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6155 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Ancien art. 1135 C. civ.

Nature : Synthèse
Titre : 6155 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Ancien art. 1135 C. civ.
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6155 (8 octobre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN

SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT ANTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016

EXTENSION SUR D’AUTRES FONDEMENTS : ANCIEN ARTICLE 1135 DU CODE CIVIL ET SUITES DU CONTRAT

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. Aux termes de l’ancien art. 1135 C. civ. [1194 nouveau], « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ». Ce texte présente l’avantage et l’originalité d’être l’une des rares dispositions évoquant l’équité en matière contractuelle (V. aussi, mais dans des domaines différents, les art. 270 pour la prestation compensatoire, 565 pour l’accession mobilière, 815-13 pour l’indemnisation en cas d’amélioration d’un bien indivis et 1579 dans le régime matrimonial de participation aux acquêts). Ceci explique peut-être qu’il ait parfois été invoqué pour justifier le contrôle par le juge des clause contraires à l’équité, et donc assimilables à des clauses abusives. En sens inverse, il est possible de noter que le but de l’ancien article 1135 est de compléter le contenu obligatoire du contrat (« obligent non seulement à ce qui y est exprimé ») et non de réduire ce contenu (le texte ne dit pas que les conventions ne sont obligatoires que dans les dispositions qui sont conformes à l’équité).

N.B. La discussion n’a plus d’intérêt depuis la création de l’art. 1171 nouveau qui prévoit explicitement la sanction des clauses sources de déséquilibre significatif pour les seuls contrats d’adhésion, ce qui exclut tout recours aux nouvel art. 1197 pour tenter de contourner cette limitation explicite du domaine du nouveau texte. § Pour une illustration : les art. 1193 et 1194 issus de l'ord. du 10 février 2016, relatifs à la force obligatoire et à l'exécution de bonne foi des contrats et qui reprennent les dispositions des anc. art. 1134 et 1135 C. civ., ne peuvent permettre de réputer non écrite une clause déséquilibrée. CA Toulouse (2e ch.), 27 mai 2020 : RG n° 18/01543 ; arrêt n° 113 ; Cerclab n° 8433, sur appel de T. com. Toulouse, 26 février 2018 : RG n° 2017J92 ; Dnd. § N.B. 1 Les deux articles nouveaux étaient inapplicables à des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, ce que l’arrêt admet explicitement au préalable pour l’art. 1171. La décision exclut donc que le nouvel art. 1171 puisse être contourné par les art. 1193 et 1194, ce qui rejoint la position de la jurisprudence antérieure (V. aussi Cerclab n° 6154). § N.B. 2 Les textes évoqués par la partie demandant l’élimination de la clause se comprennent, compte tenu d’une clause de résiliation à tout moment après préavis de trois mois, mais la référence à l’obligation de bonne foi aurait justifié aussi le visa de l’art. 1104.

Comp. pour une décision affirmant, de façon discutable, que l’art. 1171 a codifié la jurisprudence antérieure : CA Paris (pôle 5 ch. 8), 6 janvier 2021 : RG n° 17/21664 ; Cerclab n° 8722, sur appel de T. com. Paris, 27 octobre 2017 : RG n° 2017033739 ; Dnd.

Refus d’un contrôle des clauses par l’ancien art. 1135. La Cour de cassation a adopté cette position dans un arrêt, en dépit d’une motivation peu explicite : après avoir exactement relevé que le contrat de location n'était pas soumis aux anciens art. L. 121-23 à L. 121-28 C. consom., car présentant un lien direct avec l'activité professionnelle du locataire, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, et que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision au regard des anciens articles 1134 et 1135 en faisant application de la clause contractuelle, dont elle a surabondamment indiqué, appréciant souverainement la portée des éléments de preuve soumis à son examen, qu'elle n'était pas abusive. Cass. civ. 1re, 6 janvier 2004 : pourvoi n° 01-16251 ; arrêt n° 23 ; Cerclab n° 2013 (arrêt rejetant un moyen un peu confus, sollicitant la cassation pour manque de base légale au regard des [anciens] articles 1134 et 1135 C. civ., aux motifs que la cour d’appel a exclu les textes sur le démarchage, sans s’expliquer sur le caractère abusif de la clause au sens de la loi du 1er février 1995 et sans rechercher si celle-ci ne procurait pas un avantage excessif à l'une des parties), rejetant le pourvoi contre CA Rennes (1re ch. B), 21 juin 2001 : RG n° 00/05106 ; arrêt n° 586 ; Cerclab n° 1805 (adoption pure et simple des motifs du jugement), confirmant TGI Lorient (2e ch.), 21 juin 2000 : RG n° 326/99 ; jugt n° 156 ; Cerclab n° 373 (admission d’un rapport direct et clauses jugées en tout état de cause non abusives).

La plupart des décisions des juges du fond recensées rejettent également l’utilisation de l’ancien art. 1135 C. civ. [1194 nouveau] pour contrôler ou écarter des clauses « inéquitables ».

V. par exemple, explicites : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 6 mai 2010 : RG n° 07/09945 ; Cerclab n° 2483 (l’ancien art. 1135 C. civ. ne permet pas d’annuler un contrat parce qu’il contiendrait une clause abusive, ainsi que le tribunal a cru pouvoir le faire, et l’ancien art. 1134 du même Code, également visé, dispose au contraire que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites), sur appel de T. com. Paris, 24 avril 2007 : RG n° 2006/06464 ; Dnd - CA Lyon (1re ch. civ. A), 8 mars 2012 : RG n° 10/06325 ; Cerclab n° 3672 (l'ancien art. 1135 C. civ. ne confère pas au juge le pouvoir de contrôler l'équilibre de la convention), sur appel de T. com. Saint-Étienne (3e ch.), 22 juillet 2010 : RG n° 2009/1503 ; Dnd - CA Bordeaux (4e ch.), 13 février 2019 : RG n° 16/04677 ; Cerclab n° 7842 (contrat de recherche d'économies entre une Sarl d'exploitation viticole et une société de conseil en optimisation de charges sociales et fiscales en entreprise ; rejet de la demande d’annulation fondée sur l’anc. art. 1135 C. civ., faute d’expliciter en quoi cet article, concernant l'effet des conventions, pourrait emporter une nullité), sur appel de T. com. Libourne, 24 juin 2016 : RG n° 2015002852 ; Dnd.

Dans le même sens, V. aussi, implicitement : CA Agen (1re ch. com.), 30 avril 2012 : RG n° 11/00746 ; arrêt n° 538-12 ; Cerclab n° 3815 (contrat de change à échéance ajustable conclu par une SARL d’import-export ; exclusion de la protection de l’ancien art. L. 132-1 C. consom., sans évoquer l’ancien art. 1135 également avancé par le demandeur pour fonder le caractère abusif), sur appel de T. com. Cahors, 31 mars 2011 : Dnd.

Admission d’un contrôle des clauses par l’ancien art. 1135. Pour une illustration explicite : si les dispositions de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. ne s’appliquent pas à un contrat conclu pour les besoins de l’activité professionnelle, un contrôle judiciaire de la validité de la clause est possible sur le fondement de l’ancien art. 1135 C. civ. [1194 nouveau] ; un délai de régularisation de huit jours, imposé dans un contrat d’irrigation en cas de manquement de l’irrigué à ses obligations, à peine de résiliation de plein droit, n'est pas disproportionné ou excessif au regard de l'économie générale de la convention et des nécessités de l'exploitation d'un réseau d'irrigation, qui implique une surveillance et une réactivité constantes de la part du gestionnaire, auquel la brièveté du délai contractuel de régularisation garantit une réponse immédiate de ses cocontractants. CA Pau (1re ch.), 12 septembre 2011 : RG n° 10/00742 ; arrêt n° 11/3696 ; Cerclab n° 3459 (exploitant agricole ayant utilisé une buse d’approvisionnement en plus de celles lui étant allouées, sans payer la consommation d’eau correspondante), sur appel de TGI Tarbes, 27 janvier 2010 : Dnd. § V. aussi : TI Dijon, 27 septembre 1990 : RG n° 11-90-00593 ; Cerclab n° 622, résumé Cerclab n° 6154), cassé par Cass. civ. 1re, 16 février 1994 : pourvoi n° 91-10313 ; arrêt n° 295 ; Cerclab n° 2089 (relevé d’office sans respect de l’art. 16 CPC) - CA Nîmes (2e ch. B), 20 février 2003 : RG n° 00/686 ; arrêt n° 113 ; Cerclab n° 1066 ; Juris-Data n° 2003-218222 (la clause par laquelle la locataire renonce à toute action envers le loueur, en cas de vice caché de l'objet loué, du fait qu'elle dispose en contrepartie d'une action subrogatoire envers le vendeur de celui-ci, ne constitue pas non plus une clause abusive au sens de l'ancien art. L. 132-1 C. consom. ou de l'ancien art. 1135 C. civ., mais une simple dérogation contractuelle aux dispositions supplétives des art. 1720, 1721 et 1724 C. civ.) - CA Amiens (ch. écon.), 24 mars 2016 : RG n° 14/00672 ; Cerclab n° 5559 (sur le fondement de l'ancien art. 1135, la jurisprudence a admis que sont réputées non écrites des clauses qui portent atteinte à l'équilibre du contrat), sur appel de T. com. Amiens, 17 décembre 2013 : Dnd.

La sanction tenant à l'octroi de dommages et intérêts contractuels n'a pas vocation à recevoir application à l'égard de clauses qualifiées d'abusives sur le fondement de l’anc. art. 1135 C. civ., lesquelles ne peuvent qu'être réputées non écrites. CA Lyon (3e ch. A), 7 avril 2022 : RG n° 18/02603 ; Cerclab n° 9548 (contrat de cogérance mandataire non salarié d’une « supérette » ; arrêt estimant que la preuve d’un manquement de la société n’est pas établi ; N.B. 1 les cogérants contestaient la clause fixant un délai de prévenance de 8 jours pour les seuls inventaires intermédiaires à l'exclusion des inventaires définitifs, le fait que le contrat ne prévoyait pas que les relevés de compte doivent être signés par les gérants, ce qui les empêchait ainsi de connaître avec précision l'état de leur éventuel endettement et le fait que les résultats étaient établis à partir de logiciels comptables utilisés par la société et pour lesquels ils n’étaient pas formés ; N.B. 2 contrairement à ce qu’indique l’arrêt, les cogérants visaient aussi l’anc. art. 1134 et donc implicitement un manquement à l’obligation de bonne foi, lequel pouvait effectivement se discuter pour les deux derniers griefs), annulant pour excès de pouvoir de T. com. Saint-Étienne, 1er mars 2018 : RG n° 2016j00413 ; Dnd.

S'il est permis, dans une transaction de stipuler une peine contre celui qui manquera de l'exécuter, il ne peut en revanche être prévu aucune peine ayant pour objet ou pour effet d'interdire ou de limiter par avance l'exercice d'un droit, notamment l'exercice d'une voie de recours et l'accès au juge ; est abusive, au regard des dispositions de l’ancien art. 1135 C. civ., et doit donc être considérée comme non écrite, la clause d’une transaction conclue entre un employeur et son salarié, à l’occasion du licenciement de ce dernier, dont les termes sont très généraux, et qui a pour effet, par la menace qu'elle représente, eu égard à l'importance de la peine encourue, égale au montant de l'indemnité transactionnelle allouée, d'interdire toute contestation en justice de la transaction elle-même ainsi que de sa conformité avec les dispositions d'ordre public relatives à la rupture du contrat de travail. CA Aix-en-Provence (17e ch.), 26 juin 2012 : RG n° 11/05977 ; Cerclab n° 3902 (clause stipulant que « la remise en cause volontaire de l'une seulement de ces dispositions est susceptible de remettre en cause son équilibre, donc son équité. En conséquence, le non-respect par l'une quelconque des parties des termes du présent accord, notamment par l'engagement d'une action contentieuse, entraînera ipso facto, le versement au profit de l'autre d'une pénalité fixée définitivement et irrévocablement d'un commun accord à la somme de 10.000 euros »), sur appel de Cons. prud. Cannes, 24 février 2011 : RG n° 09/778 ; Dnd (problème non examiné, l’employeur ayant renoncé oralement à cette demande, ce dont le tribunal lui avait donné acte).