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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 28 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 28 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 19/13744
Décision : 2022/160
Date : 28/04/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 160
Référence bibliographique : 5705 (imprescriptibilité de l’action)
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CERCLAB - DOCUMENT N°

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 28 avril 2022 : RG n° 19/13744 ; arrêt n° 2022/160 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance N° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

M. X. prétend que la clause de calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours est abusive au sens du texte précité puisqu’elle ne permet pas à l’emprunteur d’apprécier son incidence sur le coût du crédit.

La demande tendant à voir réputer non écrite une clause conventionnelle étant imprescriptible, la Caisse d’épargne est mal fondée à opposer la prescription quinquennale de l’action

Sur le fond, le caractère abusif de la clause litigieuse doit s’apprécier au regard de ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le prêt litigieux s’amortissant par mensualités, la clause litigieuse ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors que, par un effet d’équivalence financière, le résultat du calcul de l’intérêt conventionnel des mensualités d’un crédit est le même qu’il soit effectué sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours ou sur la base d’une année de 365 jours et d’un mois normalisé de 30,41666 jours tels que prévus à l’annexe de l’article R 313-1 du code de la consommation. Il s’ensuit que la demande ne peut qu’être rejetée. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 28 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/13744. Arrêt n° 2022/160. N° Portalis DBVB-V-B7D-BEZZ3. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le R.G. n° 17/13019.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Ouarda M., avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉE :

SA CAISSE D’ÉPARGNE CEPAC

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [...], représentée par Maître Gilles M. de la SELARL M. D. & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR

Selon une offre du 28 mai 2010, acceptée le 10 octobre suivant, réitérée par acte notarié du 22 décembre 2010, la Caisse d’épargne CEPAC (la Caisse d’épargne) a consenti à M. X. un prêt immobilier de 68.726 € sur 25 ans, au taux de 3,86 %. L’offre de crédit et l’acte authentique font mention d’un taux de période de 0,32 % et d’un taux effectif global (TEG) de 3,86 %.

Un avenant du 20 décembre 2014 a réduit le taux nominal à 3,26 %. L’acte fait mention d’un TEG de 3,399 %.

Après avoir fait analyser les conditions financières du crédit par un organisme intervenant à titre amiable, M. X. a fait assigner la Caisse d’épargne, le 15 novembre 2017, à titre principal, en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel, subsidiairement, en déchéance du droit aux intérêts.

La Caisse d’épargne a opposé, à titre principal, la prescription des demandes.

Par jugement contradictoire du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré irrecevable M. X. en son action au motif de la prescription ;

- condamné M. X. aux dépens, au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts et au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X. est appelant de ce jugement.

* * *

Vu les conclusions remises le 20 novembre 2019, auxquelles la cour se réfère en application de l’article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles M. X. demande à la cour de :

- le recevoir en son appel et en ses demandes ;

- infirmer le jugement attaqué ;

A titre principal,

- déclarer abusive et par conséquent réputée non écrite « les clauses de stipulations d’intérêts insérées dans le contrat de prêt et dans l’avenant le calcul des intérêts sur la base d’une année bancaire de 360 jours » ;

Subsidiairement,

- prononcer la nullité des clauses d’intérêts de la convention de prêt et de l’avenant, et la substitution du taux légal au taux conventionnel ;

A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts « à hauteur du taux d’intérêt légal applicable au jour de la convention de prêt » ;

En tout état de cause,

- condamner la Caisse d’épargne à payer à M. X. la somme de 8.000 € correspondant aux intérêts indûment versés jusqu’à la date de l’avenant ;

- la condamner à payer la somme de 2.000 €, à parfaire, au titre des intérêts indûment versés postérieurement ;

- enjoindre à la banque d’établir un nouveau tableau d’amortissement sous astreinte ;

- condamner la Caisse d’épargne aux dépens et au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu les conclusions remises le 5 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère en application de l’article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la Caisse d’épargne demande à la cour de :

- juger que M. X. est prescrit en ses demandes ;

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- déclarer inopposable le rapport amiable ;

- débouter M. X. de ses demandes ;

- le condamner aux dépens, au paiement de la somme de 5.000 € « pour procédure abusive » et au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 18 janvier 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. X. conteste la validité des clauses d’intérêts de la convention de prêt et de son avenant. Il forme, à titre principal, une demande tendant à voir réputer non écrites les clauses d’intérêts, pour cause de stipulation du calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours, subsidiairement, une demande en nullité des stipulations de l’intérêt conventionnel, sur le fondement des articles 1907 du code civil et L. 313-1 du code de la consommation, ce dernier texte dans sa rédaction applicable au jour de la convention, plus subsidiairement, une demande en déchéance du droit aux intérêts, sanction civile prévue par l’article L. 312-33, devenu L. 341-34 du code de la consommation.

 

Sur la demande tendant à déclarer abusives et non-écrites les clauses d’intérêts :

Aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance N° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

M. X. prétend que la clause de calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours est abusive au sens du texte précité puisqu’elle ne permet pas à l’emprunteur d’apprécier son incidence sur le coût du crédit.

La demande tendant à voir réputer non écrite une clause conventionnelle étant imprescriptible, la Caisse d’épargne est mal fondée à opposer la prescription quinquennale de l’action

Sur le fond, le caractère abusif de la clause litigieuse doit s’apprécier au regard de ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le prêt litigieux s’amortissant par mensualités, la clause litigieuse ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, dès lors que, par un effet d’équivalence financière, le résultat du calcul de l’intérêt conventionnel des mensualités d’un crédit est le même qu’il soit effectué sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours ou sur la base d’une année de 365 jours et d’un mois normalisé de 30,41666 jours tels que prévus à l’annexe de l’article R 313-1 du code de la consommation.

Il s’ensuit que la demande ne peut qu’être rejetée.

 

Sur la prescription des actions en nullité des clauses d’intérêts et en déchéance du droit aux intérêts :

Les demandes en nullité des clauses d’intérêts et en déchéance du droit aux intérêts sont fondées sur les griefs suivants :

- caractère erroné du taux de période et du TEG ;

- défaut de proportionnalité entre le taux de période et le TEG ;

- calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours ;

- absence de prise en compte des frais de garantie ;

- absence de prise en compte des intérêts de la phase de préfinancement.

La prescription quinquennale de l’action en contestation de la validité d’une clause d’intérêts, qu’elle soit exercée par la voie d’une demande en nullité ou par la voie d’une demande en déchéance du droit aux intérêts, court du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’irrégularité qu’il invoque. Il en résulte que le point de départ de la prescription se situe à la date de l’acceptation de l’offre lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’irrégularité et, dans les autres cas, à la date à laquelle celle-ci a été révélée à l’emprunteur.

L’offre de crédit mentionne en des termes explicites, sous l’indication du taux de période et du TEG, d’un côté, que durant les phases de préfinancement et d’amortissement les intérêts sont calculés sur la base d’une année de 360 jours et d’un mois de 30 jours, d’un autre côté, que le TEG ne tient pas compte des intérêts intercalaires de la phase de préfinancement. Au surplus, il se déduit de l’identité entre le taux nominal et le TEG mentionnés dans l’offre que le calcul du second n’a pas pris en compte les frais de la garantie hypothécaire stipulée à la convention.

Il en résulte que les griefs de calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours, d’absence de prise en compte des frais de garantie et d’absence de prise en compte des intérêts de la phase de préfinancement étaient apparents à la simple lecture de l’offre de crédit, en sorte que le point de départ de la prescription se situe à la date de l’acceptation de l’offre, le 10 octobre 2010. M. X., qui avait la possibilité de contester la validité de la clause d’intérêts dès la formation de la convention de crédit, ne peut se prévaloir d’un report du point de départ de la prescription en invoquant la révélation postérieure d’autres irrégularités prétendues. De même, il ne peut faire courir un nouveau délai de prescription à compter de la date d’acceptation de l’avenant, dès lors que cet acte précise qu’il n’apporte aucune modification aux conditions et stipulations du contrat d’origine, lequel forme « un tout » avec l’avenant, sans novation au sens de l’article 1271 du code civil, et que M. X. n’invoque aucun grief distinct de ceux qu’il oppose à l’offre initiale de crédit.

Il suit de ces motifs que le premier juge a fait une exacte appréciation en considérant que les actions en nullité de la clause d’intérêts et en déchéance du droit aux intérêts sont prescrites pour avoir été formées par une assignation du 15 novembre 2017, plus de cinq ans après la formation de la convention de prêt, le 10 octobre 2010.

 

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la Caisse d’épargne :

La demande en paiement de dommages-intérêts formée par la Caisse d’épargne, en réparation d’un abus dans l’exercice d’une action en justice, doit être rejetée, dès lors que M. X. a pu, dans une matière complexe, se méprendre sur l’étendue de ses droits.

* * *

M. X., qui succombe, est condamné aux dépens et, en considération de l’équité, au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus de l’indemnité allouée en première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il a alloué à la Caisse d’épargne CEPAC la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau sur la disposition infirmée,

Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la Caisse d’épargne CEPAC,

Y ajoutant,

Rejette la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses d’intérêts,

Condamne M. X. aux dépens d’appel, distraits au profit de M. Gilles M., avocat, et au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT