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CA ANGERS (ch. A com.), 5 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A com.), 5 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. com. A
Demande : 21/00366
Date : 5/04/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/02/2021
Référence bibliographique : 6622 (crédit, clause de déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9539

CA ANGERS (ch. A com.), 5 avril 2022 : RG n° 21/00366 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le contrat de prêt souscrit le 21 janvier 2006 par Mme X. à des fins personnelles de financement de sa résidence principale, contient une clause dont se prévaut la CRCAM du Finistère pour prétendre qu'elle a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme à défaut de régularisation dans le délai imparti des impayés notifiés dans sa lettre de mise en demeure du 27 septembre 2010, rédigée dans les termes suivants : « l'emprunteur devra, malgré toute stipulation d'échéance et dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, si bon semble au prêteur et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, rembourser le montant du prêt ou ce qui en restera dû, ainsi que tous intérêts, frais ou accessoires, dans l'un ou l'autre des cas suivants : (...) - en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance, tant sur le présent prêt, que pour tout autre prêt ou ouverture de crédit consentis à l'emprunteur. »

Il en résulte que la CRCAM du Finistère peut se prévaloir de la déchéance du terme du prêt dans les mêmes conditions tenant aux formalités prévues par la clause, mais dans deux hypothèses distinctes et non liées l'une à l'autre, à savoir en cas de non-paiement total ou partiel par Mme X. d'une échéance du prêt objet de la convention dans laquelle est insérée ladite clause, ou en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance d'un autre prêt ou d'une autre ouverture de crédit consenti(e) par la même banque à Mme X..

Si la disposition insérée dans un contrat de prêt consenti par une banque à un consommateur, permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme du prêt pour une cause extérieure à ce contrat de prêt, afférente à l'inexécution d'une convention distincte, est abusive en ce qu'elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur au moment de la souscription du prêt, celle prévoyant que le prêteur peut se prévaloir de la déchéance du terme en cas de non-paiement d'une échéance du prêt objet du contrat, n'est pas abusive et n'a donc pas lieu d'être réputée non écrite.

En outre, en application de l'article L. 132-1 alinéa 8 du code de la consommation, le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses.

En l'espèce, il n'est ni soutenu ni démontré que le fait que la disposition permettant au prêteur d'exiger le remboursement du montant du prêt ou ce qui en restera dû, ainsi que tous intérêts, frais ou accessoires en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance de tout autre prêt ou ouverture de crédit consentis à l'emprunteur, soit réputée non écrite comme abusive, empêcherait par ailleurs le contrat de prêt de rester applicable en ses autres dispositions et notamment celles prévoyant d'autres cas de déchéance du terme.

C'est donc à juste titre que la CRCAM du Finistère soutient que la disposition considérée comme abusive concernant la faculté de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt consenti le 21 janvier 20016 à Mme X. pour une cause extérieure à ce contrat, ne l'empêche pas d'invoquer la disposition prévoyant qu'elle peut se prévaloir de la déchéance du terme en cas de non-paiement partiel ou total d'une échéance dudit prêt.

La CRCAM du Finistère, qui prétend ainsi avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme du prêt litigieux à défaut de régularisation d'échéances de ce prêt, verse aux débats une lettre du 27 septembre 2010 adressée à Mme X. en recommandé avec demande d'avis de réception reçue le 5 octobre 2010.

La lettre dont s'agit intitulée « mise en demeure avec déchéance du terme » vise notamment le prêt litigieux n° 39801, contient clairement mise en demeure de Mme X. de régulariser l'intégralité des retards dont le montant est indiqué dans la lettre, dans le délai de huit jours et précise que tout retard dans le paiement des sommes dues rendra l'ensemble des crédits exigibles dans un délai de huit jours après réception de la lettre recommandée.

Elle est accompagnée d'un décompte détaillé des sommes dues au titre du prêt 39801 reprenant le détail du retard mentionné dans la lettre et précisant les sommes à échoir en cas d'exigibilité du solde.

Mme X. ne conteste pas qu'à cette date cinq échéances du prêt dont s'agit échues depuis mai 2010 demeuraient impayées pour le montant principal de 4.145,98 euros.

Elle ne prétend pas ni ne démontre qu'elle n'aurait pas bénéficié du délai de huit jours mentionné dans la lettre, conforme au délai conventionnellement prévu, pour régulariser le retard.

Enfin, elle ne conteste pas que la lettre de la banque reçue le 5 octobre 2010 soit demeurée sans effet.

Dans ces conditions, la déchéance du terme se trouvait acquise à l'expiration du délai de huit jours, sans obligation pour la banque de procéder à une nouvelle notification.

La déchéance du terme du prêt litigieux ainsi intervenue dans le respect des dispositions contractuelles est régulière. »

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

ARRÊT DU 5 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00366. N° Portalis DBVP-V-B7F-EY2V. Jugement du 18 juin 2014 du Tribunal de Grande Instance de BREST, Arrêt du 1er juin 2018 de la Cour d'Appel de RENNES, Arrêt du 21 octobre 2020 de la Cour de Cassation.

 

APPELANTS, DEMANDEURS AU RENVOI :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], [...], [...]

Représentés par Maître Benoit G. substitué par Maître Inès R. de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 214418, et Maître Jaime R., avocat plaidant au barreau de BREST

 

INTIMÉE, DÉFENDERESSE AU RENVOI :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL (CRCAM) DU FINISTÈRE

Société coopérative à capital et personnel variables, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...], [...], Représentée par Maître Sophie D., avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21035, et Maître Alexandre T., avocat plaidant au barreau de RENNES

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 21 Septembre 2021 à 14 h. 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre, et Mme AOBVEILLE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme CORBEL, Présidente de chambre, Mme AOBVEILLE, Conseiller, M. BENMIMOUNE, Conseiller.

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 5 avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Y. épouse X., exerçant la profession de pharmacien, a ouvert dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel (CRCAM) du Finistère :

- un compte professionnel pharmacie dénommé « tiers payant » n° [...],

- un compte service professionnel pharmacie n° [...],

- un compte personnel n° [...],

- un compte sur livret n° [...].

Mme Y. épouse X. a également souscrit auprès de la CRCAM du Finistère plusieurs crédits, à savoir :

* prêts professionnels :

- en 2001, un prêt pour acquérir le fonds de commerce de pharmacie, n° 667XX5801 (ci-après dénommé 55801), d'un montant de 274.408,23 €,

- en 2001, un deuxième prêt de financement d'acquisition du fonds de commerce, n° 667YY5802 (ci-après dénommé 55802), d'un montant de 190.561,27 euros,

- en 2001 un troisième prêt destiné au financement de l'acquisition du fonds de commerce, n° 667ZZ5803 (ci-après dénommé 55803), d'un montant de 190.561,27 euros,

- suivant acte sous seing privé des 28 février 2008 et 18 mars 2008, une ouverture de crédit de trésorerie d'un montant de 50.000 €, fonctionnant avec le compte support professionnel de la pharmacie n° [...],

- en 2006, un prêt n° 667WW5804 (ci-après dénommé 55804) de 109.000 euros.

Des avenants sont venus en 2006 réduire la durée des prêts 55802 et 55803.

* prêts non professionnels :

- suivant offre acceptée le 21 janvier 2006, un prêt immobilier n° 667VV9801 « TT Habitat » (ci-après dénommé 39801) d'un montant de 68.000 euros, remboursable en 84 mensualités de 896,97 euros au taux d'intérêt de 2,95 %,

- en 2007, un prêt en vue d'une opération d'investissement locatif, n° 66UU9802 (ci-après dénommé 39802) d'un montant de 305.882 €, en 2007, un deuxième prêt en vue d'un investissement locatif, n° 66741939803 (ci-après dénommé 39803) d'un montant de 300.000 €

- en 2007 un troisième prêt en vue du même investissement locatif, n° 667TT9804 (ci- après dénommé 39804) d'un montant de 113.190 €.

Selon ordonnance du 6 avril 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest saisi par les époux X. a, au visa des articles 145 et 809 du code de procédure civile, ordonné une expertise afin notamment de, pour les comptes n° [...], n° [...] et n° [...], procéder depuis la date de leur ouverture jusqu'au jour des opérations d'expertise, à l'examen des prélèvements ou mouvements en faveur de la CRCAM, en dresser la liste et dire s'ils correspondent aux conventions passées entre les parties ; de dire si le Crédit Agricole a respecté ou non l'échéancier du crédit professionnel ; pour le compte professionnel dit « tiers payant », de vérifier, entre septembre 2001 et juillet 2009, si la banque a ou non porté en compte toutes les sommes provenant des télétransmissions ou autres, dire si des intérêts débiteurs ou autres sommes en faveur de la banque ont été prélevés, dans l'affirmative, en donner le montant et donner son avis sur leur conformité à la convention des parties ; de dire si les frais prélevés par le Crédit Agricole sur les comptes personnels et professionnels pour les frais de dossier, cotisations d'assurances, information en caution... étaient ou non contractuellement convenus ; de dire si, sur le compte personnel, une convention de découvert a ou non été convenue lorsque le compte a fonctionné à découvert pendant plus de trois mois, si des intérêts ont été prélevés par la banque, les répertorier et donner son avis sur ces intérêts au regard de l'article L. 311-3 du code de la consommation ; de dire si les dépôts à terme ou les mouvements de régulation sur le compte de la pharmacie ont été faits en accord avec Mme X., les répertorier et voir à quoi ils ont servi ou à qui ils ont été destinés ; de répertorier et analyser les divers mouvements internes effectués sur les comptes par la banque et de dire si ces mouvements avaient été ou non convenus entre les parties ; d'apurer les comptes entre les parties et débouté les époux X. de leur demande visant à enjoindre à la CRCAM de suspendre toutes mesures d'exécution et de menaces de saisine de la Banque de France concernant les échéances de prêt impayées volontairement par eux.

Le 30 mars 2011, l'expert judiciaire désigné, Mme A., a déposé son rapport, lequel a porté, après rectification d'un commun accord sur la liste des comptes erronées, sur l'examen des comptes n°[...] (compte professionnel tiers payant), n°[...] (compte professionnel pharmacie) et n°[...] (compte personnel Mme X.).

Par acte d'huissier du 25 mai 2012, la CRCAM du Finistère a fait assigner Mme Y. épouse X. devant le tribunal de grande instance de Brest, aux fins de :

- la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes de :

* 31.009,15 euros avec intérêts au taux de 2,95 % à compter du 1er mars 2012, au titre du solde restant dû sur le prêt immobilier consenti le 21 janvier 2006,

* 59.312,25 euros avec intérêts au taux de 13,80 % à compter du 19 janvier 2012, au titre du solde restant dû sur l'ouverture de crédit en compte courant,

- voir ordonner la capitalisation des intérêts,

- la voir condamner au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. X. est intervenu volontairement à l'instance.

Les époux X. ont formé des demandes reconventionnelles de condamnation de la banque au paiement de dommages intérêts pour non-respect de ses obligations dans la gestion des comptes et défaut de conseil dans l'opération d'investissement immobilier à des fins locatives.

Par jugement du 18 juin 2014, le tribunal de grande instance de Brest a :

- condamné Mme X. à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 31.009,15 euros outre intérêts au taux de 2,95 % l'an sur la somme de 28.508,08 euros à compter du 1er mars 2012,

- ordonné la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en application de l'article 1154 du code civil,

- débouté la CRCAM du Finistère de sa demande en paiement au titre du crédit global de trésorerie,

- condamné la CRCAM du Finistère à payer à Mme X. la somme de 4.767,95 euros,

- ordonné la compensation des créances réciproques de la CRCAM du Finistère et de Mme X.,

- débouté les époux X. du surplus de leurs demandes de dommages-intérêts,

- condamné la CRCAM du Finistère à verser à Mme X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la CRCAM du Finistère aux dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise judiciaire.

Par arrêt du 1er juin 2018, sur appel de Mme Y. épouse X. et de M. X., la cour d'appel de Rennes a déclaré irrecevable la demande de nouvelle expertise avant dire droit formée en appel par les époux X., a confirmé la décision dont appel dans toutes ses dispositions, sauf en ce que la banque a été déboutée de sa demande au titre du crédit global de trésorerie, ainsi que les dépens et frais irrépétibles ; statuant à nouveau sur ces chefs, a condamné Mme Y. épouse X. à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 59.312,25 euros avec intérêts au taux de 13,80 % l'an à compter du 19 janvier 2012 au titre du crédit global de trésorerie, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil, a condamné les époux X. aux dépens de première instance qui comprendront les frais de référé et d'expertise judiciaire, a dit n'y avoir lieu à accorder des frais irrépétibles à l'un ou l'autre ; y ajoutant, a condamné les époux X. aux dépens de la procédure d'appel, ainsi qu'à verser à la CRCAM du Finistère la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté les parties de toutes autres demandes.

Par arrêt du 21 octobre 2020, sur le pourvoi formé par Mme Y. épouse X. et M. X., la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par les époux X. contre la CRCAM du Finistère pour manquement à son devoir de conseil et d'information, l'arrêt rendu le 1er juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; a remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Angers ; a condamné la CRCAM du Finistère aux dépens ; en application de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté la demande formée par la CRCAM du Finistère et l'a condamnée à payer aux époux X. la somme globale de 3.000 euros.

Au visa de l'article 566 du code de procédure civile, après avoir rappelé que selon ce texte, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, la Cour de cassation a estimé qu'en retenant, pour déclarer irrecevable la demande d'expertise, qu'il était demandé en réalité, pour la première fois, devant la cour d'appel une contre-expertise, à la suite du dépôt, le 30 mars 2011, du rapport d'expertise judiciaire tandis que l'expert avait répondu aux dires des parties et qu'à la suite de leur assignation en paiement par la banque, M. et Mme X. avaient formé des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts en se fondant tant sur le rapport d'expertise judiciaire que sur une analyse non contradictoire de ce rapport faite par un cabinet d'expertise comptable produit en première instance, ce, sans rechercher, au besoin d'office, si cette demande ne constituait pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles présentées en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Par déclaration du 19 février 2021, Mme Y. épouse X. et M. X. ont saisi la cour d'appel d'Angers sur renvoi de la Cour de cassation en suite de l'arrêt de sa chambre commerciale du 21 octobre 2020, ladite saisine portant sur tous les chefs de la décision de première instance leur portant grief, et ainsi en ce qu'elle a condamné Mme X. à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 31.009,15 euros outre intérêts au taux de 2,95 % l'an sur la somme de 28.508,08 euros à compter du 1er mars 2012 ; a ordonné la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en application de l'article 1154 du code civil, a condamné la CRCAM du Finistère à payer à Mme X. la somme de 4.767,95 euros, a ordonné la compensation des créances réciproques de la CRCAM du Finistère et de Mme X., a débouté les époux X. du surplus de leurs demandes de dommages-intérêts, a rejeté ce faisant leurs contestations et prétentions plus amples ou contraires ; intimant la CRCAM du Finistère.

La CRCAM du Finistère a formé appel incident.

Mme Y. épouse X. et M. X. d'une part, la CRCAM du Finistère, d'autre part, ont conclu.

Une ordonnance du 6 septembre 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe

- le 5 août 2021 pour Mme Y. épouse X. et M. X.,

- le 23 août 2021 pour la CRCAM du Finistère,

Mme Y. épouse X. et M. X. demandent à la cour de :

recevant les époux X. en leur appel et en leurs contestations et demandes, et les y déclarant fondés,

à titre principal et avant dire-droit,

vu les articles 143, 144, 565 et 566 du code de procédure civile,

- ordonner une nouvelle expertise et commettre tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

1) Pour les comptes [...], [...], [...], [...] et [...], procéder, depuis la date de leur ouverture jusqu'au jour des opérations d'expertise, à l'examen des prélèvements ou mouvements en faveur de la Caisse Régionale de Crédit Agricole, en dresser la liste et dire s'ils correspondent aux conventions passées entre les parties,

2) Dire si le Crédit Agricole a respecté ou non les échéanciers des crédits 55801, 55802, 55802, 55804, 39802, 39803 et 39804,

3) Pour le compte professionnel dit « tiers payant » n° [...], vérifier entre septembre 2001 et juillet 2009, si la banque a ou non porté en compte toutes les sommes provenant des télétransmissions ou autres ; dire si des intérêts débiteurs ou autre sommes en faveur de la banque ont été prélevés ; dans l'affirmative, en donner le montant et donner son avis sur leur conformité à la convention des parties,

4) Dire si les frais prélevés par le Crédit Agricole sur les comptes personnels et professionnels pour les frais de dossier, cotisations d'assurances, informations des cautions... étaient ou non contractuellement convenus,

5) Dire si, sur le compte personnel, une convention de découvert a ou non été convenue lorsque le compte a fonctionné à découvert pendant plus de trois mois ; si des intérêts ont été prélevés par la banque, les répertorier et donner un avis sur ces intérêts au regard de l'article L. 311-3 du code de la consommation,

6) Si les dépôts à terme ou les mouvements de régulation sur le compte de la pharmacie ont été faits en accord avec Mme X., les répertorier et voir à quoi ils ont servi et à qui ils ont été destinés,

7) Répertorier et analyser les divers mouvements internes effectués sur les comptes par la banque et dire si ces mouvements avaient été ou non convenus entre les parties,

8) Apurer les comptes entre les parties,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brest le 18 juin 2014 en ce qu'il a :

* débouté la CRCA de sa demande au titre du crédit global de trésorerie,

* condamné la CRCA aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise judiciaire,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brest le 18 juin 2014 pour le surplus et notamment en ce qu'il a :

* condamné la CRCAM du Finistère à payer à Mme X. la somme de 4.767,95 euros,

* ordonné la compensation des créances réciproques de la CRCAM du Finistère et de Mme X.,

* débouté les époux X. du surplus de leurs demandes de dommages-intérêts,

* condamné la CRCAM du Finistère à verser à Mme X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

vu les articles 1134, 1135, 1147 (anciens) du code civil,

- condamner la CRCAM du Finistère à payer à Mme Y. épouse X. une somme qui sera fixée à 35.107,50 euros après compensation des créances respectives des parties,

- condamner la CRCAM du Finistère à payer à Mme Y. épouse X. et à M. X. une somme qui sera fixée à 300.000 euros à titre de dommages et intérêts,

vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CRCAM du Finistère à payer à Mme Y. épouse X. et à M. X. une somme de 25.000 euros au titre des frais irrépétibles,

vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile,

- condamner la CRCAM du Finistère aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction sera faite au profit de la SELARL Lexavoué Rennes Angers, avocat, sur son affirmation de droits.

[*]

La CRCAM du Finistère sollicite de la cour, au vu des articles 1315 et 1147 du code civil et des pièces produites aux débats, qu'elle :

- déboute M. et Mme X. de leur appel et le dise mal fondé,

- reçoive la CRCAM du Finistère en son appel incident et le dise bien fondé,

- rejette toutes les demandes, fins et conclusions des époux X.,

en conséquence,

- confirme le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2014 en ce qu'il a :

* condamné Mme X. à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 31.009,15 euros outre intérêts au taux de 2,95 % l'an sur la somme de 28.508,08 euros à compter du 1er mars 2012,

* ordonné la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en application de l'article 1154 du code civil,

* débouté les époux X. du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts,

- infirme le jugement en ce qu'il a :

* débouté la CRCAM du Finistère de sa demande en paiement au titre du crédit global de trésorerie,

* condamné la CRCAM du Finistère à payer à Mme X. la somme de 4.767,95 euros,

* ordonné la compensation des créances réciproques de la CRCAM du Finistère et de Mme X.,

* condamné la CRCAM du Finistère à verser à Mme X. la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la CRCAM du Finistère aux dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise judiciaire,

en conséquence,

- condamne Mme X. au paiement des sommes de 59.312,25 euros avec intérêts au taux de 13,80 % à compter du 19 janvier 2012 au titre du crédit global de trésorerie,

- ordonne la capitalisation des intérêts et dise que ceux-ci produiront eux-mêmes intérêts au taux précités,

- déboute M. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes,

y ajoutant,

- condamne M. et Mme X. au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. et Mme X. aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de référé et d'expertise judiciaire.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de nouvelle expertise formée par les époux X. :

* Sur la recevabilité de la demande :

La CRCAM du Finistère conclut à l'irrecevabilité de la demande de nouvelle expertise formée par les époux X., aux motifs qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui n'a pas été présentée en première instance et qu'il ne s'agit pas d'une demande accessoire ou complémentaire au sens de l'article 366 du code de procédure civile.

Les époux X. concluent à la recevabilité de leur demande en soutenant que la demande tendant à obtenir une mesure d'instruction destinée à établir le bien fondé de prétentions formulées en première instance ne constitue pas une demande nouvelle et que cette demande s'avère l'accessoire et le complément de leurs demandes présentées devant les premiers juges.

Sur ce,

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Néanmoins, en application de l'article 566 du code de procédure civile dans sa version modifiée par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 applicable à la présente instance consécutive à un renvoi après cassation et à une saisine postérieure au 1er septembre 2017, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, les époux X. ont formé en cause d'appel une demande d'une nouvelle expertise qu'ils n'avaient pas présentée devant les premiers juges.

Néanmoins, il ressort de leurs dernières écritures déposées le 7 janvier 2014 devant le tribunal de grande instance de Brest, qu'ils ont contesté le bien fondé des demandes en paiement formées par la CRCAM du Finistère à l'encontre de Mme X. au titre du contrat de prêt immobilier de 68.000 euros et de l'ouverture de crédit professionnel de 50.000 euros et sollicité reconventionnellement l'allocation de dommages intérêts à hauteur de la somme globale de 500.000 euros, notamment en réparation de prétendus nombreux manquements de la banque à ses obligations contractuelles relatives au fonctionnement des comptes bancaires ouverts par eux dans ses livres, dont celui adossé à l'ouverture de crédit litigieuse et à l'exécution des contrats de prêts, dont celui de 68 000 euros, en se fondant notamment sur le rapport d'expertise judiciaire de Mme A. dont ils ont cependant, aux termes d'une analyse, souligné les failles en lui reprochant de n'avoir pas tiré toutes les conséquences de ses constats et de n'avoir pas tenu compte dans son estimation finale de l'ensemble des préjudices économiques subis, ainsi que sur une note complémentaire postérieure du cabinet d'expertise comptable C. mandaté par leurs soins.

La demande de nouvelle expertise formée en cause d'appel par les époux X., qui tend au regard de la mission proposée, aux mêmes fins que leurs demandes formées en première instance, à savoir voir écarter la demande en paiement formée contre Mme X., ainsi qu'à étayer leur demande reconventionnelle de dommages intérêts aux fins notamment d'indemnisation du préjudice économique résultant de fautes de la banque dans le fonctionnement des comptes des époux X. et dans l'exécution des contrats de prêts souscrits par eux, dont le rapport de l'expertise ordonnée en référé n'a, selon eux, pas permis de révéler toute l'ampleur, constitue l'accessoire ou le complément des demandes formées en première instance.

Par suite, elle est recevable en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile sus citées.

 

* Sur le bien-fondé de la demande de nouvelle expertise :

Les époux X. prétendent qu'ils sont légitimes à solliciter une nouvelle mesure d'expertise, dès lors que le rapport d'expertise de Mme A. ne permet pas selon eux d'éclairer suffisamment la cour pour statuer sur le bien-fondé de leur défense qui tend à voir rejeter la demande en paiement formée par la banque à l'encontre de Mme X. au regard de sa propre créance à l'égard de la banque et sur leurs demandes reconventionnelles de dommages intérêts.

Ils soutiennent ainsi que si le rapport de Mme A. a révélé de nombreuses anomalies imputables à la banque, il n'a pas pu faire la lumière sur l'intégralité des manquements de la banque, faute pour celle-ci d'avoir coopéré pleinement et ne permet pas à la cour de se prononcer sur l'ampleur réelle des préjudices subis par eux en lien avec ces fautes.

Ils affirment également que certains documents ont été communiqués par la banque à l'expert, sans qu'ils en aient été destinataires et sans que ceux-ci figurent dans les dires en annexe du rapport.

Ils soulignent encore qu'alors qu'ils ont toujours soutenu que les sommes versées par les organismes de sécurité sociale et les mutuelles n'apparaissaient pas toutes sur les relevés de compte de la banque, Mme A. a estimé qu'il lui était impossible de vérifier ce qui devait représenter pour la période considérée près de 43 000 écritures et n'a pas souhaité s'adjoindre les services d'un sapiteur pour vérifier la comptabilisation sur le compte tiers payant des opérations provenant de télétransmissions.

La CRCAM du Finistère s'oppose à la demande en rappelant qu'une expertise a déjà eu lieu et en affirmant que Mme A. a répondu à toutes les questions posées dans sa mission ainsi qu'aux critiques des parties évoquées dans leurs dires.

Elle fait valoir que le fait que les époux X. ne soient pas satisfaits des conclusions de l'expertise qu'ils ont eux même sollicitée, ne saurait justifier leur demande d'organisation d'une nouvelle expertise pour laquelle la mission confiée à l'expert serait la même.

Elle ajoute que les époux X., qui sont défaillants dans l'administration de la preuve des manquements allégués non retenus par l'expertise, voudraient une nouvelle mesure d'expertise afin de suppléer à leur carence.

Sur ce,

Il résulte des articles 144 et 146 du code de procédure civile que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer, mais qu'en aucun cas elles ne peuvent l'être en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, une mesure d'expertise confiée à Mme A. a déjà été ordonnée en référé le 6 avril 2010, à la requête des époux X., relative au fonctionnement des deux comptes professionnels de Mme X. et de son compte personnel, y compris concernant les mouvements entre eux, ainsi qu'à l'exécution des contrats de prêts professionnels souscrits par Mme X.

L'expert a déposé son rapport le 30 mars 2011.

Assignée par la banque un an plus tard en paiement d'un solde de prêt immobilier personnel et de crédit professionnel, Mme X. et son époux, intervenant volontairement à l'instance, ont entendu s'opposer aux demandes et présenter des demandes reconventionnelles de dommages intérêts à raison de prétendus manquements de la banque dans l'exécution des conventions de comptes et de prêts la liant aux époux X. et de manquement à son obligation de conseil dans l'opération d'investissement locatif.

Ils maintiennent en appel leurs contestations et leurs demandes de dommages intérêts à raison des manquements de la banque, sauf celle concernant le manquement à obligation de conseil qui a fait l'objet d'un rejet par décision de la cour d'appel de Rennes du 1er juin 2018 devenue irrévocable suite au rejet du pourvoi de ce chef.

Au soutien de leur défense et de leur demande reconventionnelle, disposant déjà du rapport d'expertise de Mme A., les époux X. ont fait établir une note complémentaire par le cabinet d'expertise C., qu'ils ont versée aux débats dès en première instance, pour analyser le rapport d'expertise judiciaire et étayer leur propre évaluation du préjudice économique subi du fait des manquements allégués de la banque.

L'examen du rapport de Mme A. permet de vérifier que l'expert a répondu à tous les chefs de sa mission, y compris celui de répondre aux dires des parties qui ont ainsi pu faire valoir à celui-ci leurs critiques auxquelles il a été répondu.

La critique concernant le fait que l'expert judiciaire n'ait pas cru utile de faire appel à un sapiteur pour vérifier la comptabilisation sur le compte tiers payant de toutes les opérations provenant de télétransmissions, n'est pas fondée, dès lors qu'il ressort de son rapport que l'expert s'est expliqué sur sa démarche et a indiqué tous les éléments sur lesquels il s'est appuyé pour donner son avis quant à la preuve d'éventuelles erreurs commises par la banque, en se livrant à une analyse complète et détaillée de ceux-ci.

L'expert apparaît également avoir signalé toutes difficultés auxquelles il a été confronté concernant les autres vérifications et fourni tous les éléments de discussion concernant celles-ci.

Si les époux X. affirment que certains documents auraient été communiqués par la banque à l'expert, sans qu'ils en aient été destinataires et sans que ceux-ci figurent en annexe du rapport, ils ne justifient pas de leurs dires dès lors que l'exemplaire du rapport d'expertise qu'ils produisent ne contient pas les annexes.

En cours de procédure d'appel, les époux X. ont été destinataires de l'intégralité des relevés du compte professionnel service professionnel pharmacie n° 6680755701 associé à l'ouverture de crédit dont le remboursement est sollicité par la banque.

Alors que l'expertise n'est pas destinée à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, mais à éclairer le juge sur une question de fait purement technique qui requiert des investigations ou l'avis d'un spécialiste, les époux X. ne démontrent pas en quoi, au vu des documents dont ils disposent en ce compris un rapport complet d'expertise judiciaire dont ils ont pu discuter les conclusions, ils ne seraient pas en mesure de répondre eux-mêmes aux questions qu'ils entendent voir poser dans la nouvelle expertise, dont certaines au surplus ne relèvent pas de constatations techniques ou d'un avis de technicien mais d'une appréciation des conséquences légales à tirer de constatations, pour apporter à la cour les éléments nécessaires en vue de statuer sur leurs prétentions.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la demande de nouvelle expertise sera rejetée.

 

Sur la demande de la CRCAM du Finistère au titre du prêt immobilier n°667VV9801 de 68.000 euros :

Mme X. s'oppose à la demande en soutenant que la banque serait illégitime à lui réclamer le règlement du solde de ce prêt, dès lors que ce sont les manœuvres de la banque qui l'auraient mise dans l'impossibilité de régler les échéances du prêt à compter du mois de mai 2010.

Elle explique avoir adressé le 5 mai 2010 à la CRCAM du Finistère trois chèques à l'ordre de celle-ci de 89.135,08 euros, 89.195,98 euros et 51.596,41 euros, en vue de solder définitivement respectivement les prêts professionnel n°55802, 55803 et 55804, mais qu'en toute mauvaise foi, la banque qui a tardé à prendre en compte ses règlements, a imputé le 19 mai 2010 une partie de ces fonds au règlement du solde débiteur de son compte professionnel, laissant partie du prêt n°55802 non soldée.

Elle soutient que sans le retard injustifié avec lequel les remboursements ont été portés sur son compte qui l'a conduit à devoir continuer de régler les échéances de prêts qu'elle pensait avoir soldés, elle aurait continué de payer normalement les échéances du prêt immobilier litigieux, dès lors qu'elle aurait été libérée en mai 2010 de traites mensuelles liés aux trois prêts professionnels.

La CRCAM du Finistère réplique à Mme X. en faisant observer que ses allégations quant à de prétendues manœuvres ayant conduit à l'empêcher de poursuivre normalement le remboursement de son prêt, ne sont étayées par aucun élément de preuve.

Sur ce,

Mme X. justifie au vu des pièces produites avoir remis le 5 mai 2010 à la CRCAM du Finistère la somme globale de 229 ?927,47 euros au moyen de trois chèques émis à son ordre, destinés à solder les prêts professionnels n° 55802, 55803 et 55804.

Suivant arrêt irrévocable de la cour d'appel de Rennes du 28 avril 2017, la CRCAM du Finistère a été déboutée de sa demande en paiement au titre du solde restant dû sur le prêt n° 55802, aux motifs que celui-ci devait être considéré comme ayant été soldé en mai 2010, dès lors que la faculté d'imputer discrétionnairement les règlements de régularisation n'autorisait pas la banque à retarder sans motif un encaissement pour choisir de l'imputer au remboursement d'une autre ouverture de crédit, en méconnaissance des instructions expresses de l'emprunteur.

Il en résulte que c'est à tort que la banque a considéré que Mme X. restait devoir après le mois de mai 2010 des sommes au titre du prêt n° 55802.

Pour autant, Mme X. ne démontre pas, au vu des seules pièces versées aux débats, ses affirmations selon lesquelles le retard injustifié avec lequel les remboursements ont été portés par la banque sur son compte qui l'a conduit à devoir continuer de régler les échéances de prêts qu'elle pensait avoir soldés, l'aurait empêchée de continuer à rembourser à compter de mai 2010 le prêt immobilier n° 39801 de 68 000 euros dont les échéances s'élevaient à 896,97 euros, de sorte qu'il y aurait lieu de considérer que la banque serait illégitime à lui réclamer le règlement du solde de ce prêt.

Il sera relevé que seul le prêt n° 55802 n'a pas été entièrement soldé par l'imputation effectuée par la banque des règlements reçus en mai 2010, tandis que les remboursements des échances des prêts n° 55803 et 55804, représentant un montant supérieur aux échéances du prêt litigieux, ont cessé à cette date.

Il convient également de souligner que le prêt n° 55802 constituait une charge professionnelle de Mme X., tandis que les échéances du prêt immobilier n° 39801 souscrit par celle-ci pour financer l'acquisition de sa résidence principale constituaient des dépenses personnelles, prélevées sur son compte personnel.

Mme X., qui procède par affirmations, n'explique ni ne justifie de sa situation financière en mai 2010.

Ainsi, la demande en paiement formée par la CRCAM du Finistère au titre du solde restant dû sur le prêt immobilier n° 39801 consenti à Mme X. ne saurait être rejetée à raison d'un motif tiré d'une exécution de mauvaise foi de la banque de la convention de prêt professionnel n° 55802.

A titre subsidiaire, Mme X. conclut au rejet de la demande, en soutenant que la déchéance du terme n'a pas été régulièrement prononcée par la CRCAM du Finistère au regard des clauses du contrat de prêt prévoyant le respect d'un certain formalisme.

Elle soutient à ce titre que la lettre du 27 septembre 2010, faute de contenir mise en demeure visant expressément la clause de déchéance du terme du prêt, ne saurait permettre à la banque de lui réclamer le remboursement intégral du prêt.

Elle conclut que les seules sommes exigibles au titre du prêt de 68.000 euros sont les échéances échues impayées pour 4.540,44 euros, dont à déduire la somme de 550,94 euros correspondant, tel que cela ressort du rapport d'expertise de Mme A., à des frais de dossiers retenus par la banque supérieurs à ce qui était prévu dans le contrat.

Elle conclut encore au rejet de la demande au motif tiré du caractère abusif de la clause de déchéance du terme contenu dans le contrat de prêt litigieux.

Elle soutient que la clause insérée dans le contrat de prêt 39801 consenti pour financer son habitation principale, dont se prévaut la banque pour prétendre à l'acquisition de la déchéance du terme par l'effet de la lettre du 27 septembre 2010, est une clause dite de « déchéance par contagion », dès lors qu'elle permet à la banque de prononcer la déchéance du terme d'un prêt du fait de l'inexécution d'une obligation résultant d'un autre.

Elle conclut que cette clause qui créé un déséquilibre significatif dans les relations entre les parties au détriment du consommateur, en ce qu'elle aggrave les conditions de remboursement de l'emprunteur, doit en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur au moment de la souscription du prêt, être réputée non écrite.

Elle en déduit que la banque ne peut pas s'en prévaloir pour invoquer une déchéance du terme qui n'est donc plus prévue par le contrat de prêt.

La CRCAM du Finistère réplique à Mme X. en soutenant qu'il ressort de la lettre de mise en demeure du 27 septembre 2010, qu'elle a respecté le formalisme prévu par le contrat pour pouvoir se prévaloir de la déchéance du terme du prêt.

Elle fait encore valoir qu'en application de l'article L. 241-2 alinéa 2 du code de la consommation, le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses.

Elle soutient ainsi qu'en l'espèce, devrait être réputée non écrite uniquement la disposition du contrat de prêt permettant au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme en cas de non-paiement d'une échéance de tout autre prêt ou de toute autre ouverture de crédit consenti(e) à l'emprunteur et que demeure valable la clause de déchéance du terme en cas de non-paiement d'une échéance du prêt objet du contrat.

Elle souligne qu'en l'espèce, la déchéance du terme du prêt a été prononcée à raison de la non régularisation dans le délai imparti des retards de paiement dans les échéances du prêt immobilier litigieux à hauteur de 4 540,44 euros.

Elle en déduit qu'elle était fondée à prononcer la déchéance du terme en application des dispositions contractuelles demeurant valables.

A titre subsidiaire, elle prétend qu'elle serait fondée à demander à la cour de prononcer la résolution du contrat de prêt en application de l'article 1184 du code civil, à raison du défaut de règlement des échéances du prêt depuis mai 2010 constitutive d'un manquement grave à ses obligations contractuelles.

Sur ce,

Le contrat de prêt souscrit le 21 janvier 2006 par Mme X. à des fins personnelles de financement de sa résidence principale, contient une clause dont se prévaut la CRCAM du Finistère pour prétendre qu'elle a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme à défaut de régularisation dans le délai imparti des impayés notifiés dans sa lettre de mise en demeure du 27 septembre 2010, rédigée dans les termes suivants : « l'emprunteur devra, malgré toute stipulation d'échéance et dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée, si bon semble au prêteur et sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, rembourser le montant du prêt ou ce qui en restera dû, ainsi que tous intérêts, frais ou accessoires, dans l'un ou l'autre des cas suivants : (...)

- en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance, tant sur le présent prêt, que pour tout autre prêt ou ouverture de crédit consentis à l'emprunteur. »

Il en résulte que la CRCAM du Finistère peut se prévaloir de la déchéance du terme du prêt dans les mêmes conditions tenant aux formalités prévues par la clause, mais dans deux hypothèses distinctes et non liées l'une à l'autre, à savoir en cas de non-paiement total ou partiel par Mme X. d'une échéance du prêt objet de la convention dans laquelle est insérée ladite clause, ou en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance d'un autre prêt ou d'une autre ouverture de crédit consenti(e) par la même banque à Mme X..

Si la disposition insérée dans un contrat de prêt consenti par une banque à un consommateur, permettant au prêteur de prononcer la déchéance du terme du prêt pour une cause extérieure à ce contrat de prêt, afférente à l'inexécution d'une convention distincte, est abusive en ce qu'elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment du consommateur au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation en vigueur au moment de la souscription du prêt, celle prévoyant que le prêteur peut se prévaloir de la déchéance du terme en cas de non-paiement d'une échéance du prêt objet du contrat, n'est pas abusive et n'a donc pas lieu d'être réputée non écrite.

En outre, en application de l'article L. 132-1 alinéa 8 du code de la consommation, le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses.

En l'espèce, il n'est ni soutenu ni démontré que le fait que la disposition permettant au prêteur d'exiger le remboursement du montant du prêt ou ce qui en restera dû, ainsi que tous intérêts, frais ou accessoires en cas de non-paiement total ou partiel d'une échéance de tout autre prêt ou ouverture de crédit consentis à l'emprunteur, soit réputée non écrite comme abusive, empêcherait par ailleurs le contrat de prêt de rester applicable en ses autres dispositions et notamment celles prévoyant d'autres cas de déchéance du terme.

C'est donc à juste titre que la CRCAM du Finistère soutient que la disposition considérée comme abusive concernant la faculté de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt consenti le 21 janvier 20016 à Mme X. pour une cause extérieure à ce contrat, ne l'empêche pas d'invoquer la disposition prévoyant qu'elle peut se prévaloir de la déchéance du terme en cas de non-paiement partiel ou total d'une échéance dudit prêt.

La CRCAM du Finistère, qui prétend ainsi avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme du prêt litigieux à défaut de régularisation d'échéances de ce prêt, verse aux débats une lettre du 27 septembre 2010 adressée à Mme X. en recommandé avec demande d'avis de réception reçue le 5 octobre 2010.

La lettre dont s'agit intiulée « mise en demeure avec déchéance du terme » vise notamment le prêt litigieux n° 39801, contient clairement mise en demeure de Mme X. de régulariser l'intégralité des retards dont le montant est indiqué dans la lettre, dans le délai de huit jours et précise que tout retard dans le paiement des sommes dues rendra l'ensemble des crédits exigibles dans un délai de huit jours après réception de la lettre recommandée.

Elle est accompagnée d'un décompte détaillé des sommes dues au titre du prêt 39801 reprenant le détail du retard mentionné dans la lettre et précisant les sommes à échoir en cas d'exigibilité du solde.

Mme X. ne conteste pas qu'à cette date cinq échéances du prêt dont s'agit échues depuis mai 2010 demeuraient impayées pour le montant principal de 4.145,98 euros.

Elle ne prétend pas ni ne démontre qu'elle n'aurait pas bénéficié du délai de huit jours mentionné dans la lettre, conforme au délai conventionnellement prévu, pour régulariser le retard.

Enfin, elle ne conteste pas que la lettre de la banque reçue le 5 octobre 2010 soit demeurée sans effet.

Dans ces conditions, la déchéance du terme se trouvait acquise à l'expiration du délai de huit jours, sans obligation pour la banque de procéder à une nouvelle notification.

La déchéance du terme du prêt litigieux ainsi intervenue dans le respect des dispositions contractuelles est régulière.

C'est donc vainement que Mme X. soutient que les seules sommes exigibles sont les échéances échues impayées au 27 septembre 2010.

Au soutien de sa demande, la CRCAM du Finistère, verse aux débats :

- l'offre de prêt acceptée le 21 janvier 2006,

- le tableau d'amortissement,

- la lettre du 27 septembre 2010,

- le décompte des échéances échues impayées,

- le décompte détaillé de sa créance au premier mars 2012,

- le décompte détaillé de sa créance au 21 décembre 2017.

Au vu de ces pièces, la CRCAM du Finistère justifie d'une créance à l'encontre de Mme X. d'un montant de 31.009,15 euros arrêtée au premier mars 2012, se décomposant comme suit :

- solde en principal au premier mars 2012 : 28.508,08 euros = 29.223,08 euros (capital restant dû après règlement de l'échéance du mois d'avril 2010) - 715 euros (règlements reçus imputés sur le capital)

- solde sur intérêts échus au taux de 2,95 % premier mars 2012 : 472,43 euros,

- indemnité forfaitaire : 2.028,63 euros

TOTAL : 31.009,15 euros.

Il sera précisé que si Mme X. a entendu déduire des sommes dues au titre du prêt, la somme de 550,94 euros correspondant selon elle à une somme indûment perçue par la banque égale à l'écart entre les frais de dossier prévus par le contrat et les frais prélevés, elle a tenu compte de ladite somme dans sa demande reconventionnelle de condamnation de la CRCAM du Finistère à lui payer la somme de 35.107,50 euros qui lui resterait due après compensation des créances respectives des parties, ainsi d'ailleurs que dans la liquidation du préjudice matériel que les époux X. prétendent avoir subi du fait des erreurs commises par la banque dans la gestion de leurs comptes bancaires et de prêts, dans le cadre de leur demande reconventionnelle de dommages intérêts, qui a donné lieu en première instance à condamnation de la banque au paiement à Mme X. de la somme de 4.767,95 euros objet de l'appel principal des époux X. et d'un appel incident de la banque.

La créance de 550,94 euros ainsi alléguée par Mme X. fera donc l'objet d'un examen avec celui des demandes reconventionnelles.

Au final, le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2014 sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 31.009,15 euros avec intérêts au taux de 2,95 % l'an calculés sur la somme de 28.508,08 euros à compter du premier mars 2012 qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil (anciennement 1154 du code civil).

 

Sur la demande de la CRCAM du Finistère au titre de l'ouverture de crédit de 50.000 euros :

La CRCAM du Finistère fait valoir qu'ayant été déboutée en première instance de sa demande au titre de l'ouverture de crédit fonctionnant avec le compte professionnel de Mme X. n°6680755701, au motif qu'elle ne versait pas l'historique complet de ce compte, elle a versé aux débats devant la cour un historique complet de ce compte.

Elle souligne que la mise en demeure adressée en septembre 2010 à Mme X. est en cohérence avec les relevés de compte produits.

Elle soutient qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de Mme X. à lui payer au titre du solde restant dû en principal la somme de 59.312,25 euros correspondant au solde débiteur du compte au 18 janvier 2019, outre intérêts au taux de 13,80 % à compter du 19 janvier 2012 qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Mme X. conclut au rejet de la demande, en soutenant que la banque a exigé en septembre 2010 l'intégralité du solde restant dû au titre de l'ouverture de crédit, alors que le plafond de l'autorisation n'était pas dépassé et que les conditions prévues par la convention pour provoquer l'exigibilité anticipée par le prêteur, n'étaient pas réunies à cette date.

Elle prétend ainsi que la banque ne pouvait se prévaloir du cas conventionnel d'exigibilité du solde de non-paiement à leur date d'échéance des sommes exigibles au titre de tout autre prêt consenti par la banque, en soutenant que sans le retard injustifié avec lequel les remboursements opérés le 5 mai 2010 des prêts 55802, 55803 et 55804, elle aurait continué de rembourser normalement les échéances du prêt immobilier 39801 de 68 000 euros.

Sur ce,

Il résulte du contrat versé aux débats par la CRCAM du Finistère, que suivant « contrat de crédit global de trésorerie », signé le 28 février 2008 par Mme X. et le 18 mars 2008 pour la CRCAM du Finistère, cette dernière a consenti à Mme X. une ouverture de crédit d'un montant de 50.000 euros au taux d'intérêt variable : TRCAM (taux de référence) + 1, 85 %, de 8,9000 % à la souscription, fonctionnant avec le compte professionnel de la pharmacie n° [...].

Le contrat ainsi conclu à des fins professionnelles de financement de besoins de trésorerie contient une clause dont se prévaut la CRCAM du Finistère pour prétendre qu'elle peut se prévaloir de l'exigibilité immédiate à défaut de régularisation dans le délai imparti dans sa lettre de mise en demeure du 27 septembre 2010, rédigée dans les termes suivants : « le prêt deviendra de plein droit exigible en capital, intérêts, frais, commissions et accesoires par la seule survenance de l'un quelconque des événements énoncés ci-dessous et dans les huit jours de la réception d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'emprunteur par le prêteur : (...)

- en cas de non-paiement à la date de leur échéance des sommes exigibles, au titre tant du présent prêt que de tout autre prêt consenti par le prêteur ».

La CRCAM du Finistère justifie de l'envoi le 27 septembre 2010 d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 5 octobre 2010, intiulée « mise en demeure avec déchéance du terme » visant le crédit litigieux par la référence au compte professionnel n° [...] dont elle indique le solde débiteur, mais également les retards de paiement dans les contrats 55802, 39801, 39802 et 39803, contenant mise en demeure de Mme X. de régulariser l'intégralité des retards dont les montants sont indiqués, dans le délai de huit jours, en précisant que tout retard dans le paiement des sommes dues rendra l'ensemble des crédits exigibles dans un délai de huit jours après réception de la lettre recommandée.

Elle est accompagnée d'un décompte détaillé des sommes dues au titre des contrats de prêt 55802, 39801, 39802 et 39803, reprenant le détail du retard mentionné dans la lettre et précisant les sommes à échoir en cas d'exigibilité du solde.

Il est exact qu'à la date de l'envoi de la lettre par la banque, l'autorisation de découvert de 50.000 euros en compte n° [...] n'était pas dépassée.

Cependant, en application des dispositions conventionnelles sus rappelées, la banque était en droit de se prévaloir de l'exigibilité immédiate du solde de l'ouverture de crédit, en cas de non régularisation dans le délai de huit jours de la réception de la lettre du 27 septembre 2010, des échéances échues impayées relatives aux quatre autres concours accordés par la même banque à Mme X. visés dans cette lettre, dès lors que ces impayés seraient établis.

S'il résulte de ce qui précède que la banque n'était pas fondée à invoquer le 27 septembre 2010 des retards de paiement du prêt 55802 dont il a été jugé depuis lors qu'il devait être considéré comme soldé suite aux paiements effectués le 5 mai 2010, Mme X. admet la réalité des impayés dans le prêt 39801 (prêt immobilier de 68 000 euros).

Ses affirmations selon lesquelles le retard injustifié avec lequel les remboursements ont été portés par la banque sur son compte qui l'a conduit à devoir continuer de régler les échéances de trois prêts qu'elle pensait avoir soldés, l'aurait empêchée de continuer à rembourser à compter de mai 2010 les échéances du prêt immobilier n° 39801 visé par la lettre du 27 septembre 2010, ne sont étayées par aucune pièce, étant rappelé que seul le prêt n° 55802 n'a pas été intégralement soldé par la banque contrairement aux instructions de sa cliente et qu'elle n'explique ni ne justifie de sa situation financière en mai 2010.

Il convient en outre de souligner que Mme X. est totalement taisante sur les défauts de paiement des deux autres prêts 39802 et 39803 souscrits en 2007 pour financer un investissement locatif, visés également dans la lettre du 27 septembre 2010.

Par ailleurs, Mme X. ne prétend pas ni ne démontre qu'elle n'aurait pas bénéficié du délai de huit jours mentionné dans la lettre, conforme au délai conventionnellement prévu, pour régulariser les retards.

Elle ne conteste pas que la lettre de la banque reçue le 5 octobre 2010 soit demeurée sans effet quant à la régularisation des échéances échues impayées des prêts 39801, 39802 et 39803 consentis par la CRCAM du Finistère.

Dans ces conditions, la CRCAM du Finistère pouvait, conformément à la clause de déchéance du terme insérée dans le contrat d'ouverture de crédit, se prévaloir de l'exigibilité immédiate du solde du concours à l'expiration du délai de huit jours suivant la réception de la lettre du 27 septembre 2010, sans obligation pour la banque de procéder à une nouvelle notification.

La déchéance du terme de l'ouverture de crédit de 50.000 euros ainsi intervenue dans le respect des dispositions contractuelles est régulière.

Au soutien de sa demande, la CRCAM du Finistère verse aux débats :

- la convention de crédit,

- l'historique complet du compte n° [...], support de l'ouverture de crédit,

- la lettre du 27 septembre 2010.

Au vu de ces pièces, la CRCAM du Finistère justifie d'une créance à l'encontre de Mme X. d'un montant de 59.312,25 euros arrêté au 18 janvier 2012, outre intérêts conventionnels postérieurs.

Au final, le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2014 sera infirmé en ce qu'il a débouté la CRCAM du Finistère de sa demande et statuant à nouveau, Mme X. sera condamnée à payer à la CRCAM du Finistère la somme de 59.312,25 euros, avec intérêts au taux de 13,80 % l'an à compter du 19 janvier 2012 qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil (anciennement 1154 du code civil).

 

Sur la demande de condamnation de la CRCAM du Finistère à payer à Mme Y. épouse X. la somme de 35.107,50 euros après compensation des créances respectives des parties :

Mme X. prétend qu'elle se trouve créancière à l'égard de la CRCAM du Finistère de la somme de 39.097 euros au titre de sommes indûment perçues par la banque, liées à ce qu'elle dénomme comme étant des « anomalies de comptes ».

Elle s'estime dès lors fondée à solliciter la condamnation de la CRCAM du Finistère à lui payer la somme de 35 107,50 euros, déduction faite de la somme de 3.989,50 euros dont elle se reconnaît redevable à l'égard de la banque au titre du montant échu impayé au 27 septembre 2010 sur le prêt immobilier 39801.

Aux termes de ses écritures la somme de 39 097 euros dont elle se prétend créancière se décompose comme suit :

- cotisations d'assurance indûment prélevées pour les contrats de prêts 39802, 39803 et 39804 : 24.689 euros

- agios prélevés sur le compte personnel de Mme X. sans autorisation de découvert : 368 euros,

- frais sur emprunts 39802 et 39803 supérieurs à ceux contractuellement prévus : 1.691,95 euros,

- frais prélevés sans justificatif sur le compte personnel de Mme X. : 24 euros

- écarts entre les montants d'intérêts figurant sur les attestations annuelles établies par la banque et les montants prélevés pour les prêts 39802 et 39803 : 1.512 euros

- cotisations d'assurance indûment prélevées pour les contrats de prêts 55801, 55802 et 55803 : 9.413,57 euros

- surfacturation des frais sur emprunts 55801, 55802 et 55803 : 1.196,01 euros,

- surfacturation des frais sur avenants : 202,29 euros.

La CRCAM du Finistère réplique en soutenant que Mme A. n'a identifié sur les comptes professionnels analysés que des écarts de frais pour 1.196 euros.

Elle conteste l'analyse non contradictoire du cabinet C. produite par les époux X. qui intègre dans la créance de Mme X. des sommes prétendument perçues indument par la banque au titre de cotisations d'assurances pour des contrats qui n'auraient pas été souscrits, en soulignant que l'expert judiciaire n'a constaté aucun non-respect des échéanciers des prêts professionnels, pas plus que des anomalies dans le prélèvement des cotisations d'assurance dont les contrats et justificatifs lui ont été communiqués.

Sur ce,

Il appartient à Mme X., qui se prévaut d'une créance d'un montant de 39.097 euros au titre de sommes indûment perçues par la banque, de rapporter la preuve de celle-ci.

Partie de cette somme, soit 4.767,95 euros correspond au chiffrage de Mme A. qui a retenu, au terme de son analyse, des agios prélevés sur le compte personnel de Mme X. sans autorisation de découvert pour 368 euros, des frais sur les emprunts 39802 et 39803 prélevés sur le compte personnel de Mme X. supérieurs à ceux contractuellement prévus pour 1.691,95 euros, des écarts entre les montants d'intérêts figurant sur les attestations annuelles établies par la banque et les montants prélevés sur le compte personnel de Mme X. pour les prêts 39802 et 39803 d'un montant de 1 512 euros et une surfacturation des frais sur emprunts professionnels 55801, 55802 et 55803 pour un montant de 1.196,01 euros.

S'agissant des comptes de prêts professionnels, la CRCAM du Finistère n'a pas contesté la surfacturation des frais retenue par l'expert pour un montant de 1.196,01 euros qu'elle reprend dans ses conclusions.

S'agissant de l'analyse du fonctionnement du compte personnel de Mme X., la banque n'a fait valoir aucun élément opposant quant à la somme globale de 3.571,94 euros qui a été retenue en première instance par le tribunal de grande instance dans la décision critiquée du 18 juin 2014 comme ayant été indûment prélevée, en se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire.

Le solde de la créance alléguée par Mme X. est constitué de prélèvements de cotisation d'assurance pour les prêts 39802, 39803, 39804, 55801, 55802 et 55803, dont elle soutient qu'elles étaient indues comme ne correspondant à aucun contrat d'assurance souscrit par le ou les emprunteurs; ce qui est formellement contesté par la CRCAM du Finistère, laquelle relève qu'elle s'en est expliqué devant l'expert et que celui-ci a conclu, au vu des pièces analysées, que les sommes dont s'agit étaient justifiées.

Au soutien de ses dires, Mme X. se prévaut d'une note établie par le cabinet d'expertise comptable C. de manière non contradictoire, reposant sur l'analyse critique du rapport d'expertise de Mme A., dans laquelle il affirme que les contrats de prêts 39802 et 39803 présentés chez le notaire sont erronés, que la banque n'a pas fourni les contrats d'assurance relatifs aux prêts pour lesquels des cotisations ont néanmoins été prélevées ou a fourni des documents dont il ressort qu'aucune assurance n'avait été souscrite, en se référant uniquement au contenu du rapport et à ses annexes.

Cependant, le rapport d'expertise de Mme A. versé aux débats par Mme X. comporte plusieurs pages tronquées et ne contient aucune des 23 annexes auxquelles se réfère l'expert dans son analyse et dans ses réponses aux dires, notamment en ce qui concerne la question des cotisations d'assurance.

Et Mme X., sur laquelle repose la charge de la preuve de sa créance, n'a versé aux débats qu'un seul contrat (prêt immobilier de 68.000 euros) sur les neuf contrat de prêts figurant dans l'historique qu'elle dresse dans ses écritures des conventions la liant à la CRCAM du Finistère.

Ainsi, alors qu'il est mentionné dans le rapport d'expertise judiciaire versé aux débats, en synthèse des constatations opérées sur le compte personnel de Mme X., que « des échéances d'assurance sur les prêts personnels ont été prélevées en conformité avec les conventions passées ; la banque justifie les prélèvements d'assurance (annexe 21) » et concernant les prêts professionnels, que la banque a communiqué les contrats de prêt et adhésion au contrat d'assurance et fourni toutes explications sur les prélèvements des cotisations assurance ADI en annexe 21, Mme X. ne démontre pas le contraire au vu des seules pièces produites.

Par ailleurs, Mme X. ne prouve pas non plus que des frais pour un montant de 226,29 euros auraient été indument prélevés par la banque sur ses comptes, non pris en compte par l'expert judiciaire, le seul fait qu'ils aient été retenus dans le compte présenté par le cabinet C. étant insuffisant dès lors qu'ils ne sont corroborés par aucune pièce.

Ainsi en définitive, la seule créance dont Mme X. justifie à l'égard de la CRCAM du Finistère au titre de sommes indument prélevées sur son compte s'élève à 4.767,95 euros.

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la CRCAM du Finistère à payer à Mme X. la somme de 4.767,95 euros et ordonné compensation des créances réciproques de la CRCAM du Finistère et de Mme X., à due concurrence.

 

Sur la demande des époux X. de condamnation de la CRCAM du Finistère au paiement de la somme de 300.000 euros de dommages intérêts :

M. X. et Mme X. soutiennent qu'ils sont fondés à solliciter l'allocation de la somme de 300.000 euros à titre de dommages intérêts, en réparation des préjudices économiques et moral subis directement en lien avec les manquements graves et répétés de la banque à ses obligations.

Concernant le préjudice matériel subi, ils font valoir que les anomalies imputables à la banque dans la gestion de leur compte a conduit à un trop perçu d'un montant de 39.097 euros.

Ils prétendent également qu'il ressort de lettres du 25 janvier 2019 et du 6 mars 2019, que la banque s'est octroyée la somme de 80.396,60 euros qui se trouvait placée sur un contrat assurance vie nanti à son profit le 14 février 2007 en garantie du remboursement d'un prêt professionnel, alors que ledit prêt devait être considéré comme remboursé à la date du 5 mai 2010, comme l'a établi la cour d'appel de Rennes dans sa décision du 28 avril 2017, de sorte que cette somme s'ajoute selon eux à leur préjudice.

Ils font encore valoir qu'ils ont été incités par la banque à fermer le PEL ouvert au nom de leur fils le 26 juillet 2008, aux fins de combler partie du découvert autorisé sur le compte professionnel de Mme X., mais qu'alors que le montant placé sur le PEL s'élevait à 55 281,10 euros, seuls 30.000 euros ont effectivement été versés le 26 juillet 2008 sur le compte professionnel de Mme X., le solde de 25.281,10 euros « ayant mystérieusement disparu sans explication de la CRCAM du Finistère », ce qui justifie le remboursement du solde indûment conservé par la banque.

Ils affirment qu'il en est de même pour le PEL de leur fille, clôturé en 2010 mais dont le solde de 55.000 euros ne correspond pas au montant placé sur le compte qui était créditeur fin 2008 de 57.262,98 euros, la différence de 2.262,98 euros s'ajoutant selon eux à leur préjudice en lien direct avec les anomalies dans la gestion des comptes.

Enfin, ils font observer que le comportement de la banque très opaque, qui s'est prévalu à tort de déchéances du terme des différents prêts, a multiplié les procédures en recouvrement contre eux, remettant en cause le fragile équilibre de leurs comptes tant personnels que professionnels, leur a causé un grave préjudice moral.

La CRCAM du Finistère conclut au rejet de la demande, en soutenant que les époux X. ne démontrent pas les prétendues fautes de la banque qui seraient à l'origine des préjudices allégués.

Subsidiairement sur le quantum de la demande, elle fait observer que celui-ci est totalement démesuré au regard des pièces produites, y compris au regard des conclusions du cabinet d'expertise comptable qu'ils ont mandaté.

Elle indique qu'à la date du 21 décembre 2017, les époux X. restaient redevables de la somme de 537.689,46 euros au titre des prêts immobiliers 39802 et 39803, à laquelle s'ajoute le solde du prêt 39801 souscrit par Mme X. d'un montant de 36.076,28 euros arrêté à cette même date et souligne que la procédure de saisie immobilière qui a abouti à ce qu'elle soit déclarée adjudicataire du bien pour un montant de 250.000 euros à défaut d'enchérisseur, n'a pas permis de solder les dettes.

Sur ce,

Il appartient aux époux X. de rapporter la preuve de manquements commis par la banque, des préjudices allégués et d'un lien de causalité entre ceux-ci.

Il sera observé en premier lieu que les époux X. reprennent dans leur évaluation du préjudice subi la somme dont ils prétendent qu'elle a été indument perçue par la banque à raison d'anomalies de gestion des comptes, soit 39.097 euros, qui fait double emploi avec la demande de condamnation à paiement au profit de Mme X. de la même somme à compenser avec la créance de la banque à son égard, sus examinée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la prendre en compte dans le préjudice matériel prétendument subi par les époux X. du fait des fautes de la banque dont ils sollicitent réparation par l'allocation de dommages intérêts.

S'agissant de la somme de 80.396,60 euros qui se trouvait placée sur un contrat assurance vie nanti au profit de la banque et que celle-ci se serait appropriée en 2019 alors que le prêt objet de la garantie aurait été soldé depuis mai 2010, il convient de relever que la lettre du 25 janvier 2019 produite au soutien des dires des époux X. se réfère au contrat n° 66741939803 nanti par le contrat assurance vie qui correspond, selon l'historique figurant dans les conclusions des époux X. et les indications dans le rapport d'expertise judiciaire, à un prêt souscrit en 2007 par les époux X. d'un montant de 300.000 euros destiné à un investissement locatif, tandis que le prêt 803 soldé en mai 2010 était un prêt professionnel souscrit par Mme X. en 2001 pour acquérir son fonds de commerce de pharmacie.

La faute alléguée de la banque qui serait à l'origine d'un préjudice d'un montant de 80.396,60 euros n'est donc pas démontrée.

S'agissant de la clôture des PEL ouverts aux noms de leur fils Rémi et de leur fille Alice, il convient de relever d'une part que la demande de clôture relative au premier contrat mentionne que les fonds seront crédités sur le compte n° [...] correspondant au compte personnel de Mme X., alors que le relevé de compte produit pour établir que seuls 30.000 euros auraient été crédités, est celui du compte professionnel de Mme X. ; d'autre part que l'expert judiciaire a mentionné dans son rapport l'apport de la somme de 55.000 euros en 2008 et celle de 57.000 euros en 2009 par clôture de deux PEL, pour renflouer le compte personnel de Mme X. grevé par les lourdes charges de remboursement de prêts représentant environ 45.000 euros à compter de 2007, ce dont il résulte que l'intégralité des fonds placés sur les PEL ont bien été récupérés par Mme X. et qu'ils n'ont pas « mystérieusement disparu » tel qu'affirmé gratuitement par les appelants.

La faute alléguée de la banque qui serait à l'origine d'un préjudice d'un montant global de 28.074,08 euros n'est donc pas non plus démontrée par les époux X.

Au final, alors que les seules sommes indument prélevées par la banque dont les époux X. justifient s'élèvent à 4.767,95 euros et qu'ils ne démontrent pas que la banque aurait agi abusivement contre Mme X. en sollicitant le règlement du solde dû au titre du prêt personnel immobilier de 68.000 euro et de l'ouverture de crédit en compte professionnel, il convient de considérer que les époux X. ne justifient pas avoir subi un préjudice moral du fait de prétendus agissements fautifs de la CRCAM du Finistère.

Ainsi, en définitive, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts des époux X.

 

Sur les autres demandes :

Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante, les époux X. seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles et seront condamnés in solidum aux dépens de première instance en ceux compris les frais d'expertise et de l'instance d'appel en ceux compris les dépens de l'arrêt cassé.

Partie perdante, les époux X. seront en outre condamnés in solidum à payer à la CRCAM du Finistère une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant sur renvoi de la Cour de Cassation, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- DECLARE RECEVABLE la demande de nouvelle expertise formée en appel par les époux X. ;

- REJETTE la demande de nouvelle expertise formée par les époux X. ;

- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2014 en ce qu'il a :

* condamné Mme Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Finistère la somme de 31.009,15 euros avec intérêts au taux de 2,95 % l'an sur la somme de 28.508,08 euros à compter du 1er mars 2012 et ordonné la capitalisation des intérêts par périodes annuelles en application de l'article 1154 du code civil,

* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Finistère à payer à Mme Y. épouse X. la somme de 4 767,95 euros ;

* ordonné la compensation des créances réciproques de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Finistère et de Mme Y. épouse X. ;

- INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2014 en ses autres dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- CONDAMNE Mme Y. épouse X. à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Finistère la somme de 59.312, 25 euros, avec intérêts au taux de 13,80 % l'an à compter du 19 janvier 2012 qui se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- CONDAMNE Mme Y. épouse X. et M. X. in solidum aux dépens de première instance et de l'instance d'appel en ceux compris les dépens de l'arrêt cassé et les frais d'expertise ;

- CONDAMNE Mme Y. épouse X. et M. X. in solidum à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Finistère la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE                             LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS                              C. CORBEL