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CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 21 janvier 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 21 janvier 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 1
Demande : 20/04568
Date : 21/01/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Référence bibliographique : 5842 (démarchage, nature du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9394

CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 21 janvier 2022 : RG n° 20/04568

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 1

ARRÊT DU 21 JANVIER 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/04568 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTS2. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – R.G. n° 17/04739.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[...], [...], Représenté et assisté de Maître Xavier M., avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 82

 

INTIMÉS :

Madame Y.

[...], [...]

Monsieur Z.

[...], [...], Représentés et assistés de Maître François T. de la SCP C. T. ET ASSOCIES, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 186

SARL EUROFONCIER IMMOBILIER, exerçant sous l'enseigne CENTURY 21 EFI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège, Inscrite au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro XXX, [...], [...], Représentée par Me Frédéric L. de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, Assisté à l'audience de Me Isabelle H., avocat au barreau de PARIS, toque : D0872

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique CHAULET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : M. Claude CRETON, président de chambre, Mme Muriel PAGE, conseillère, Mme Monique CHAULET, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt initialement prévu le 12 novembre 2021 et prorogé au 10 décembre 2021 puis au 14 janvier 2022 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude CRETON, Président de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 28 septembre 2016, M. X. a confié à la société Century 21 Euro Foncier Immobilier (EFI) un mandat exclusif pour la vente de son appartement sis [...] pour un prix de 158.000 euros net vendeur outre une commission de 14.000 euros pour la rémunération du mandataire.

Le 4 octobre 2016, une « reconnaissance d'indications et de visite » relative à l'appartement de M. X. a été signée entre Mme Y., M. Z. qui habitent le même immeuble que M. X., et le conseiller de l'agence Century 21.

Le 5 octobre 2016, M. X. a, par lettre recommandée avec accusé de réception, résilié pour raisons personnelles le mandat conclu avec Century 21 au visa des dispositions du décret du 20 juillet 1972.

Le 6 octobre 2016, la société Century 21 a informé M. X. de l'intérêt des consorts Z. pour son appartement.

Ayant appris la vente par M. X. de son appartement aux consorts Y.-Z. et après mise en demeure adressée à M. X. d'avoir à lui verser la commission de 14.000 euros, la Sarl Eurofoncier Immobilier a fait assigner M. X. et les consorts Y. et Z. devant le tribunal de grande instance de Bobigny en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'absence de commission perçue.

Par jugement réputé contradictoire en date du 2 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- condamné M. X. à payer à la Sarl Eurofoncier Immobilier la somme de 6.000 euros,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. X. à payer à la Sarl Eurofoncier Immobilier la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

[*]

M. X. a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions, il demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 6.000 euros, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau,

- fixer la date de résiliation du mandat conclu avec l'agence Century 21 à la date du 5 octobre 2016 et la débouter de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- dire que le droit à commission du mandataire ne peut s'appliquer et que la vente a été réalisée par l'intermédiaire de l'agence ERA, en conséquence débouter l'agence Century 21 de ses demandes pécuniaires,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que la clause de commission rémunératoire correspond à l'application d'une clause pénale et la réduire à la somme de 240 euros à laquelle sera limitée sa condamnation,

En tout état de cause,

- condamner les consorts Y.-Z. qui avaient seuls intérêt à la réduction des honoraires d'agence à le garantir de toute condamnation,

- débouter les parties des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel,

- condamner in solidum la société Euro Foncier Immobilier Century 21, Mme Y. et M. X. à lui régler la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de M. M., avocat,

- débouter Mme Y. et M. X. de toutes demandes contraires.

[*]

Par dernières conclusions, la société Euro Foncier Immobilier demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à payer 6.000 euros de dommages et intérêts et porter la condamnation à 14.000 euros,

- débouter M. X. de toutes ses demandes,

- dire que la vente du bien de M. X. génère un droit à la commission prévue au mandat,

- juger que le droit de rétractation n'a pas été exercé à bon escient et régulièrement,

- dire que M. X. a commis une faute au préjudice de l'agence en consentant un mandat au profit d'une autre agence en violation du mandat exclusif qu'elle lui avait consenti et irrégulièrement dénoncé,

- en conséquence condamner M. X. à lui payer la somme de 14.000 euros au titre de la commission due,

- dire que M. X. a commis des fautes soit contractuelles soit délictuelles si le mandat est considéré comme caduc,

- dire que M. X. et Mme Y. ont aidé le vendeur, par leur connivence frauduleuse, à s'exonérer du paiement de la commission et les condamner in solidum à lui payer 14.000 euros de dommages et intérêts,

- débouter M. X. et Mme Y. de toutes leurs demandes,

- condamner in solidum M. X., M. X. et Mme Y. à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. X., M. X. et Mme Y. en tous les dépens dont distraction au profit de M. L., avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières conclusions, M. X. et Mme Y. demandent à la cour de :

- déclarer les demandes de M. X. à leur encontre irrecevables,

- débouter M. X. de ses demandes à tout le moins à leur encontre,

- débouter M. X. de se demande reconventionnelle en paiement « in solidum » au titre de l'article 700,

- condamner M. X. au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 1.000 euros,

- condamner M. X. au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700,

- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Au soutien de son appel, M. X. fait valoir que le mandat a été régularisé à [ville N.], à son domicile et que les premiers juges ont commis une erreur de fait en retenant qu'il n'est pas démontré que le contrat aurait été signé en dehors des locaux de l'agence ; il soutient en conséquence que les dispositions du code de la consommation notamment son article L. 121-16 s'appliquent et que sa rétractation est en l'espèce pleinement efficace.

La société Eurofoncier Immobilier soutient, au visa des dispositions de l'article L. 221-2-12° du code de la consommation, que les contrats immobiliers sont exclus du champ d'application du droit de rétractation en cas de démarchage et qu'en toute hypothèse, M. X. ayant pris l'initiative de la contacter, le mandat n'a pas été conclu dans le cadre d'un démarchage.

Les dispositions de l'article L. 121-16 du code de la consommation dans leur version rappelée par M. X. ont été abrogées et les dispositions relatives au démarchage applicables à la date de signature du présent mandat sont celles de l'article L. 221-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur entre le 1er juillet et le 1er octobre 2016 qui résultent de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

L'alinéa 2 a) de cet article définit le contrat hors établissement comme tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, en la présence simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

Aux termes de l'article L. 221-18 du même code applicable à compter du 1er juillet 2016, dispositions anciennement régies par l'article L. 121-21 du code de la consommation, dispositions rappelées dans le mandat, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique, ou hors établissement sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

En l'espèce, le mandat a été signé à [ville N.] alors que l'adresse du siège et de l'établissement de la société Eurofoncier Immobilier est située à [ville N. 2] ainsi que cela résulte du Kbis produit au débat.

Les mentions du mandat corroborent en conséquence les déclarations de Mme W., conjointe de M. X., qui atteste avoir été présenté le jour de signature du mandat de vente et affirme que l'agent s'est déplacé à leur domicile de [ville N.] où le mandat a été signé.

Il est donc établi que le mandat a été signé hors établissement et la circonstance que cette démarche de l'agence immobilière ait été la conséquence de la sollicitation de M. X. et de Mme W., ce qui résulte également de l'attestation de cette dernière, n'est pas de nature à priver le signataire du mandat de la protection offerte par les dispositions du code de la consommation en cas de contrat signé hors établissement conformément aux dispositions de l'article L. 221-18 susvisé.

Le mandat litigieux rappelle expressément les dispositions du code de la consommation applicables aux contrats conclus hors établissement et notamment le délai de rétractation et un formulaire de rétractation lui a été annexé.

Le présent mandat conclu hors établissement entre dans le champ d'application du droit de rétractation en cas de démarchage et n'entre pas dans le champ des exclusions stipulées au terme des dispositions de l'article L. 221-2, 12° du code de la consommation qui vise les contrats portant sur la création, l'acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, étant précisé en outre qu'un droit de rétractation est également stipulé dans ce type de contrat par application des dispositions de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.

En conséquence M. X. disposait d'un délai de quatorze jours pour se rétracter, en conséquence sa rétractation intervenue le 5 octobre 2016 a été formée dans le délai légal.

La société Eurofoncier Immobilier soutient que la rétractation n'est pas valable dès lors que M. X. ne justifie pas de l'envoi de sa rétractation par lettre recommandée dans le délai de quatorze jours conformément aux prescriptions du code de la consommation.

L'article L. 221-21 de ce code dispose que le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18, du formulaire de rétractation ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.

L'article L. 221-22 du même code stipule que la charge de la preuve de l'exercice du droit de rétractation dans les conditions prévues à l'article L. 221-21 pèse sur le consommateur.

En l'espèce la lettre de rétractation de M. X. et le formulaire de rétractation signé par lui, les deux datés du 5 octobre 2016, sont produits au débat ainsi que la preuve de l'envoi par lettre recommandée portant le nom de l'expéditeur, M. X., et celui du destinataire, Century 21, [...] ; si ce document ne comporte pas mention de la date de l'envoi, il résulte néanmoins de ses mentions qu'il est antérieur au 19 octobre 2016.

Par ailleurs, la société Eurofoncier Immobilier produit au débat le courrier qu'elle a adressé à M. X. le 6 octobre 2016 par lequel elle l'informe avoir pris acte, suite à sa venue dans ses locaux, de sa reprise des clés et de son intention de résilier le mandat de vente ainsi qu'une attestation de M. V., conseiller immobilier de l'agence Century 21 EFI, qui déclare que dès le lendemain de la visite de l'appartement de M. X. par Mme Y. et M. X., soit le 4 octobre, celui-ci est passé à l'agence pour dénoncer le contrat de vente.

Il résulte de ces éléments que la société Eurofoncier Immobilier a été informée de la volonté de M. X. de résilier le mandat, par des déclarations dénuées d'ambiguïté, corroborées par la reprise de ses clés, avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 221-18 du code de la consommation.

Il convient en conséquence, infirmant le jugement, de dire que M. X. a valablement exercé son droit de rétractation et de débouter la société Eurofoncier Immobilier de ses demandes.

L'équité commande de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés à l'instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société Eurofoncier Immobilier la somme de 6.000 euros et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Déboute les parties de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de la société Eurofoncier Immobilier.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT