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CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 mai 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 mai 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 20/06140
Date : 18/05/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/04/2020
Référence bibliographique : 6619 (TEG)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9631

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 18 mai 2022 : RG n° 20/06140 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts exercée en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation est soumise à la prescription successivement décennale puis quinquennale issue de la loi du 17 juin 2008, prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce relative aux obligations contractées entre un établissement de crédit et le souscripteur d'un prêt immobilier, le point de départ du délai courant à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur relative au taux effectif global, étant rappelé que l'impératif de sécurité juridique commandant toute prescription ne saurait permettre aux emprunteurs de retarder artificiellement ce point de départ - sauf à lui conférer un caractère purement potestatif - en se prévalant de nouvelles irrégularités s'ajoutant à celles qui seraient visibles à la seule lecture de l'offre. »

2/ « Il est rappelé que les emprunteurs poursuivant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels doivent établir que les irrégularités dont il se prévalent, affectant le TEG ou le mode de calcul des intérêts, ont généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation. Aucune démonstration n'étant fournie en ce sens par les appelants, ceux-ci ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes de ce chef. »

3/ « En cause d'appel, les emprunteurs demandent à la cour « vu la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 », selon laquelle une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours « qui ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile et qui ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en découler à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ce qui conduit la commission à recommander d'éliminer des conventions souscrites par des consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet : « de permettre à l'établissement de crédit de calculer sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d'en apprécier l'incidence financière » de « dire non écrite la stipulation d'intérêts ».

Force est cependant de constater que dans le corps des conclusions des appelants, leurs critiques sur ce fondement se limitent au mode de calcul des intérêts mais ne concernent pas la clause relative à la fixation du taux, ce qui en tout état de cause entrerait dans le champ de l'alinéa 7 du texte précité selon lequel « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » s'agissant en effet de la rémunération du prêteur.

Les emprunteurs ne rapportent en outre pas la preuve d'un déséquilibre significatif créé à leur détriment alors que la clause litigieuse - qui est une clause dite « de rapport » (30/360) - revient à calculer sur l'ensemble des échéances des prêts immobiliers consentis les intérêts conventionnels mensuellement, non sur la base de jours exacts rapportés à une année dite lombarde de 360 jours, mais sur la base de 1/12ème du taux d'intérêt annuel convenu, de sorte que son application revient au calcul prévu par les dispositions de l'article R.313-1 ancien du code de la consommation effectué sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours rapporté à l'année civile de 365 jours. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 18 MAI 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/06140 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXK4. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/14743.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité française, [...], [...]

Madame Y.

née le [date] à [ville], de nationalité française, [...], [...]

Représentés par Maître Yann G., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 381

 

INTIMÉE :

SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Henri DE L. de la SELARL HENRI DE L. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0663

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, Mme Florence BUTIN, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE a successivement consenti à M. X. et Mme Y. selon deux offres en date du 12 février 2010 acceptées le 24 février 2010 :

1°- d'une part, un prêt immobilier n° 86XX77 d'un montant de 66.000 euros remboursable en 148 mensualités après une période de préfinancement de 36 mois, au taux fixe de 3,85 % - le TEG mentionné dans l'offre étant de 4,96 % - et d'autre part un prêt immobilier n° 86ZZ78 d'un montant de 120.994,04 euros remboursable en 300 mensualités selon deux paliers d'échéances après une période de préfinancement de 36 mois, au taux fixe de 4,05 %, le TEG mentionné dans l'offre étant de 4,72 % ;

2°- d'une part, un prêt immobilier n° 86ZZ67 d'un montant de 77.000 euros remboursable en 175 mensualités après une période de préfinancement de 36 mois, au taux fixe de 3,85 % - le TEG mentionné dans l'offre étant de 4,82 % - et d'autre part un prêt immobilier n°86WW68 d'un montant de 102.349,33 euros remboursable en 300 mensualités après une période de préfinancement de 36 mois, au taux fixe de 4,05 %, le TEG mentionné dans l'offre étant de 4,66 % ;

Sont ensuite intervenues les modifications suivantes :

- selon offre émise le 28 août 2013, un changement du taux du contrat de prêt n° 86ZZ67 de 77.000 euros, le montant du crédit restant dû mentionné dans l'avenant s'élevant à la somme de 62.247,94 euros et le TEG étant de 3,942 % pour un taux nominal de 2,960 % ;

- selon offre émise le 16 septembre 2013, un changement du taux du contrat de prêt n° 86WW68, le montant du crédit n° 86WW68 restant dû mentionné dans l'avenant s'élevant à 101.607,46 euros et le TEG étant de 4,147 % pour un taux nominal de 3,550 %.

Les prêts n° 86ZZ67 et n° 86WW68 ont été remboursés par anticipation le 29 juillet 2017.

Estimant que ces contrats contrevenaient à plusieurs dispositions du code de la consommation et que la banque avait manqué à son devoir de conseil au regard de la structure du financement proposé, les emprunteurs ont par acte du 12 octobre 2017 fait assigner la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE devant le tribunal de grande instance de PARIS pour obtenir la nullité de la clause de stipulation d'intérêts des prêts en cause et la condamnation de la banque à des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi.

Par jugement en date du 20 décembre 2019, le tribunal de grande instance de PARIS a :

- DÉCLARE les emprunteurs irrecevables en leur demande d'annulation des clauses de stipulation d'intérêts conventionnels au titre des prêts n° 86XX77, n° 86ZZ78, n° 86ZZ67 et n°86WW68 ;

- DÉCLARE les emprunteurs recevables en leur demande d'annulation des clauses de stipulation d'intérêts conventionnels formée au titre des avenants aux prêts n°86ZZ67 et n°86WW68 des 28 août 2013 et 16 septembre 2013 ;

- DÉBOUTE M. X. et Mme Y. de leur demande d'annulation des clauses de stipulation d'intérêts conventionnels formée au titre des avenants aux prêts n° 86ZZ67 et n° 86WW68 des 28 août 2013 et 16 septembre 2013 ;

- DECLARE M. X. et Mme Y. irrecevables en leur demande de dommages-intérêts ;

- CONDAMNE M. X. et Mme Y. à payer à la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE M. X. et Mme Y. aux dépens ;

- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Ce, aux motifs que :

- l'analyse des demandeurs tendant à contester l'exactitude des taux effectifs globaux et du calcul des intérêts conventionnels mentionnés dans les écrits constatant les contrats de prêt, se fonde exclusivement sur l'examen des stipulations contractuelles et des seuls éléments contenus dans les offres afférentes, la prescription est acquise passé un délai de 5 ans à compter du 24 février 2010 ;

- la nullité est encourue en cas d'irrégularité affectant le calcul des intérêts conventionnels ;

- calculer les intérêts courus entre deux échéances sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est égal à calculer ces intérêts sur la base d'un mois normalisé de 30,416 jours ;

- la cause de responsabilité invoquée de la banque était connue dès la date d'octroi des crédits.

Par déclaration en date du 24 avril 2020, M. X. et Mme Y. ont formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs sauf en ce qu'il a dit certaines demandes recevables.

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, ils demandent à la cour de :

Vu l'article 1907 du Code Civil,

Vu l'article 1134 du Code Civil,

Vu l'article 1135 du Code Civil,

Vu l'article 1147 du Code Civil,

Vu les articles L. 312-1 et suivants du Code de la Consommation,

Vu les articles L. 313-1 et suivants du Code de la Consommation,

Vu la Recommandation de la Commission des Clauses Abusives du 20 septembre 2005 ;

Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation,

A titre principal :

- RÉFORMER le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- DIRE RECEVABLES et non prescrites les demandes des concluants ;

- DIRE NON ÉCRITE la stipulation d'intérêt, au regard de la recommandation de la Commission des Clauses Abusives susvisée ;

- DIRE concernant les différents prêts et sous prêts que le Taux Effectif Global (TEG) du prêt consenti par la Banque à la partie demanderesse est erroné, comme ne prenant pas en compte les intérêts et frais de la période de préfinancement, ainsi que cela ressort des dispositions contractuelles ;

- DIRE en outre que le contrat de prêt précise que les intérêts de ces prêts et sous prêts ont été calculés sur 360 jours et non sur l'année civile ;

- DIRE que ces mentions sont reprises dans les avenants de 2013 ;

- PRONONCER la nullité de la clause d'intérêt de ces prêts ;

Subsidiairement,

- PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts de la Banque ;

En toute hypothèse,

- DIRE conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation que le taux légal de l'année de souscription des contrats de prêt devra être appliqué ;

- DIRE que les sommes ayant été réglées par la partie requérante au titre des intérêts devront être ré-imputées sur le capital et que le trop-perçu devra être restitué à la partir demanderesse ;

- CONDAMNER la banque à établir pour chaque prêt un nouveau tableau d'amortissement avec effet à la date de conclusion du contrat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- CONSTATER que la Banque a, par le montage réalisé, engagé sa responsabilité à l'égard des requérants ;

- LA CONDAMNER à titre de sanction au paiement d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les requérants ;

- DIRE que les condamnations à intervenir seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de signification de la présente assignation ;

- ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

- ORDONNER la compensation entre les créances réciproques des parties ;

- DÉBOUTER la banque de son appel incident et de sa demande formée au titre de l'article 700 du CPC ;

- CONDAMNER la société intimée au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- LA CONDAMNER aux entiers dépens, dont attribution à Maître G., Avocat, conformément à l'article 699 du CPC.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, la CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE demande à la cour de :

Vu les articles L. 312-8, L. 312-33, L. 341-48-1 et R. 313-1 du Code de la consommation dans leur rédaction applicable aux contrats de prêt,

Vu l'article 1907 du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

A TITRE PRINCIPAL,

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la CAISSE D’ÉPARGNE visant à écarter la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels fondée sur une prétendue irrégularité de calcul des intérêts au motif de l'existence d'une sanction spéciale et, statuant à nouveau,

- DIRE ET JUGER que la demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts est irrecevable en raison de l'existence d'une sanction spéciale,

Pour le surplus,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Déclaré irrecevable la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels des 2 prêts initiaux en ce qu'elle était prescrite,

* Déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts au titre d'un prétendu manquement au devoir de conseil en ce que celle-ci était prescrite,

* Débouté, sur le fond, M. X. et Mme Y. de leur demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels tant au titre des prêts initiaux qu'aux avenants modificatifs, en ce que celle-ci était mal fondée.

- DÉBOUTER M. X. et Mme Y. de leurs demandes,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- DIRE qu'aucune preuve du caractère erroné des TEG n'est rapportée,

- DIRE ET JUGER que les intérêts conventionnels des prêts ont été régulièrement calculés,

- DIRE ET JUGER que M. X. et Mme Y. n'ont subi aucun préjudice à raison du montage des prêts querellés,

En conséquence,

- DÉBOUTER M. X. et Mme Y. de leurs demandes tendant à la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et à la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ainsi qu'à l'octroi de dommages-intérêts ;

TRES SUBSIDIAIREMENT,

- DIRE que les prétendues irrégularités dans le calcul des TEG dont se prévalent M. X. et Mme Y. ne sont pas sanctionnées par la nullité de la stipulation d'intérêts ;

- DIRE que, si par extraordinaire, il était constaté des irrégularités dans le calcul des TEG, celles-ci devraient être sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dans les conditions prévues à l'article L. 341-48-1 ;

- DIRE que la déchéance totale du droit aux intérêts serait disproportionnée aux manquements allégués ;

En conséquence,

Il est demandé à la Cour d'user de son pouvoir discrétionnaire pour ne pas prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

- SUBSTITUER aux taux conventionnel, le taux d'intérêt légal en vigueur au moment de la conclusion des prêts,

- FIXER le montant des intérêts indûment perçus,

- DIRE que les sommes seront affectées au remboursement partiel et/ou aux sommes dues au titre de ces prêts ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER M. X. et Mme Y. à payer à la CAISSE D’ÉPARGNE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- LES CONDAMNER aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est rappelé à titre liminaire que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

 

1 - Sur les sanctions encourues et la recevabilité des demandes :

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et de leur application jurisprudentielle qu'une irrégularité liée à un calcul du taux conventionnel d'intérêts sur la base d'une année autre que l'année civile, comme l'absence ou la mention d'un taux effectif global erroné ou encore, le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période, aux termes d'une offre de prêt acceptée, ne peut être sanctionnée que par une déchéance totale ou partielle du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

La demande en nullité de la clause de stipulation d'intérêt - recevable dès lors que l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès - ne peut en conséquence de ce qui précède qu'être déclarée mal fondée.

 

2 - Sur la prescription des demandes fondées sur les irrégularités affectant le TEG des prêts initiaux :

L'action en déchéance du droit de la banque aux intérêts exercée en vertu de l'article L. 312-33 ancien du code de la consommation est soumise à la prescription successivement décennale puis quinquennale issue de la loi du 17 juin 2008, prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce relative aux obligations contractées entre un établissement de crédit et le souscripteur d'un prêt immobilier, le point de départ du délai courant à compter du moment où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur relative au taux effectif global, étant rappelé que l'impératif de sécurité juridique commandant toute prescription ne saurait permettre aux emprunteurs de retarder artificiellement ce point de départ - sauf à lui conférer un caractère purement potestatif - en se prévalant de nouvelles irrégularités s'ajoutant à celles qui seraient visibles à la seule lecture de l'offre.

Or dans le cas d'espèce, l'action des appelants se fonde pour chacun des contrats en cause, sur le fait que :

- les intérêts des prêts litigieux sont calculés sur 360 jours et non sur l'année civile, alors que les offres mentionnent en première page que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » ;

- le TEG ne tient pas compte des intérêts intercalaires, ce qui est également expressément indiqué pour chaque contrat dans les termes suivants « le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d'assurance et le cas échéant des primes d'assurances de la phase de préfinancement ».

Il s'ensuit qu'à la simple lecture de l'offre et sans devoir effectuer aucun calcul ni autre vérification complémentaire, les emprunteurs étaient en mesure de se convaincre des irrégularités qu'ils allèguent de sorte que leur action fondée sur les prêts souscrits le 24 février 2010 doit être déclarée prescrite en ce qu'elle a été exercée le 12 octobre 2017.

 

3 - Sur les demandes fondées sur les irrégularités affectant le TEG des avenants :

Il est rappelé que les emprunteurs poursuivant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels doivent établir que les irrégularités dont il se prévalent, affectant le TEG ou le mode de calcul des intérêts, ont généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Aucune démonstration n'étant fournie en ce sens par les appelants, ceux-ci ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes de ce chef.

 

4 - Sur les demandes au titre des clauses abusives :

L'article L. 132-1 du code de la consommation dans la rédaction applicable au litige dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (...). Les clauses abusives sont réputées non écrites ».

En cause d'appel, les emprunteurs demandent à la cour « vu la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 », selon laquelle une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours « qui ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile et qui ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en découler à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ce qui conduit la commission à recommander d'éliminer des conventions souscrites par des consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet : « de permettre à l'établissement de crédit de calculer sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d'en apprécier l'incidence financière » de « dire non écrite la stipulation d'intérêts ».

Force est cependant de constater que dans le corps des conclusions des appelants, leurs critiques sur ce fondement se limitent au mode de calcul des intérêts mais ne concernent pas la clause relative à la fixation du taux, ce qui en tout état de cause entrerait dans le champ de l'alinéa 7 du texte précité selon lequel « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » s'agissant en effet de la rémunération du prêteur.

Les emprunteurs ne rapportent en outre pas la preuve d'un déséquilibre significatif créé à leur détriment alors que la clause litigieuse - qui est une clause dite « de rapport » (30/360) - revient à calculer sur l'ensemble des échéances des prêts immobiliers consentis les intérêts conventionnels mensuellement, non sur la base de jours exacts rapportés à une année dite lombarde de 360 jours, mais sur la base de 1/12ème du taux d'intérêt annuel convenu, de sorte que son application revient au calcul prévu par les dispositions de l'article R.313-1 ancien du code de la consommation effectué sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours rapporté à l'année civile de 365 jours.

Enfin sur l'assiette du TEG qui est également critiquée, l'article L. 313-1 ancien du code de la consommation dispose que « dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels (…) Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat » de sorte qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir intégré à l'assiette du TEG des coûts qui n'étaient pas déterminables à la date de l'émission de l'offre ni de son acceptation, tels que les frais liés à la période de préfinancement dont la durée dépend du rythme de déblocage des fonds.

Il n'est donc justifié d'aucun motif de juger abusive et non écrite « la stipulation d'intérêt » ainsi que le réclament les emprunteurs.

 

5 - Demandes fondées sur la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil :

Étant préalablement rappelé que la banque ne peut voir sa responsabilité engagée au titre du devoir de conseil que si elle s'était obligée contractuellement à une telle prestation, ce qui n'est ici pas établi ni même allégué, il est observé que les emprunteurs - qui invoquent à ce titre « un montage aux termes duquel chaque prêt est décomposé en deux sous prêts s'amortissant l'un après l'autre, le prêt le plus important n'étant amorti qu'après 148 et 175 mois » ce qui « entraîne un surcoût très important » - d'une part, ne se fondent sur aucun autre élément que le contenu des offres litigieuses, de sorte que pour les raisons précédemment exposées leur demande apparaît prescrite, et d'autre part, n'explicitent aucunement en quoi ce financement serait générateur d'un préjudice qu'ils évaluent à 100.000 euros.

Leur demande indemnitaire présentée de ce chef, à la supposer recevable, ne pourrait ainsi en tout état de cause qu'être rejetée.

 

6 - Dépens et frais irrépétibles :

M. X. et Mme Y. qui succombent supporteront la charge des dépens.

Ils seront également condamnés à payer à la société CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE, qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 2.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les emprunteurs de leur demande fondée sur la réglementation relative aux clauses abusives ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. X. et Mme Y. à payer à la société CAISSE D’ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,