CASS. CIV. 1re, 2 février 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9428
CASS. CIV. 1re, 2 février 2022 : pourvoi n° 19-20640 ; arrêt n° 103
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er du code de la consommation, et 910-4 du code de procédure civile :
12. Aux termes du premier de ces textes, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
13. La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
14. En outre, il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l'ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d'être interprétée en conformité avec la directive 93/13 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale. A défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conformes aux exigences de cette directive, les juridictions nationales ont l'obligation d'examiner d'office si les stipulations convenues entre les parties présentent un caractère abusif et, à cette fin, de prendre les mesures d'instruction nécessaires, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions ou jurisprudence nationales qui s'opposent à un tel examen (CJUE, arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Médius, C-495/19).
15. Selon le deuxième de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
16. Il s'en déduit que le principe de concentration temporelle des prétentions posé par le troisième de ces textes ne s'oppose pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
17. Pour déclarer irrecevables les prétentions de Mme X. en annulation de stipulations contractuelles abusives, l'arrêt retient que celles-ci auraient dû être présentées dans le premier jeu de conclusions d'appel, qu'elles ont été formées dans le troisième et qu'elles ne sont nullement destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
18. En statuant ainsi, sans examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées au regard des éléments de droit et de fait dont elle disposait, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : C 19-20.640. Arrêt n° 103 FS-B.
DEMANDEUR à la cassation : Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie
DÉFENDEUR à la cassation : Madame X. veuve Y. - Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Drôme
Président : M. Chauvin. Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SAS Colin - Stoclet, SCP Marlange et de La Burgade.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Aide juridictionnelle totale en défense au profit de l'UDAF, ès qualités de tuteur de Mme Z.. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 4 octobre 2019.
La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) des Savoie, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 19-20.640 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme X., veuve Y., domiciliée [Adresse 4], 2°/ à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de la Drôme, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de tuteur de Mme Z., veuve Y., défenderesses à la cassation.
Mme X. a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat de Mme X., de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Union départementale des associations familiales de la Drôme, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mme Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 avril 2019), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie (la banque) a consenti à M. Y. et son épouse, Mme X., le 28 janvier 2005, trois prêts immobiliers libellés en devises CHF, assurés auprès de la société CNP Caution, et, le 18 juillet 2006, un prêt immobilier en devises CHF, en garantie duquel a été signé un acte de nantissement des troisièmes piliers suisses des emprunteurs contractés auprès de la société Axa.
2. A la suite du décès de M. Y., survenu le [Date décès 1] 2012, la société CNP Caution a versé à la banque les prestations correspondant à la prise en charge des trois premiers prêts, mais ne couvrant pas l'intégralité des sommes dues.
3. Le 21 septembre 2012, la banque a informé Mme X. que le montant versé par la société Axa au titre des troisièmes piliers était insuffisant pour couvrir le montant contractuellement exigible au titre du dernier prêt.
4. Le 6 juin 2014, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts et mis en demeure Mme X. de payer les sommes restant dues.
5. Le 7 août 2014, la banque a assigné Mme X. en paiement, laquelle a attrait à l'instance Mme Z., mère de M. Y., représentée par l'UDAF de la Drôme en qualité de tuteur, et invoqué des manquements de la banque et le caractère abusif de certaines clauses des prêts souscrits.
Examen des moyens :
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
6. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'emprunteur des dommages-intérêts au titre de manquements, d'une part, à son devoir de mise en garde, d'autre part, à son devoir d'information et de conseil et de rejeter ses demandes, alors :
« 1°/ que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage ; que la banque faisait valoir que l'action était prescrite le 19 juin 2013, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu'en considérant que l'emprunteur a pris connaissance du fait que la police d'assurance, souscrite à 100 % s'agissant de M. Y., ne couvrait nullement le remboursement intégral des crédits, qu'à compter de la lettre de la banque du 4 septembre 2012 portant à sa connaissance le solde restant à payer postérieurement au décès de son mari, que de même, c'est par un courrier du 21 septembre 2012 que la banque a spécifié à l'emprunteur que le montant versé par Axa au titre du 3ème pilier s'avérait insuffisant pour couvrir le montant contractuellement exigible au titre du prêt n° 017XX401, pour en déduire que l'action en responsabilité ayant été développée en première instance par l'emprunteur au terme de conclusions du 10 mars 2017, le délai de prescription quinquennal n'était nullement expiré à cette date, sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait que celui-ci démontrait qu'il pouvait, à la date des prêts litigieux, souscrits en 2005 et 2006, légitimement ignorer le dommage la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
2°/ que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage ; que celui-ci faisait valoir s'agissant du prêt garanti par le nantissement sur le contrat 3ème pilier souscrit auprès d'Axa que c'est M. Y. qui avait cessé de régler ses cotisations auprès de cet assureur, ajoutant que cette dernière « a réclamé à plusieurs reprises les règlements des cotisations de M. Y., en vain », que « avertie de la situation, la banque a elle-même pris soin d'alerter M. Y. sur les conséquences de ce défaut de paiement », et que « tant aux termes du contrat souscrit avec Axa qu'à la lecture du courrier adressé le 20.07.2011 par la banque, M. Y. était parfaitement informé des risques qu'il encourait en cessant de régler ses cotisations d'assurance » ; qu'en considérant que l'emprunteur a pris connaissance du fait que la police d'assurance, souscrite à 100 % s'agissant de M. Y., ne couvrait nullement le remboursement intégral des crédits, qu'à compter de la lettre de la banque du 4 septembre 2012 portant à sa connaissance le solde restant à payer postérieurement au décès de son mari, que de même, c'est par un courrier du 21 septembre 2012 que la banque a spécifié à l'emprunteur que le montant versé par Axa au titre du 3ème pilier s'avérait insuffisant pour couvrir le montant contractuellement exigible au titre du prêt n° 017XX401, pour en déduire que l'action en responsabilité ayant été développée en première instance par celui-ci au terme de conclusions du 10 mars 2017, le délai de prescription quinquennal n'était nullement expiré à cette date, la cour d'appel qui s'est attachée seulement à la date à laquelle l'emprunteur avait eu connaissance de l'insuffisance de la somme versée par l'assureur Axa, pour vérifier si l'action en responsabilité était prescrite, sans rechercher si ce dernier n'avait pas connaissance dès les mois de juin ou juillet 2011, des premières difficultés de paiement et partant de ce que, faute de paiement des échéances du contrat afférent au 3ème pilier suisse, la garantie ne couvrait plus le prêt dans les mêmes conditions a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
7. Dès lors qu'il résulte des productions que la banque s'est bornée, en appel, à invoquer la prescription de la demande indemnitaire au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde, sans reprendre cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions, la cour d'appel n'en était pas saisie.
8. Il s'ensuit que le moyen, qui critique des motifs surabondants écartant la prescription, est inopérant.
Sur le second moyen du pourvoi principal :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
9. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la banque faisait valoir que l'emprunteur ne rapportait pas la preuve d'une disproportion entre le montant des prêts litigieux et les ressources des emprunteurs et leur capacité de remboursement et qu'elle avait scrupuleusement étudié la capacité financière des époux Y. qui, à l'époque des prêts, disposaient de 7 190 euros de revenus par mois alors que les charges mensuelles des prêts et des cotisations d'assurances du 3ème pilier s'élevaient à la somme globale de 2.009 euros, laissant au couple 5.181 euros par mois, le taux d'endettement étant de 28 % ; qu'en retenant que les capacités du couple ont manifestement été surévaluées dans la mesure où M. Y. s'est trouvé en difficulté, courant 2011, pour honorer le versement des cotisations afférentes au 3ème pilier suisse qu'il avait souscrit, qu'en outre, les quatre contrats de prêt ont fait l'objet d'avenants les 11, 20 et 21 octobre 2011 en vue d'un rééchelonnement de la dette, pour en déduire que la banque, qui ne justifie nullement des modalités d'information de ses clients au titre de son obligation de mise en garde, a donc engagé sa responsabilité de ce chef et doit être condamnée à payer à l'emprunteur la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, sans prendre en considération le moyen par lequel la banque faisait valoir qu'au jour de l'octroi des prêts litigieux, le taux d'endettement était de 28 % et qu'il n'y avait aucun risque d'endettement excessif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°/ que la banque faisait valoir que l'emprunteur ne rapportait pas la preuve d'une disproportion entre le montant des prêts litigieux et les ressources des emprunteurs et leur capacité de remboursement et qu'elle avait scrupuleusement étudié la capacité financière des époux Y. qui, à l'époque des prêts, disposaient de 7.190 euros de revenus par mois alors que les charges mensuelles des prêts et des cotisations d'assurances du 3ème pilier s'élevaient à la somme globale de 2.009 euros, laissant au couple 5.181 euros par mois, le taux d'endettement étant de 28 % ; qu'en affirmant que les capacités du couple ont « manifestement été surévaluées dans la mesure où M. Y. s'est trouvé en difficulté, courant 2011, pour honorer le versement des cotisations afférentes au 3ème pilier suisse qu'il avait souscrit » et où « les quatre contrats de prêt ont fait l'objet d'avenants les 11, 20 et 21 octobre 2011 en vue d'un rééchelonnement de la dette », pour en déduire que la banque a engagé sa responsabilité et la condamner au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel se prononce par des motifs inopérants comme impropres à caractériser qu'au jour de la souscription des prêts litigieux, soit en 2005 et 2006, les engagements étaient disproportionnés au regard des capacités financières des emprunteurs et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
10. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, après avoir constaté que les emprunteurs n'étaient pas avertis, que la cour d'appel a estimé, en se fondant notamment sur le montant élevé des prêts consentis et des échéances à acquitter et sur l'absence de fiche de patrimoine permettant d'apprécier la surface financière des emprunteurs, que leurs capacités de remboursement avaient été manifestement surévaluées et que la banque ne justifiait pas les avoir informés des risques afférents à l'octroi des prêts, justifiant ainsi légalement sa décision.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
11. Mme X. fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses prétentions visant à obtenir l'annulation de stipulations contractuelles abusives, d'accueillir la demande en paiement de la banque et de rejeter sa demande tendant à ce que les éventuelles condamnations prononcées en faveur de celle-ci le soient solidairement entre elle et Mme Z., représentée par l'UDAF de la Drôme, alors « que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose ; qu'en considérant, pour écarter le moyen de l'emprunteur tiré de ce que les clauses des contrats n° 01YY991-01, 01ZZ976-01 et 025WW301 faisant peser le risque de change sur les seuls emprunteurs étaient abusives, qu'il s'agissait d'une « prétention » qui, faute d'avoir été présentée dès le premier jeu de conclusions d'appel, était irrecevable, la cour d'appel, qui disposait des éléments de droit et de fait nécessaires pour examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées, et qui était donc tenue de procéder à un tel examen, a violé, par fausse application, l'article 910-4 du code de procédure civile. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er du code de la consommation, et 910-4 du code de procédure civile :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
12. Aux termes du premier de ces textes, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
13. La Cour de justice des Communautés européennes devenue la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08).
14. En outre, il appartient aux juridictions nationales, en tenant compte de l'ensemble des règles du droit national et en application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, de décider si et dans quelle mesure une disposition nationale est susceptible d'être interprétée en conformité avec la directive 93/13 sans procéder à une interprétation contra legem de cette disposition nationale. A défaut de pouvoir procéder à une interprétation et à une application de la réglementation nationale conformes aux exigences de cette directive, les juridictions nationales ont l'obligation d'examiner d'office si les stipulations convenues entre les parties présentent un caractère abusif et, à cette fin, de prendre les mesures d'instruction nécessaires, en laissant au besoin inappliquées toutes dispositions ou jurisprudence nationales qui s'opposent à un tel examen (CJUE, arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Médius, C-495/19).
15. Selon le deuxième de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
16. Il s'en déduit que le principe de concentration temporelle des prétentions posé par le troisième de ces textes ne s'oppose pas à l'examen d'office du caractère abusif d'une clause contractuelle par le juge national, qui y est tenu dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
17. Pour déclarer irrecevables les prétentions de Mme X. en annulation de stipulations contractuelles abusives, l'arrêt retient que celles-ci auraient dû être présentées dans le premier jeu de conclusions d'appel, qu'elles ont été formées dans le troisième et qu'elles ne sont nullement destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
18. En statuant ainsi, sans examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées au regard des éléments de droit et de fait dont elle disposait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Mise hors de cause :
19. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause l'UDAF de la Drôme, en qualité de tuteur de Mme Z., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les prétentions de Mme X. visant à obtenir l'annulation de stipulations contractuelles abusives, l'arrêt rendu le 11 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Met hors de cause l'UDAF de la Drôme, prise en qualité de tuteur de Mme Z. ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie aux dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie et la condamne à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros et à la SCP Marlange, de La Burgade la somme de 1.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Savoie, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a débouté Madame X. veuve Y. de sa demande de dommages et intérêts et D'AVOIR condamné la Caisse exposante à payer à Madame X. veuve Y. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde et celle de 75.000 euros pour manquement à son devoir d'information et de conseil et D'AVOIR débouté la caisse exposante de ses demandes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE la prescription d'une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle établit qu'elle n'en avait pas eu préalablement connaissance ; qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que Madame X. veuve Y. a pris connaissance du fait que la police d'assurance, souscrite à 100 % s'agissant de M. Y., ne couvrait nullement le remboursement intégral des crédits, qu'à compter de la lettre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie du 4 septembre 2012 portant à sa connaissance le solde restant à payer postérieurement au décès de son mari (pièce n° 25 - cabinet Rimondi Arminjon) ; que de même, c'est par un courrier du 21 septembre 2012 que la banque a spécifié à Madame X. veuve Y. que le montant versé par Axa au titre du 3 pilier s'avérait insuffisant pour couvrir le montant contractuellement exigible au titre du prêt n°017XX401 (pièce n° 26 - cabinet Rimondi Arminjon) ; que l'action en responsabilité ayant été développée en première instance par Madame X. veuve Y. au terme de conclusions du 10 mars 2017, le délai de prescription quinquennal n'était nullement expiré à cette date ; que dès lors, l'action en responsabilité s'avère parfaitement recevable ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS D'UNE PART QUE le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage ; que l'exposante faisait valoir que l'action était prescrite le 19 juin 2013, soit cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu'en considérant que Madame X. veuve Y. a pris connaissance du fait que la police d'assurance, souscrite à 100 % s'agissant de M. Y., ne couvrait nullement le remboursement intégral des crédits, qu'à compter de la lettre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie du 4 septembre 2012 portant à sa connaissance le solde restant à payer postérieurement au décès de son mari (pièce n° 25 - cabinet Rimondi Arminjon), que de même, c'est par un courrier du 21 septembre 2012 que la banque a spécifié à Madame X. veuve Y. que le montant versé par Axa au titre du 3ème pilier s'avérait insuffisant pour couvrir le montant contractuellement exigible au titre du prêt n°017XX401 (pièce n°26 -cabinet Rimondi Arminjon), pour en déduire que l'action en responsabilité ayant été développée en première instance par Madame X. veuve Y. au terme de conclusions du 10 mars 2017, le délai de prescription quinquennal n'était nullement expiré à cette date, sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait que Mme X. démontrait qu'elle pouvait, à la date des prêts litigieux, souscrits en 2005 et 2006, légitimement ignorer le dommage la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage ; que l'exposante faisait valoir s'agissant du prêt garanti par le nantissement sur le contrat 3ème pilier souscrit auprès de AXA que c'est Monsieur Y. qui avait cessé de régler ses cotisations auprès de cet assureur, ajoutant que cette dernière « a réclamé à plusieurs reprises les règlements des cotisations de Monsieur Y., en vain (pièce n° 53) », que « avertie de la situation, la Banque a elle-même pris soin d'alerter Monsieur Y. sur les conséquences de ce défaut de paiement (pièce n° 49) », et que « tant aux termes du contrat souscrit avec AXA qu'à la lecture du courrier adressé le 20.07.2011 par le CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE, Monsieur Y. était parfaitement informé des risques qu'il encourait en cessant de régler ses cotisations d'assurance » (conclusions d'appel p 12) ; qu'en considérant que Madame X. veuve Y. a pris connaissance du fait que la police d'assurance, souscrite à 100 % s'agissant de M. Y., ne couvrait nullement le remboursement intégral des crédits, qu'à compter de la lettre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie du 4 septembre 2012 portant à sa connaissance le solde restant à payer postérieurement au décès de son mari (pièce n° 25 - cabinet Rimondi Arminjon), que de même, c'est par un courrier du 21 septembre 2012 que la banque a spécifié à Madame X. veuve Y. que le montant versé par Axa au titre du 3ème pilier s'avérait insuffisant pour couvrir le montant contractuellement exigible au titre du prêt n°017XX401 (pièce n° 26 - cabinet Rimondi Arminjon), pour en déduire que l'action en responsabilité ayant été développée en première instance par Madame X. veuve Y. au terme de conclusions du 10 mars 2017, le délai de prescription quinquennal n'était nullement expiré à cette date, la cour d'appel qui s'est attachée seulement à la date à laquelle Mme X. avait eu connaissance de l'insuffisance de la somme versée par l'assureur AXA, pour vérifier si l'action en responsabilité était prescrite, sans rechercher si cette dernière n'avait pas connaissance dès les mois de juin ou juillet 2011, des premières difficultés de paiement et partant de ce que, faute de paiement des échéances du contrat afférent au 3ème pilier suisse, la garantie ne couvrait plus le prêt dans les mêmes conditions a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a débouté Madame X. veuve Y. de sa demande de dommages et intérêts et D'AVOIR condamné la Caisse exposante à payer à Madame X. veuve Y. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde et celle de 75.000 euros pour manquement à son devoir d'information et de conseil et D'AVOIR débouté la caisse exposante de ses demandes ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, sauf si l'exécution a été empêchée par la force majeure ; que l'obligation de conseil impose une implication subjective du banquier qui doit guider son client dans les choix à opérer ; que ce conseil doit se manifester tant dans la phase pré-contractuelle que dans la période contractuelle ; que le devoir de mise en garde consiste quant à lui, pour un établissement de crédit, à alerter l'emprunteur ou la caution, au regard de ses capacités financières, du risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'il n'existe toutefois qu'envers une personne non-avertie, étant précisé qu'un emprunteur professionnel ne peut être, de facto, considéré comme un emprunteur averti ; qu'il appartient à la banque de démontrer qu'elle a satisfait l'obligation qui lui incombe ; qu'en l'espèce, il est constant que les époux Y. se sont solidairement engagés au moyen de quatre contrats de prêt, des 28 janvier 2005 et 18 juillet 2006, à rembourser un capital de (172.000 + 172.000 + 267.000 + 33 492,88) 644 492,88 CHF sur des périodes de 22 et 25 ans ; qu'aucun élément du dossier ne permet de qualifier les époux Y. d'emprunteur avertis ; que pourtant, alors même que le montant des échéances s'avère conséquent, aucun des contrats ne précise les revenus des emprunteurs ; que de même, aucune fiche de patrimoine ne permet d'apprécier leur surface financière et l'éventuelle adéquation de leurs engagements au regard de leurs capacités réelles ; qu'enfin, aucune stipulation ne permet de déterminer si la banque a spécialement appelé leur attention sur un risque quelconque ; qu'il apparaît que les capacités du couple ont manifestement été surévaluées dans la mesure où M. Y. s'est trouvé en difficulté, courant 2011, pour honorer le versement des cotisations afférentes au 3ème pilier suisse qu'il avait souscrit (pièce n° 49 - cabinet Rimondi Arminjon) ; qu'en outre, les quatre contrats de prêt ont fait l'objet d'avenants les 11, 20 et 21 octobre 2011 en vue d'un rééchelonnement de la dette (pièces n° 5, 11,18 et 23 - cabinet Rimondi Arminjon) ; que la banque, qui ne justifie nullement des modalités d'information de ses clients au titre de son obligation de mise en garde, a donc engagé sa responsabilité de ce chef ; qu'en conséquence, elle doit être condamnée à payer à Madame Y. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts ; que par ailleurs, l'obligation d'information ou de conseil doit conduire la banque à analyser, avec ses clients, l'intérêt de la souscription d'une assurance en vue de couvrir les risques liés au décès ou à l'invalidité d'un emprunteur en cours d'exécution du contrat ; qu'en l'espèce, il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir fait souscrire aux époux Y. une police d'assurance s'agissant du contrat n°017XX401 dans la mesure où est affecté en garantie le 3ème pilier suisse de Monsieur et de Madame Y. (pièces n° 13 / paragraphe 1.2.9 du contrat - cabinet Rimondi Arminjon) prévoyant un capital décès de 130.639 CHF pour le premier (pièce n°15 - cabinet Rimondi Arminjon) et de 155.403 CHF pour le second (pièce n°16 - cabinet Rimondi Arminjon), étant précisé que le montant emprunté était de 267.000 CHF en principal ; qu'en revanche, s'agissant des trois autres prêts garantis par le contrat d'assurance groupe CNP Caution, une distorsion doit être relevée entre la garantie souscrite, prévoyant que l'assureur verse 100 % du solde des prêts en capital et intérêts tel qu'il ressort du tableau d'amortissement arrêté à la date de survenance du décès (pièces n°3, 9 et 21 - cabinet Rimondi Arminjon), et les conditions contractuelles des prêts desquelles il résulte que l'assuré, malgré la réalisation du risque, reste redevable de sommes au titre du coût induit par la valeur du taux de change ; qu'aussi, faute d'avoir appelé l'attention des emprunteurs sur le fait que l'assurance décès, pourtant souscrite à 100 %, pourrait ne couvrir qu'une partie de la créance, la banque a également engagé sa responsabilité au titre d'un manquement au devoir d'information et de conseil ; qu'en conséquence, elle doit être condamnée à payer à Madame X. veuve Y. la somme de 75.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS D'UNE PART QUE la Caisse exposante faisait valoir que Madame Y. ne rapportait pas la preuve d'une disproportion entre le montant des prêts litigieux et les ressources des emprunteurs et leur capacité de remboursement et qu'elle avait scrupuleusement étudié la capacité financière des époux Y. qui, à l'époque des prêts, disposaient de 7.190 euros de revenus par mois alors que les charges mensuelles des prêts et des cotisations d'assurances du 3ème pilier s'élevaient à la somme globale de 2.009 euros, laissant au couple 5.181 euros par mois, le taux d'endettement étant de 28 % (concl. p 14) ; qu'en retenant que les capacités du couple ont manifestement été surévaluées dans la mesure où M. Y. s'est trouvé en difficulté, courant 2011, pour honorer le versement des cotisations afférentes au 3 pilier suisse qu'il avait souscrit (piècen°49 - cabinet Rimondi Arminjon), qu'en outre, les quatre contrats de prêt ont fait l'objet d'avenants les 11, 20 et 21 octobre 2011 en vue d'un rééchelonnement de la dette (pièces n°5, 11,18 et 23 - cabinet Rimondi Arminjon), pour en déduire que la banque, qui ne justifie nullement des modalités d'information de ses clients au titre de son obligation de mise en garde, a donc engagé sa responsabilité de ce chef et doit être condamnée à payer à Madame Y. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, sans prendre en considération le moyen par lequel la Caisse faisait valoir qu'au jour de l'octroi des prêts litigieux, le taux d'endettement était de 28 % et qu'il n'y avait aucun risque d'endettement excessif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la Caisse exposante faisait valoir que Madame Y. ne rapportait pas la preuve d'une disproportion entre le montant des prêts litigieux et les ressources des emprunteurs et leur capacité de remboursement et qu'elle avait scrupuleusement étudié la capacité financière des époux Y. qui, à l'époque des prêts, disposaient de 7.190 euros de revenus par mois alors que les charges mensuelles des prêts et des cotisations d'assurances du 3ème pilier s'élevaient à la somme globale de 2.009 euros, laissant au couple 5181 euros par mois, le taux d'endettement étant de 28 % (concl. p 14) ; qu'en affirmant que les capacités du couple ont « manifestement été surévaluées dans la mesure où M. Y. s'est trouvé en difficulté, courant 2011, pour honorer le versement des cotisations afférentes au 3ème pilier suisse qu'il avait souscrit » et où « les quatre contrats de prêt ont fait l'objet d'avenants les 11, 20 et 21 octobre 2011 en vue d'un rééchelonnement de la dette », pour en déduire que la Caisse exposante a engagé sa responsabilité et la condamner au paiement de dommages intérêts, la cour d'appel se prononce par des motifs inopérants comme impropres à caractériser qu'au jour de la souscription des prêts litigieux, soit en 2005 et 2006, les engagements étaient disproportionnés au regard des capacités financières des emprunteurs et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X., demanderesse au pourvoi incident.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les prétentions de Mme Y. visant à obtenir l'annulation de stipulations contractuelles abusives, de l'avoir condamnée à verser à la Caisse 30 601,99 euros outre intérêts contractuels de 1,012 % à compter du 30 juin 2014 au titre du prêt n° 177976-01, 30.883,97 euros outre intérêts contractuels de 1,017 % à compter du 30 juin 2014 au titre du prêt n° 177991-01, et 8 775,15 euros outre intérêts contractuels de 1,023 % à compter du 30 juin 2014 au titre du prêt n° 25685301, et ordonné la capitalisation des intérêts, et de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que les éventuelles condamnations prononcées en faveur de la banque le soient solidairement entre elle et Mme Z. veuve Y., représentée par l'UDAF de la Drôme.
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité des prétentions de Madame X. veuve Y. visant à obtenir l'annulation de stipulations contractuelles abusives : selon l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent présenter dès leurs premières conclusions en appel, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'en l'espèce, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie soulève l'irrecevabilité des prétentions de Madame X. veuve Y. visant à obtenir l'annulation de stipulations contractuelles au motif que cette demande a été formalisée, pour la première fois, au moyen de ses conclusions d'appel n° 3 adressées par RPVA le 19 octobre 2018 ; que ces prétentions, qui ne sont nullement destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, auraient donc dû être présentées dès le premier jeu de conclusions d'appel lesquelles ont été transmises le 28 février 2018 ; que dès lors, faute pour Madame X. veuve Y. d'avoir émis ces prétentions dans ses premières conclusions d'appelante, ces dernières doivent être déclarées comme irrecevables ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/ 08) ; qu'en considérant, pour écarter le moyen de Mme Y. tiré de ce que les clauses des contrats nos 01YY991-01, 01ZZ976-01 et 025WW301 faisant peser le risque de change sur les seuls emprunteurs étaient abusives (conclusions, p. 19), qu'il s'agissait d'une « prétention » qui, faute d'avoir été présentée dès le premier jeu de conclusions d'appel, était irrecevable, la cour d'appel, qui disposait des éléments de droit et de fait nécessaires pour examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées, et qui était donc tenu de procéder à un tel examen, a violé, par fausse application, l'article 910-4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, le moyen tiré de ce que sont abusives les clauses d'un contrat servant de fondement à la demande formée devant le juge ne constitue pas une prétention qui devrait être présentée devant la cour d'appel avant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en considérant, pour écarter le moyen de Mme Y. tiré de ce qu'étaient abusives les clauses des contrats nos 01YY991-01, 01ZZ976-01 et 025WW301 faisant peser le risque de change sur les seuls emprunteurs, et sur lesquels se fondait la Caisse pour demander le remboursement des sommes qui, en raison de la dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse, n'avaient pas été réglés par la société CNP Assurances (conclusions, p. 19), qu'il s'agissait d'une « prétention » qui, faute d'avoir été présentée dès le premier jeu de conclusions d'appel, était irrecevable, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 910-4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE sont abusives les clauses d'un contrat de prêt qui, lorsqu'elles ne définissent pas l'objet principal du contrat ou ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible, font peser le risque de change sur les seuls emprunteurs ; qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant la cour d'appel que les clauses des contrats de prêt n° 01YY991-01, 01ZZ976-01 et 025WW301 invoquées par Mme Y. dans ses conclusions (p. 19), en ce qu'elles faisaient peser le risque de change sur les seuls emprunteurs, ne constituaient pas l'objet principal du contrat et n'étaient, en tout état de cause, pas rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en ne relevant pas d'office le caractère abusif de ces clauses, qui servaient de fondement à la demande de la Caisse, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 212-1 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.