CA METZ (ch. com.), 7 avril 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9549
CA METZ (ch. com.), 7 avril 2022 : RG n° 21/00580 ; arrêt n° 22/00076
Publication : Jurica
Extrait : « La cour constate que M. X. invoque la déchéance du droit aux intérêts en raison du défaut d'information annuelle de la caution.
Or, la SA BPALC ne produit qu'un décompte de sa créance et un historique partiel du compte courant ouvert au nom de la SAS Mat-Eco. Ces pièces ne permettent pas, le cas échéant, de déterminer le montant de la créance restant due par M. X. expurgée des intérêts.
En conséquence, il convient de rabattre l'ordonnance de clôture, d'ordonner la réouverture des débats, tout droit et moyen des parties réservés et d'inviter la SA BPALC à produire : - l'historique du compte courant ouvert au nom de la SAS Mat-Eco depuis son ouverture ; - le montant de sa créance au titre de ce compte courant expurgée des intérêts contractuels et le montant des règlements reçus - un décompte de sa créance relative au prêt de 50.000 euros expurgée des intérêts au taux contractuels et mentionnant les règlements effectués.
L'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état du 5 mai 2022, et la SA BPALC sera invitée à produire ses pièces pour cette date. »
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 7 AVRIL 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/00580. Arrêt n° 22/00076. N° Portalis DBVS-V-B7F-FOH2.
APPELANT :
Monsieur X.
[...], [...], Représenté par Maître Yves R., avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE
[...], [...], Représentée par Maître Armelle B., avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 20 janvier 2022 tenue par Mme Claire Dussaud, conseillère qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré pour l'arrêt devant être rendu le 7 avril 2022 par mise à disposition publique au greffe de la 6ème chambre civile de la cour d'appel de Metz.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Président de chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT, Conseiller, Madame DUSSAUD, Conseiller
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET A LA MISE A DISPOSITION DE L'ARRÊT : Mme WILD
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
M. X. était associé unique et président de la SASU Mat-Eco, spécialisée dans l'achat, la vente et le négoce de tous produits, matériaux et accessoires pour l'activité de fauchage et débroussaillage. La SASU Mat-Eco a débuté son activité au cours de l'année 2015.
Le 28 septembre 2015, la SASU Mat-Eco a conclu avec la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après la SA BPALC) une convention de compte courant n° [...].
Le même jour, M. X. s'est porté caution solidaire de la SASU Mat-Eco pour l'ensemble des sommes dues par cette dernière, dans la limite de la somme de 5.000 euros et pour une durée de 60 mois.
Le 21 janvier 2016, la SA BPALC a accordé à la SASU Mat-Eco un prêt de 50.000 euros remboursable en 48 mois au taux de 1,9 % l'an pour le démarrage de son activité. Le 5 février 2016 M. X. s'est porté caution de la société au titre de ce prêt à hauteur de la somme de 18.000 euros incluant le principal, les intérêts, les frais, commissions et accessoires dans la limite de 48 mois.
Par ailleurs, M. X. s'est porté caution solidaire pour l'ensemble des engagements pris par la SASU Mat-Eco auprès de la BPALC, à plusieurs reprises :
- le 10 juin 2016 dans la limite de 26.000 euros couvrant le principal, intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 10 ans
- le 9 novembre 2016 dans la limite de 35.000 euros, couvrant le principal, intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 10 ans
- le 9 novembre 2016 dans la limite de 52.000 euros, couvrant le principal, intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 10 ans.
Par courrier daté du 29 mai 2017, la SA BPALC a dénoncé l'autorisation de découvert de 40.000 euros dont bénéficiait la SASU Mat-Eco et a sollicité le remboursement des sommes dues au titre de ce concours.
Le 31 août 2017, la SASU Mat-Eco et M. X. ès qualités de caution, ont tous deux été mis en demeure par la SA BPALC de régler sous huitaine la somme de 32.022,45 euros.
La liquidation judiciaire de la SASU Mat-Eco a été prononcée le 26 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Sarreguemines, la SELAS K. et associés prise en la personne de la M.K. a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 29 mai 2017.
La SA BPALC a déclaré sa créance le 17 octobre 2017 et mis en demeure le même jour par lettre recommandée avec accusé de réception M. X. ès qualité de caution, de lui régler les sommes dues.
Le 20 septembre 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Sarreguemines a prononcé la clôture de la liquidation de la SASU Mat-Eco pour insuffisance d'actif.
Par acte d'huissier du 7 novembre 2018, la SA BPALC a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines.
La SA BPALC a demandé dans ses dernières conclusions récapitulatives au tribunal de :
- dire recevables et bien fondés ses demandes ;
- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes ;
- constater que Mme X., épouse de M. X., mariée sous le régime de la communauté légale a donné son consentement exprès à l'intégralité des actes de cautionnement sur le fondement de l'article 1415 du code civil ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 21.516,91 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2017, dans la limite de son cautionnement « tous engagements » en règlement du solde débiteur de compte courant n° [...] de la SASU Mat-Eco ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 17.115,85 euros avec intérêts au taux de 1,9 % à compter du 19 octobre 2017 dans la limite de son cautionnement au titre du prêt entreprise n°05822173 accordé à la SASU Mat-Eco ;
- ordonner la capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière par le jeu de l'anatocisme ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. X. aux entiers frais et dépens de l'instance ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par ses dernières conclusions récapitulatives, M. X. a demandé :
A titre principal,
- de débouter la SA BPALC de toutes ses demandes,
- annuler les actes de cautionnement qu'il a souscrits les 28 septembre 2015, 10 juin 2016, 9 novembre 2016 et 29 janvier 2017 en garantie de l'autorisation de découvert accordée à la SASU Mat-Eco, outre l'acte de cautionnement en date du 5 février 2016 en garantie du prêt équipement, pour vice du consentement,
A titre subsidiaire,
- condamner la SA BPALC à lui verser la somme de 38.632,76 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts y afférents,
- condamner la SA BPALC à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner la déchéance du droit aux intérêts de la SA BPALC en raison du défaut d'information de la caution,
- condamner la SA BPALC à lui payer la somme de 6.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la SA BPALC aux entiers dépens.
Par jugement du 5 janvier 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
- dit que les engagements de caution de M. X. n'étaient pas disproportionnés
- dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts dans les rapports entre la SA BPALC et M. X. au titre de ses engagements de caution
- condamné M. X. à verser à la SA BPALC les sommes de :
* 21.516,91 euros au titre des actes de cautionnement tous engagements des 28 septembre 2015, 10 juin 2016 et 9 novembre 2016, en règlement du solde débiteur de compte courant n°[...] de la SASU Mat-Eco, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017
* 17.115,85 euros au titre de l'acte de cautionnement du 5 février 2016 au titre du prêt n°05822173 accordé à la SASU Mat-Eco augmentés des intérêts au taux conventionnel de 1,9% à compter du 31 août 2017
- dit que les intérêts seraient capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la demande soit le 7 novembre 2018
- rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par M. X. au titre de la responsabilité délictuelle
- débouté M. X. de sa demande de nullité des cautionnements
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
- condamné M. X. à verser à la SA BPALC la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné M. X. aux dépens
- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Le tribunal a rappelé que la disproportion de l'engagement devait être, pour être opposée au prêteur, flagrante ou évidente pour un professionnel raisonnablement diligent et qu'elle ne résultait pas du seul fait que le montant du cautionnement excédait la valeur du patrimoine. Il a aussi relevé que lorsque des époux sont mariés sous le régime de la communauté, la situation patrimoniale de chacun des conjoints doit s'apprécier au regard de la situation patrimoniale de la communauté. Le tribunal a retenu que M. X. ne rapportait pas la preuve de la disproportion manifeste de son engagement de caution.
Le tribunal a également rejeté la nullité de l'acte de cautionnement pour vices du consentement en indiquant qu'au vu de ses précédentes fonction de directeur général, de gérant et de directeur commercial M. X. bénéficiait d'une expérience du monde des affaires lui permettant de saisir toutes les conséquences nées de l'octroi des concours financiers par l'établissement bancaire et d'en mesurer les risques et qu'en tout état de cause il n'apportait aucune preuve de manœuvres frauduleuses constitutives d'un dol. Il a également rejeté l'existence d'une erreur, en l'absence de preuve que celle-ci était une condition déterminante de son engagement. Il n'a pas retenu non plus de violences aux motifs que la banque aurait profité de son état de dépendance économique. Il a rejeté la demande de nullité de l'engagement de caution du 9 novembre 2016, estimant que ce contrat était pourvu d'une cause suffisante puisqu'il avait pour objet de garantir une autorisation de découvert en faveur de la SASU Mat-Eco.
Il a également considéré au visa de l'article 1171 du code civil, que M. X. ne rapportait pas la preuve d'un déséquilibre significatif créé par les clauses entre les droits et obligations des parties aux contrats de cautionnement.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. X.
Il a tout d'abord relevé que la rupture des concours financiers n'était pas abusive dans la mesure où la banque avait un intérêt légitime à ne pas voir le découvert s'amplifier. Il a ensuite estimé que M. X. était une caution avertie et que la SA BPALC n'avait pas de devoir de mise en garde à son égard.
Concernant l'obligation d'information annuelle de la caution, le tribunal a retenu que si la banque produisait les lettres d'informations annuelles reprenant les mentions exigées par l'article susvisé pour les années 2016 à 2019, elle n'en justifiait pas l'envoi. Toutefois il a relevé que la déchéance du droit aux intérêts ne pouvait être étendue aux intérêts au taux légal auxquels M. X. est tenu à compter de la mise en demeure du 31 août 2017 et qu'en outre, la SA BPALC ne sollicitait les intérêts au taux conventionnels qu'à compter de la mise en demeure. Il en a conclu qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer la déchéance des intérêts contractuels.
Elle a enfin retenu que M. X. était débiteur des sommes de : 21.516,91 euros au titre des actes de cautionnement tous engagements des 28 septembre 2015, 10 juin 2016 et 9 novembre 2016, en règlement du solde débiteur de compte courant de la SASU Mat-Eco, augmentés des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017 ainsi que de la somme de 17.115,85 euros au titre de l'acte de cautionnement du 5 février 2016 relatif au prêt n°05822173 accordé à la SASU Mat-Eco augmentés des intérêts au taux conventionnel de 1,9 % à compter du 31 août 2017.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Metz le 3 mars 2021, M. X. a interjeté appel de ce jugement en précisant que l'appel tend à son annulation et subsidiairement à son infirmation et a repris dans sa déclaration d'appel chacune des dispositions du jugement.
[*]
Aux termes de ses conclusions déposées le 4 janvier 2021 M. X. demande à la cour de :
- déclarer l'appel recevable et bien fondé
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que ses engagements de caution n'étaient pas disproportionnés ; rejeté ses demandes de dommages et intérêts au titre de la responsabilité délictuelle ; l'a débouté de sa demande de nullité des cautionnements, l'a condamné à payer à la SA BPALC les sommes de 21.516,91 euros augmentés des Intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017 et 17.115,85 euros avec intérêts au taux conventionnel de 1,9 % à compter du 31 août 2017 ; ordonné la capitalisation des intérêts ; l'a condamné au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens
Statuant à nouveau :
- débouter la SA BPALC de toutes ses demandes
- prononcer l'annulation des actes de cautionnements souscrits les 28 septembre 2015, 10 juin 2016, 9 novembre 2016 et 29 janvier 2017 en garantie de l'autorisation de découvert accordée à la SASU Mat-Eco, outre l'acte de cautionnement en date du 5 février 2016 en garantie du prêt équipement pour vice du consentement ;
- condamner la SA BPALC à lui verser la somme de 38.632,76 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts y afférents,
- condamner la SA BPALC à lui verser à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- ordonner la déchéance du droit aux intérêts de la SA BPALC en raison du défaut d'information de la caution,
- condamner la SA BPALC à payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SA BPALC aux entiers dépens.
L'appelant invoque en premier lieu la disproportion de ses engagements de caution sur le fondement des dispositions de l'article L. 332-1 du code de la consommation et précise qu'il était sans emploi lors de son premier engagement avec pour seules ressources ses allocations de pôle emploi à hauteur de 4.379 euros mensuels puis, à compter du deuxième engagement de caution le 5 février 2016 moins de 1.500 euros mensuels correspondant à sa rémunération en tant que président de la SASU Mat-Eco. Pour ce qui est de son engagement de caution pris le 6 janvier 2017, M. X. souligne qu'il ne se versait plus de salaire bien que la fiche de renseignements annexée à l'acte de cautionnement ne le précise pas car la SA BPALC s'est dispensée de solliciter une fiche de renseignements à jour et a annexé à ce nouveau contrat la fiche de renseignements du 14 juin 2016. M. X. précise avoir abandonné entre temps une créance de 48.953 euros qu'il détenait sur la SASU Mat-Eco et que sa situation patrimoniale s'en est trouvée modifiée.
L'appelant soutient qu'il doit être tenu compte également de la valeur et de la nature des biens composant son patrimoine ainsi que des engagements et charges de la caution, en prenant en compte l'endettement global de la caution. Il affirme que la disproportion s'apprécie aussi au jour de la délivrance l'assignation.
M. X. argue par ailleurs de l'application de l'article 2301 du code civil duquel il résulte que le montant des dettes résultant du cautionnement ne peut avoir pour effet de priver la personne physique qui s'est portée caution d'un minimum de ressources fixé à l'article L. 331-2 du code de la consommation. Or il soutient ne plus être propriétaire de sa maison et disposer avec son épouse de 2.200 euros de revenus mensuels pour supporter des charges mensuelles à hauteur de 1.800 euros.
En deuxième lieu M. X. soutient que ses engagements de caution sont entachés de vices du consentement.
Il soutient sur le fondement de l'article 1137 du code civil, que la SA BPALC a manqué à son engagement de contracter de bonne foi et a commis un dol puisqu'elle savait que la situation de la société débitrice était irrémédiablement compromise ou à tout le moins lourdement obérée.
M. X. affirme que ses engagements de caution, hormis celui du 5 février 2016, garantissaient les autorisations de découvert accordées à la SASU Mat-Eco mais que les modalités de découvert n'ont jamais été formalisées par le moindre écrit, ni fait l'objet d'un accord entre les parties, ou d'une quelconque information préalable à l'initiative de la banque. Il estime ainsi que la SA BPALC est l'auteur de manœuvres dolosives destinées à lui dissimuler l'étendue des garanties financières accordée à la SASU Mat-Eco ainsi que les difficultés financières de cette dernière afin de se ménager un recours contre une caution solvable. Il ajoute que l'acte de cautionnement transmis par mail le 26 janvier 2017 a été antidaté ce qui constitue un faux caractérisant les manœuvres dolosives de la SA BPALC et doit entraîner la nullité du cautionnement.
Par ailleurs M. X. considère être une caution non avertie dans la mesure où son parcours professionnel est étranger aux domaines bancaires et comptables. Il précise que la qualité de caution avertie ne peut se déduire de sa seule qualité de dirigeant.
Il invoque également la nullité de son engagement de caution pour la somme de 52.000 euros pour erreur sur le fondement de l'article 1132 du code civil. Il indique s'être engagé en qualité de caution pour obtenir une augmentation de l'autorisation de découvert de la SASU Mat-Eco. Or il relève que la SA BPALC en dénonçant les découverts bancaires peut après la souscription d'un nouveau cautionnement, n'avait pour seul but que de trouver un nouveau débiteur solidaire. La finalité des cautionnements n'était donc pas conforme selon lui à sa volonté de caution.
S'agissant de son engagement de caution au titre du prêt bancaire équipement pour lequel la SA BPALC réclame somme de 17.115,85 euros en principal, M. X. invoque une erreur déterminante dans son consentement. Il soutient ne pas avoir été informé du caractère subsidiaire du fonctionnement de la garantie BPI France. Or il soutient qu'il n'aurait pas contracté s'il avait su que cette garantie accordée pour un montant de 35.000 euros ne pouvait s'appliquer qu'après le recours contre le débiteur et la caution et que cette garantie n'entrait donc pas en concours avec son propre cautionnement de 18.000 euros.
Ensuite M. X. fait valoir que son engagement de caution n'a pas de cause dès lors que la garantie a été donnée dans la perspective d'une autorisation de découvert de 50.000 euros alors que la ligne de crédit a été supprimée dès 40.000 euros de découvert.
Par ailleurs M. X. invoque la violence économique dont il a été victime de la part de la banque et se prévaut de l'article 1143 du code civil. Selon l'appelant il existe bien un état de dépendance dans la mesure où il n'a pas eu d'autre alternative que de se porter caution des engagements pris par la SASU Mat-Eco car la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne le menaçait de retirer son concours bancaire. Il ajoute que l'établissement bancaire a abusé de cet état de dépendance puisque la SA BPALC a sollicité son cautionnement à 5 reprises en 15 mois. Il soutient en outre que la SA BPALC avait connaissance de la situation financière de la SASU Mat-Eco et de la nécessité pour son dirigeant de s'engager pour ne pas compromettre le démarrage de l'activité de la société. Il affirme que la banque en a retiré un avantage excessif puisqu'il n'aurait jamais consenti tous ces cautionnements s'il ne s'était pas senti menacé, ce qui caractérise la violence économique de la banque à son encontre et un vice du consentement entraînant la nullité des contrats souscrits.
En troisième lieu M. X. fait valoir que la responsabilité délictuelle de la SA BPALC est engagée pour rupture abusive du concours bancaire le 27 mai 2017 alors que le plafond de l'autorisation de découvert de 50.000 euros n'était pas atteinte et que la société connaissait des réussites commerciales. Il affirme que la décision de rompre l'autorisation de découvert sans raison et la demande de remboursement du découvert en compte de 39.099,45 euros pour le 29 juillet 2017 au plus tard ont privé la SASU Mat-Eco de la trésorerie nécessaire pour répondre aux commandes et ont ainsi précipité sa mise en liquidation judiciaire puis le recours à son encontre en qualité de caution. Il sollicite ainsi en réparation de ce préjudice, causé directement par la faute de la SA BPALC, la somme de 38.632,76 euros correspondant à la somme due au titre du cautionnement de l'autorisation de découvert et du prêt entreprise, ainsi que 5.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Il soutient également que la responsabilité délictuelle de l'intimée est aussi engagée pour manquement à son devoir de mise en garde sur le fondement des articles 1112-1 et 1240 du code civil. M. X. déclare être une caution profane et non avertie et que le prêteur était tenu de vérifier les capacités financières de l'emprunteur et en tout état de cause de le mettre en garde sur les risques d'endettement encourus. Il ajoute que la SA BPALC avait la même obligation de mise en garde à son égard. Or il soutient que l'intimée n'a pas respecté cette obligation alors que la SASU Mat-Eco était en difficultés financières dès 2016. Il conclut avoir subi un préjudice correspondant à la perte de chance de ne pas avoir contracté et sollicite de ce fait 38.632,76 euros de dommages-intérêts.
Enfin, il expose que la responsabilité de la SA BPALC est également engagée en raison du soutien abusif accordé à la SASU Mat-Eco alors que la situation de cette dernière était déjà dégradée. M. X. précise que la SA BPALC a augmenté plusieurs fois le découvert autorisé de la SASU Mat-Eco en contrepartie d'engagements de caution successifs et à un taux de découvert de 14,85 %, ruineux pour la société, alors qu'elle aurait pu accorder un prêt.
Il invoque enfin la déchéance du droit aux intérêts légaux et contractuels par application de l'article 2293 du code civil et L. 313-22 du code monétaire et financier en raison du défaut d'information de la caution.
[*]
Par conclusions déposées le 14 janvier 2022, la SA BPALC demande à la cour de :
- rejeter l'appel de M. X.
- confirmer le jugement du 5 janvier 2021 en toutes ses dispositions
Y ajoutant
- ordonner la capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière,
En tout état de cause,
- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes
- le condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.
- le condamner à lui payer une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA BPALC fait valoir que la caution ne peut échapper à son engagement que s'il existe une disproportion manifeste ab initio à ses biens et revenus et à la condition cumulative qu'elle ne puisse faire face à cet engagement lorsque celle-ci est appelée, l'appréciation de la disproportion se faisant engagement par engagement. Elle souligne qu'elle n'a pas à vérifier les informations transmises par la caution lors de l'élaboration du cautionnement, surtout lorsque la caution a certifié sincère et conforme une fiche de renseignements.
Elle soutient tout d'abord que M. X. avait, au regard de ses emplois précédents, des compétences économiques, comptables, bancaires et de gestion tant d'une entreprise que du personnel. Elle relève que lorsque M. X. s'est engagé comme caution le 28 septembre 2015 il n'était pas sans emploi depuis une longue période, avait déclaré des revenus de 4.379 euros mensuels et être propriétaire d'une maison individuelle d'une valeur de 300.000 euros. Elle estime que son engagement dans la limite de la somme de 5.000 euros n'était pas disproportionné.
Concernant l'engagement pris le 05 février 2016, dans la limite de 18.000 euros et pour une durée de 48 mois, la SA BPALC affirme que M. X. avait indiqué dans la fiche de renseignements un revenu mensuel de 1.300 euros, précisé que la valeur de sa maison d'habitation s'élevait désormais à 320.000 euros et qu'il disposait d'une épargne de 20.000 euros. Elle en déduit que le montant cumulé des engagements de caution, soit 23.000 euros n'était pas disproportionné.
Concernant l'engagement du 18 juin 2016 dans la limite de 26.000 euros pour une durée de 10 ans la SA BPALC relève dans la fiche de renseignements M. X. avait déclaré des revenus mensuels de 1.475 euros et qu'il n'avait plus de prêt à charge, la valeur de la maison étant ramenée à 300.000 euros. Elle conclut que le total de l'endettement soit 49.000 euros n'était pas disproportionné.
Concernant les engagement souscrits le 9 novembre 2016 dans la limite de 35.000 euros pour une durée de 10 ans et dans la limite de 52.000 euros, la SA BPALC indique avoir repris les informations récentes (moins de cinq mois) transmises par M. X., qu'il ne l'a pas informée de changements dans sa situation et qu'au regard de l'étendue du patrimoine de l'appelant, il n'existait aucune disproportion manifeste puisque le total de ses engagements s'élevait à 119.000 euros, ce qui était bien inférieur à la valeur de l'immeuble et aux économies déclarées par l'appelant. Elle relève en outre qu'à cette date, M. X. disposait toujours de sa créance de 50.000 euros et que ce dernier ne l'a pas avisé ensuite de l'abandon de sa créance ni de ce à quoi correspondait « l'économie de 50.000 euros » déclarée.
Au surplus, la SA BPALC affirme que M. X. était également en mesure de faire face à ses engagements lorsqu'elle l'a sollicité à hauteur de 21.516,91 euros et 17.115,85 euros outre intérêts à supposer même qu'il ne soit plus propriétaire de sa maison, puisqu'il disposait du prix de vente de cet immeuble ou d'une créance sur l'indivision de la communauté, ce qui était inclus dans son patrimoine.
Sur les moyens de nullité la SA BPALC observe tout d'abord que M. X. en soulevant préalablement la disproportion de ses engagements de caution a nécessairement admis que les contrats étaient valables et qu'il est donc de mauvaise foi.
S'agissant du dol invoqué, la SA BPALC soutient que M. X. est une caution avertie au regard de son parcours professionnel d'entrepreneur particulièrement accompli et qu'il ne pouvait ignorer la portée de ses engagements qui garantissaient ceux de la société.
La SA BPALC fait valoir qu'un découvert bancaire peut être tacite et précise qu'il n'y a jamais eu d'autorisation de découvert pour la somme de 50.000 euros mais seulement pour 40.000 euros, le fait que M. X. se soit porté caution pour une somme supérieure étant indifférent. Elle expose que M. X., gérant, avait nécessairement connaissance de la position débitrice des compte de la SASU Mat-Eco et affirme avoir dénoncé le concours financier après avoir consulté le bilan de la société cautionnée et s'être rendue compte que les pertes étaient bien plus importantes que ce que soutenait M. X.
Sur la moyen tiré de l'erreur, l'intimée fait valoir que M. X. avait vocation à se porter caution de l'ensemble des engagements de la société et non d'une augmentation du découvert bancaire. Elle expose que l'erreur invoquée n'est pas excusable, M. X. étant une caution avertie. Elle précise par ailleurs la garantie Oseo n'était qu'une garantie de bonne fin qui n'avait vocation à être activée qu'après épuisement de toutes les autres voies. Elle affirme que cette erreur n'est pas non plus excusable pour une caution avertie. En outre, elle souligne que l'erreur alléguée n'est pas déterminante, M. X. n'ayant pas conditionné son engagement à la présence d'une garantie OSEO.
Sur la prétendue absence de cause, l'intimée rappelle que les engagements de caution avaient pour cause la garantie de l'ensemble des engagements de la SASU Mat-Eco. Elle estime que le cautionnement de 52.000 euros critiqué n'a pas été privé d'objet suite à la dénonciation du découvert bancaire, puisqu'il n'existait aucune obligation de maintien du découvert bancaire qu'elle était en droit de dénoncer.
Elle conteste toute violence économique, soulignant que M. X. ne justifie d'aucune menace pour le contraindre à signer ses engagements de caution. Elle ajoute qu'il n'existait aucun état de dépendance dans la mesure où la SASU Mat-Eco aurait pu faire appel à un autre établissement bancaire pour obtenir un financement.
Elle affirme également n'avoir tiré aucun avantage excessif de la situation de la SASU Mat-Eco et précise qu'il appartenait à M. X. en tant que dirigeant avisé d'utiliser toute voie de droits pour faire face aux difficultés éprouvées par sa société.
Par ailleurs elle conclut au rejet de l'action en responsabilité dirigée contre elle.
Elle soutient avoir résilié le découvert bancaire en respectant les dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier et n'avoir commis aucune faute. Elle précise que la rupture peut intervenir même si le montant du découvert n'a pas été atteint. Elle relève que la SASU Mat-Eco avait dépassé à plusieurs reprises l'autorisation de découvert de 40.000 euros et qu'elle n'a commis aucune faute et conteste la bonne santé financière de la société. Elle avance qu'aucun préjudice moral n'est justifié, la SASU Mat-Eco n'étant pas partie à l'instance.
Concernant le devoir de mise en garde, la SA BPALC rappelle qu'elle n'était pas tenue d'un tel devoir envers M. X. et que ce devoir n'est dû qu'à l'emprunteur non averti et à la condition cumulative que le concours accordé génère un risque d'endettement. Elle soutient par ailleurs que les engagements souscrits par la caution n'étaient pas de nature à générer un risque d'endettement, au regard de son patrimoine composé de ses biens et de ses revenus.
Elle estime avoir rempli son obligation d'information en transmettant de façon claire et non équivoque à M. X. les caractéristiques de l'engagement de caution tous engagements qu'il signait. L'intimée souligne que le devoir de mise en garde n'est relatif qu'au risque d'endettement que peut générer un contrat de prêt et que le manquement au devoir de mise en garde n'est sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts venant compenser la perte de chance pour la caution de ne pas contracter. Elle affirme que cette perte de chance est nulle pour M. X. car il disposait d'une surface financière lui permettant de faire face à son engagement sans risquer un endettement au regard de son patrimoine.
La SA BPALC conclut à l'irrecevabilité du moyen tiré d'un soutien abusif au regard de l'article L. 650-1 du code de commerce, les créanciers ne pouvant être tenus pour responsables des préjudices subis des concours consentis sauf en cas de fraude, qui ne se présume pas, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, qui n'est ni alléguée, ni prouvée, ou la prise de garantie excessive disproportionnée en contrepartie de concours, ce qui n'est ni allégué ni prouvé. Elle souligne que sa déclaration de créance au passif de la SASU Mat-Eco n'a fait l'objet d'aucune contestation par les tiers, ni par M. X.. Elle maintient que le taux d'intérêts du découvert n'était pas excessif ni d'usuraire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les conclusions déposées le 4 janvier 2022 par M. X. et le 14 janvier 2022 par la SA BPALC, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 6 janvier 2022 ;
La cour constate que M. X. invoque la déchéance du droit aux intérêts en raison du défaut d'information annuelle de la caution.
Or, la SA BPALC ne produit qu'un décompte de sa créance et un historique partiel du compte courant ouvert au nom de la SAS Mat-Eco.
Ces pièces ne permettent pas, le cas échéant, de déterminer le montant de la créance restant due par M. X. expurgée des intérêts.
En conséquence, il convient de rabattre l'ordonnance de clôture, d'ordonner la réouverture des débats, tout droit et moyen des parties réservés et d'inviter la SA BPALC à produire :
- l'historique du compte courant ouvert au nom de la SAS Mat-Eco depuis son ouverture ;
- le montant de sa créance au titre de ce compte courant expurgée des intérêts contractuels et le montant des règlements reçus
- un décompte de sa créance relative au prêt de 50.000 euros expurgée des intérêts au taux contractuels et mentionnant les règlements effectués.
L'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état du 5 mai 2022, et la SA BPALC sera invitée à produire ses pièces pour cette date.
Les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt avant dire droit, rendu par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code civil,
RABAT l'ordonnance de clôture ;
ORDONNE la réouverture des débats, tout droit et moyen des parties réservés ;
INVITE la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à produire :
- l'historique du compte courant ouvert au nom de la SAS Mat-Eco depuis son ouverture ;
- le montant de sa créance au titre de ce compte courant expurgée des intérêts contractuels et le montant des règlements reçus ;
- un décompte de sa créance relative au prêt de 50.000 euros expurgée des intérêts au taux contractuels et mentionnant les règlements effectués ;
DIT que l'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état du 5 mai 2022 ;
INVITE la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à produire ses pièces pour cette date ;
RESERVE les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame FLORES, Présidente de chambre à la Cour d'appel de Metz et par Madame WILD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président