CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 11 mai 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9571
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 11 mai 2022 : RG n° 21/08513
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Invoquant la non-restitution de recettes-carburants, la société BP a notifié par acte d'huissier du 15 juin 2006 à la société Carbuperiph la résiliation du contrat de gérance signé le 15 février 2002 à ses torts exclusifs pour graves manquements à ses obligations.
Par arrêt du 11 octobre 2017, la Cour a jugé dans son dispositif que la société EFR, venant aux droits de la société BP, a rompu à tort le contrat.
La Cour de cassation dans son arrêt du 7 mai 2019, a rejeté le moyen faisant grief à l'arrêt de dire que la société EFR a rompu le contrat à tort, aux motifs notamment
- « qu'après avoir relevé que, si la société EG Retail prétend que la résiliation du contrat est justifiée par la rétention par la société Carbupériph de sommes provenant de la vente de carburant, laquelle constitue un motif prévu par la clause résolution dont elle se prévaut, l'arrêt retient que cette rétention est motivée par le déficit structurel d'exploitation de la station-service, qui lui est imputable; qu'ayant fait ressortir que la mandante avait mise en oeuvre, de mauvaise foi, la clause résolutoire, la cour d'appel a retenu à juste titre que cette résiliation était irrégulière;
- et qu'ayant relevé que la mandante, qui avait résilié le contrat de manière injustifiée, était seule responsable de la rupture des relations contractuelles, la cour d'appela pu retenir que la société EG retail ne pouvait réclamer l'indemnité pour occupation illicite de la station-service par la société Carpupériph ».
Autrement dit, il a été définitivement jugé que la société EFR, aux droits de laquelle vient la société EG Retail, a rompu à tort le contrat. L'arrêt du 11 octobre 2017 n'a été censuré seulement en ce qu'il a débouté le liquidateur de la société Carbuperiph de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat. »
2/ « Cependant, dès lors que la société EG Retail a résilié le contrat de manière injustifiée, elle est responsable de la rupture des relations contractuelles et ne peut réclamer une indemnité pour occupation illicite de la station-service par la société Carbuperiph. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 11 MAI 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/08513 (20 pages). N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTHP. Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation prononcé le 7 mai 2019 (n° 352 FD) emportant cassation d'un arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 4) le 11 octobre 2017 (RG n° 11/22195), sur appel d'un jugement rendu le 2 décembre 2011 par le tribunal de commerce de PARIS (RG n° 2006048586)
DEMANDERESSES À LA SAISINE :
SELAFA MJA ès qualité de « mandataire liquidateur » de la SARL CARBUPERIPH
Ayant son siège social [adresse], [...],
Monsieur X.
[...], [...], Représentés par Maître Nicolas P., avocat au barreau de PARIS, toque : C1408
DÉFENDERESSE À LA SAISINE :
SASU EG RETAIL (FRANCE)
prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social [...], [...], Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro XXX, Représentée par Maître Caroline H.-S. de la SCP N. - H., avocat au barreau de PARIS, toque : L0046, Ayant pour avocat plaidant Maître Lin N. de D., avocat au barreau de PARIS, toque : P0075
COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère, chargée du rapport et Mme Camille LIGNIERES, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère, Mme Camille LIGNIERES, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signée par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente, et par Mme Sylvie MOLLÉ, Greffière, présente lors du prononcé par mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat du 15 février 2002, la société BP France aux droits de laquelle vient la société EG Retail France (ci-après « la société EG Retail »), a donné en location-gérance une station-service à la société Carbupériph, gérée par M. X.
Le contrat stipulait que l'activité de vente de carburant de la station-service s'exerçait sous le régime du mandat et que la société Carbupériph devait déposer quotidiennement les recettes en provenant sur un compte bancaire ouvert à son nom sur lequel la société BP émettait un ordre de prélèvement automatique magnétique, la société Carbupériph étant rémunérée pour cette activité par une commission mensuelle composée d'une partie fixe et d'une partie variable en fonction du litrage de carburant vendu.
La société Carbupériph n'ayant plus restitué les recettes de carburant, la société BP, après l'avoir vainement mise en demeure d'y procéder en se prévalant d'une clause résolutoire prévue au contrat, a résilié celui-ci par lettre du 15 juin 2006.
La société Carbupériph s'étant maintenue dans les lieux, la société BP a obtenu, en référé, son expulsion.
Invoquant des conditions d'exploitation ne lui permettant pas de dégager des résultats positifs, la société Carbupériph a assigné la société BP devant le tribunal de commerce de Paris, en paiement de diverses sommes au titre des pertes du mandat, de la prime de fin de contrat et en réparation de son préjudice pour rupture abusive de celui-ci.
La société BP a assigné devant le tribunal de commerce de Paris, la société Carbupériph et M. X., en qualité de caution, en restitution des recettes de carburant encaissées pour son compte.
Par jugement prononcé le 2 décembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a :
- Joint les causes,
- Débouté la société Carbuperiph de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné solidairement la SARL Carbupériph et Monsieur X., ce dernier dans la limite de 31.000 euros, à payer à la SAS Delek France venant aux droits et obligations de la SA BP France la somme de 49.150,04 euros au titre des ventes de carburant, augmentée des intérêts calculés au taux légal, avec anatocisme, à compter du 6 juin 2006, et celle de 29.913,33 euros au titre de l'indemnité d'occupation,
- Condamné la SARL Cabuperiph à payer à la SAS Delek France venant aux droits et obligations de la SA BP France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Débouté la SAS Delek France venant aux droits et obligations de la SA BP France du surplus de ses demandes,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie,
- Condamné la SARL Carbuperiph aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,49 euros TTC dont 17,07 euros de TVA,
Par acte du 13 décembre 2011, la société Carbuperiph et M. X. ont interjeté appel de ce jugement et sollicité la désignation d'un expert judiciaire.
Le 18 avril 2013, la société Carbuperiph a été placée en liquidation judiciaire, la société MJA prise en la personne de Maître L. ayant été désignée en qualité de liquidateur de la société Carbuperiph.
Par arrêt du 20 novembre 2013, RG n° 11/22195, la cour d'appel de Paris a :
- Infirmé le jugement ;
Et statuant de nouveau dans cette limite :
- Fixé la créance de la société Delek France, venant aux droits de la société BP FRANCE, au passif de la procédure collective de la société CARBUPERIPH à la somme de 49.150,04 € au titre des ventes de carburants augmentée des intérêts aux taux légal avec anatocisme à compter du 6 juin 2006 ;
Avant dire droit sur l'origine des pertes du mandat ainsi que sur les comptes entre les parties :
- Ordonné une expertise,
- Sursis à Statuer, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, sur les demandes relatives à la rupture du contrat de location-gérance par la société BP, au versement de la prime de fin de contrat prévue à l'article 5.3 de l'AIP, à la reprise des stocks prévue par l'article 4.1 de l'AIP, au versement d'indemnités au titre de l'occupation de la station-service, au paiement d'une partie du stock outil de carburant, des lubrifiants, des cadeaux et de l'assurance, à la caution et à l'article 700 du code de procédure civile ;
[*]
Par arrêt du 11 octobre 2017, RG n°11/22195, la cour d'appel de Paris a :
- Infirmé le jugement,
- Dit que la société Carbuperiph n'a pas valablement renoncé aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil,
- Dit que la société EFR n'a pas violé les dispositions de l'article 3 du préambule du protocole relatif à l'exploitation de location-gérance d'un fonds de commerce de station essence de société pétrolière, dit AIP,
- Fixé la créance de la société EFR, venant aux droits de la société Delek France, au passif de la procédure collective de la société Carbuperiph à la somme de 49.150,04 euros au titre des ventes de carburants, augmentée des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 16 juin 2006,
- Dit que l'activité de vente d'essence de la société Carbuperiph était structurellement déficitaire,
- Dit qu'aucune faute de gestion de la société Carbuperiph n'est établie, qui s'opposerait à ce que cette société obtienne un dédommagement pour le déficit de l'activité de vente d'essence,
en conséquence,
- Condamné la société EFR à payer à la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître L., ès qualité de liquidateur de la société Carbuperiph, la somme de 143.812 €, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2006, lesdits intérêts capitalisés,
- Condamné la société EFR à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur de la société Carbuperiph, la somme de 25.151,30 euros au titre de la prime de fin de contrat,
- Ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,
- Dit que la société EFR a rompu le contrat à tort,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- Condamné la société EFR à supporter les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamné la société EFR à payer à M. X. la somme de 5.000 euros et à Maître L., ès qualités, la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
[*]
Statuant sur le pourvoi n°17-29.013 formé par la SAS EG Retail France (anciennement dénommée EFR France et auparavant DELEK France), venant aux droits de la société BP France (ci-après société EG Retail), et sur le pourvoi n° 18-10.089 formé par Monsieur X., la SARL Carbuperiph et la société MJA, prise en la personne de Madame Frédérique L., agissant en qualité de liquidateur de la société Carbupériph, la Cour de cassation a par arrêt du 7 mai 2019 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'aucune faute de gestion de la société Carbupériph n'est établie qui s'opposerait à ce qu'elle obtienne un dédommagement pour le déficit de l'activité de vente d'essence, condamne la société EFR France, devenue la société EG Retail France, à payer à la société MJA, prise en la personne de Mme L., en qualité de liquidateur de la société Carbupériph, les sommes de 143.812 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2006, capitalisés, et de 25.151,30 euros au titre de la prime de fin de contrat, ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties, rejette le surplus des demandes, statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l'arrêt rendu le 11 octobre 2017 (RG n° 11/22195), entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Par déclaration du 24 avril 2021, la Cour a été saisie.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 janvier 2022, la société MJA, prise en la personne de Madame Frédérique L., agissant en qualité de liquidateur de la société Carbupériph et M. X. demandent à la Cour de :
Vu les articles 1131, 1999, 2000 et 1237-1 du Code Civil,
Vu l'article L. 330-3 et L. 442-6 du Code de Commerce,
Vu les Accords Interprofessionnels (AIP),
Il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
À titre principal,
- Juger que EG RETAIL France SAS n'a pas permis à la SARL CARBUPERIPH de renoncer à l'article 2000 du Code Civil en connaissance de cause.
- Juger que EG RETAIL France SAS ne peut se prévaloir d'une clause limitant sa responsabilité qui contredit la portée d'une obligation essentielle contenue à l'article 3 du préambule des AIP, qu'elle a de surcroît délibérément violé.
- Juger que la société EG RETAIL France SAS doit rembourser à la SARL CARBUPERIPH les pertes du mandat de la station qui ont pour origine un fait dont elle a conservé la maîtrise.
- Juger que la société EG RETAIL France SAS a rompu le contrat à tort.
En conséquence,
- Condamner la société EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 202.131 euros au titre des pertes du mandat.
- Condamner EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 280.757 € à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture abusive des relations contractuelles.
A titre subsidiaire et si par impossible la Cour devait juger que la SARL CARBUPERIPH n'a pas droit au remboursement des pertes pour l'exercice clôturé le 21 juin 2006 pour lequel des fautes sont alléguées, il est demandé à la Cour de condamner la société EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 154.011 euros HT au titre du remboursement des pertes issues cumulées pour les exercices clos au 31 mars 2005 et au 31 mars 2006.
À titre très subsidiaire,
- Ordonner une contre-expertise.
À titre très très subsidiaire,
- Juger que seule la méthode n° 2 utilisée par Expert doit être retenue.
En conséquence,
- Condamner la société EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 208.036 euros au titre des pertes du mandat.
En tout état de cause,
- Débouter EG RETAIL France SAS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner la société EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 25.151,30 euros au titre de la prime de fin de contrat.
- Condamner EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 280.757 € à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture abusive des relations contractuelles.
- Ordonner le remboursement par EG RETAIL France SAS de la caution espèce de 20.000 euros.
- Condamner à la société EG RETAIL France SAS à verser à la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès-qualités de liquidateur de la SARL CARBUPERIPH, la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du NCPC ; ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Nicolas P. conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
- Condamner à la société EG RETAIL France SAS à verser à M. X. la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dire que ces sommes porteront intérêts au tauxlégal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code Civil à compter de la demande.
[*]
Aux termes des dernières conclusions de la société EG Retail France (anciennement dénommé EFR France, auparavant Delek France), venant aux droits et obligations de la société BP France, déposées et notifiées le 26 janvier 2022, il est demandé à la Cour de :
- Juger la société EG RETAIL (France) SAS recevable et bien fondée en ses présentes écritures, fins et conclusions,
Sur les demandes de la SARL CARBUPERIPH déjà tranchées et ayant autorité de la chose jugée
Vu l'adage « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui »,
Vu les deux protocoles transactionnels signés en 2003 et 2004 par la SARL CARBUPERIPH,
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2017,
- Juger que la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH ainsi que Monsieur X. ne sauraient venir contre leur propre fait et se contredire au détriment de EG Retail (France)
SAS sur le fondement de l'adage « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui » et qu'ils ne sont pas fondés à critiquer aujourd'hui la validité du contrat qu'ils ont reconnu comme valide en 2003 et 2004 aux termes de deux protocoles transactionnels,
- Juger tant irrecevables que mal fondées toutes demandes de la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH ainsi que de Monsieur X. :
o tendant à remettre en cause la validité du contrat de gérance au titre d'une prétendue violation de la loi Doubin ou de tout vice du consentement,
o tendant à remettre en cause la créance de EG Retail (France) SAS au titre de la restitution des recettes carburant d'un montant de 49.150,04 euros,
En conséquence,
- Juger que la fixation de la créance d'EG Retail (France) SAS au passif de la SARL CARBUPERIPH, à la somme de 49.150,04 euros augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter du 16 juin 2006, au titre des ventes de carburants non restituées est définitive.
Sur la demande de remboursement des prétendues pertes au titre du mandat
Vu le contrat de location-gérance en date du 15 février 2002,
Vu les Accords Interprofessionnels,
Vu l'article 1134 du Code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Vu les articles 1999 et 2000 du code civil,
Vu l'adage « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui »,
Vu les deux protocoles transactionnels signés en 2003 et 2004 par la SARL CARBUPERIPH,
A Titre Principal
Juger que les dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil ont un caractère supplétif et que la SARL CARBUPERIPH y a valablement renoncé,
- Juger que la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH et Monsieur X. :
o n'établissent pas que les conditions dont le mandant aurait conservé la maîtrise seraient la cause exclusive des pertes dont la SARL CARBUPERIPH ès qualités de mandant demande l'indemnisation ;
o n'opposent aucune étude des prix à la pompe au soutien de ses demandes d'indemnisation ;
o n'affirment ni ne démontrent encore moins avoir été victime d'une quelconque discrimination par rapport à d'autres membres du réseau quant à la fixation du prix ;
- Juger que la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH et Monsieur X. ne sont fondés à soutenir que ses pertes trouvent leur cause dans une faute qu'aurait commise EG Retail (France) SAS dans la fixation du prix des carburants.
En conséquence,
Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 2 décembre 2011 en ce qu'il a débouté la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH et Monsieur X. de l'ensemble de leurs demandes visant les pertes prétendument causées par EG Retail (France) SAS.
A Titre Subsidiaire
- Juger qu'en refusant de restituer les recettes carburant, en omettant de comptabiliser régulièrement et fidèlement des opérations de ventes de marchandises, et en procédant à des débits et virements injustifiés en comptabilité, la SARL CARBUPERIPH a commis des fautes de gestion qui font obstacle à toute indemnisation au titre notamment des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil ;
- Juger que le fonds de commerce donné en location-gérance constitue un tout indivisible commis des fautes de gestion qui font obstacle à toute indemnisation ;
- Juger qu'en tout état de cause, la comptabilité de la SARL CARBUPERIPH n'est pas cohérente et n'apporte pas la preuve certaine des prétendues pertes cumulées au titre du mandat ;
En conséquence,
- Débouter la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH et Monsieur X. de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation des pertes subies par elle au titre de l'exécution du mandat ainsi que le paiement de la prime de fin de contrat.
A Titre infiniment Subsidiaire
Vu le rapport de l'Expert judiciaire,
- Juger que les méthodes n° 1 et n° 2 proposées par l'Expert judiciaire ne peuvent être retenues en ce qu'elles ont pour effet de gonfler artificiellement l'activité de vente de carburant dans l'exploitation de la station-service et constituent une violation des règles commerciales et comptables,
- Juger que seule la méthode n°3 attachée aux marges telle que corrigée par EG Retail (France) SAS est susceptible d'être retenue,
En conséquence,
- Limiter les pertes au titre du mandat aux montants corrigés par EG Retail (France) SAS.
- Débouter la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH de sa demande de condamnation à l'encontre de EG RETAIL (France) SAS, à titre principal, au paiement de la somme de 202.131 euros au titre du cumul des pertes du mandat, et à titre subsidiaire, au paiement de la somme de 154.011 euros HT au titre des pertes cumulées du mandat pour les exercices clos au 31 mars 2005 et au 31 mars 2006, à titre très subsidiaire, de sa demande d'expertise et à titre très très subsidiaire, au paiement de la somme de 208.036 euros au titre des pertes du mandat essuyées pour l'exercice 2013,
Sur la demande d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de location gérance et de la fin des relations contractuelles
Vu le contrat de location-gérance en date du 15 février 2002,
Vu les Accords Interprofessionnels,
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,
- Juger que la non-restitution par la SARL CARBUPERIPH des recettes carburant dues au titre du mandat, l'omission de comptabiliser des opérations de ventes de marchandises, et le fait de procéder à des débits et virements injustifiés en comptabilité sont constitutifs de fautes de gestion qui justifient la rupture du contrat et la fin des relations contractuelles ;
- Juger que ces fautes de gestion font obstacle à toute indemnisation,
En conséquence,
- Débouter la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH ainsi que Monsieur X. de l'ensemble de leurs demandes d'indemnisation au titre de la rupture du contrat et de la fin des relations contractuelles.
A titre subsidiaire :
- Juger qu'un préavis d'une durée de 3 mois auquel s'ajoute une prime de fin de contrat tels que fixés pas les usages professionnels (dit AIP) sont suffisants ;
- Juger que les comptes sociaux 2005 de CARBUPERIPH font apparaître un résultat d'exploitation de toutes les activités confondues négatif (511.287 - 518.520 = -7.234),
- Juger que la prime de fin de contrat prévue par les Accords Interprofessionnels participe à l'appréciation d'un préavis raisonnable,
- Juger qu'eu égard au résultat d'exploitation négatif de toutes les activités confondues, CARBUPERIPH est mal fondée à revendiquer une indemnisation au titre du préavis.
En conséquence, l'en débouter
Sur les demandes de EG Retail France
Vu le contrat de location-gérance en date du 15 février 2002
Vu les articles L. 110-1 et L. 110-3 du Code de Commerce,
- Juger que la SARL CARBUPERIPH est débitrice des recettes résultant de la vente d'une partie du stock outil de carburants ;
- Juger que la SARL CARBUPERIPH a occupé la station-service sans droit ni titre pendant 17 jours et qu'elle est, conformément aux stipulations de l'article 16 du contrat de location gérance, redevable envers EG Retail France d'une indemnité journalière contractuelle d'occupation ;
- Juger que Monsieur X. est caution de la SARL CARBUPERIPH et qu'il s'est engagé par un acte de commerce à honorer les dettes du débiteur principal, dans la limite de 31.000 euros ;
En conséquence,
- Fixer la créance d'EG Retail France au passif de la SARL CARBUPERIPH, à la somme de 29.974,38 euros correspondant à une partie du stock outil de carburants, augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter de l'assignation,
- Fixer la créance d'EG Retail France au passif de la SARL CARBUPERIPH, aux sommes de 1.190,64 Euros ; 909,10 Euros et 215,28 Euros, augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter de l'assignation,
- Fixer la créance d'EG Retail France au passif de la SARL CARBUPERIPH, au titre de son occupation sans droit ni titre de la station-service au [...], à la somme de 25.916,33 euros, outre la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts, augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter de l'assignation,
- Débouter la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH ainsi que Monsieur X. de leur demande de remboursement de la caution espèce de 20.000 euros,
En déduire le montant de la caution espèce de 20.000 euros,
- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 2 décembre 2011 en ce qu'il a condamné solidairement et à hauteur de 31.000 euros Monsieur X. au titre des créances fixées au passif de la SARL CARBUPERIPH.
Sur la prime de fin de contrat
Vu le contrat de location-gérance en date du 15 février 2002,
Vu les Accords Interprofessionnels,
- Juger que la non-restitution par la SARL CARBUPERIPH des recettes carburant dues au
titre du mandat, l'omission de comptabiliser des opérations de ventes de marchandises, et le fait de procéder à des débits et virements injustifiés en comptabilité sont constitutifs de fautes de gestion dans l'exécution du mandat faisant échec au versement de la prime,
de fin de contrat ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 2 décembre 2011 en ce qu'il a débouté la SARL CARBUPERIPH de sa demande de paiement de la somme de 25.151,30 euros au titre de la prime de fin de contrat,
En tout état de cause :
- Débouter la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH et Monsieur X. de l'intégralité de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens,
- Condamner solidairement la SELAFA MJA en la personne de Maître Frédérique L. ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CARBUPERIPH et Monsieur X. au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise.
* * *
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande pour la société Carbuperiph de remboursement des pertes au titre du mandat :
Sur la renonciation aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil et le principe de l'indemnisation des pertes du mandat :
A titre principal, la société MJA et M. X. demandent à la Cour de juger que la société EG Retail n'a pas permis à la société Carbuperiph de renoncer aux articles 1999 et 2000 du code civil en connaissance de cause. En revanche, la société EG Retail demande à la Cour de juger que les dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil ont un caractère supplétif et que la société Carbuperiph y a valablement renoncé.
Sur ce,
La cour a déjà jugé dans son arrêt avant dire droit du 20 novembre 2013 (RG n° 11/22195) rendu dans la présente cause que « les stipulations du contrat excluant l'application des articles 1999 et 2000 du code civil, qui ne reproduisent pas le texte des articles et n'attirent pas l'attention de l'exploitant sur l'importance de ces stipulations, qui opèrent une amputation substantielle de ses droits, ne sont pas suffisamment claires pour qu'il soit établi que la société Carbuperiph ait accepté en toute connaissance de cause de renoncer à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil ». Dans son arrêt du 11 octobre 2017 (RG n° 11/22195) la Cour se réfère expressément à son arrêt avant dire droit précédent et dit que la société Carbuperiph n'a pas valablement renoncé aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil. Devant la Cour de cassation la société EG-Retail a contesté l'arrêt d'appel sur ce point au motif qu'il se borne à se renvoyer aux dispositions d'une précédente décision. Ce moyen a été rejeté par la Cour de cassation, qui confirme l'arrêt du 11 octobre 2017 notamment en ce que « la société Carbupériph, mandataire inexpérimenté, n'avait pas renoncé valablement à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil, car les textes qui amputaient ses droits, n'étaient pas cités dans la clause du contrat excluant leur application » et la Cour de cassation n'a pas cassé le chef de dispositif de l'arrêt du 11 octobre 2017 en ce qu'il a jugé que « Carbuperiph n'a pas valablement renoncé aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil ».
Par conséquent, la société Carbupériph, n'a pas renoncé valablement à se prévaloir des dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil et elle est en droit de demander l'indemnisation des pertes du mandat qui ne résultaient pas d'une imprudence de sa part.
Sur l'indemnisation des pertes du mandat et la faute de gestion :
Au visa de l'article 2000 du code civil, la Cour de cassation a censuré l'arrêt du 11 octobre 2017 en ce qu'il a dit qu'aucune faute de gestion de la société Carbuperiph n'était établie s'opposant à ce qu'elle obtienne un dédommagement pour le déficit d'activité de la vente d'essence, au motif qu'il appartient à la société Carbuperiph, en sa qualité de mandataire de rendre les comptes de sa gestion à la société EG Retail et d'établir que les débits et virements litigieux avaient bien été affectés à l'activité de vente de carburant.
La société MJA en sa qualité de liquidateur de la société Carbuperiph soutient qu'il ressort de l'arrêt de la Cour de cassation que le principe du remboursement des pertes de gestion est acquis et sollicite la condamnation de la société EG Retail à lui verser la somme de 202 131 euros au titre des pertes du mandat se décomposant après ventilation des différentes activités de la station-service de la manière suivante :
- 59.933 euros pour l'exercice du 1er avril 2004 au 31 mars 2005
- 94.078 euros pour l'exercice du 1er avril 2005 au 31 mars 2006
- 48.120 euros pour l'exercice du 1er avril 2006 au 21 juin 2006
Elle fait notamment valoir que hormis la boutique qui servait principalement à l'encaissement des ventes de carburant, la station-service ne disposait pas d'activité de diversification et que la vente des essences était exclusivement encadrée par BP et représentait jusqu'à 94% des recettes de la station. Elle précise que BP maîtrisait par contrat, l'exclusivité et prix des produits, les modalités d'approvisionnement les horaires d'ouverture, les moyens de paiement et les modalités de reversement des recettes. Elle relève que les méthodes proposées par l'expert de répartition des charges ne sont pas applicables et que les charges principales de la société Carbuperiph dont elle n'a pas la maîtrise sont relatives à l'activité de vente d'essence et que le montant des commissions ne permet pas de les couvrir concourant ainsi au déficit structurel de l'activité.
La société MJA fait valoir à titre subsidiaire que si la Cour devait juger que la société Carbuperiph n'a pas droit au remboursement des pertes pour l'exercice clôturé le 21 juin 2006 pour lequel des fautes sont alléguées, il est demandé une indemnité de 154.011 euros TTC au titre du remboursement des pertes issues cumulées pour les exercices du 1er avril 2004 au 31 mars 2006.
Pour s'opposer à une indemnisation au titre des pertes du mandat, la société EG-Retail expose d'abord que les 'pertes mandats' revendiquées par la société Carbuperiph ne sont pas établies, notamment en comparant sur la même période les résultats nets comptables. Elle rappelle que les parties au contrant ont entendu soumettre leurs relations à un contrat unique, en sorte que les activités réalisées dans le cadre du fonds de commerce doivent s'apprécier dans leur ensemble, sans qu'il soit possible de procéder à un découpage analytique de la gestion selon les activités exercées.
Elle expose ensuite que la société Carbuperiph a commis des fautes de gestion qui font obstacle à une indemnisation au titre des articles 1999 et 2000 du Code civil. Ces fautes sont constituées par le refus de restituer des recettes procédant de la vente de carburant, par le fait que Carbuperiph n'a pas tenu une comptabilité régulière des opérations de vente de marchandises et qu'elle a accompli des débits et virements injustifiés en comptabilité.
* Sur les « incohérences comptables » dans les activités hors carburants, la société EG-Retail fait valoir que le rapport d'expertise établi le 20 octobre 2015 (Pièce n° 60, pages 26 à 28) fait ressortir des incohérences comptables sur les activités autres que la vente de carburant, que ces incohérences consistent en des écarts entre les volumes de ventes et le nombre de transactions Back Office, qu'elles traduisent une comptabilité irrégulière, qu'elles ne sont pas justifiées par la société Carbuperiph et qu'elles constituent une faute de gestion excluant l'indemnisation des pertes essuyées dans la gestion du mandat.
Sur ce point il est relevé pour la société Carbuperiph que ces éléments comptables ne portent pas sur l'activité de vente de carburant et ne peuvent caractériser une faute de gestion dans l'exécution de cette activité. D'autant plus qu'il ressort du contrat que les parties ont entendu procéder à la stricte séparation entre l'activité de vente de carburant et les activités dites « de diversification ».
* Sur les débits et virements injustifiés reprochés à la société Carbuperiph, la société EG-Retail reproche à la société Carbuperiph d'avoir procédé à des virements bancaires injustifiés pour un montant de total de 35.536,12 euros dans la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2007. A cet effet, elle fait état des virements suivants identifiés dans le grand livre général de révision qu'elle produit (pièce 83) :
- 2.320,78 euros en date du 4 avril 2006
- 2.336,40 euros en date du 3 mai 2006
- 16.000 euros en date du 17 mai 2006
- 2.318,16 euros en date du 12 juin 2006
- 7.500 euros en date du 22 juin 2006
- 2.500 euros en date du 14 novembre 2006
- 2.560,78 euros en date du 31 juillet 2007
En réplique, la société MJA ès - qualités et M. X. font valoir que la société EG-Retail croit pouvoir identifier des virements suspects sur le compte de la SARL Carbupériph ouvert au Crédit Agricole, mais n'explique pas que ce compte serait celui ouvert lors de la création de la SARL Carbuperiph, que par la suite, un autre compte a été ouvert auprès de la Banque crédit du nord afin de bénéficier d'une facilité de caisse de 70.000 euros pour que BP, devenue EG-Retail, puisse procéder aux prélèvements automatiques. Ils font également valoir que le compte Crédit Agricole est resté ouvert pour l'encaissement des chèques, car BP n'aurait pas modifié « le terminal caisse » qui inscrit sur les chèques des clients le montant de la transaction et le numéro dudit compte, que les mouvements réalisés sur ce compte sont des encaissements systématiquement reversés sur le compte Crédit du Nord à partir duquel les prélèvements automatiques étaient effectués par EG Retail. Ils font valoir que l'ensemble des transferts listés par la société EG-Retail sont dus au fait que cette dernière n'a pas procédé à la modification du numéro de compte inscrit par le terminal de caisse. Ils font également référence à un courrier de BP demandant à la SARL Carbuperiph de négocier avec sa banque les dates de valeur des paiements par chèque et par carte.
Sur ce,
L'article 2000 du code civil dispose que le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable.
La Cour relève d'abord qu'il appartient à la société Carbupériph, en sa qualité de mandataire, de rendre compte de sa gestion à la société EG Retail et que le principe du remboursement des pertes du mandant à la société Carbupériph n'est pas acquis dès lors qu'il appartient à la Cour de renvoi de vérifier que celle-ci n'a pas commis de faute de gestion s'opposant à une indemnisation du déficit de l'activité de vente de carburant sous mandat.
Il ressort des documents comptables tels que repris au rapport d'expertise (page 22) l'évolution suivante des paramètres d'exploitation de la société Carbuperiph :
en milliers € | 2003/2004 | 2004/2005 | 2005/2006 |
vente de marchandise | 282,5 | 267,3 | 232,5 |
activité carburants | 236,1 | 235,4 | 234,1 |
chiffre d'affaires | 518,6 | 502,7 | 466,6 |
charges d'exploitation | 528,3 | 518,5 | 565,5 |
résultat d'exploitation | 0,98 | -7,2 | -87,5 |
Comme le relève l'expert, l'analyse des comptes conduit à relever que l'activité de distribution de carburant était stable au cours de la période, que l'activité boutique était fluctuante avec une importante chute du taux de marge sur l'exercice 2005-2006, que les charges d'exploitation ont significativement augmenté entre les deux derniers exercices (notamment charges externes et de personnel) et plus généralement un niveau d'activité de l'entreprise insuffisant pour dégager des bénéfices couvrant ses charges.
En outre, l'expert a soulevé deux principales anomalies de gestion de la station-service.
En premier lieu, sur la période étudiée de 2002 à début 2006, après l'analyse des 'back-office' des ventes de la boutique ( rapports mensuels sur lesquels sont indiqués : le volume des ventes, le nombre de transmissions correspondant au nombre de client ayant procédé à un paiement, le montant des ventes, les retours et le nombre d'annulations), l'expert a constaté que le nombre de ventes ne correspond pas au nombre de transactions, le nombre de transactions étant plus élevé que le nombre de ventes ce qui laisse entendre qu'un certain nombre de ventes n'a pas été enregistré. S'il est certain que ces anomalies ne concernent pas la vente de carburant, il ressort du rapport d'expertise que celles-ci avaient une incidence pour le retraitement des données lors de la répartition des recettes et charges entre les deux activités.
En second lieu, l'expert a constaté divers virements bancaires injustifiés (expertise page 54). Il a relevé que certains virements personnels ont eu pour objectif de se substituer aux dépenses auxquelles l'entreprise ne pouvait faire face, mais que la destination d'autres mouvements de fonds, notamment les débits litigieux d'un montant de 7.500 euros du 22 juin 2006 et de 2 500 euros du 14 novembre 2006 n'a pas été précisée. Concernant ces deux mouvements la société Carbuperiph a été vainement mise en demeure de produire les relevés de compte correspondant à ces virements pendant l'expertise. A la suite du dépôt de ce rapport d'expertise, la société Carbuperiph avait également été mise en demeure de justifier lesdits virements à travers les conclusions de la société EG Retail le 12 juin 2017 repris dans ses dernières conclusions du 26 janvier 2022 (page 28 et note 71).
La société Carbupériph se limite cependant à expliquer dans ses conclusions les circonstances de certains mouvements de fonds, mais n'établit pas en quoi les virements précédemment relevés seraient justifiés par l'activité carburant. Par ailleurs, malgré les demandes de l'expert et de la société EG-Retail, elle ne produit devant la Cour aucun document permettant de justifier ces mouvements de fonds, notamment les relevés de compte correspondant aux virements litigieux. Or, comme il a été rappelé, il appartient à la société Carbuperiph, en sa qualité de mandataire de la société EG Retail, de lui rendre fidèlement compte de sa gestion.
Il ressort de l'ensemble de ces constatations, que les anomalies de gestion de la société Carpuperiph sur l'ensemble de la période de 2002 à 2006 empêchent d'établir avec suffisamment de fiabilité non seulement que celle-ci a essuyé des pertes dans l'exercice de son mandat de vente de carburant, mais également que des imprudences ne sont pas sans lien avec le déficit de son activité.
Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une contre-expertise, il convient de débouter la société MJA prise en la personne de Maître L. en sa qualité de liquidateur de la société Carbuperiph de ses demandes d'indemnisation au titre des pertes de mandat tant à titre principal que subsidiaires. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre de la prime de fin de contrat :
La société MJA ès-qualités réclame une prime de fin de contrat en application de l'article 5.3 des Accords interprofessionnels, soit la somme de 25.151,30 euros.
L'article 5.3 des Accords interprofessionnels prévoit qu'une prime de fin de contrat est due à l'exploitant à la fin de chaque contrat sous réserve que le contrat ait duré au moins 3 ans et que les obligations du contrat aient été respectées. Cette prime a été calculé par l'expert (pages 48 à 52 de son rapport) pour la somme de 25.151,30 euros. Toutefois, il a été jugé que la société Carbupériph n'a pas fidèlement rendu compte de sa gestion en raison, particulièrement, des virements injustifiés précédemment relevés. Ce défaut de justification constitue une faute de gestion entachant le respect des obligations contractuelles. Or, le règlement de la prime de fin de contrat prévue à l'article 5.3 des Accords interprofessionnels n'est dû que sous réserve du respect des obligations contractuelles. La Cour en déduit que les fautes de gestion relevées sont de nature à caractériser une violation d'une obligation contractuelle et entrainent l'exclusion du règlement d'une telle prime.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté le liquidateur judiciaire de la société Carbuperiph de sa demande de ce chef.
Sur les demandes pour la société Carbuperiph au titre de la rupture du contrat :
Invoquant la non-restitution de recettes-carburants, la société BP a notifié par acte d'huissier du 15 juin 2006 à la société Carbuperiph la résiliation du contrat de gérance signé le 15 février 2002 à ses torts exclusifs pour graves manquements à ses obligations.
Par arrêt du 11 octobre 2017, la Cour a jugé dans son dispositif que la société EFR, venant aux droits de la société BP, a rompu à tort le contrat.
La Cour de cassation dans son arrêt du 7 mai 2019, a rejeté le moyen faisant grief à l'arrêt de dire que la société EFR a rompu le contrat à tort, aux motifs notamment
- « qu'après avoir relevé que, si la société EG Retail prétend que la résiliation du contrat est justifiée par la rétention par la société Carbupériph de sommes provenant de la vente de carburant, laquelle constitue un motif prévu par la clause résolution dont elle se prévaut, l'arrêt retient que cette rétention est motivée par le déficit structurel d'exploitation de la station-service, qui lui est imputable; qu'ayant fait ressortir que la mandante avait mise en oeuvre, de mauvaise foi, la clause résolutoire, la cour d'appel a retenu à juste titre que cette résiliation était irrégulière;
- et qu'ayant relevé que la mandante, qui avait résilié le contrat de manière injustifiée, était seule responsable de la rupture des relations contractuelles, la cour d'appela pu retenir que la société EG retail ne pouvait réclamer l'indemnité pour occupation illicite de la station-service par la société Carpupériph ».
Autrement dit, il a été définitivement jugé que la société EFR, aux droits de laquelle vient la société EG Retail, a rompu à tort le contrat. L'arrêt du 11 octobre 2017 n'a été censuré seulement en ce qu'il a débouté le liquidateur de la société Carbuperiph de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat.
Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation contractuelle :
Au titre de l'indemnisation de la rupture fautive, le liquidateur de la société Carbuperiph évalue le préjudice comme en matière de rupture brutale de relation commerciale, à une année de marge brute qui aurait été réalisée durant le délai de préavis et qui aurait dû leur être accordé et qu'il estime à une année compte tenu de la dépendance économique entre les deux sociétés. En référence au bilan de 2005, le préjudice est estimé à 280.757 euros.
La société EG Retail soutient que le défaut de restitution des recettes de carburant constitue une inexécution suffisamment grave du contrat pour justifier sa rupture sans préavis. Elle soutient par ailleurs que la rupture n'est pas brutale dans la mesure où les décalages dans la restitution des recettes remontent à juillet 2005 et qu'un premier préavis avait été transmis à la date du 7 juillet 2005. Elle fait valoir qu'en tout état de cause, Carbuperiph ne peut réclamer un préavis supérieur à 3 mois conformément au contrat et usage AIP.
Sur ce,
Le contrat de gérance avait été conclu pour une durée indéterminée. Il ressort de l'ensemble des pièces comptables et du rapport d'expertise que l'activité de la station-service était structurellement déficitaire. En outre, le liquidateur de la société Carbupériph ne peut sérieusement réclamer au titre de l'indemnisation de la rupture fautive du contrat la somme de 280 757 euros calculée à partir du chiffre d'affaires net (comprenant la production vendue de bien et service) duquel il n'est déduit que les achats de marchandises de la boutique sur le bilan 2005.
La Cour estime que le préjudice peut être évalué à partir de la moyenne annuelle des commissions carburants (environ 20.500 €) perçue sur la période 2002/2006 et de la marge activité boutique (environ 50.000 €) sur la même période (en référence au tableau page 23 du rapport d'expertise). Compte tenu de l'activité déficitaire significative sur le dernier exercice 2005/2006 mettant en doute la pérennité de l'entreprise, la Cour retiendra un préjudice de manque à gagner résultant de la résiliation fautive pour la société équivalente à deux années de commission et marge sur activité boutique, soit la somme de 140.000 euros.
Dès lors, la société EG Retail sera condamnée à verser à la société MJA ès-qualités la somme de 140.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture fautive du contrat de gérance, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision outre capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de remboursement de caution de M. X.
M. X. demande le remboursement de la somme de 20.000 euros qu'il expose avoir été contraint de payer pour obtenir la mainlevée au Crédit Agricole de la caution de 30.000 euros.
Toutefois, M. X. ne vise aucune pièce à l'appui de ses allégations.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X. de cette demande.
Sur les demandes de la société EG Retail :
Sur les sommes réclamées par la société EG Retail au titre des recettes carburant non-restituées :
La société EG Retail, réclame un solde de 49.150,04 euros correspondant aux montants des ventes de carburants, après déduction des commissions dues au titre de ces ventes encaissées pour le compte de BP et indûment conservées par la société Carbuperiph. Elle précise que la société MJA ès-qualités, et M. X. contestent cette somme et qu'elle n'est pas en mesure d'apporter la preuve d'un fait négatif.
La société MJA ès-qualités et M. X., contestent cette somme et soutiennent qu'en violation de l'article 5.2 des AIP, aucun apurement de compte n'a été réalisé et que BP se contente d'invoquer une créance fondée sur la seule obligation de restitution des recettes sans tenir compte de l'ensemble des obligations nées du même contrat. Il est également soutenu que le jaugeage des carburants effectué le 6 juillet 2006 fait état d'un débit de 1.397,62 euros qui serait à compenser avec un crédit de 1.116,02 et 142,20 euros.
Sur ce,
Par arrêt du 11 octobre 2017, la Cour a fixé la créance de EG Retail (venant aux droits de BP) au titre des ventes de carburants encaissées et non restituées à la somme de 49.150,04 euros augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter du 6 juin 2006. La cassation partielle par arrêt du 7 mai 2019 ne s'étend pas au principe de cette créance ni à sa fixation à la somme de 49.150,04 euros augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter du 6 juin 2006. Il en résulte que la créance de la société EG Retail a définitivement été fixée à la somme de 49 150, 04 euros augmentée des intérêts légaux avec anatocisme à compter du 6 juin 2006.
Sur la créance au titre d'une partie du stock-outil et autres créances réclamées par EG Retail :
La société EG Retail réclame la somme de 29.974,38 euros constituant une créance d'un stock-outil de carburant que Carbuperiph aurait vendu en partie et encaissé sans restituer le produit de la vente. Selon EG Retail, ce stock-outil aurait été identifié et validé par le rapport d'expertise du 20 octobre 2015. Elle réclame également d'autres créances au titre des lubrifiants, cadeaux et assurance, aux sommes respectivement de 1.190,64 euros, 909,10 euros et 215,28 euros.
La société MJA ès qualités et M. X. contestent ces créances.
Sur ce,
La société EG Retail réclame le montant de la vente d'une partie du stock de carburant par la société Carbupériph que celle-ci conteste. A l'appui de sa demande la société EG Retail fait référence au rapport d'expertise identifiant un « stock outil » sans autre explication, ni ne produit d'inventaire. Il en est de même pour les autres créances, il est uniquement fait état de la situation de compte négative sans inventaire contradictoire.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Delek France aux droits de laquelle vient la société EG Retail de ces demandes.
Sur l'indemnité pour occupation illicite réclamée par la société EG Retail :
La société EG Retail demande à la Cour, dans la mesure où les fautes de gestion opposées à la SARL Carbuperiph sont établies, de juger que le refus de restitution de la station-service le 21 juin 2006 par Carbuperiph constituait une occupation illicite et a causé une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 201.628,84 euros. En application du contrat de location-gérance, il est réclamé la somme de 25.916,33 euros au titre de l'indemnité d'occupation outre la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Cependant, dès lors que la société EG Retail a résilié le contrat de manière injustifiée, elle est responsable de la rupture des relations contractuelles et ne peut réclamer une indemnité pour occupation illicite de la station-service par la société Carbuperiph.
La société EG Retail sera déboutée de ses demandes de ce chef et le jugement infirmé sur ce point.
Sur la demande à l'égard de M. X. en sa qualité de caution :
La société EG Retail réclame la condamnation de M. X. au paiement d'une somme de 31.000 euros en exécution d'un engagement de caution des dettes de la société Carbuperiph.
Les appelants prétendent que l'engagement de M. X. n'est pas valable dans la mesure où celui-ci serait disproportionné et sans cause.
Toutefois, la société EG Retail étant en définitive débitrice à l'égard de la procédure collective de la société Carbuperiph, l'engagement de M. X. est sans objet. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société EG Retail, succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. X. la somme de 5.000 euros et à Maître L. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Carbuperiph la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt de la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation du 7 mai 2019, pourvois n° 17-29.013 et 18-10.089,
Statuant dans la limite de sa saisine,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a :
- débouté la société Carbuperiph de sa demande au titre de la rupture fautive du contrat,
- condamné la société la Carbupériph à payer à la société Delek France venant aux droits et obligations de la société BP France la somme de 29.913,33 euros au titre de l'indemnité d'occupation,
- condamné M. X. en sa qualité de caution
Statuant de nouveau de ces chefs infirmés et Y ajoutant,
CONDAMNE la société EG Retail France à payer à la société MJA prise en la personne de Maître L. en qualité de liquidateur judiciaire de la société Carbuperiph la somme de 140.000 euros au titre de la rupture fautive du contrat de gérance, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision outre capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
DÉBOUTE la société EG Retail France de sa demande d'indemnité d'occupation et de ses demandes à l'égard de M. X. en sa qualité de caution,
CONDAMNE la société EG Retail France aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise,
CONDAMNE la société EG Retail France à payer à M. X. la somme de 5.000 euros et à Maître L. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Carbuperiph la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
S. MOLLÉ M-L DALLERY