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CA LYON (3e ch. A), 7 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 7 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch.
Demande : 18/02603
Date : 7/04/2022
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/04/2018
Référence bibliographique : 6242 (L. 442-6, juridictions spécialisées), 6155 (art. 1135)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9548

CA LYON (3e ch. A), 7 avril 2022 : RG n° 18/02603 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Comme le soutient justement la société Casino, il y a lieu en application des dispositions susvisées de relever l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce de Saint-Étienne, qui, bien que n'étant pas spécialement désigné pour connaître des litiges relatifs à l'article L. 442-6 précité, a néanmoins statué sur l'application de ce texte au contrat de cogérance mandataire non-salarié et sur la demande indemnitaire formée par M. X. et Mme Y. fondée sur cette disposition, lesquelles ne relevaient pas de son pouvoir juridictionnel et étaient donc irrecevables. Il convient donc d'annuler le jugement sur ce point. Devant la cour qui n'a pas plus le pouvoir juridictionnel de statuer sur l'article L. 442-6, la demande indemnitaire de M. X. et Mme Y. est irrecevable. »

2/ « M. X. et Mme Y. se prévalent également de la responsabilité contractuelle de la société Casino. A ce titre, ils font valoir que l'article 21 de l'accord collectif national des maisons d'alimentation qui fixe un délai de prévenance de 8 jours pour les seuls inventaires intermédiaires à l'exclusion des inventaires définitifs ainsi que l'article 12 du contrat de cogérance mandataire non salarié qui ne prévoit pas que les relevés de compte doivent être signés par les gérants, les empêchant ainsi de connaître avec précision l'état de leur éventuel endettement, sont déséquilibrés. Ils soutiennent également que les résultats établis à partir de logiciels comptables utilisés par la société Casino et pour lesquels ils ne sont pas formés, leur sont ainsi imposés, ce qui constitue une disproportion et une mauvaise foi manifeste. Ils sollicitent en conséquence le paiement de la somme de 33.000 € sur le fondement des articles 1134 et 1135 anciens du code civil.

Or, d'une part, les appelants, qui recherchent la responsabilité contractuelle de la société Casino, n'allèguent ni ne démontrent aucune faute imputable à celle-ci ni aucun préjudice en lien causal.

D'autre part, et en tout état de cause, la sanction tenant à l'octroi de dommages et intérêts contractuels telle que sollicitée par les appelants n'a pas vocation à recevoir application à l'égard des clauses précitées qualifiées d'abusives par M. X. et Mme Y. sur le fondement de l'article 1135 ancien du code civil, lesquelles ne peuvent qu'être réputées non écrites. Il y a donc lieu de déclarer mal fondée cette demande indemnitaire et de les en débouter. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 7 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/02603. N° Portalis DBVX-V-B7C-LUHS. Décision du Tribunal de Commerce de Saint-Étienne, Au fond, du 1er mars 2018 : R.G. n° 2016j00413.

 

APPELANTS :

M. X.

né le [date] à [ville], [...], [...], Représenté par Maître Laurence J.-F., avocat au barreau de LYON, toque : 361 et ayant pour avocat plaidant, Maître Marie-Bénédicte P., avocat au barreau de GRENOBLE

Mme Y.

née le [date] à [ville], [...], [...], Représentée par Maître Laurence J.-F., avocat au barreau de LYON, toque : 361 et ayant pour avocat plaidant, Maître Marie-Bénédicte P., avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[...], [...], Représentée par Maître Gaël S. de la SCP B. ET S., avocat au barreau de LYON, toque : 1547 et ayant pour avocat plaidant, Maître Cécile A., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

 

Date de clôture de l'instruction : 12 juin 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 février 2022

Date de mise à disposition : 7 avril 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Anne-Marie ESPARBÈS, président - Catherine CLERC, conseiller - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier.

A l'audience, Raphaële FAIVRE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Distribution Casino France (la société Casino) confie la gestion et l'exploitation de magasins de vente au détail dits « supérettes » à des cogérants suivant un contrat type de cogérance.

Le 7 mai 2012, M. X. et Mme Y. ont signé un contrat de cogérance mandataire non salarié avec la société Casino aux fins de l'exploitation d'une supérette C XXX située à [ville M.].

M. X. et Mme Y. étaient dépositaires des marchandises confiées et étaient rémunérés par le biais de commissions.

Le 3 août 2012, il a été procédé à un inventaire contradictoire de renseignement de la supérette située à [ville M.], signé par les parties, faisant apparaître un stock réel de marchandises de 159.184,19 € et un stock réel d'emballages de 3.620,26 €.

Par courrier du 5 décembre 2012, M. X. a informé la société Casino de ce qu'il quittait ses fonctions à compter du 3 décembre 2012. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 décembre 2012, la société Casino a accusé réception de la rupture unilatérale du contrat de cogérant. Par courrier du même jour, la société Casino a informé Mme Y. que son mandat de cogérante mandataire prendrait fin en même temps que celui de M. X.

Le 13 décembre 2012, la société Casino a procédé à un inventaire de reprise contradictoire de la supérette de [ville M.], signé par les parties, faisant apparaître un stock réel de marchandises de 161.284,74 € et un stock réel d'emballages de 3.662,66 €.

Ces résultats d'inventaires ont été inscrits sur le compte général de dépôt des cogérants faisant apparaître un solde débiteur de marchandises de 32.065,23 € et un excédent en emballage de 5.892,23 €. Le compte général de dépôt faisant apparaître un solde débiteur de 33.228,67 € a été signé par M. X. le 4 juillet 2013.

La société Casino a sollicité paiement du solde débiteur du compte général de dépôt des consorts X. Y. pour la somme de 33.228,67 €.

Le 7 octobre 2013, M. X. a sollicité la mise en place d'un prélèvement automatique de 400 € pour régulariser son compte général de dépôt en solde négatif payable tous les 20 de chaque mois et a signé un ordre de virement. Ces virements n'ont toutefois pas été mis en 'uvre.

Par acte d'huissier de justice du 19 mai 2016, la société Casino a fait délivrer assignation à M. X. et Mme Y. en paiement de la somme de 33.228,67 € outre intérêts de droit à compter du 28 octobre 2013, date de la première mise en demeure, au titre du solde débiteur de leur compte général de dépôt.

Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

- dit mal fondées les contestations de M. X. et Mme Y. portant sur le quantum de la créance de la société Casino,

- dit la créance principale de la société Casino fondée dans son principe et son quantum,

- dit que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne sont pas applicables au contrat de cogérance mandataire non-salarié qui relève des articles L. 7322-1 et suivants du code du travail,

- débouté M. X. et Mme Y. de leurs demandes principales et subsidiaires,

- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Casino la somme de 33.228,67 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2013,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- débouté M. X. et Mme Y. de leur demande de dommages et intérêts,

- débouté M. X. et Mme Y. de leur demande de délais de paiement,

- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Casino la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. X. et Mme Y. de toutes leurs demandes,

- dit que les dépens sont à la charge solidaire de M. X. et Mme Y.,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement.

M. X. et Mme Y. ont interjeté appel par acte du 5 avril 2018.

[*]

Par conclusions du 25 mars 2019, fondées sur les articles 1134, 1135, 1244-1 et 1326 du code civil dans leurs anciennes rédactions, sur l'article 9 du code de procédure civile, ainsi que sur l'article L. 442-6 du code de commerce, M. X. et Mme Y. demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel et les dire bien fondés,

à titre liminaire :

- se déclarer compétente pour juger de l'applicabilité et de l'application des dispositions prévues par l'article L. 442-6 du code de commerce

à titre principal :

- infirmer le jugement querellé en ce qu'il leur a dit et jugé opposables les arrêtés de comptes et le compte général de dépôt invoqués par la société Casino au soutien de sa demande,

- juger que Mme Y. n'ayant pas signé le courrier du 7 octobre 2013, lesdits éléments comptables lui sont inopposables,

- débouter purement et simplement la société Casino de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire :

- juger applicable au présent litige l'article « L. 446-1 » du code de commerce s'agissant d'une demande reconventionnelle et par conséquent retenir la compétence du tribunal de commerce et de la présente cour,

- infirmer purement et simplement le jugement querellé en ce qu'il a jugé inapplicable les dispositions de l'article « L. 446-1 » du code de commerce au présent litige faute de qualité de commerçant des appelants,

statuant à nouveau,

- juger, qu'assumant les risques du commerce, ils ont la qualité de commerçants,

juger déséquilibrées les conditions d'exécution du contrat qui leur ont été imposées par la société Casino,

- infirmer purement et simplement le jugement querellé en ce qu'il a jugé non engagée la responsabilité de la société Casino sur le fondement de l'article 1134 du code civil tel qu'appréciée à la lumière du nouvel article 1171 du code civil,

statuant à nouveau,

- juger qu'en imposant de telles conditions contractuelles, la société Casino a engagé sa responsabilité,

- juger que la société Casino a engagé sa responsabilité en confiant un magasin victime de vol quotidien,

- condamner la société Casino à leur payer la somme de 33.000 €,

en tout état de cause :

- infirmer purement et simplement le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de délai de paiement,

statuant à nouveau,

- leur octroyer les plus larges délais de paiement soit 24 mois,

- infirmer purement et simplement le jugement querellé en ce qu'il a accueilli la demande de capitalisation des intérêts formulée par la société Casino et statuant à nouveau l'en débouter,

- condamner la société Casino à leur payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Casino aux entiers dépens, lesquels seront distraits au profit de Maître Laurence J. F.

[*]

Par conclusions du 14 mai 2019, fondées sur l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, sur l'article L. 442-6 du code de commerce, ainsi que sur l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, la société Casino demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Étienne en date du 1er mars 2018,

- débouter les consorts X. Y. de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- déclarer irrecevable la demande reconventionnelle formée par les consorts X. Y.,

- juger en toute hypothèse que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne sont pas applicables au contrat de cogérance mandataire non-salarié qui relève des articles L. 7322-1 et suivants du code du travail,

en conséquence, juger le tribunal de commerce de Saint-Étienne et la présente cour d'appel compétents pour connaître du litige,

en toute hypothèse :

- débouter les consorts X. Y. de leur demande reconventionnelle,

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. à lui payer :

- la somme de 33.228,67 € outre intérêts de droit à compter du 26 novembre 2013,

- la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- les condamner enfin toujours solidairement aux entiers dépens de l'instance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande en paiement de la société Casino au titre du solde débiteur du compte général de dépôt :

Conformément à l'article 1932 du code civil, le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue. Par ailleurs, en application de l'article 1993 du même code, le mandataire « est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eut point été dû au mandant ».

Enfin, conformément à l'article 1134 ancien du code civil applicable en la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux-qui les ont faites.

Suivant contrat type de cogérance mandataire non salariée soumis aux dispositions des articles L. 7322-1 et suivants du code du travail et de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales supermarchés, hypermarchés « gérant mandataire non salarié » du 18 juillet 1963 modifié et ses avenants ultérieurs, la société Distribution Casino France a confié à M. X. et Mme Y. la gestion et l'exploitation d'une supérette C XXX à [ville M.] selon contrat de cogérance mandataire du 7 mai 2012.

En application de l'article 8 du contrat de cogérance et de l'article 24 de l'accord collectif national précité, M. X. et Mme Y. doivent, en leur qualité de cogérants, assumer la charge de tout déficit d'inventaire.

L'article 5 du contrat de cogérance prévoit que les cogérants doivent contrôler, à réception, les marchandises qui leur sont livrées et signaler dans les 48 heures les erreurs éventuelles ; l'entrée des marchandises, sans observations, impliquera reconnaissance de l'exactitude des bordereaux de livraison. L'article 7 stipule qu'il sera procédé périodiquement à des inventaires dans les conditions prévues par l'accord national collectif.

Aux termes de l'article 21 de l'accord collectif national des maisons d'alimentations « l'inventaire est l'état détaillé du recensement des marchandises en succursale en vue de la valorisation des existants réels ainsi constatés. « valeur du stock départ + valeur des stocks marchandises reçues = recettes versées + valeur du stock final. Si le total des recettes versées et le stock constaté au jour de l'inventaire sont inférieurs au stock de départ et à la valeur des marchandises reçues, il y a manquement de marchandises ou de recette provenant de leur vente. Dans le cas contraire il y a excédent. Un arrêté de compte opposable aux deux parties est établi à la suite de chaque inventaire ».

Ce même article prévoit un inventaire de prise de gestion (article 21A), un inventaire de cession départ société (article 21 B) et des inventaires de règlement (article 21C). Pour chaque type d'inventaire, il est stipulé que « l'entreprise adresse au gérant mandataire non salarié la situation d'inventaire dans un délai n'excédant pas un mois à compter du jour de l'inventaire. Le gérant mandataire non salarié dispose, à partir de la réception de ces documents, d'un délai de 15 jours pour les examiner et présenter, le cas échéant, ses observations ». L'article 21 C relatif à l'inventaire de règlement stipule par ailleurs que « le gérant non salarié sera prévenu au moins 8 jours à l'avance de la date de l'inventaire ».

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 33.228,67 € au titre du solde débiteur du compte général de dépôt, la société Casino se prévaut :

- des attestations d'inventaires du 3 août 2012 et du 13 décembre 2012 signées et approuvées par les cogérants,

- d'un courrier de M. X. du 7 octobre 2013 sollicitant la mise en place d'un prélèvement automatique de 400 € pour régulariser son compte général de dépôt en solde négatif payable tous les 20 de chaque mois, auquel est annexé un décompte général de dépôt d'un montant de 33.228,67 € certifié conforme et sincère par celui-ci le 21 novembre 2013,

- d'un compte général de dépôt d'un montant de 33.228,67 € signé par Mme Y. le 4 juillet 2013.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'absence de précision portée sur les inventaires régularisés par eux le 3 août et le 13 décembre 2012 quant à l'inscription en débit ou en crédit du compte des sommes y figurant, n'est pas de nature à en caractériser l'irrégularité, alors que conformément aux dispositions de l'article 21 de l'accord collectif national des maisons d'alimentations susvisé, un inventaire constitue seulement un état détaillé du recensement des marchandises à partir duquel est établi un arrêté de compte. Comme l'expose donc avec raison, la société Casino c'est l'arrêté de compte après inventaire qui détermine le caractère excédentaire ou déficitaire du compte général de dépôt. Le moyen doit donc être écarté.

Par ailleurs, il ressort de la lecture de l'article 21 C de l'accord collectif précité que le délai de prévenance de 8 jours prévu par ce texte est expressément et exclusivement stipulé pour les inventaires de règlement, ce que d'ailleurs M. X. et Mme Y. admettent expressément en page 23 de leurs dernières écritures après l'avoir contesté en page 14 du même document, de sorte que c'est par des motifs exacts adoptés par la cour que le premier juge a retenu que ce délai n'était pas applicable à l'inventaire du 13 décembre 2012 s'agissant d'un inventaire de cession définitif par suite de la rupture des relations contractuelles entre les parties le 3 décembre 2012. Le moyen tiré de l'irrégularité de cet inventaire ne saurait ainsi davantage prospérer.

De même, les appelants, qui sont en possession et qui versent aux débats l'intégralité des relevés détaillés des débits et crédits, des fiches de caisses de fin de mois et des relevés de compte de fin de mois de août à décembre 2012, ne peuvent dès lors utilement soutenir que rien ne démontre qu'ils en ont été destinataires. Il importe peu également que ces documents établis par la société Casino ne portent pas leur signature, alors que, comme le soutient justement l'intimée, en application de l'article 12 du contrat de cogérance mandataire non salariée, l'opposabilité de ces documents aux cogérants mandataires résulte de l'absence de contestation par ces derniers de la situation de compte dans les 8 jours de son envoi laquelle implique une approbation pleine et entière par ces derniers de la situation de compte. Or, il n'est ni allégué, ni démontré l'existence de la moindre contestation de ces documents de la part des appelants. Ce moyen sera également écarté.

Ils soutiennent encore que le compte général de dépôt, dont un exemplaire signé le 4 juillet 2013 par Mme Y. et l'autre signé par M. X. le 12 novembre 2013, manque de rigueur au motif qu'aucun n'est signé par les deux gérants alors que le document stipule « signature indispensable du cogérant ou de la cogérante ». Or, il convient à ce titre de rappeler que la conjonction « ou » sert justement à indiquer une alternative entre deux possibilités et se distingue en ce sens, de la conjonction « et », de sorte que la signature du décompte par un seul des cogérants n'est pas de nature à remettre en cause sa régularité, alors au demeurant que les deux exemplaires de comptes de dépôt signés respectivement par chacun des cogérants sont parfaitement identiques et mentionnent expressément le solde débiteur de 33.228,67 € tel que réclamé par la société Casino. Au surplus l'article 12 du contrat de cogérance mandataire non salariée stipule expressément que la signature de l'un des deux cogérants sur un document entraînera l'approbation de l'autre et la solidarité entre eux. Ce moyen est donc également inopérant.

Enfin, contrairement à ce qu'affirment les appelants, le courrier du 7 octobre 2013 par lequel M. X. sollicite la mise en place d'un prélèvement automatique de 400 € pour régulariser son compte général de dépôt en solde négatif payable tous les 20 de chaque mois, et dont rien, hormis leurs allégations, ne vient démontrer qu'il aurait été obtenu sous la pression, constitue un commencement de preuve par écrit qui se trouve complété par un ordre de virement de 400 € par mois en paiement de la somme due en principal de 33.231,67 € et par le compte général de dépôt mentionnant un solde débiteur de 33.231,67 € datés du 21 novembre 2013 et signés par M. X. et qui y sont annexés.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Casino la somme de 33.228,67 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2013, avec capitalisation des intérêts.

 

Sur la demande en paiement de la somme de 33.000 € par M. X. et Mme Y. :

S'agissant de la demande formée en application de l'article L. 442-6 du code de commerce :

En application de l'article L. 442-6 III dernier alinéa (ancien) du code de commerce, les litiges relatifs à l'application de cet article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; l'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions.

En application des articles L. 442-6 III et D. 442-3 du code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément à l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte. Il en est ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l'application du premier texte, auquel cas elles devront relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables.

En l'espèce, M. X. et Mme Y. sollicitent la condamnation de la société Casino à leur payer la somme de 33.000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce au motif que l'article 8 du contrat de cogérance mandataire salariée qui met à leur charge l'obligation de couvrir immédiatement le manquement de marchandises ou d'espèces provenant des ventes crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Comme le soutient justement la société Casino, il y a lieu en application des dispositions susvisées de relever l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce de Saint-Étienne, qui, bien que n'étant pas spécialement désigné pour connaître des litiges relatifs à l'article L 442-6 précité, a néanmoins statué sur l'application de ce texte au contrat de cogérance mandataire non-salarié et sur la demande indemnitaire formée par M. X. et Mme Y. fondée sur cette disposition, lesquelles ne relevaient pas de son pouvoir juridictionnel et étaient donc irrecevables. Il convient donc d'annuler le jugement sur ce point. Devant la cour qui n'a pas plus le pouvoir juridictionnel de statuer sur l'article L 442-6, la demande indemnitaire de M. X. et Mme Y. est irrecevable.

 

S'agissant de la demande fondée sur les articles 1134 et 1135 du code civil :

M. X. et Mme Y. se prévalent également de la responsabilité contractuelle de la société Casino.

A ce titre, ils font valoir que l'article 21 de l'accord collectif national des maisons d'alimentation qui fixe un délai de prévenance de 8 jours pour les seuls inventaires intermédiaires à l'exclusion des inventaires définitifs ainsi que l'article 12 du contrat de cogérance mandataire non salarié qui ne prévoit pas que les relevés de compte doivent être signés par les gérants, les empêchant ainsi de connaître avec précision l'état de leur éventuel endettement, sont déséquilibrés. Ils soutiennent également que les résultats établis à partir de logiciels comptables utilisés par la société Casino et pour lesquels ils ne sont pas formés, leur sont ainsi imposés, ce qui constitue une disproportion et une mauvaise foi manifeste. Ils sollicitent en conséquence le paiement de la somme de 33.000 € sur le fondement des articles 1134 et 1135 anciens du code civil.

Or, d'une part, les appelants, qui recherchent la responsabilité contractuelle de la société Casino, n'allèguent ni ne démontrent aucune faute imputable à celle-ci ni aucun préjudice en lien causal.

D'autre part, et en tout état de cause, la sanction tenant à l'octroi de dommages et intérêts contractuels telle que sollicitée par les appelants n'a pas vocation à recevoir application à l'égard des clauses précitées qualifiées d'abusives par M. X. et Mme Y. sur le fondement de l'article 1135 ancien du code civil, lesquelles ne peuvent qu'être réputées non écrites.

Il y a donc lieu de déclarer mal fondée cette demande indemnitaire et de les en débouter.

 

Sur les délais de paiements :

M. X. et Mme Y. qui ne justifient pas de leur situation financière et patrimoniale actuelle doivent être déboutés de leur demande de délais de paiements.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La condamnation prononcée par le tribunal de commerce au titre des frais irrépétibles à l'encontre de M. X. et Mme Y. est infirmée. En revanche, il convient de confirmer leur condamnation au titre des dépens.

Succombant dans leur recours, M. X. et Mme Y. doivent également supporter les dépens de première instance et d'appel et les frais irrépétibles qu'ils ont exposés. En équité, il n'y a pas lieu de les condamner à verser à la société Casino une indemnité de procédure complémentaire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Casino la somme de 33.228,67 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2013 avec capitalisation annuelle des intérêts et aux dépens,

Annule pour excès de pouvoir le jugement déféré en ce qu'il a dit que les dispositions de l'article L. 442-6 ancien du code de commerce ne sont pas applicables au contrat de cogérance mandataire non salarié qui relève des articles L. 7322-1 et suivants du code du travail et en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. de toutes leurs demandes en paiement,

Juge irrecevable devant la présente cour la demande indemnitaire de M. X. et Mme Y. fondée sur l'article L. 442-6 ancien du code de commerce,

Déboute M. X. et Mme Y. de leur demande indemnitaire fondée sur l'article 1134 ancien du code civil, de leur demande de délais de paiement et de leur demande d'indemnité de procédure,

Déboute la société Casino de sa demande d'indemnité de procédure tant pour la cause de première instance que celle d'appel,

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens d'appel.

Le Greffier,                           Le Président,