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CASS. CIV. 3e, 9 février 2022

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 3e, 9 février 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 3
Demande : 21-10388
Décision : 22-134
Date : 9/02/2022
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 134
Référence bibliographique : 5813 (application dans le temps, exceptions)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9435

CASS. CIV. 3e, 9 février 2022 : pourvoi n° 21-10388 ; arrêt n° 134 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « 7. Il résulte [de l’art. 2 du code civil] que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.

8. Selon [l’art. 15-I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014], lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif de congé. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

9. Pour déclarer le congé valable, l'arrêt retient que, si la loi du 24 mars 2014 a reconnu au juge le pouvoir de contrôler a priori la réalité et le sérieux du motif de congé invoqué, elle n'est pas applicable aux baux en cours à la date de son entrée en vigueur.

10. En statuant ainsi, alors que l'article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, est applicable à la contestation du congé délivré après l'entrée en vigueur de cette loi, même si le bail a été conclu antérieurement à celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : A 21-10.388. Arrêt n° 134 FS-B.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur Z.

Président : Mme Teiller (président). Avocat(s) : SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, SCP Buk Lament-Robillot.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme X. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 5 novembre 2020.

Mme X., domiciliée [Adresse 1], ayant pour curatrice Mme Y. domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 21-10.388 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre), dans le litige l'opposant à M. M. Z., domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de Mme X., et l'avis écrit de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général et l'avis oral de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, MM. Jariel, Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2020), le 22 avril 2015, M. Z. (le bailleur), propriétaire d'une maison donnée à bail d'habitation à Mme X. (la locataire) depuis 2003, lui a délivré un congé aux fins de reprise au bénéfice de son fils.

2. La locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer ce congé non valide et constater la poursuite du bail.

 

Examen des moyens :

Sur le premier moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

3. La locataire fait grief à l'arrêt de valider le congé, de la déclarer déchue de tout droit d'occupation à compter du 22 octobre 2015, de constater la résiliation du bail à cette date et d'ordonner son expulsion, alors « que pour rejeter les écritures déposées pour Madame X. le 15 novembre 2019, la cour d'appel, après avoir observé, à la lecture comparée des conclusions de l'appelante aux dates respectives des 4 avril 2018 et 15 novembre 2019, que le dispositif des écritures était identique de même que les pièces, a retenu que « dans une procédure d'appel ouverte depuis le 5 janvier 2018, alors que les parties ont échangé leurs premières écritures d'appel respectivement le 4 avril 2018 pour l'appelante et le 26 juin 2018 pour l'intimé, le dépôt de nouvelles écritures par l'appelante le vendredi 15 novembre 2019 à 21 h 10 soit la veille au soir d'un week-end, trois jour avant la date de clôture de la procédure avec des développements supplémentaires ne répond pas à l'exigence de la loyauté des débats dans l'exercice du principe fondamental en procédure civile du contradictoire » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si les conclusions déposées par Madame X. le 15 novembre 2019 soulevaient des prétentions ou des moyens nouveaux appelant une réponse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

4. Sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.

5. Le moyen est donc irrecevable.

 

Mais sur le second moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

6. La locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que la loi nouvelle régissant les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, l'article 15-I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, est applicable à un congé délivré le 22 avril 2015 même si le bail est antérieur à l'entrée en vigueur de cette loi ; que ce texte, dans cette rédaction, prévoit qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du congé et qu'il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ; qu'en considérant pourtant, pour déclarer valide le congé notifié à Madame X. le 22 avril 2015, que c'était à juste titre que le juge d'instance a rappelé que la loi du 24 mars 2014 ne s'applique pas aux baux en cours, tel que le bail litigieux du 23 octobre 2013, que si la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 modifiant sur certains points la loi du 24 mars 2014 a décidé que l'article 15 serait dorénavant applicable aux baux en cours, c'était sous réserve que les nouvelles dispositions de cette loi soient entrées en vigueur au moment de la délivrance du congé, ce qui n'était pas le cas en l'espèce et que par conséquent c'était à bon droit que le premier juge n'avait pas procédé à un contrôle a priori du caractère réel et sérieux du congé, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15-I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, immédiatement applicable, ensemble l'article 2 du code civil. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 2 du code civil et 15-I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 2 mars 2014 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. Il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.

8. Selon le second, lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif de congé. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

9. Pour déclarer le congé valable, l'arrêt retient que, si la loi du 24 mars 2014 a reconnu au juge le pouvoir de contrôler a priori la réalité et le sérieux du motif de congé invoqué, elle n'est pas applicable aux baux en cours à la date de son entrée en vigueur.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

10. En statuant ainsi, alors que l'article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, est applicable à la contestation du congé délivré après l'entrée en vigueur de cette loi, même si le bail a été conclu antérieurement à celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide le congé, déclare la locataire déchue de tout droit d'occupation à compter du 22 octobre 2015, constate la résiliation du bail à cette date et ordonne son expulsion, l'arrêt rendu le 21 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne M. Z. aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z. à payer à la société civile professionnelle de Chaisemartin, DoumicSeiller la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour Mme X.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II.- Madame X. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé qui lui a été délivré le 22 avril 2015, dit qu'elle était déchue de plein droit de tout titre d'occupation à compter du 22 octobre 2015, constaté la résiliation du contrat de bail conclu avec M. Z. à compter du 22 octobre 2015, et ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE pour rejeter les écritures déposées pour Madame X. le 15 novembre 2019, la cour d'appel, après avoir observé, à la lecture comparée des conclusions de l'appelante aux dates respectives des 4 avril 2018 et 15 novembre 2019, que le dispositif des écritures était identique de même que les pièces, a retenu que « dans une procédure d'appel ouverte depuis le 5 janvier 2018, alors que les parties ont échangé leurs premières écritures d'appel respectivement le 4 avril 2018 pour l'appelante et le 26 juin 2018 pour l'intimé, le dépôt de nouvelles écritures par l'appelante le vendredi 15 novembre 2019 à 21 h 10 soit la veille au soir d'un week-end, trois jour avant la date de clôture de la procédure avec des développements supplémentaires ne répond pas à l'exigence de la loyauté des débats dans l'exercice du principe fondamental en procédure civile du contradictoire » ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si les conclusions déposées par Madame X. le 15 novembre 2019 soulevaient des prétentions ou des moyens nouveaux appelant une réponse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION :

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

V.- Madame X. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé le congé qui lui a été délivré le 22 avril 2015, dit qu'elle était déchue de plein droit de tout titre d'occupation à compter du 22 octobre 2015, constaté la résiliation du contrat de bail conclu avec M. Z. à compter du 22 octobre 2015, et ordonné son expulsion et de tous occupants de son chef ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE la loi nouvelle régissant les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, l'article 15-I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, est applicable à un congé délivré le 22 avril 2015 même si le bail est antérieur à l'entrée en vigueur de cette loi ; que ce texte, dans cette rédaction, prévoit qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du congé et qu'il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ; qu'en considérant pourtant, pour déclarer valide le congé notifié à Madame X. le 22 avril 2015, que c'était à juste titre que le juge d'instance a rappelé que la loi du 24 mars 2014 ne s'applique pas aux baux en cours, tel que le bail litigieux du 23 octobre 2013, que si la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 modifiant sur certains points la loi du 24 mars 2014 a décidé que l'article 15 serait dorénavant applicable aux baux en cours, c'était sous réserve que les nouvelles dispositions de cette loi soient entrées en vigueur au moment de la délivrance du congé, ce qui n'était pas le cas en l'espèce et que par conséquent c'était à bon droit que le premier juge n'avait pas procédé à un contrôle a priori du caractère réel et sérieux du congé, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, immédiatement applicable, ensemble l'article 2 du code civil.