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CA MONTPELLIER (ch. com.), 29 mars 2022

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (ch. com.), 29 mars 2022
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), ch. com.
Demande : 19/06468
Date : 29/03/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/09/2019
Référence bibliographique : 5889 (221-3 C. consom.), 5947 (domaine, photocopieur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9518

CA MONTPELLIER (ch. com.), 29 mars 2022 : RG n° 19/06468 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Invoquant l'article L. 222-2 du code de la consommation, qui exclut les contrats portant sur les services financiers du champ d'application du chapitre « contrats conclus à distance et hors établissement », et celles de l'article L. 222-1 du même code, qui prévoit des « dispositions particulières au contrat conclu à distance portant sur des services financiers », la société Locam soutient en lecture des articles L. 311-2 et L. 511-21 du code monétaire et financier, que le contrat de location financière conclu avec Mme X. relève d'un service financier.

Mais cette analyse procède d'une assimilation entre opérations de banque et services financiers alors que le code monétaire et financier les traite par des dispositions spécifiques insérées : - au Titre I du Livre III, articles L. 311-1 à L. 318-5 pour les opérations de banques et les services de paiement, - au Titre IV du Livre III, articles L. 341 à L. 343-6 pour les services financiers. Les dispositions relatives aux locations simples de mobilier relèvent de l'article L. 311-2-I-6° du code monétaire et financier (inséré dans le Titre I du Livre III). Si l'article L. 222-1 du code de la consommation prévoit que le chapitre « Dispositions particulières au contrat conclu à distance portant sur des services financiers » s'applique aux services mentionnés aux Livres I à III (...) du code monétaire et financier (le Livre III contenant l'article L. 311-2), ces dispositions particulières ne concernent que les services financiers du Livre III.

La société Locam ne prétend d'ailleurs pas avoir mis en œuvre le formalisme prévu aux articles L. 222-1 et suivants prévoyant notamment l'envoi à Mme X. des informations énoncées à l'article L. 222-5 en temps utile et avant qu'elle ne soit liée par le contrat.

Il résulte de l'article L. 121-16-1 III (devenu L. 221-3) du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige, que les sous-sections 2 (obligation d'information précontractuelle), 3 (dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement), 6 (droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement) et 7 (sanctions administratives), applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ d'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

La clause dactylographiée insérée au contrat de location, selon laquelle « le client atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne fait pas obstacle à cette application, puisque le seul critère, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, est celui de « l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel ».

Il n'est pas discuté que Mme X., ayant une activité d'orthophoniste, employait moins de cinq salariés (concrètement aucun, selon l'attestation de son expert-comptable en date du 23 novembre 2021) lors de la conclusion du contrat et que l'exercice d'une telle activité ne lui conférait aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Dès lors que les services proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'avaient été appréhendés par elle qu'en vue de faciliter l'exercice de son activité, il en résulte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 2 ° I de l'article L. 12117 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation accompagnant le contrat (...).

Il est établi qu'aucun des contrats signés par Mme X. avec les sociétés IME et SEPM d'une part et la société Locam d'autre part ne comporte ni bordereau de rétractation ni information quant à ce droit, de sorte que ceux-ci doivent être annulés.

La nullité entraîne l'effacement rétroactif des contrats et les parties doivent être remises dans leur situation initiale, y compris lorsque le contrat annulé a été exécuté.

La société Locam ne pourra qu'être condamnée à restituer à Mme X. les loyers perçus, soit la somme, non contestée, de 5.880 euros et à reprendre possession du matériel à ses seuls frais auprès de cette dernière selon les modalités spécifiées au dispositif.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que les dispositions du code de la consommation rappelées ci-dessus étaient inapplicables, a prononcé la résiliation du contrat de location aux torts de Mme X. et a rejeté ses demandes, la condamnant à diverses sommes. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 29 MARS 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/06468. N° Portalis DBVK-V-B7D-OK53. Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 MAI 2019, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : RG n° 2017017360.

 

APPELANTE :

Madame X.

[...], [...], Représentée par Maître Victor E., avocat au barreau de NARBONNE substitué par Maître Florent C., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Maître P. ès qualités de liquidateur de la SARL IME

[...], [...], Assigné le 2/12/2019 à domicile

SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & ÉQUIPEMENTS

[...], [...], Assigné le 2/12/2019 par procès-verbal de recherches infructueuses

SAS LOCAM

prise en la personne de son représentant légal en exercice [...], [...], Représentée par Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER

SASU SOCIÉTÉ EUROPEENNE DE PROMOTION DES MARQUES

prise en la personne de son représentant légal en exercice [...], [...]

INTERVENANTE :

SELARL M. Y. T., en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU SOCIÉTÉ EUROPEENNE DE PROMOTION DES MARQUES

[...], [...], Assignée le 2/12/2019 à domicile

 

Ordonnance de clôture du 13 janvier 2022

COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 février 2022, en audience publique, Madame Xnne-Claire BOURDON, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, Mme Xnne-Claire BOURDON, conseiller, Mme Marianne ROCHETTE, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRÊT : - rendu par défaut - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme X. exerce une activité d'orthophoniste à Montpellier.

Par acte sous seing privé du 3 février 2015, elle a signé :

- un contrat de maintenance concernant un photocopieur Olivetti MF 3100 auprès de la SARL Impressions Multifonctions & Equipements (IME - anciennement Chrome Bureautique), qui le lui fournissait (selon un bon de commande du même jour) et

- un « contrat de partenariat client référent » auprès de la SARL SEPM-Chrome Communication, prévoyant une « participation commerciale de 4.300 euros » ainsi qu'un « changement du matériel tous les 21 mois », une prise en charge du « solde du contrat en cours au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique 4.300 euros) et « aucun prélèvement lors du 1er trimestre et ce à chaque renouvellement ».

Le contrat de partenariat prévoit qu'il est « solidaire et indivisible du bon de commande de matériel et du contrat de maintenance signés ce jour ».

Par acte sous seing privé du même jour, elle a signé un contrat de location financière n° 116XX01, auprès de la SAS Locam, prévoyant pour ce matériel un loyer trimestriel de 735 euros HT sur une durée de 21 trimestres.

Le 27 février 2015, elle a signé le procès-verbal de réception du matériel.

Par lettre recommandée du 28 août 2017 (avis de réception non produit), la société Locam a mis en demeure Mme X. de lui régler un loyer impayé, outre la clause pénale et des intérêts de retard sous huit jours et l'a informée qu'à défaut, elle prononcerait la déchéance du terme, le montant total des sommes dues étant de 12 548,13 euros.

* * *

Par jugement en date du 4 septembre 2017 rendu par le tribunal de commerce de Montpellier, la société IME a fait l'objet d'un redressement judiciaire, M. F. étant désigné en qualité d'administrateur et M. P. en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 24 novembre 2017, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société IME et désigné M. P. en qualité de liquidateur judiciaire.

* * *

Saisi par acte d'huissier en date du 4 octobre 2017 délivré par Mme X. à l'encontre de la société IME, M. F. ès qualités, M. P. ès qualités, de la société SEPM et de la société Locam, le tribunal de commerce de Montpellier a, par jugement du 15 mai 2019 :

« - vu les dispositions des articles L 111-1, L 121-6 et L. 212-1 du code de le consommation (...),

- dit qu'aucune manœuvre dolosive n'a été mise en œuvre préalablement ou au moment de le conclusion des contrats litigieux tant par la société IME et la SASU SEPM que par la société Locam,

- dit que les dispositions des articles L. 121-6, L. 111-1 et L. 212-1 du code de la consommation sont inapplicables,

- débouté Madame X. de l'ensemble de ses demandes,

- constaté la résiliation du contrat de location de la société Locam aux torts et griefs de Madame X.,

- condamné à titre reconventionnel, Madame X. à régler à la société Locam la somme de 882 euros au titre des loyers impayés, 9.702 euros pour les 11 échéances de loyer à percevoir et 1.058 euros de clause pénale, soit un total de 11.642,40 euros avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 28 août 2017,

- dit qu'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire,

- condamné Madame X. à payer la somme de 500 euros à la societe Locam et 500 euros à la société IME représentée par Maître P. au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance (...). »

[*]

Par déclaration reçue le 27 septembre 2019, Mme X. a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 6 janvier 2022, de :

« - vu les articles 1109 et suivants anciens du code civil, les articles L. 121-6, L. 111-1 et L. 212-1 du code de la consommation,

- rejetant toute argumentation contraire comme étant infondée, infirmer le jugement (...) en ce qu'il a dit qu'aucune manœuvre dolosive n'a été mise en œuvre préalablement ou au moment de la signature des contrats, dit que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, constaté la résiliation du contrat de location de la société Locam à ses torts, l'a condamnée à régler à. la société Locam la somme de 882 euros au titre des loyers impayés et 9.702 euros pour les 11 échéances de loyer à percevoir et 1.058 euros de clause pénale, l'a condamnée à payer la somme de 500 euros à la société Locam et 500 euros à la société IME au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entíers dépens,

- prononcer la nullité du contrat signé entre elle et la SARL Impressions Multifonctions & Equipement,

- prononcer la nullité du contrat signé le même jour entre elle et la SA. Locam compte tenu du caractère lié des contrats,

- condamner, la S.A.S Locam à lui payer à titre de remboursement des mensualités prélevées la somme totale de 5.880 euros (cinq mille huit cent quatre-vingt euros),

- condamner en outre, la SAS Locam à lui payer la somme de 2.000 euros (deux mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- son consentement a été vicié par le dol de son cocontractant tenant à la rédaction ambiguë d'une clause contractuelle qui prévoit le changement du matériel et le versement d'une nouvelle participation commerciale tous les 21 mois alors que la société IME a indiqué que cette participation n'intervenait qu'au bout de 21 trimestres, soit en réalité après l'échéance du contrat,

- de nombreux clients ont été ainsi trompés par le discours mensonger des commerciaux de cette société, elle n'aurait jamais signé le contrat sans participation commerciale compte tenu du coût exorbitant de location,

- les contrats signés avec la société IME (Chrome bureautique) et la société SEPM (Chrome communication) sont nuls et le contrat signé avec la société Locam est caduc,

- l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de son activité principale et elle a moins de 5 salariés, les dispositions de l'article L. 221-3 et L. 221-5 du code de la consommation sont applicables ; le droit de rétractation n'est pas mentionné dans les contrats avec IME et Locam et en application de l'article L. 221-9, le contrat est nul.

[*]

La société Locam sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 28 février 2020 :

« - vu les articles 1134 et suivants, 1149, 1108 et suivants anciens du code civil, l'article liminaire, l'article L. 121-16 et suivants du code de la consommation, les articles 311-2 et 511-21 du code monétaire et financier, (...),

- dire non fondé l'appel de Madame X. ; la débouter de toutes ses demandes, au moins en tant qu'elles sont dirigées à son encontre (...) ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-Y ajoutant, la condamner à régler la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner en tous les dépens d'instance comme d'appel. »

Elle expose en substance que :

- le fait que la société SEPM (ou IME) n'ait pas respecté son engagement de participation financière, à supposer qu'il lui soit opposable, serait constitutif d'une inexécution du contrat et non d'un dol ne pouvant se résoudre qu'en dommages-intérêts et non en une annulation du contrat,

- elle n'avait aucune connaissance de cet engagement, qui n'est pas entré dans le champ contractuel et ce en vertu de l'article 1er des conditions générales de location,

- le nouveau droit des obligations conditionne d'ailleurs l'indivisibilité à la connaissance de l'opération d'ensemble,

- Mme X. dénature le contrat ; le renouvellement de la participation impliquait celui des conventions pour la même durée initiale,

- le contrat de location est clair notamment sur ses points essentiels tels que les nombre, périodicité, date d'exigibilité et montant des loyers,

- ni le dol, ni l'erreur ne sont démontrés,

- Mme X. a, en application de l'article liminaire du code de la consommation, contracté pour les besoins de son activité professionnelle, ayant apposé le tampon humide sur le contrat, les dispositions des articles L. 111-1, L. 121-6 et L. 212-1 de ce code, qui ne s'appliquent pas,

- le contrat de location financière est exclu du champ d'application du code de la consommation (article L. 212-2), étant soumis au code monétaire et financier, s'agissant d'une opération connexe de location simple participant aux services financiers qu'elle dispense en tant que société de financement,

- le contrat de location simple conclu participe des opérations connexes aux opérations de banque qui relèvent des « services financiers »,

- Mme X. ne justifie d'aucune mise en demeure à l'égard de la société SEPM,

- la liquidation judiciaire de la société IME n'a pas entraîné la résolution du contrat en vertu de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, il appartenait à Mme X. de déclarer sa créance,

- l'éventuelle caducité ne commande pas mécaniquement la restitution des sommes perçues antérieurement sauf enrichissement sans cause (Madame X. a toujours la jouissance du matériel, a perçu la participation commerciale et a récupéré la TVA acquittée sur les loyers).

[*]

M. P., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IME, destinataire par acte d'huissier en date du 2 décembre 2019 remis à domicile, de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.

[*]

La société IME, destinataire par acte d'huissier en date du 2 décembre 2019 ayant donné lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses, de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.

[*]

La Selarl M. Y.-T., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SEPM, destinataire par acte d'huissier en date du 2 décembre 2019 remis à domicile, de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.

[*]

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 janvier 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS de la DÉCISION :

1 - Sur la nullité pour dol des contrats signés entre Mme X. et les sociétés IME et SEPM :

En application de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 alors applicable, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ».

Mme X. soutient que la rédaction de la clause « changement du matériel tous les 21 mois et solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique) » participe d'une manœuvre dolosive car sa rédaction est ambiguë et que son interprétation par le client est confortée par le discours trompeur que lui a tenu le commercial.

Selon elle, cette disposition contractuelle signifie clairement que le matériel sera changé tous les 21 mois avec une participation commerciale et que sa portée dépend de l'interprétation du terme « celui-ci » qui désigne l'imprimante et non le contrat, et que la mention « solde du contrat en cours » n'aurait aucun sens si le renouvellement intervenait au bout de 21 trimestres.

Selon les dispositions des articles 1161 et 1162 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables en l'espèce, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier et, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

La stipulation en cause concrétise sans ambiguïté un engagement unilatéral de la société SEPM concernant le changement de matériel, la prise en charge du solde du contrat de financement et une nouvelle participation commerciale ; elle doit donc s'interpréter en sa faveur.

La prise en charge du solde du contrat de financement est rattachée expressément, dans un même corps de phrase, au renouvellement de ce contrat et, par voie de conséquence (l'un permettant le financement de l'autre) à celui du contrat de fourniture avec maintenance ; cette prise en charge d'un solde ne peut exister que pendant l'exécution du contrat de financement, et non à son terme (en l'absence de tout reliquat à l'échéance) ; ainsi, l'engagement unilatéral de la société SEPM concernant le changement du matériel, la prise en charge du solde du contrat de financement et la nouvelle participation commerce devait s'opérer à l'issue de chaque période de 21 mois afin d'inciter le client à prolonger la relation contractuelle.

Mais cette participation financière, cette prise en charge du solde et le changement de matériel tous les 21 mois n'avaient vocation à intervenir que dans le cadre d'un nouveau contrat de location financière.

Le contrat de partenariat, qui comprend cette clause, est d'ailleurs expressément conclu « sous réserve de l'acceptation du dossier de financement par notre partenaire financier », ce qui établit bien que la nouvelle participation financière au bout de 21 mois, en cours d'exécution du contrat de location initial, se trouve nécessairement subordonnée, outre au changement du matériel et au règlement du solde du contrat en cours, à la conclusion d'un nouveau contrat de location financière avec la société Locam ou toute autre partenaire financier.

Mme X. qui ne justifie même pas d'une demande particulière faite à ses cocontractantes au terme des 21 mois, n'aurait donc pas pu prétendre à un changement de matériel avec participation financière sans qu'un nouveau contrat de location financière ne soit signé.

Si elle invoque, à l'appui d'attestations d'autres clients démarchés, d'article de presse et d'un témoignage d'un ancien salarié de la société IME, le discours trompeur du commercial de la société IME (qui représentait également la société SEPM), portant sur un renouvellement sans condition de la participation commerciale, elle n'établit pas avoir personnellement été victime de propos mensongers tenus par ce commercial lors de la conclusion des contrats le 3 février 2015, qui l'auraient déterminée à contracter.

Il convient de conclure à l'absence d'actes combinés en vue de tromper Mme X., qui sera en conséquence déboutée de sa demande en nullité fondée sur le dol.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

2 - Sur la nullité des contrats de maintenance, de partenariat et de location financière pour non-respect du code de la consommation :

Invoquant l'article L. 222-2 du code de la consommation, qui exclut les contrats portant sur les services financiers du champ d'application du chapitre « contrats conclus à distance et hors établissement », et celles de l'article L. 222-1 du même code, qui prévoit des « dispositions particulières au contrat conclu à distance portant sur des services financiers », la société Locam soutient en lecture des articles L. 311-2 et L. 511-21 du code monétaire et financier, que le contrat de location financière conclu avec Mme X. relève d'un service financier.

Mais cette analyse procède d'une assimilation entre opérations de banque et services financiers alors que le code monétaire et financier les traite par des dispositions spécifiques insérées :

- au Titre I du Livre III, articles L. 311-1 à L. 318-5 pour les opérations de banques et les services de paiement,

- au Titre IV du Livre III, articles L. 341 à L. 343-6 pour les services financiers.

Les dispositions relatives aux locations simples de mobilier relèvent de l'article L. 311-2-I-6° du code monétaire et financier (inséré dans le Titre I du Livre III).

Si l'article L. 222-1 du code de la consommation prévoit que le chapitre « Dispositions particulières au contrat conclu à distance portant sur des services financiers » s'applique aux services mentionnés aux Livres I à III (...) du code monétaire et financier (le Livre III contenant l'article L. 311-2), ces dispositions particulières ne concernent que les services financiers du Livre III.

La société Locam ne prétend d'ailleurs pas avoir mis en œuvre le formalisme prévu aux articles L. 222-1 et suivants prévoyant notamment l'envoi à Mme X. des informations énoncées à l'article L. 222-5 en temps utile et avant qu'elle ne soit liée par le contrat.

Il résulte de l'article L. 121-16-1 III (devenu L. 221-3) du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige, que les sous-sections 2 (obligation d'information précontractuelle), 3 (dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement), 6 (droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement) et 7 (sanctions administratives), applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ d'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

La clause dactylographiée insérée au contrat de location, selon laquelle « le client atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne fait pas obstacle à cette application, puisque le seul critère, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, est celui de « l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel ».

Il n'est pas discuté que Mme X., ayant une activité d'orthophoniste, employait moins de cinq salariés (concrètement aucun, selon l'attestation de son expert-comptable en date du 23 novembre 2021) lors de la conclusion du contrat et que l'exercice d'une telle activité ne lui conférait aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Dès lors que les services proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'avaient été appréhendés par elle qu'en vue de faciliter l'exercice de son activité, il en résulte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 2 ° I de l'article L. 12117 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation accompagnant le contrat (...).

Il est établi qu'aucun des contrats signés par Mme X. avec les sociétés IME et SEPM d'une part et la société Locam d'autre part ne comporte ni bordereau de rétractation ni information quant à ce droit, de sorte que ceux-ci doivent être annulés.

La nullité entraîne l'effacement rétroactif des contrats et les parties doivent être remises dans leur situation initiale, y compris lorsque le contrat annulé a été exécuté.

La société Locam ne pourra qu'être condamnée à restituer à Mme X. les loyers perçus, soit la somme, non contestée, de 5.880 euros et à reprendre possession du matériel à ses seuls frais auprès de cette dernière selon les modalités spécifiées au dispositif.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que les dispositions du code de la consommation rappelées ci-dessus étaient inapplicables, a prononcé la résiliation du contrat de location aux torts de Mme X. et a rejeté ses demandes, la condamnant à diverses sommes.

 

3 - Sur les frais et les dépens :

La société Locam qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et versera à Mme X. une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,

Réforme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 15 mai 2019 sauf en ce qu'il a dit qu'aucune manœuvre dolosive n'a été mise en œuvre préalablement ou au moment de la conclusion des contrats litigieux tant par la société IME et la société SEPM que par la société Locam,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Dit que Mme X. peut invoquer le bénéfice des dispositions des articles L. 121-16-1-III (devenu l'article L. 221-3), L. 121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L. 121-18-1 (devenu L. 221-9) du code de la consommation,

Prononce la nullité du contrat de maintenance avec fourniture d'un photocopieur Olivetti MF 3100, conclu le 3 février 2015 entre Mme X. et la SARL IME, du contrat de partenariat conclu le même jour entre Mme X. et la SARL SEPM, et du contrat de location longue durée n°116XX01, conclu également le même jour, entre Mme X. et la SAS Locam,

Dit que la société Locam devra reprendre, à ses frais, le photocopieur Olivetti MF 3100, objet du contrat de location, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, auprès de Mme X., après l'avoir avisée préalablement, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, de la date à laquelle cette reprise interviendra,

Rejette l'ensemble des demandes de la société Locam,

Condamne la société Locam à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d'appel.

le greffier,                                         le président,

ACB