nantes à cette société, doivent être regardées comme un appel principal, relève appel de ce même jugement en tant qu'il l'a condamnée au titre des désordres affectant d'une part la charpente et les menuiseries, et d'autre part, les vitrages de la salle polyvalente. Enfin, la SASU Juignet Armand, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation, en ce qui la concerne, des articles 5, 6 et 7 de ce même jugement.

 

Sur l'appel principal de la société F. Architecte :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé.

4. Par ailleurs, l'article 1792-4 du code civil, dans sa rédaction applicable, dispose que : « Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré (...) ».

5. Il résulte de l'instruction que la SARL TBF était la seule titulaire des deux lots n° 2 « charpente bois et métal » et n° 4 « menuiseries extérieures en aluminium », et était à ce titre seule chargée de l'exécution du lot n° 2 concernant la charpente. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société Juignet Armand est, ainsi qu'elle le soutient, uniquement intervenue en qualité de fournisseur de la société titulaire du lot n° 4 pour la fourniture d'ensembles menuisés de baies vitrées et de portes en aluminium laqué de gamme « Technal ». Si la facture de fourniture des menuiseries de la société Juignet Armand comporte la mention « aide pour la pose et le réglage des menuiseries », la société a nié être intervenue sur le chantier et relève uniquement avoir présenté des préconisations de montage compte tenu du site, établissement recevant du public, et avoir détaché du personnel pour la seule livraison des menuiseries compte tenu de leur poids et non avoir détaché du personnel pour la pose de ces menuiseries extérieures. Il en résulte que la société Juignet Armand n'était pas impliquée dans l'exécution du lot n° 2 concernant la charpente, les plans qu'elle avait adressés à la société TBF ne portant au demeurant que sur la fabrication des châssis conformément aux plans de l'architecte et au carnet de détail des fabrications de l'entreprise. Dans ces conditions, la société Juignet Armand ne peut être regardée comme ayant la qualité de sous-traitante du lot n° 2. Elle ne peut non plus être regardée comme ayant la qualité de sous-traitante du lot n° 4 au titre duquel elle a fourni des éléments de menuiseries extérieures qui ont été, quant à eux, posés par la SARL TBF seule titulaire du marché correspondant. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les éléments de menuiserie extérieure fournis par la société Juignet Armand, châssis fournis avec un plan de fabrication, auraient été spécialement conçus et produits pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance. Dès lors, la société Juignet Armand ne peut être regardée comme la fabricante des châssis en cause au sens des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, mais uniquement comme le fournisseur de ces éléments de menuiserie.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Juignet Armand avait simplement la qualité de fournisseur de la SARL TBF pour l'exécution du lot n° 4 « menuiseries extérieures en aluminium ». Le contrat de droit privé qui l'unissait à la SARL TBF n'a pas eu pour effet de conférer à la société Juignet Armand la qualité de participant à l'exécution du travail public. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaitre de l'appel en garantie présentée par la société F. Architecte à l'encontre de la société Juignet Armand, qui ont pour seul fondement un éventuel manquement de cette société aux obligations résultant pour elle de son contrat de fourniture. Il résulte de ce qui précède qu'il incombait au tribunal administratif de Nantes de décliner, pour ce motif, la compétence de la juridiction pour statuer sur ces conclusions, et non de les rejeter au fond. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur l'appel en garantie de la société F. Architecte à l'encontre de la société Juignet Armand.

7. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer, de statuer immédiatement sur ces conclusions et, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

 

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

 

S'agissant de l'imputabilité des désordres affectant la charpente :

9. La société F. Architecte, maître d'œuvre, ne conteste pas le caractère décennal des désordres affectant la charpente, seuls objets de son appel. Il résulte, au demeurant, des constatations opérées par l'expert nommé par le juge des référés, que la poutre en béton sur laquelle sont fixées les consoles soutenant la poutre de rive charpente métallique de la salle polyvalente de Saint-Lumine-de-Coutais est affectée d'un fléchissement entrainant ces consoles, la poutre métallique de rive et la traverse haute du châssis vitré de la façade, lequel est fixé sous cette poutre métallique de rive. Ce fléchissement a mené à des difficultés de manœuvre normale des menuiseries de façade et surtout est susceptible d'entrainer un déboitement des vitrages créant un risque pour la sécurité des personnes. Une telle situation est ainsi de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. En outre, alors qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe 1 à son acte d'engagement, que le maître d'œuvre s'était vu confier une mission complète, incluant la réalisation d'esquisses, d'avant-projet sommaire, d'avant-projet définitif, d'études de projets, de visa, d'assistance pour la passation des contrats de travaux, de direction des travaux et d'assistance aux opérations de réception, la société F. Architecte ne saurait soutenir que les désordres résultant du fléchissement de la charpente de la salle polyvalente et de ses conséquences sur les menuiseries extérieures de la salle ne seraient pas imputables à son intervention.

 

S'agissant de l'évaluation du préjudice :

10. En premier lieu, l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a estimé à 44.000 euros le coût de la réparation des désordres affectant la charpente de la salle polyvalente et les menuiseries extérieures. Il résulte de l'instruction que postérieurement à la réalisation de cette expertise, la commune de Saint-Lumine-de-Coutais a fait procéder aux travaux de reprise nécessités par les désordres. Il résulte de l'ensemble des pièces produites par la commune qu'elle a exposé, pour la réalisation de ces travaux de reprise, la somme globale de 8.640 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la maitrise d'œuvre, la somme globale de 396 euros TTC au titre de la coordination SPS, la somme globale de 968 euros au titre du contrôle technique, la somme de 542,64 euros au titre des frais d'appel à la concurrence et enfin la somme globale de 30.964,82 euros au titre des travaux de reprise eux-mêmes. Ces sommes sont justifiées par les pièces produites et s'élèvent au montant global de 41.511,46 euros TTC, inférieur au montant estimé par l'expert judiciaire. Compte tenu de ces derniers documents produits en appel, la société F. Architecte est fondée à soutenir que c'est à tort que par l'article 1erdu jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée, solidairement avec la société Bureau Véritas Construction, à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais une somme s'élevant à 44.000 euros TTC et à solliciter la réduction de celle-ci dans les proportions susmentionnées.

11. En second lieu, le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander l'indemnisation aux constructeurs, au titre de la garantie décennale, correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Or ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a collectée à raison de ses propres opérations. Dans ces conditions, il appartient aux constructeurs mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement des collectivités territoriales et de leurs groupements à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne doit pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du code général des impôts : « Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ».

12. En l'espèce, si la société F. Architecte se borne, sans autre précision, à alléguer que la commune de Saint-Lumine-de-Coutais peut récupérer la taxe sur la valeur ajoutée, en se référant aux dotations perçues du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, aucun élément de l'instruction ne permet de renverser la présomption de non-assujettissement de la commune à la TVA. Par suite, la société F. Architecte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser une somme toutes taxes comprises.

 

S'agissant de l'appel en garantie dirigé contre la société Bureau Véritas Construction :

13. L'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a estimé que le contrôleur technique avait omis de produire un document attestant de la vérification et de la validation des plans et notes de calcul de la poutre en béton sur laquelle s'appuient les consoles, de la charpente métallique et de la menuiserie. L'expert judiciaire a également estimé que la société Bureau Véritas Construction avait insuffisamment contrôlé, en cours de chantier, la fixation inadéquate par la société TBF de la menuiserie sous la poutre de rive sans prise en compte du fluage prévisible de la poutre en béton armé. Il résulte néanmoins de l'instruction, notamment du rapport initial du contrôleur technique et de certains de ses comptes rendus intermédiaires au cours de l'exécution des travaux, en particulier les comptes rendus n° 3 du 8 janvier 2003 et n° 4 du 25 février 2003, que la société Bureau Véritas Construction a, tout d'abord, relevé que son avis devait être précisé (« AP ») quant à la charpente lorsqu'elle aurait communication du plan d'exécution de l'ouvrage, et avait, ultérieurement, demandé à plusieurs reprises la communication des plans d'exécution des menuiseries extérieures en aluminium. En revanche, et alors qu'il n'est nullement soutenu que le contrôleur technique aurait eu communication des documents demandés, la société Bureau Véritas Construction n'a opposé aucune remarque concernant les plans de la charpente et ceux des menuiseries extérieures dans son rapport final. Par ailleurs, compte tenu de l'omission qui peut être reprochée au contrôleur technique, et alors qu'il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre a commis une faute de conception en prévoyant la fixation des châssis vitrés sous la poutre de rive de la charpente, n'a pas mentionné dans le CCTP du lot n° 2 le fluage prévisible de la poutre béton et a insuffisamment contrôlé l'exécution des travaux, la société F. Architecte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fixé à 90 % sa part dans la répartition de la charge de la réparation des désordres affectant la charpente et en conséquence à 10 % la part du contrôleur technique.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société F. Architecte est uniquement fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais une somme excédant 41.511,46 euros TTC.

 

Sur l'appel de la société Bureau Véritas Construction :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

15. Ainsi qu'il a été rappelé aux points 5 et 6 du présent arrêt, la SASU Juignet Armand avait simplement la qualité de fournisseur de la SARL TBF pour l'exécution du lot n° 4 « menuiseries extérieures en aluminium ». Le contrat de droit privé qui l'unissait à la SARL TBF n'a pas eu pour effet de conférer à la société Juignet Armand la qualité de participant à l'exécution du travail public. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaitre de l'appel en garantie présenté à titre subsidiaire par la société Bureau Véritas Construction à l'encontre de la société Juignet Armand, qui a pour seul fondement un éventuel manquement de cette société aux obligations résultant pour elle de son contrat de fourniture. Il résulte de ce qui précède qu'il incombait au tribunal administratif de Nantes de décliner, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur ces conclusions. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la condamnation de la société Juignet Armand à garantir en totalité la société Bureau Véritas Construction, contrôleur technique, en ce qui concerne le désordre affectant spécifiquement les vitrages des menuiseries extérieures.

16. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer, de statuer immédiatement sur ces conclusions et, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

 

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la nature et l'imputabilité des désordres :

17. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, l'avis du contrôleur technique « ... porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ». Par ailleurs, il résulte de la convention conclue entre la commune de Saint-Lumine-de-Coutais et la société Bureau Véritas que cette dernière s'était vu confier deux missions : une mission L relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipement indissociables et une mission SEI, relative aux conditions de sécurité des personnes dans les constructions achevées, applicable aux ERP et aux IGH.

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de prise en compte du fluage naturel de la poutre en béton armé et à la suite de l'aggravation de cette situation du fait de la fixation du haut des menuiseries extérieures sur la poutre de rive de la charpente, cette dernière est affectée d'un fléchissement qui a entrainé des déformations des profilés des baies coulissantes, induisant un risque de déboîtement des vitrages. Pour ces motifs, l'expert nommé par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a relevé un risque pour la sécurité des personnes ayant pour conséquence une impropriété de l'ouvrage à son usage. Dans ces conditions, la société Bureau Véritas Construction n'est pas fondée à soutenir, d'une part, que le dommage ne présenterait pas un caractère décennal de nature à engager la responsabilité des constructeurs, et d'autre part, que le dommage ne lui serait pas imputable dès lors qu'ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, la convention conclue avec la commune maître d'ouvrage lui confiait explicitement une mission SEI en matière de sécurité des personnes à l'intérieur de la construction. Par ailleurs, la circonstance que le contrôleur technique n'aurait pas commis de faute et aurait émis un avis sur la charpente et les menuiseries extérieures est, à la supposer établie, sans incidence sur l'imputabilité des dommages affectant ces parties de l'ouvrage à l'intervention de la société Bureau Véritas Construction.

19. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment des constatations opérées par l'expert nommé par le juge des référés, que les vitrages des menuiseries extérieures, dont la pression interne dans l'espace intercalaire entre les deux verres du double vitrage est trop basse, se sont cintrés jusqu'à ce que, par endroits, il y ait contact entre les deux couches du vitrage et que cette situation, outre la réduction des capacités d'isolation thermique, entraine un risque de rupture du vitrage. Un tel risque de rupture des vitres entraine nécessairement un danger pour les usagers de la salle polyvalente. Dans ces conditions, la société Bureau Véritas Construction n'est pas fondée à soutenir que le dommage ne lui serait pas imputable dès lors qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 15 du présent arrêt, la convention conclue avec la commune maître d'ouvrage lui confiait explicitement une mission SEI en matière de sécurité des personnes à l'intérieur de la construction.

 

S'agissant du montant du préjudice :

20. En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 10 du présent arrêt, à la suite de l'expertise contradictoire aux opérations de laquelle a participé un représentant de la société Bureau Véritas, l'expert nommé par le tribunal administratif de Nantes a estimé à 44.000 euros le coût de la réparation des désordres affectant la charpente de la salle polyvalente et les menuiseries extérieures. Par ailleurs, la commune de Saint-Lumine-de-Coutais a justifié, par la production de pièces comptables en appel, avoir en réalité exposé la somme globale de 41.511,46 euros TTC au titre de la reprise de ces désordres, soit une somme inférieure à l'estimation de l'expert, et devant la cour limite ses conclusions à ce dernier montant. Dans ces conditions, alors que le montant des réparations est justifié et a pu être discuté contradictoirement, la société Bureau Véritas Construction est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à la commune maître d'ouvrage une somme excédant 41.511,46 euros.

21. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'expert judiciaire, après des opérations contradictoires, a estimé à 11.000 euros TTC, incluant 10 % de frais de maîtrise d'œuvre le montant des travaux de reprise des désordres affectant les seuls vitrages des menuiseries extérieures de la salle polyvalente. Ce montant n'est pas sérieusement contesté en appel par la société Bureau Véritas Construction, qui se borne à invoquer le caractère tardif des pièces comptables produites par la commune de Saint-Lumine-de-Coutais pour justifier du montant des réparations du désordre affectant la charpente et les menuiseries en aluminium de la salle. Dans ces conditions, le contrôleur technique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a mis à sa charge, solidairement avec la société F. Architecte, maître d'œuvre, la somme de 11.000 euros au titre des dommages affectant le vitrage de la salle polyvalente de Saint-Lumine-de-Coutais.

 

S'agissant de l'application de l'article 5 des conditions générales d'intervention :

22. L'article 5 des conditions générales d'intervention pour le contrôle technique d'une construction, qui figurait dans la convention conclue avec la commune de Saint-Lumine-de-Coutais, stipule que « La responsabilité du contrôleur technique est celle d'un prestataire de service assujetti à une obligation de moyens. / Elle ne peut être recherchée pour une mauvaise conception ou exécution d'ouvrages dont les documents ne lui ont pas été transmis ou d'ouvrages utilisés en fonction de destinations qui ne lui ont pas été signalées. / La responsabilité du contrôleur technique s'apprécie dans les limites de la mission à lui confiée par le maître d'ouvrage. / Dans le cas où les dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas applicables, elle ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires perçus par le contrôleur technique au titre de la mission pour laquelle sa responsabilité serait retenu ». Par ailleurs, l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, alors en vigueur, dispose que : « Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 ».

23. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la responsabilité de la société Bureau Véritas Construction, contrôleur technique, est engagée à l'égard de la commune de Saint-Lumine-de-Coutais au titre des désordres affectant tant la charpente et les menuiseries extérieures de la salle communale que le vitrage de cette dernière sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs et dès lors en application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, rappelées au point précédent du présent arrêt. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société Bureau Véritas Construction, la clause limitant sa responsabilité issue de l'article 5 des conditions générales d'intervention pour le contrôle technique d'une construction n'est pas opposable à la commune maître d'ouvrage.

 

S'agissant de la solidarité :

24. Dès lors que le dommage est imputable à plusieurs constructeurs le juge est tenu de faire droit à une demande tendant à leur condamnation solidaire. Par suite, la société Bureau Véritas Construction n'est pas fondée à soutenir, à titre subsidiaire, qu'elle n'est pas susceptible de faire l'objet d'une condamnation solidaire avec les autres constructeurs pour les désordres affectant, d'une part, la charpente et les menuiseries extérieures de la salle polyvalente de Saint-Lumine-de-Coutais et, d'autre part, les vitrages de cette salle.

 

S'agissant de l'appel en garantie contre la société F. Architecte :

25. Ainsi qu'il résulte des circonstances détaillées au point 13 du présent arrêt, compte tenu de l'omission qui peut être reprochée au contrôleur technique, et alors qu'il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre a commis une faute de conception en prévoyant la fixation des châssis vitrés sous la poutre de rive de la charpente, n'a pas mentionné dans le CCTP du lot n° 2 le fluage prévisible de la poutre béton et a insuffisamment contrôlé l'exécution des travaux, la société Bureau Véritas Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fixé à 10 % sa part dans la répartition de la charge de la réparation des désordres affectant la charpente et à demander à être garantie en totalité par la société F. Architecte, maître d'œuvre, en ce qui concerne les désordres affectant la charpente et les menuiseries extérieures de l'ouvrage.

 

Sur l'appel incident de la SASU Juignet Armand :

En ce qui concerne les appels en garantie de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction :

26. Par l'article 5 de son jugement, le tribunal administratif de Nantes a condamné la société Juignet Armand à garantir en totalité la société Bureau Véritas Construction et la société F. Architecte de la condamnation prononcée à leur encontre d'un montant de 11.000 euros au titre des travaux de reprise des vitrages. Néanmoins, il résulte de ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt que la SASU Juignet Armand avait simplement la qualité de fournisseur de la SARL TBF pour l'exécution du lot n° 4 « menuiseries extérieures en aluminium ». Le contrat de droit privé qui l'unissait à la SARL TBF n'a pas eu pour effet de conférer à la société Juignet Armand la qualité de participant à l'exécution du travail public. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaitre des appels en garantie présentés par la société Bureau Véritas Construction et par la société F. Architecte à l'encontre de la société Juignet Armand, qui ont pour seul fondement un éventuel manquement de cette société aux obligations résultant pour elle de son contrat de fourniture. Il résulte de ce qui précède qu'il incombait au tribunal administratif de Nantes de décliner, pour ce motif, la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur ces conclusions. Le jugement attaqué doit, par suite, également être annulé en tant qu'il condamne la société Juignet Armand à garantir en totalité la société F. Architecte, maître d'oeuvre, en ce qui concerne le désordre affectant spécifiquement les vitrages des menuiseries extérieures.

27. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer, de statuer immédiatement sur ces conclusions et, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

En ce qui concerne les frais d'expertise et l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance devant le tribunal administratif de Nantes :

28. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ».

29. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5, 6, 15 et 24 du présent arrêt, que les conclusions de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction tendant à être garantis par la SASU Juignet Armand doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre. Par suite, la SASU Juignet Armand est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 6 et 7 de son jugement, le tribunal administratif de Nantes a mis à sa charge, d'une part, la somme de 2.925,72 euros au titre des frais d'expertise et d'autre part, la somme de 1.000 euros à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30. Les frais et honoraires de l'expert ont été liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes à la somme de 8.777,16 euros. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction à hauteur de 4.388,58 euros chacune.

 

Sur les frais du litige :

31. En premier lieu, il y a lieu de mettre à la charge de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction le versement à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais de la somme de 1.500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

32. En deuxième lieu, il y a lieu de mettre à la charge de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction le versement à la SASU Juignet Armand la somme de 1.500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

33. En dernier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Saint-Lumine-de-Coutais et la SASU Juignet Armand soient condamnées à verser à la société F. Architecte et à la société Bureau Véritas Construction les sommes qu'elles demandent sur le fondement de ces dispositions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807959 du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 est annulé en tant qu'il a statué sur les appels en garantie de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction dirigés contre la SASU Juignet Armand. Ces appels en garantie sont rejetés comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaitre.

Article 2 : La société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction sont condamnées solidairement à verser à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 41.511,46 euros TTC au titre des travaux de reprise de la charpente et des menuiseries, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2018 et de leur capitalisation à compter du 28 août 2019 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Il est mis à la charge de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction le versement à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais de la somme de 4.388,58 euros chacune au titre des frais d'expertise.

Article 4 : Au titre de l'instance suivie devant le tribunal administratif de Nantes, seules la société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction verseront à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le jugement n° 1807959 du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 à 4 du présent arrêt.

Article 6 : La société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction verseront à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais la somme de 1 500 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société F. Architecte et la société Bureau Véritas Construction verseront à la SASU Juignet Armand la somme de 1.500 euros chacune en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la société F. Architecte et de la société Bureau Véritas Construction est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la SARLU F. Architecte, à la SASU Juignet Armand, à la SAS Bureau Véritas Construction, et à la commune de Saint-Lumine-de-Coutais.

Copie en sera adressée, pour information, à l'expert.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président, - M. Rivas, président-assesseur, - Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.

La rapporteure, M. BERIA-GUILLAUMIE                   Le président, L. LAINE

La greffière, S. LEVANT