CA BESANÇON (2e ch. com.), 9 janvier 1997
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 962
CA BESANÇON (2e ch. com.), 9 janvier 1997 : RG n° 372/95 ; arrêt n° 22
Publication : Juris-Data n° 040032
Extrait : « Pour être qualifiée d'abusive la clause d'un contrat, prévoyant qu'en cas de résiliation la partie cliente aura à rembourser les avantages consentis et devra payer des dommages-intérêts, doit refuser expressément ce droit à l'autre partie ; tel n'est pas le cas en l'espèce où la clause critiquée ne prévoit pas davantage la majoration des obligations du débiteur dans l'hypothèse où il serait mis en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire ».
COUR D’APPEL DE BESANÇON
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 9 JANVIER 1997
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° rôle : 372-95. Arrêt n° 22. Sur appel d’une décision du Tribunal de Commerce de Belfort en date du 27 janvier 1995
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
La SARL COMPTOIR DES BOISSONS DU DOUBS,
dont le siège social est […], APPELANTE, ayant la SCP LEROUX-MEUNIER, pour avoué, et Maître VERNIER, pour avocat.
ET
INTIMÉ :
Maître Jean-Claude MASSON,
mandataire judiciaire, demeurant […], liquidateur judiciaire de la liquidation judiciaire de Monsieur X., INTIME, ayant Maître ECONOMOU, pour avoué,
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Monsieur BOUGON, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, en application des articles R 213-8 et R 213-9 du Code de l'organisation judiciaire
CONSEILLERS : Messieurs POLANCHET et VALTAT, lors des débats et du délibéré,
GREFFIER : Mademoiselle JEANNIN, Greffier divisionnaire. [minute page 2]
DÉBATS : AUDIENCE PUBLIQUE DU SIX DECEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT SEIZE.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur X. et son épouse acquièrent de Monsieur Y. un fonds de commerce de bar moyennant le prix de 3 millions de francs et bénéficient de prêt relais de la SARL COMPTOIR DES BOISSONS DU DOUBS (en abrégé C.B.D.) et de la S.A. BEGIN COLNET à hauteurs respectives de 700.000 Francs et 1.600.000 Francs, remboursables dans le délai de 60 jours.
En garantie de ces prêts, Monsieur X. et son épouse consentent une garantie de privilège vendeur et de privilège de nantissement au profit de la SARL C.B.D.
En contrepartie de ces avantages, la SARL C.B.D. signe avec les époux X. un contrat de livraison de boissons comportant affectation, à titre de nantissement, au profit de C.B.D. du fonds de commerce ci-dessus.
Suite à l'ouverture du redressement judiciaire de Monsieur X., la SARL C.B.D. déclare sa créance à hauteur de 317.964,69 Francs se décomposant comme suit :
- échu
* facture : 5.876,72 Francs
* frais financiers sur prêt de 700.000 Francs : 21.426,27 Francs
- à échoir
* matériel mis en dépôt : 4.000 Francs
* indemnités de rupture de contrat garantie par un privilège de nantissement : 286.661,70 Francs.
[minute page 3]
Par ordonnance du 27 janvier 1995, le juge-commissaire admet la SARL C.B.D. pour les sommes de 14.000 Francs à titre privilégié, 5.876,72 Francs à titre chirographaire, rejette ses demandes pour le surplus.
La SARL C.B.D. est régulièrement appelante de cette décision dont elle poursuit l'infirmation sauf en ce qu'elle l'admet pour la somme de 5.876,72 Francs.
Elle demande à être admise pour
- 21.426,27 Francs à titre privilégié,
- 136.661,70 Francs à titre de créance chirographaire article 40,
- 150.000,00 Francs à titre de créance privilégiée article 40.
Elle réclame 5.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir que le prêt relais n'a été remboursé que le 1er AVRIL 1991 et qu'elle a droit aux intérêts courus depuis le 15 mars 1991, date prévue pour le remboursement, que c'est à juste titre que la T.V.A. a été facturée, qu'elle doit être admise à titre privilégié de ce chef en raison des privilèges dont elle bénéficie.
Sur la créance relative au contrat de livraison exclusive, elle soutient qu'elle est nantie à hauteur de 150.000 Francs et doit être admise en totalité au titre de l'article 40.
Maître MASSON, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur X., prétend que la clause du contrat de livraison exclusive par laquelle en cas de résiliation du contrat, la partie cliente aura à rembourser les avantages consentis et devra payer des dommages-intérêts, est une clause abusive.
Il ajoute que si la validité de telles clauses a été admise par la jurisprudence, elles s'assimilent à des clauses pénales pouvant être réduites en vertu de l'article 1152 du code civil dont il demande l'application.
Il soutient qu'en toute hypothèse cette créance ne peut faire l'objet d'une admission pour partie à titre privilégié alors que seules les créances nées après le jugement d'ouverture peuvent bénéficier de l'article 40 et que les indemnités réclamées par l'appelante trouvent leur origine dans le prononcé de [minute page 4] la liquidation judiciaire et la résiliation subséquente du contrat.
Il poursuit en faisant remarquer que la SARL C.B.D. n'apparaît pas sur la liste des créances de l'article 40 publiée le 3 août 1994, qu'aucune contestation n'a été formée dans le délai de deux mois.
Il attend tous justificatifs des intérêts réclamés.
Il conclut en définitive à la confirmation de l'ordonnance critiquée et réclame 5.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SARL C.B.D. maintient ses prétentions au titre des intérêts, répond que le contrat de livraison exclusive est parfaitement valable, que la clause critiquée est usuelle et conforme à la jurisprudence européenne, que le contrat s'est poursuivi après le redressement judiciaire et que sa créance est donc née après celui-ci, suite à la liquidation judiciaire, et relève de l'article 40.
Elle souligne qu'elle a sollicité l'admission de cette créance au titre de l'article 40, que Maître MASSON n'a pas répondu et ne produit ni l'état du passif article 40, ni le certificat de dépôt au greffe du Tribunal de Commerce de BELFORT, ni le certificat de parution au BODAC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION
L'admission de la somme de 5.876,72 Francs à titre chirographaire n'est pas discutée.
C'est à juste titre que la SARL C.B.D. a facturé les intérêts dus sur le prêt relais de 700.000 Francs jusqu'à la date exacte de son remboursement et appliqué à ceux-ci la T.V.A. dont le principe n'est pas discuté par l'intimé, pour arriver au chiffre de 21.426,27 Francs.
Pour être qualifiée d'abusive la clause d'un contrat, prévoyant qu'en cas de résiliation la partie cliente aura à rembourser les avantages consentis et devra payer des dommages-intérêts, doit refuser expressément ce droit à l'autre partie ; tel n'est pas le cas en l'espèce où la clause critiquée ne prévoit pas davantage la majoration des obligations du débiteur [minute page 5] dans l'hypothèse où il serait mis en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
Ces deux moyens étant les seuls apparemment évoqués par l'intimé au travers des exemples jurisprudentiels versés au débat, il y a lieu d'écarter sa contestation portant sur la validité de la clause d'indemnisation, validité reconnue d'ailleurs, l'intimé l'admet, par la jurisprudence.
Le caractère manifestement excessif de la clause, qualifiée de clause pénale par l'intimé, n'est pas démontré. L'application de l'article 1152 du code civil n'est donc pas justifiée.
La créance née de la résiliation d'une convention prenant naissance au jour de celle-ci, l'indemnité contractuelle de résiliation relève des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 lorsque le contrat résilié s'est poursuivi depuis le jugement d'ouverture de la procédure (Cass. Com. 3 mai 1994 : Bull. Civ. IV, n° 163).
Appliqué à l'espèce, ce principe impose de faire entrer la créance d'indemnité de la SARL C.B.D. dans les prévisions de l'article 40 susdit pour son montant de 286.661,70 Francs.
Quant à l'argument tiré de l'absence de contestation de la liste des créances de l'article 40, il sera répondu que les dispositions de l'article 61 du décret du 27 décembre 1985 n'ont pas pour effet de subordonner à l'établissement de la liste des créances mentionnées à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, qui n'ont pas été payées, ni à l'inscription sur cette liste, l'exercice du droit de poursuite individuelle dont dispose tout créancier dont la créance est née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire (Cass. Com. 8 février 1994 : Bull. Civ. IV, n° 58).
Relevant de l'article 40, la créance de la SARL C.B.D. n'est pas soumise aux obligations des articles 50 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 relatifs à la déclaration et à la vérification des créances. Seul sera précisé son caractère privilégié à hauteur de 150.000 Francs en raison du nantissement inscrit pour sûreté de ladite somme.
L'intimé, qui conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée, succombe et supportera les dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la SARL C.B.D. la charge de ses frais irrépétibles arbitrés à 3.000 Francs.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,
déclare la SARL COMPTOIR DES BOISSONS DU DOUBS recevable en la forme,
le dit partiellement bien fondé,
confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle admet la créance de la SARL COMPTOIR DES BOISSONS DU DOUBS pour CINQ MILLE HUIT CENT SOIXANTE SEIZE FRANCS SOIXANTE DOUZE CENTIMES (5.876,72 Francs) à titre chirographaire,
l'infirme pour le surplus, statuant à nouveau,
admet la SARL COMPTOIR DES BOISSONS DU DOUBS pour VINGT ET UN MILLE QUATRE CENT VINGT SIX FRANCS VINGT SEPT CENTIMES (21.426,27 Francs) à titre privilégié,
dit que la créance de DEUX CENT QUATRE VINGT SIX MILLE SIX CENT SOIXANTE ET UN FRANCS SOIXANTE DIX CENTIMES (286.661,70 Francs) relève de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant précisé son caractère privilégié à hauteur de CENT CINQUANTE MILLE FRANCS (150.000 Francs),
condamne Maître MASSON, ès qualités, à payer à la SARL COMPTOIR DES BOISSONS DU DOUBS la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 Francs) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
le condamne aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LEROUX-MEUNIER, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,
Ledit arrêt a été prononcé à l'audience publique du NEUF JANVIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT, et signé par Monsieur BOUGON, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat, ayant participé au délibéré, et Mademoiselle JEANNIN, Greffier Divisionnaire.