CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 24 février 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9448
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 24 février 2022 : RG n° 21/05352 ; arrêt n° 2022/160
Publication : Jurica
Extrait : « Il est exact qu'une jurisprudence constante admet, qu'il puisse être dérogée à l'exigence d'une mise en demeure par une disposition expresse et non équivoque du contrat, dès lors que le consommateur est ainsi informé des conséquences de la méconnaissance de ses obligations, sans qu'il soit nécessaire, comme le soutiennent les appelants, que les emprunteurs dispensent expressément la banque de son obligation de les mettre en demeure, ni que l'établissement de crédit rappelle la possibilité offerte à l'emprunteur de contester l'application de la clause et de faire sanctionner un abus dans son prononcé par le prêteur. Ainsi l'article XV précité constitue une dispense conventionnelle expresse et non équivoque de mise en demeure.
Cependant, par un arrêt du 16 juin 2021, rappelant les dispositions de l'article 3 paragraphe 1 et de l'article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la première chambre civile de la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles lui demandant notamment si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent, dans les contrats conclus avec les consommateurs, à une dispense conventionnelle de mise en demeure, même si elle est prévue de manière expresse et non équivoque au contrat.
Suivant la réponse à cette question, il pourrait ainsi être retenu le caractère abusif de la clause litigieuse. […]
C'est à tort que le FCT Ornus à l'instar du jugement entrepris, dont il s'approprie la motivation en déduit que ces lettres constituent une mise en demeure suffisamment explicite ayant permis à la banque à l'issue du préavis, de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt immobilier. En effet, la mise en demeure doit offrir une possibilité à l'emprunteur de régulariser la situation, en remboursant la ou les échéances impayées, et ainsi lui délivrer à la fois une information sur le montant des sommes dues, et sur le délai pour s'en acquitter, de manière justement à éviter le prononcé de la déchéance du terme, et précisément sur le contrat en cause. Or les courriers précités ne dénoncent pas expressément un défaut de règlement du prêt immobilier contracté par les époux X., ne les invite pas à régulariser le ou les échéances impayées et donc ne constituent pas des courriers de mise en demeure préalable à la déchéance du terme dont l'objectif est d'offrir aux emprunteurs une information et un délai pour y faire obstacle.
Au contraire, dans les courriers du 5 septembre 2012, la SMC indique expressément qu'elle fait jouer la clause d'exigibilité anticipée et sollicite, en raison de l'inexécution par les emprunteurs des obligations relatives au prêt immobilier qui leur a été consenti, le paiement de la somme de 521.923.59 euros au titre du capital restant dû et celle de 6.192,18 euros au titre des impayés, outre intérêts. La banque met en demeure les destinataires de lui adresser le règlement de ces sommes, sous huitaine, ou des propositions de remboursement accompagnés d'un acompte substantiel. Elle informe les intéressés qu'à défaut elle se verra contrainte de poursuivre en justice le recouvrement de la créance.
La banque a donc prononcé le 5 septembre 2012 la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable, comme l'y autorisait de manière expresse et non équivoque l'article XV des conditions générales du contrat, clause qui pourrait cependant, selon la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question précitée, être considérée comme abusive.
Les dispositions sur les clauses abusives sont d'ordre public, de sorte que l'absence de contestation de la déchéance par les débiteurs, et la proposition de règlement échelonné adressée au mois d'octobre 2014 par l'un d'eux ne peuvent valoir renoncement au bénéfice de leur application.
La réponse qui sera donnée par la Cour de justice de l'Union européenne est donc de nature à être décisive pour l'issue du litige, la présente cour se doit, dans une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer, dans cette attente. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rôle N° RG 21/05352. Arrêt n° 2022/169. N° Portalis DBVB-V-B7F-BHILW. ARRÊT DE SURSIS À STATUER. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de DRAGUIGNAN en date du 12 mars 2021 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 19/00377.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse]
Madame Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Russe, demeurant [adresse]
Tous deux représentés par Maître Joseph M. de la SCP M. PAULM. JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Maître Grégoire L. D., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
SA FCT ORNUS
agissant en qualité de recouvreur poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [...] venant aux droits de la SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE CRÉDIT, société anonyme immatriculée au RCS de Marseille sous le n° XXX, dont le siège social est [...], représentée et plaidant par Maître Serge D. de la SELAS CABINET D., avocat au barreau de DRAGUIGNAN
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [...], représentée par Maître Sébastien B. de la SCP B. S.-T. J., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Angélique F.-T., avocat au barreau de DRAGUIGNAN
SA BNP PARIBAS,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...], représentée et assistée par Maître Marco F., avocat au barreau de TOULON
LE TRÉSOR PUBLIC DE SAINT-TROPEZ
pris en la personne de Monsieur le Directeur Départemental des Finances Publiques du Var domicilié au siège [...], assigné à jour fixe le 18 mai 2021 à personne habilitée, défaillant
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 5 janvier 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 février 2022.
ARRÊT : Réputé Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 février 2022, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société Marseillaise de Crédit (ci-après SMC) aux droits de laquelle intervient désormais le fonds commun de titrisation Ornus (ci-après FCT Ornus) a accordé à monsieur X. et madame Y., qui était alors son épouse, un prêt immobilier d'un montant en principal de 700.000 euros, constaté par acte authentique du 11 juillet 2005.
A la garantie de ce prêt, une inscription de privilège de prêteur de deniers et une inscription d'hypothèque conventionnelle ont été prises sur le bien financé situé au [adresse].
Déplorant des échéances impayées, et après vaines délivrances de commandements aux fins de saisie immobilière les 19 et 23 octobre 2018, publiés au bureau du service de la publicité foncière de Draguignan le 20 novembre 2018, la SMC a, par exploit d'huissier en date du 7 janvier 2019, fait assigner monsieur X. et madame Y. devant le juge de l'exécution de Draguignan aux fins de voir statuer sur la saisie immobilière de leurs biens et droits immobiliers sur la commune de [ville C.].
Par jugement du 12 mars 2021, dont appel, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan après avoir ordonné une réouverture des débats, notamment aux fins d'obtenir un historique des versements réalisés par les débiteurs postérieurement au 5 septembre 2012, a :
- débouté monsieur X. et madame Y. de leurs demandes et contestations,
- dit que la SMC poursuit la saisie immobilière pour une créance liquide et exigible d'un montant de 426.816.05 euros arrêté au 11 octobre 2018 sans préjudice des intérêts et jusqu'à parfait paiement,
- autorisé la vente amiable sur autorisation de justice des biens et droits immobiliers objets de la saisie,
- fixé à la somme de 700.000 euros le prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché.
Monsieur X. et madame Y. ont, par déclaration au greffe en date du 12 avril 2021, relevé appel de ce jugement qui leur a été signifié le 29 mars 2021.
Ils ont été autorisés à assigner à jour fixe par ordonnance du 27 avril 2021 et ont déposé au greffe de la cour le 4 juin 2021 copie de l'assignation à jour fixe remise au créancier poursuivant et aux créanciers inscrits.
[*]
Dans leurs conclusions enregistrées par RPVA le 31 décembre 2021 auxquelles il convient de se référer, monsieur X. et madame Y. demandent à la cour au visa des articles L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, L. 218-2 du code de la consommation, L. 132-1 du code de la consommation, des articles 1231-5, 2191 et 2193 du code civil, des articles R. 322-4 et suivants et R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, 378 du code de procédure civile, de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 de :
* à titre liminaire,
- déclarer irrecevables les prétentions de l'intimée faute de justifier de qualité à agir,
* à titre principal,
- réformer le jugement entrepris sauf, en ce qu'il les a autorisés à vendre amiablement le bien saisi,
- juger réputée non écrite la clause de déchéance du terme,
- juger que la déchéance du terme n'est pas acquise,
- juger réputée non écrit l'article XV de l'offre de prêt consenti aux consorts X. exonérant la banque d'avoir à mettre en demeure les emprunteurs,
- en tant que de besoin surseoir à statuer sur cette question dans l'attente de la réponse de la CJUE à la question posée par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 16 juin 2021 n°20-12154,
- juger que faute de mise en demeure préalable d'avoir à régulariser la créance du poursuivant n'est pas exigible,
- juger que le créancier poursuivant ne justifie pas d'une créance certaine liquide et exigible,
-prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie signifié le 23 octobre 2018,
- débouter la SMC de l'ensemble de ses demandes,
* A titre infiniment subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions la clause pénale visée par l'article XVII du cahier des charges de la SMC,
- fixer en conséquence à la somme de 185.058.30 euros arrêtée au 3 mai 2020 la créance de l'intimée,
- confirmer l'autorisation donnée aux consorts Sabatier T. de vendre amiablement le bien saisi,
* En tout état de cause,
- condamner la SMC au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de maître M., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour l'essentiel les appelants font valoir que :
- le FCT qui viendrait aux droits de la SMC ne justifie pas de sa qualité pour agir,
-la clause de déchéance du terme visée dans l'article XV des conditions générales du prêt est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, permettant une déchéance du terme sans autre formalité qu'un simple avis par lettre recommandée en cas de non-paiement d'une seule échéance à bonne date ou de frais quelconques avancés par la banque,
- la rédaction de cette clause laisse penser que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'inobservation commise par l'emprunteur et l'inexactitude des déclarations de ce dernier,
-le courrier de la déchéance du terme est juridiquement fondé sur une clause réputée non écrite car abusive, donc sans effet, de sorte que la créance n'est pas exigible,
- l'obligation essentielle de rembourser un prêt n'est pas, dans les faits, exclusive d'une appréciation discrétionnaire de la banque,
- la recommandation de la commission des clauses abusives n° 04-03 du 27 mai 2004 ne s'intéresse pas au règlement ou à l'absence de règlement des échéances d'un prêt mais seulement à l'information que doit la banque à son cocontractant quant aux conséquences qu'elle peut en tirer,
- la déchéance du terme ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass. civ. 1ère, 3 juin 2015, n°14-15.655),
- la dispense d'envoi d'une lettre de mise en demeure préalable constitue une clause abusive, en ce que les emprunteurs n'ont pas dispensé expressément la banque de son obligation de les mettre en demeure, la Cour de cassation a sur une problématique similaire saisi la CJUE d'une question préjudicielle à laquelle il n'a pas encore été répondu,
- la SMC ne justifie d'aucune mise en demeure préalable adressée aux débiteurs, les correspondances du 21 juin 2012 ne se rapportent pas au prêt litigieux mais à la dénonciation du compte courant, les courriers du 5 septembre 2012 constituent le prononcé de la déchéance du terme,
- les courriers de juin 2012 se rapportant à la dénonciation de la relation bancaire ne constituent pas une mise en demeure quant à l'issue du prêt, aucun défaut de règlement du prêt immobilier contacté n'étant dénoncé, aucune invitation à régulariser la situation ne leur étant ainsi transmise,
- la proposition de règlement échelonné formée le 14 octobre 2014 par monsieur X. seul, à l'exclusion de madame Y., ne peut pas porter atteinte à la substance des droits et obligations convenus avec cette dernière (Cass. com. 10 juillet 2007, n° 06-14.7658),
- l'absence de contestation du débiteur ne saurait couvrir l'irrégularité de la mise en œuvre de la déchéance du terme,
- le courrier du 30 août 2018 permet de considérer que la déchéance du terme dont se prévaut la banque est bien celle du 05 septembre 2012,
- l'exigibilité dont tente de se prévaloir la SMC se fondant sur le courrier du 30 août 2018 ne repose sur aucun accord contractuel,
- la CJUE dans une décision du 26 janvier 2017 affaire 421/14 a considéré que l'appréciation du caractère abusif de la mise en œuvre d'une clause de déchéance doit être effectuée par le juge national à l'aune notamment des critères suivants : le caractère essentiel de l'obligation inexécutée, la gravité de l'inexécution elle-même au regard de la durée et du montant du prêt,
- si l'obligation de respecter le règlement des échéances du prêt constitue une obligation essentielle, en revanche une seule échéance impayée sur un prêt de 700 000 euros sur 20 ans après six années d'exécution sans difficulté, porte à discussion sur la gravité de l'inexécution,
- une mise en demeure préalable eut suffi à résoudre la difficulté,
- le décompte des sommes réclamées est erroné,
- il est justifié d'un compromis de vente.
[*]
Dans ses conclusions enregistrées par RPVA le 4 janvier 2022 auxquelles il convient de se référer, le FCT Ornus, représenté par la société M. & Associés, venant aux droits de la SMC, demande à la cour, au visa des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, L. 311-2 et R. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, L. 218-2 du code de la consommation, des dispositions de la loi 2019-486 du 22 mai 2019, de :
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes à l'exception de celle relative à la vente amiable, sous réserve que cette dernière dans les délais de la loi, permette le paiement de l'intégralité de la créance du FCT Ornus venant aux droits de la SMC,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
-condamner ensemble les appelants à lui verser 6.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Le FCT Ornus expose pour l'essentiel que :
- la SMC a cédé les créances qu'elle détenait sur monsieur X. et madame Y. en vertu d'un bordereau de cession en date du 19 avril 2021 dont elle justifie,
- la société M. et associés en qualité de « recouvreur » peut déclarer la créance du fonds sans qu'il soit besoin d'un mandat spécial,
- l'information de cette désignation a été adressée par lettre simple et en recommandé aux emprunteurs le 31 mai 2021,
- il a remis l'historique des versements effectués par les débiteurs sur la période du 05 janvier 2012 au 5 mai 2020, dont il résulte qu'après le 5 septembre 2012 des règlements sont intervenus, de manière anarchiques et irrégulières,
- la clause tirée de l'article XV des conditions générales du contrat n'est nullement abusive, en ce qu'elle oblige le débiteur du prêt à rembourser ce dernier selon les modalités et la temporalité exactement prévues au contrat,
- plusieurs courriers ont été adressés à chacun des emprunteurs, le 21 juin 2012, le 5 septembre 2012,
- la déchéance du terme a formellement été prononcée le 5 septembre 2012, sans contestation des débiteurs, sachant que monsieur X. a toujours géré le prêt pour le compte de madame Y., se trouvant porteur d'un mandat tacite en application duquel il a effectué volontairement un accord de règlement des paiements, profitant également à madame Y.,
- monsieur X. a proposé le 14 octobre 2014 un règlement échelonné, consistant en un paiement de 4.500 euros par mois à valoir sur l'amortissement du total des sommes dues après le prononcé de la déchéance du terme, qui a été exécuté pendant un temps et de manière irrégulière postérieurement au 30 août 2018,
- la SMC a adressé à chacun des débiteurs le 30 août 2018, une lettre de mise en demeure, leur indiquant qu'à défaut de respecter les conditions fixées, l'accord de règlement pris deviendrait caduc,
- le point de départ du délai de deux ans pour agir en recouvrement à l'encontre du débiteur est en l'espèce la lettre de mise en demeure du 30 août 2018, de sorte que la créance de la concluante n'est pas prescrite,
- elle ne s'oppose pas à la vente amiable sous réserve que le prix de vente permette le paiement de l'ensemble de sa créance,
- elle s'approprie l'intégralité de la motivation retenue par le tribunal dont le jugement est déféré.
[*]
Dans ses conclusions enregistrées par RPVA le 28 mai et le 10 août 2021 auxquelles il convient de se référer, la société BNP Paribas, demande à la cour, en sa qualité de créancier inscrit :
-statuer ce que de droit sur les contestations et les objections opposées par les débiteurs saisis à l'égard du créancier poursuivant,
-condamner tout succombant aux dépens et à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
[*]
Dans ses conclusions enregistrées par RPVA le 17 décembre 2021 auxquelles il convient de se référer, la caisse autonome de retraite des médecins de France, sollicite, en sa qualité de créancier inscrit de :
- statuer ce que de droit sur les contestations et les objections opposées par les débiteurs saisis à l'égard du créancier poursuivant,
- condamner tout succombant aux dépens et à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
[*]
Le Trésor public de Saint-Tropez, régulièrement cité à personne habilitée, n'a pas conclu.
[*]
A l'audience la cour sollicite le justificatif de la signification du jugement de première instance et au visa de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution les conclusions des parties signifiées devant le juge de l'orientation de Draguignan, pièces qui lui ont été transmises par les appelants par RPVA le 10 janvier 2022.
La caisse autonome de retraite des médecins de France et la banque BNP Paribas exposent, par courrier transmis le 14 et le 18 janvier 2022, s'en être tenues en première instance à une déclaration de créance.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
* Sur le défaut de qualité à agir du FCT Ornus :
Les appelants font grief au FCT Ornus de ne justifier ni de sa qualité juridique, ni de celle de son mandataire supposé, ni du bordereau de cession de créances par lequel il viendrait désormais aux droits de la SMC.
Cependant le FCT Ornus verse aux débats une copie de l'acte de cession de créances par lequel la SMC lui a cédé, le 19 avril 2021, 653 créances formant un portefeuille d'une valeur nominale totale de 40.121.853.46 euros, dont celle détenue sur monsieur X. et madame Y., désignée et individualisée par le bordereau de cession de créances joint comportant la référence du dossier, le nom des intéressés et la référence de la créance.
Il n'est pas contesté que le FCT Ornus n'a pas la personnalité morale et qu'il est représenté vis à vis des tiers par la société E.
Or la société E., conformément aux dispositions de l'article 214-172 alinéa 6 du code monétaire et financier, a, par lettre du 19 avril 2021, désigné la société M., entité tierce, pour la représenter dans toutes actions en justices liées à la gestion et au recouvrement de l'actif.
Ainsi la société M. peut déclarer la créance du fonds sans devoir justifier d'un mandat spécial.
Enfin, monsieur X. et madame Y. ont été informés de cette désignation par courriers recommandés et lettre simple en date du 31 mai 2021.
Il s'ensuit que les appelants seront déboutés de leur fin de non-recevoir.
* Sur le caractère abusif de la clause de déchéance du terme :
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable au litige, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il n'est pas contesté la qualité de consommateur de monsieur X. et de madame Y. dans leurs relations contractuelles avec la banque.
Les appelants font valoir qu'il résulte de l'article XV des conditions générales du contrat un déséquilibre significatif à leur détriment, tiré du fait qu'une déchéance peut être prononcée par la banque sans que le cocontractant soit au préalable amené à pouvoir s'expliquer, sans que la réciproque soit possible, sans considérations pour les explications ou justifications éventuelles de l'emprunteur.
Ils en concluent que la clause de déchéance du terme insérée dans le contrat de prêt constitue une clause abusive, qui devra être jugée réputée non écrite, que l'exigibilité anticipée qui seule rendrait effectivement exigible la créance de la banque, se trouve donc sans effet et par voie de conséquence la créance inexigible.
Le FCT, qui ne conteste pas les conséquences sur l'exigibilité du prêt du caractère abusif d'une clause de déchéance du terme, indique que celle insérée au contrat litigieux n'en présente aucune des caractéristiques, puisqu'elle oblige simplement le débiteur du prêt à rembourser selon les modalités et la temporalité exactement prévues au contrat.
L'article XV des conditions générales du contrat, dénommé « cas d'exigibilité anticipé du prêt », est ainsi rédigé : « Il est expressément stipulé que le remboursement total du prêt en principal, intérêts échus non payés et commissions non réglées à leur échéance, sera immédiatement et de plein droit exigible par anticipation, si bon semble à la banque, même si le crédit n'a pas été entièrement utilisé, sans autre formalité qu'un simple avis par lettre recommandée adressée à l'emprunteur », notamment « à défaut de paiement, d'une seule échéance à bonne date, ou de frais quelconques avancés par la banque pour la conservation de sa créance ou de ses garanties ».
Il résulte de cette clause, la possibilité pour la banque, en cas d'un seul manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser à date fixe les échéances du prêt, de prononcer la déchéance du terme et d'exiger ainsi le remboursement anticipé du prêt, sans nécessité de mettre préalablement en demeure les débiteurs de régulariser la situation d'impayés.
Il est exact qu'une jurisprudence constante admet, qu'il puisse être dérogée à l'exigence d'une mise en demeure par une disposition expresse et non équivoque du contrat, dès lors que le consommateur est ainsi informé des conséquences de la méconnaissance de ses obligations, sans qu'il soit nécessaire, comme le soutiennent les appelants, que les emprunteurs dispensent expressément la banque de son obligation de les mettre en demeure, ni que l'établissement de crédit rappelle la possibilité offerte à l'emprunteur de contester l'application de la clause et de faire sanctionner un abus dans son prononcé par le prêteur.
Ainsi l'article XV précité constitue une dispense conventionnelle expresse et non équivoque de mise en demeure.
Cependant, par un arrêt du 16 juin 2021, rappelant les dispositions de l'article 3 paragraphe 1 et de l'article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la première chambre civile de la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles lui demandant notamment si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent, dans les contrats conclus avec les consommateurs, à une dispense conventionnelle de mise en demeure, même si elle est prévue de manière expresse et non équivoque au contrat.
Suivant la réponse à cette question, il pourrait ainsi être retenu le caractère abusif de la clause litigieuse.
Le FCT Ornus conteste toutefois l'absence de mise en demeure, faisant valoir qu'avant le prononcé de la déchéance du terme, dont la date au 5 septembre 2012 ne fait pas débat, plusieurs lettres, simples et en recommandées, ont été adressées le 21 juin 2012 à chacun des emprunteurs.
Ces correspondances dénoncent de façon générale la relation bancaire établie jusqu'alors entre la SMC et les époux X. et avertissent expressément ces derniers de la dénonciation de leur compte courant après l'expiration du délai de préavis de soixante jours, sans faire état de la volonté de la banque de faire jouer la clause XV susvisée du contrat de prêt.
C'est à tort que le FCT Ornus à l'instar du jugement entrepris, dont il s'approprie la motivation en déduit que ces lettres constituent une mise en demeure suffisamment explicite ayant permis à la banque à l'issue du préavis, de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt immobilier.
En effet, la mise en demeure doit offrir une possibilité à l'emprunteur de régulariser la situation, en remboursant la ou les échéances impayées, et ainsi lui délivrer à la fois une information sur le montant des sommes dues, et sur le délai pour s'en acquitter, de manière justement à éviter le prononcé de la déchéance du terme, et précisément sur le contrat en cause.
Or les courriers précités ne dénoncent pas expressément un défaut de règlement du prêt immobilier contracté par les époux X., ne les invite pas à régulariser le ou les échéances impayées et donc ne constituent pas des courriers de mise en demeure préalable à la déchéance du terme dont l'objectif est d'offrir aux emprunteurs une information et un délai pour y faire obstacle.
Au contraire, dans les courriers du 05 septembre 2012, la SMC indique expressément qu'elle fait jouer la clause d'exigibilité anticipée et sollicite, en raison de l'inexécution par les emprunteurs des obligations relatives au prêt immobilier qui leur a été consenti, le paiement de la somme de 521.923.59 euros au titre du capital restant dû et celle de 6.192,18 euros au titre des impayés, outre intérêts. La banque met en demeure les destinataires de lui adresser le règlement de ces sommes, sous huitaine, ou des propositions de remboursement accompagnés d'un acompte substantiel. Elle informe les intéressés qu'à défaut elle se verra contrainte de poursuivre en justice le recouvrement de la créance.
La banque a donc prononcé le 5 septembre 2012 la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable, comme l'y autorisait de manière expresse et non équivoque l'article XV des conditions générales du contrat, clause qui pourrait cependant, selon la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question précitée, être considérée comme abusive.
Les dispositions sur les clauses abusives sont d'ordre public, de sorte que l'absence de contestation de la déchéance par les débiteurs, et la proposition de règlement échelonné adressée au mois d'octobre 2014 par l'un d'eux ne peuvent valoir renoncement au bénéfice de leur application.
La réponse qui sera donnée par la Cour de justice de l'Union européenne est donc de nature à être décisive pour l'issue du litige, la présente cour se doit, dans une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer, dans cette attente.
Les dépens seront réservés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant, après en avoir délibéré, par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE monsieur X. et madame Y. de leur fin de non-recevoir,
Avant dire droit, par mesure d'administration judiciaire, non susceptible de recours,
SURSOIT À STATUER sur l'ensemble des autres demandes des parties jusqu'à la réponse de la Cour de justice de l'Union Européenne à la question préjudicielle soumise par la Cour de cassation dans son arrêt du 16 juin 2021 n° 20-12154,
INVITE la partie la plus diligente à informer la cour de l'avis obtenu,
Dans l'attente, à défaut d'évolution avant le 31 décembre 2022,
DIT qu'il sera procédé à la radiation du dossier,
DIT que l'affaire sera ensuite rétablie sur simple justification de cet avis et sur demande de la partie la plus diligente,
RÉSERVE les dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 6622 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Griefs généraux