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CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 20-16941
Décision : 22-355
Date : 20/04/2022
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:C100355
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 355
Référence bibliographique : 5705 (L. 212-1, imprescriptibilité)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9583

CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022 : pourvoi n° 20-16941 ; arrêt n°355 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « 6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

7. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : C 20-16.941. Arrêt n° 355 F-D.

DEMANDEUR à la cassation : Madame X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société BNP Paribas Personal Finance

M. CHAUVIN, président.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X., domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 20-16.941 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5,- chambre 6), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme X., de la SCP Spinosi, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2019), suivant offre acceptée le 13 mai 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à Mme X. (l'emprunteur) un prêt immobilier libellé en francs suisses, dénommé Helvet immo et destiné à l'acquisition d'un appartement à usage locatif.

2. Le 9 novembre 2015, soutenant que le taux effectif global mentionné dans l'offre était irrégulier, l'emprunteur a assigné la banque en annulation de la clause de stipulation d'intérêts. En appel, l'emprunteur a invoqué le caractère abusif des stipulations du contrat de prêt relatives aux opérations de change et au risque de change, et demandé à ce qu'elles soient réputées non écrites. La banque a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande.

 

Examen du moyen :

Sur le moyen, pris en sa première branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande relative aux clauses abusives, alors « que la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que la demande de Mme X. tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles L. 110-4 du code de commerce, L. 132-1 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

4. Selon le premier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

5. Il résulte du second que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

7. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

8. Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l'arrêt retient que l'action engagée par l'emprunteur pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d'abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l'acceptation de l'offre de prêt.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande relative aux clauses abusives formée par Mme X., l'arrêt rendu le 4 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par Maître Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour Mme X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite sa demande relative aux clauses abusives ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE la demande du consommateur tendant à voir déclarer non écrite une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant, pour les déclarer irrecevables, que la demande de Mme X. tendant à voir déclarer non écrites les clauses abusives des contrats de prêt Helvet Immo étaient soumises à la prescription quinquennale, la cour d'appel a violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;

2°) ALORS QUE, en outre, aucune limite temporelle n'est fixée à l'obligation pour le juge d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; qu'en décidant néanmoins, pour refuser d'examiner le caractère abusif des clauses des contrats de prêt dont elle était saisie, que le juge était soumis aux mêmes conditions de temps et de délais que les parties elles-mêmes, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation.