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CA POITIERS (2e ch. civ.), 22 février 2022

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 22 février 2022
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 20/01556
Décision : 22/117
Date : 22/02/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/07/2020
Numéro de la décision : 117
Référence bibliographique : 6622 (crédit, clause de déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9475

CA POITIERS (2e ch. civ.), 22 février 2022 : RG n° 20/01556 ; arrêt n° 117 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En l'espèce et à titre liminaire, la cour relève que les dispositions applicables au présent litige sont les règles légales contenues au code civil et non pas celles invoquées du code de la consommation, notamment, en son article L. 132-1 devenu l'article L. 212-1, en ce que ces derniers concernent les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels et consommateurs, le prêt dont s'agit ayant été en effet souscrit par une société civile immobilière pour les besoins de son objet social.

La clause résolutoire contenues aux conditions générales de l'acte, en page 8, sur laquelle s'est fondé la banque est ainsi rédigée ;

« Article 14 : Exigibilité anticipée : l'emprunteur sera déchu du terme et la somme prêtée en principal et intérêts ainsi que toutes sommes dues au prêteur à quelque titre que ce soit deviendront immédiatement exigibles sans sommation, mise en demeure ou formalité judiciaire préalable, si bon semble au prêteur, quinze jours après envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les cas suivants :

- défaut de paiement exact à bonne date d'une seule échéance ou d'une somme quelconque due par l'emprunteur. - [...] »

La cour relève que l'obligation dont se prévaut le prêteur pour prononcer la résiliation de la convention de prêt, à savoir, le paiement à bonne date d'une seule échéance est déterminée et fait la loi des parties dès lors que cette clause de déchéance est une possibilité qui ressort d'une stipulation expresse et non équivoque du contrat et que les emprunteurs ont signé ledit contrat en connaissance de cause.

En outre, contrairement à ce qu'indiquent les appelants, la cour observe que la lettre adressée à l'emprunteur le 6 mai 2019, est bien une mise en demeure comme l'indique son objet et ne vaut déchéance du terme que dans l'hypothèse où le délai de préavis de quinze jours qu'elle contient n'est pas respecté, de sorte que l'emprunteur peut y faire obstacle.

Enfin, il ressort du contrat dans lequel est insérés la clause que l'emprunteur peut remédier à ses effets en recourant au juge de sorte que l'inexécution de l'obligation à paiement, obligation essentielle et déterminante du contrat, n'est pas irrémédiable. Partant, cette clause est valide.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de débouter les appelants de leur demande visant à faire déclarer abusive la clause de déchéance du terme contenue au contrat de prêt accepté le 15 octobre 2012 et toutes les demandes qui en découlent, en ce compris les demandes indemnitaires. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01556. Arrêt n° 117. N° Portalis DBV5-V-B7E-GBMW. Décision déférée à la Cour : jugement du 2 juin 2020 rendu(e) par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE.

 

APPELANTES :

Madame X.

née le [date] à [ville], [...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Paul-Henri B., avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

SCI GRAZIELO

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social, [...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Paul-Henri B., avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

[...], [...], Défaillant

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE AQUITAINE POITOU-CHARENTES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Anne DE C. de la SCP D.-C., avocat au barreau de POITIERS.

 

PARTIE INTERVENANTE :

Maître Laurent H., en qualité de liquidateur Judiciaire de la SCI GARZIELO

[...], [...], Désigné en Intervention Forcée, Défaillant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Monsieur Fabrice VETU, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller, Monsieur Fabrice VETU, Conseiller.

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT : - REPUTÉ CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI GRAZELIO, ayant pour associés Monsieur Y. et Madame X., son épouse, a été créée au cours de l'année 2011, dans la perspective de l'acquisition d'un bien immobilier, correspondant à un manoir sur une propriété de plus d'un hectare, située [...].

Cette acquisition a été financée par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou (la Caisse d'Epargne), au moyen de deux prêts n° 89XX851 et 89YY82, consentis à la SCI GRAZELIO au mois de décembre 2011.

Par acte sous seing privé en date du 15 octobre 2012, la Caisse d'Epargne a également consenti un troisième prêt à la SCI GRAZELIO, à hauteur d'un montant de 71.452,86 € sur dix ans, hors période de préfinancement, en vue du financement de travaux de réparation, amélioration, entretien. Ce prêt dénommé PH PRIMO, n° 91ZZ950, a été consenti moyennant intérêts au taux contractuel de 3,20 % l'an et était remboursable en 120 mensualités de 732,29 €, assurance incluse.

En garantie de ce concours, la Caisse d'Epargne s'est vue consentir le cautionnement solidaire des deux associés de la SCI GRAZELIO, M. Y. et Mme X., alors son épouse.

Chacune des deux cautions s'est ainsi engagée à garantir les obligations de la SCI GRAZELIO, dans la limite de la somme de 92.888,72 € chacune.

L'immeuble financé fin 2011 par la Caisse d'Epargne a été revendu par la SCI GRAZELIO, suivant acte du 6 juin 2017. A cette occasion, cette société a procédé au remboursement anticipé des deux prêts hypothécaires n°89XX851 et n°89YY82.

Le prêt PH PRIMO n° 91ZZ950 consenti le 15 octobre 2012 n'a pas fait l'objet d'un tel remboursement et, après difficultés de paiement survenues au mois de mars 2019, la banque a adressé une mise en demeure le 6 mai 2019 d'avoir à régulariser, sous quinzaine, les trois échéances alors impayées entre le 5 mars et le 5 mai 2019, à hauteur de 2.265,02 €. Il a été indiqué qu'à défaut de régularisation, il serait prononcé la déchéance du terme.

La banque s'est prévalue de la déchéance du terme à l'égard de la SCI GRAZELIO le 19 juin 2019, laquelle a été mise en demeure d'avoir à régler à la Caisse d'Epargne la somme de 38.818,34 € et une mise en demeure a été également adressée aux cautions.

Par actes d'huissier délivrés les 9 et 17 septembre 2019, la Caisse d'Epargne a assigné la SCI GRAZIELO, M. Y. et Mme X. devant le tribunal de grande instance de La Rochelle pour les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 38.933,98 € avec intérêts conventionnels de 3,20 % à compter du 24 juillet 2019 sur le principal de 37.629,21 €, avec capitalisation des intérêts dus par année entière, outre 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, le tout, sous bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement réputé contradictoire du 2 juin 2020, la juridiction saisie a :

- Condamné la SCI GRAZIELO, Monsieur Y. et Madame X. à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes, la somme de 38.933,98 € (trente huit mille neuf cent trente trois euros et quatre vingt dix huit centimes) avec intérêts au taux conventionnel de 3,20 % sur le capital de 37.629,21 € à compter du 25 juillet 2019 et au taux légal sur 1120,45 € à compter du 9 septembre 2019 ;

- Dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du 9 septembre 2019 produiront eux-mêmes intérêts ;

- Débouté la partie demanderesse du surplus de ses prétentions ;

- Condamné in solidum la SCI GRAZIELO, Monsieur Y. et Madame X. aux dépens de l'instance et à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement

Par déclaration en date du 29 juillet 2020, Mme X. et la SCI GRAZIELO ont formé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués en intimant M. Y. et le prêteur.

Selon jugement du 26 novembre 2020 du tribunal judiciaire d'Angoulême, la SCI GRAZELIO a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée et Maître H. a été nommé liquidateur judiciaire.

Par ordonnance du 6 avril 2021, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance en application des dispositions de l'article 369 du Code de procédure civile et invité les parties à régulariser par intervention volontaire ou forcée du mandataire liquidateur.

Par acte en date du 19 avril 2021, délivrée par la Caisse d'Epargne, Maître H., ès qualité, a été attrait en la cause. Par courrier daté du 21 avril 2019, le mandataire liquidateur a informé le président de la chambre commerciale que le dossier était totalement impécunieux et qu'il ne disposait d'aucun fonds permettant sa présence ou sa représentation.

[*]

Dans leurs dernières conclusions RPVA du 18 octobre 2021, Mme X. et la SCI GRAZIELO sollicitent de la cour de :

- Réformer l'entier jugement sauf en ce qu'il a débouté la Caisse d'Epargne du surplus de ses prétentions,

- Constater l'absence de justificatif de la déchéance du terme pour les deux prêts en litige,

- Ordonner, par voie de conséquence, la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir sur la seule base des intérêts légaux, à compter de la prétendue déchéance du terme, avec ré-imputation sur le nouvel échéancier de l'ensemble des règlements effectués par elle, tant à titre personnel qu'au nom et pour le compte de la SCI depuis la date de l'acte de prêt à ce jour, et ce, pour les deux prêts en litige,

- Dire et juger que la banque ne peut réclamer et solliciter quelques intérêts dits intercalaire entre la prétendue déchéance du terme et la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir, et ce, pour les deux prêts en litige,

- Débouter la Caisse d'Epargne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris celles du chef de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner en tant que de besoin la Caisse d'Epargne à lui payer, tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la SCI, des dommages et intérêts ne pouvant être inférieurs aux intérêts générés pendant la période en litige, et fixés forfaitairement à 10.000,00 € pour chaque prêt, et ce, pour les deux prêts,

- Condamner la Caisse d'Epargne à payer à lui payer, tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la SCI, des dommages et intérêts de 30.000,00 € au titre de la déchéance du terme fautive,

- Condamner en tant que de besoin la Caisse d'Epargne à payer à Madame X., tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte de la SCI, la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

[*]

Par conclusions RPVA du 19 octobre 2021, la Caisse d'Epargne sollicite de la cour, au visa des dispositions des articles 1134 (désormais 1103), 1154 (désormais 1343-2), 1857, 2288 et 2298 du Code civil, 564, 700, 908 et 910-4 du Code de procédure civile, de :

- Confirmer, le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE le 2 juin 2020, sauf à tenir compte des effets de la liquidation judiciaire de la SCI GRAZELIO,

- Débouter la SCI GRAZELIO et Madame X. de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- Déclarer la demande formée pour la première fois dans les écritures signifiées par les appelants le 18 octobre 2021, et tendant à la condamnation de la Caisse d'Epargne à verser une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts à Madame X., irrecevable sur le fondement des articles 910-4 et 908 du Code de Procédure Civile, ou à défaut l'en débouter comme étant infondée,

En conséquence,

- Fixer les créances de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SCI GRAZELIO, à hauteur de 42.516,53€ outre intérêt au taux de 3,20% sur la somme de 37.629,21 € due en principal à compter du 25 novembre 2020, à titre chirographaire.

Et ajoutant au jugement,

- Condamner Madame X., en sa qualité d'associée, au paiement de la somme de 42.516,53 € outre intérêt au taux de 3,20% sur la somme de 37.629,21 € due en principal à compter du 25 novembre 2020, à titre chirographaire,

- Condamner in solidum Maître Laurent H., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI GRAZELIO et Madame X. à lui payer la somme de 3.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

M. Y. et Maître H., ès qualité, n'ont pas constitué.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, prétention et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 02 novembre 2021 pour être plaidée le 16 suivant et mise en délibéré au 25 janvier 2022 puis prorogée à ce jour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

Il n'existe aucune contestation sur la recevabilité de l'appel ni de cause d'irrecevabilité susceptible d'être relevée d'office par la cour.

L'appel doit donc être déclaré recevable.

 

Sur la validité de la déchéance du terme :

Ainsi, l'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1124 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1225 précise que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat ; la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

Enfin, il y a lieu de noter que l'article 1163 du Code civil dispose que l'« obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire ».

Les appelants soutiennent qu'il ne peut valablement être prévu dans les clauses du contrat l'exigibilité immédiate des prêts mis à exécution dès lors que l'article L. 132-1 du Code de la consommation répute non écrite la clause abusive d'exigibilité immédiate.

Ils indiquent que le caractère réputé non-écrit d'une telle clause existe également par application du droit commun dès lors que la première chambre de la Cour de cassation, le 03 juin 2015, a indiqué que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Ils soulignent encore qu'il est parfaitement loisible de considérer que commet un abus de droit la banque qui notifie la déchéance du terme d'un prêt à un débiteur de bonne foi sans avertissement préalable. Selon eux, cette dernière affirmation est d'autant plus vrai qu'il appartient à l'établissement bancaire de justifier qu'il a procédé à la déchéance du terme du prêt non seulement dans les conditions prévues par l'acte qui n'est pas fourni aux débats, mais également conformément au Code des assurances puisqu'à tout le moins les cotisations d'assurance, accessoire obligatoire du prêt bancaire, doit faire l'objet d'une procédure de résiliation spécifique.

A cet égard, ils entendent se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-20 du Code des assurances qui imposent l'envoi d'une lettre recommandée par laquelle l'emprunteur est informé qu'à l'expiration d'un délai de quarante jours à dater de l'envoi de cette lettre, le défaut de paiement, entraînera la résiliation du contrat.

La Caisse d'Epargne réplique que, comme elle l'a indiqué préalablement devant le tribunal judiciaire de La Rochelle, la SCI GRAZELIO s'étant montrée défaillante dans le remboursement de l'emprunt, à compter du mois de mars 2019, elle lui a bien adressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 6 mai 2019, une mise en demeure d'avoir à régulariser, sous quinzaine, les trois échéances alors impayées entre le 5 mars et le 5 mai 2019, à hauteur de 2.265,02 €.

Le prêteur précise que ladite mise en demeure visait la faculté, pour l'établissement prêteur, de se prévaloir de la déchéance du terme à défaut de règlement dans le délai imparti, conformément aux prévisions contractuelles et que les cautions ont été destinataires de mise en demeure, déchéance du terme et avis identiques.

Toujours dans ce cadre, le prêteur indique que l'article L. 132-20 du Code des assurances est applicable aux entreprises d'assurance ou de capitalisation comme l'indique son alinéa premier et ne peut lui être opposée, ce d'autant qu'il ne s'est jamais prévalu d'une résiliation d'assurance pour non-paiement des primes.

En l'espèce et à titre liminaire, la cour relève que les dispositions applicables au présent litige sont les règles légales contenues au code civil et non pas celles invoquées du code de la consommation, notamment, en son article L. 132-1 devenu l'article L. 212-1, en ce que ces derniers concernent les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels et consommateurs, le prêt dont s'agit ayant été en effet souscrit par une société civile immobilière pour les besoins de son objet social.

La clause résolutoire contenues aux conditions générales de l'acte, en page 8, sur laquelle s'est fondé la banque est ainsi rédigée ;

« Article 14 : Exigibilité anticipée :

l'emprunteur sera déchu du terme et la somme prêtée en principal et intérêts ainsi que toutes sommes dues au prêteur à quelque titre que ce soit deviendront immédiatement exigibles sans sommation, mise en demeure ou formalité judiciaire préalable, si bon semble au prêteur, quinze jours après envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les cas suivants :

- défaut de paiement exact à bonne date d'une seule échéance ou d'une somme quelconque due par l'emprunteur.

- [...] »

La cour relève que l'obligation dont se prévaut le prêteur pour prononcer la résiliation de la convention de prêt, à savoir, le paiement à bonne date d'une seule échéance est déterminée et fait la loi des parties dès lors que cette clause de déchéance est une possibilité qui ressort d'une stipulation expresse et non équivoque du contrat et que les emprunteurs ont signé ledit contrat en connaissance de cause.

En outre, contrairement à ce qu'indiquent les appelants, la cour observe que la lettre adressée à l'emprunteur le 6 mai 2019, est bien une mise en demeure comme l'indique son objet et ne vaut déchéance du terme que dans l'hypothèse où le délai de préavis de quinze jours qu'elle contient n'est pas respecté, de sorte que l'emprunteur peut y faire obstacle.

Enfin, il ressort du contrat dans lequel est insérés la clause que l'emprunteur peut remédier à ses effets en recourant au juge de sorte que l'inexécution de l'obligation à paiement, obligation essentielle et déterminante du contrat, n'est pas irrémédiable. Partant, cette clause est valide.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de débouter les appelants de leur demande visant à faire déclarer abusive la clause de déchéance du terme contenue au contrat de prêt accepté le 15 octobre 2012 et toutes les demandes qui en découlent, en ce compris les demandes indemnitaires.

 

Sur les sommes réclamées par le prêteur :

L'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause et dont les dispositions ont été reprises à l'article 1103 du même code, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il est établi que les obligations qu'elles contiennent ne peuvent s'éteindre que pour les causes que la loi autorise.

L'article 1857 du Code civil énonce qu'à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. L'associé qui n'a apporté que son industrie est tenu comme celui dont la participation dans le capital social est la plus faible.

Il résulte de l'article 1858 du même code que Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le jugement du tribunal judiciaire de La Rochelle déférée à la censure de la cour ne contient aucune référence aux cautionnements offerts par M. Y. et Mme X. dans son dispositif de sorte que la présente juridiction rejette la demande de confirmation de condamnation solidaire de la SCI GRAZIELO et des cautions qui n'a pas été prononcée en première instance.

Pour rappel, le contrat de crédit convenu entre les parties stipule que le prêteur pourra demander le remboursement immédiat et en totalité des sommes restant dues, en cas de défaut de paiement à bonne date d'une échéance après demande de paiement restée infructueuse.

Il est encore dit à l'acte, à l'article 14, que les sommes ainsi devenues exigibles seront productives d'intérêts au taux conventionnel du prêt majoré de cinq points. Lesdits intérêts se capitaliseront de plein droit au bout d'une année entière, conformément à l'article 1154 du Code civil.

S'agissant de la SCI GRAZIELO, au regard des éléments produits aux débats, notamment la déclaration de créance de la Caisse d'Epargne en date du 10 décembre 2020, il convient de fixer la créance de l'intimée à la somme de 38.758,59 €, suivant le détail figurant au tableau :

 

PRET PH PRIMO n° 91ZZ950

 

Échéances impayées du 05/04/2019 au 05/06/2019

2.143,44 €

Capital restant dû au 18/06/2019

35.485,77 €

Intérêts courus du 06/06/2019 au 18/06/2019

40,44 €

Accessoires courus du 06/06/2019 au 18/06/2019

15,26 €

Intérêts de retard et frais à la déchéances

9,68 €

Indemnité de déchéance du terme

1.064 €

Intérêts de retard au taux de 3,20 % l'an à compter du 18/06/2019 date de déchéance du terme

Mémoire

TOTAL

38.758,59 €

 

Mme X., en sa qualité d'associée de la SCI GRAZIELO détentrice de 100 % des parts sociales sera également condamnée à payer cette somme de 38.758,59 € à la Caisse d'Epargne.

La capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil (ancien article 1154) est de droit lorsqu'elle est demandée. Il convient de faire droit à cette demande.

 

Sur les autres demandes :

Il apparaît équitable de condamner Mme X. à payer à la Caisse d'Epargne une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et rejeter l'ensemble des autres demandes formulées de ce chef.

Mme X. qui échoue en ses prétentions en cause d'appel, devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Déclare recevable l'appel formé par Madame X. et la SCI GRAZIELO par l'intermédiaire de Maître H., ès qualité de Mandataire,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 2 juin 2020,

Statant à nouveau,

Rejette l'ensemble des demandes formulées par Madame X.,

Fixe la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou au titre du prêt dénommé « PH PRIMO », n° 91ZZ950 à la procédure de liquidation judiciaire de la SCI GRAZIELO prononcée selon jugement en date du 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Angoulême à la somme de 38.758,59 €,

Condamne Madame X. en sa qualité d'associée de la SCI GRAZIELO à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou au titre du prêt dénommé « PH PRIMO », n°91ZZ950 une somme de 38.758,59 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 3,20 % sur cette somme à compter du 18 juin 2019 date de la déchéance du terme,

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,

Rejette le surplus mal fondé des autres demande de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou,

Condamne Madame X. à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou une somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Madame X. aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT