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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 3 mars 2022

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 3 mars 2022
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 19/08529
Décision : 2022/85
Date : 3/03/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/05/2019
Numéro de la décision : 85
Référence bibliographique : 5889 (221-3 C. consom.)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9450

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 3 mars 2022 : RG n° 19/08529 ; arrêt n° 2022/85

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le contrat conclu entre les parties entre, à l'évidence, dans le champ de l'activité professionnelle principale de la société Sayydat Al Qamar, laquelle ne peut se prévaloir, en conséquence, des dispositions du code de la consommation, ce dont il résulte que le jugement sera confirmé sur ce point. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 3 MARS 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt n° 2022/85. Rôle N° RG 19/08529. N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKSQ. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 4 avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 2018/02338.

 

APPELANTE :

Société SAYYDAT AL QAMAR LLC

Société de droit omanais, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [...], représentée par Maître Romain C. de la SELARL LEXAVOUE B. C. I., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉE :

Société MULTI-WELL'

représentée par son dirigeant, dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Antoine W. de l'AARPI MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Marion T., avocat au barreau de MARSEILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre, et Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente de chambre, magistrat rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de : Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseillère.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 3 mars 2022.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 3 mars 2022. Signé par Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure, prétentions des parties :

La SARL Multi-Well', immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 31 août 2001 située à [ville L.], est spécialisée dans la fabrication, importation, exportation, vente de matériel médical et de remise en forme, ainsi que tous produits et matériels liés à l'hygiène corporelle.

La société Sayydat Al Qamar LLC, société de droit omanais, est spécialisée dans la vente des produits médicaux et cosmétiques. Elle est propriétaire d'un fonds de commerce de soins pour femmes situé à [ville A.] au sultanat d'Oman.

Pendant plusieurs années, la société Sayydat Al Qamar a commandé des machines et accessoires, auprès de la société Madi International, concessionnaire à Dubaï de la société Multi-Well', puis, à partir du 17 avril 2016, elle a traité directement avec la société Multi-Well.

Le 5 juin 2017, la société Sayydat Al Qamar a adressé à la société Multi-Well' un colis contenant deux machines Luminence aux fins de réparation. Elle a également commandé un accessoire dénommé « Handpiece ».

Le 20 juillet 2017, la société Sayydat Al Qamar a procédé au paiement de deux factures pour la somme de 12.234,00 euros.

Une fois réparées et mises à jour, les machines ont été réexpédiées des ateliers de la société Multi-Well', les 7 et 8 novembre 2017. Elles ont été réceptionnées par le transporteur les 8 et 9 novembre 2017, pour être ensuite acheminées sur le territoire d'Oman par avion.

Par exploit d'huissier du 27 avril 2018, la société Sayydat Al Qamar a fait assigner la SARL Multi Well' aux fins de mise en œuvre de sa responsabilité et d'indemnisation de ses préjudices.

*

Vu le jugement en date du 4 avril 2019 par lequel le tribunal de commerce de Salon-de-Provence a :

- condamné la société Multi-Well' (SARL) à payer à la société Sayydat Al Qamar LLC la somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêt pour non-respect des délais contractuels,

- débouté la société Sayydat Al Qamar LLC de ses autres demandes,

- condamné la société Multi-Well' (SARL) à payer à la société Sayydat Al Qamar LLC la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné la société Multi-Well' (SARL) en tous les dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 63,36 euros dont TVA 10,56 euros ;

Vu l'appel relevé le 24 mai 2019 par la société Sayydat Al Qamar LLC ;

[*]

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 6 juillet 2020, par lesquelles la société Sayydat Al Qamar LLC demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil

Vu les dispositions du code de la consommation

- déclarer redevables ses demandes,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la société Multi-Well' n'a pas respecté ses obligations contractuelles en retardant d'une façon dilatoire son obligation de restituer les machines à la société Sayydat Al Qamar,

- réformer le jugement critiqué et de dire et juger que les dispositions du code de la consommation s'appliquent au présent litige,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Multi-Well' seulement au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des préjudice subis,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a refusé de lui accorder une réparation au titre de préjudice moral,

- dire et juger que la société Multi-Well' n'a pas respecté ses obligations d'information,

- dire et juger que la société Multi-Well' n'a pas respecté son obligation de résultat tendant à restituer les machines en état conforme à leur usage habituel,

- dire et juger que ces comportements ont causé un préjudice matériel et moral,

- condamner la société Multi-Well' à lui payer la somme de 118.505,07 euros à titre de réparation du préjudice matériel,

- condamner la société Multi-Well' à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Multi-Well' à lui payer la somme de 8.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Multi-Well' aux entiers dépens dont distraction ;

[*]

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 8 octobre 2020, par lesquelles la société Multi-Well' demande à la cour de :

Vu l'article préliminaire du code de la consommation ;

Vu l'article L. 121-16-1, III du code la consommation ;

A titre principal :

- débouter la société Sayydat Al Qamar de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tendant à la condamnation de la société Multi-Well' au paiement de la somme de 118.505,07 euros réclamée à titre de préjudice matériel,

- dire et juger la société Sayydat Al Qamar parfaitement infondée dans ses demandes,

- dire et juger qu'elle n'a pas commis aucun manquement professionnel à l'égard de la société Sayydat Al Qamar,

- dire et juger qu'elle a respecté son obligation de restitution des machines en état de fonctionnement,

- dire et juger qu'elle a observé les obligations d'information qui lui incombait,

- dire et juger que la société Sayydat Al Qamar n'a pas subi de préjudice moral,

- débouter la société de Sayydat Al Qamar l'ensemble de ses demandes tendant à la condamnation de la société Multi-Well' au paiement de la somme de 50.000 euros réclamée à titre de préjudice moral,

- dire et juger que la société Sayydat Al Qamar n'a subi aucun préjudice matériel,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Sayydat Al Qamar 5.000 euros de dommage et intérêts pour non-respect des délais contractuelles et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société Sayydat Al Qamar de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Sayydat Al Qamar à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Sayydat Al Qamar aux entiers dépens ;

[*]

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 octobre 2021 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

A titre liminaire, il convient de relever que la quasi-totalité des pièces produites par les parties sont en langue anglaise, non traduites, difficilement ou non exploitables.

La société Sayydat Al Qamar invoque la violation de la SARL Multi Well' à son obligation d'information, car cette dernière n'a pas communiqué de rapport technique de nature à démontrer l'état réel des machines, avant de procéder à leur réparation, et ne l'a pas informée sur les garanties applicables en matière de réparation et de service après-vente. Elle fait valoir qu'elle est un simple prestataire de services en matière de beauté et que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables. Elle se prévaut des dispositions des articles L. 111-1 et L. 212-2 du code de la consommation.

L'intimée objecte que les dispositions du code de la consommation ne peuvent s'appliquer dès lors que la société Sayydat Al Qamar ne saurait être considérée comme un consommateur ou un non-professionnel, qu'aucun contrat de maintenance n'a été conclu entre les parties et qu'elle a, pour sa part, assurer un service après-vente, alors même que la machine n'était couverte par aucune garantie. Elle précise que les parties ont agi dans le cadre de leur activité professionnelle principale respective, et non en dehors de ce cadre. Elle fait valoir que la société Sayydat Al Qamar ne peut s'ériger créancière d'une obligation d'information qui découlerait de l'achat d'une machine, et non d'une intervention de maintenance. Elle soutient que la société Sayydat Al Qamar a été parfaitement informée et qu'elle n'a pas imposé la réalisation de réparations. Elle ajoute que l'article L. 212-2 du code de la consommation renvoie aux clauses abusives entre professionnels et consommateurs, lesquelles ne peuvent créer de déséquilibre significatif entre les parties, et n'impose aucunement une obligation d'information sur les garanties applicables en matière de réparation et de service après-vente.

[*]

Le contrat conclu entre les parties entre, à l'évidence, dans le champ de l'activité professionnelle principale de la société Sayydat Al Qamar, laquelle ne peut se prévaloir, en conséquence, des dispositions du code de la consommation, ce dont il résulte que le jugement sera confirmé sur ce point.

L'appelante conclut à la confirmation du jugement s'agissant du retard de la SARL Multi Well' à restituer les machines, tandis que l'intimée conteste tout manquement à cet égard.

Dans son courrier recommandé avec accusé réception, adressé le 22 novembre 2017, la SARL Multi Well' reconnaît avoir reçu les machines le 12 juin 2017, lesquelles ont été réparées puis expédiées et remises au transporteur les 7 et 8 novembre 2017, ce qui représente un délai de quasiment cinq mois. D'autres documents confirment cette expédition.

Dans ses écritures, l'intimée précise que le diagnostic technique a été communiqué le 18 juillet 2017 à la société Sayydat Al Qamar, laquelle a procédé au paiement par virement bancaire le 20 juillet 2017. Les factures Proforma en date du 18 juillet 2017 indiquent un délai de six à huit semaines pour la réparation Manufacturing Time 6/8 weeks form downpayment. L'intimée ne saurait utilement se retrancher derrière des aléas, tels que la réception des pièces détachées et la finalisation des réparations, qui ne ressortent d'aucun élément objectif. Les courriels échangés entre les parties, notamment aux mois de septembre et octobre 2017, corroborent la problématique du retard dans la restitution des machines et les réclamations de la société Sayydat Al Qamar.

C'est donc, à juste titre, que le tribunal de commerce a retenu que la SARL Multi Well' n'a pas respecté ses obligations en termes de délais, sans justifier de causes extérieures.

L'appelante argue, ensuite, du non-respect du réparateur à son obligation de résultat, en l'occurrence restituer les machines en bon état et réparées selon les attentes du client. Elle allègue du rapport, établi par M. X., dont elle fournit une traduction libre.

L'intimée réplique que les machines ont été restituées en parfaite conformité et en parfait état de fonctionnement. Elle souligne qu'elle a assuré la maintenance, à titre commercial, alors que le matériel n'était pas couvert par la garantie. Elle invoque l'incapacité de la société Sayydat Al Qamar à se servir des machines et l'absence d'imputabilité en ce qui la concerne. Elle conteste que le rapport, non contradictoire et non probant, réalisé par M. X..

En l'espèce, le rapport lapidaire, établi à l'en-tête de Madi International qui n'est autre que l'ancien fournisseur de l'appelante, a été établi non contradictoirement par M. X. Technical Department. Il n'est pas étayé par d'autres éléments et ne permet pas d'établir une quelconque imputabilité à la SARL Multi Well' concernant des non-conformités. Le grief ne saurait, par suite, être retenu.

L'appelante invoque un préjudice financier d'un montant de 118.505,07 euros décomposé comme suit : remboursements clients : 70.532,58 euros, frais de réparation 25.399,99 euros, frais d'achat de nouvelles machines 22.649,46 euros.

Cependant, le rapport rédigé en langue anglaise et inexploitable de la société Expérience House for Auditing est inopérant pour justifier ces prétentions, de même que le tableau annexé qui fait apparaître des noms, des numéros de chèques, des montants remboursés et des dates, et ce d'autant plus que la responsabilité de l'intimée a été écartée du chef des non-conformités alléguées et que le lien de causalité n'est pas démontré, comme l'observe l'intimée.

Le seul préjudice indemnisable est lié au retard, imputable à l'intimée, dans la restitution des machines, qui a privé la société Sayydat Al Qamar de l'exploitation commerciale de ce matériel, en sorte que le jugement sera confirmé sur l'octroi, à son profit, de la somme de 5.000 euros.

Par ailleurs, la réclamation de l'appelante à hauteur de 50.000 euros au titre de son préjudice moral, en raison de prétendus remboursements à des clients et d'une réputation mise à mal, et contestée par l'intimée, ne s'appuie sur aucun élément probant et, de plus fort, en relation causale avec des manquements avérés de la SARL Multi Well', ce dont il résulte que le jugement sera confirmé sur le rejet de la demande.

L'équité commande de confirmer la décision entreprise sur les frais irrépétibles de première instance et d'allouer à l'intimée une somme complémentaire au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés pour faire valoir sa défense devant la cour.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Sayydat Al Qamar LLC à verser à la SARL Multi Well' la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Sayydat Al Qamar LLC aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE                             LA PRÉSIDENTE