CA LYON (3e ch. A), 9 juin 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9655
CA LYON (3e ch. A), 9 juin 2022 : RG n° 19/02788
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « A titre liminaire, il est rappelé que les dispositions issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite « Loi Hamon » constituant initialement l'article L. 121-16-1 du code de la consommation et codifiées sous l'article L. 221-3 du même code par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 sont entrées en vigueur le 13 juin 2014 et s'appliquent au contrat litigieux conclu le 30 mai 2018. »
2/ « Toutefois, s'il est exact que l'article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut du champ d'application des dispositions applicables aux contrats conclus hors établissement les services financiers et que les articles L. 511-1 et L. 311-2 du code monétaire et financier visent comme opération connexe aux opérations de banque les locations simples de biens, en l'espèce le « contrat de location » portant sur un serveur informatique ne constitue pas un service financier au sens de l'article L. 221-2 4° du code de la consommation mais un contrat de fourniture de services au sens de l'article L. 221-1 II du même code auquel s'appliquent les dispositions dont s'agit.
En conséquence, le contrat de location litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 221-8 et L. 221-9 du code de la consommation qui imposent, dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, la fourniture par le professionnel des informations prévues à l'article L. 221-5 et d'un exemplaire du contrat contenant notamment les informations prévues à l'article L. 221-5 (dont celles relatives aux conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation) et un formulaire type de rétractation.
Il n'est pas discuté que ces dispositions d'ordre public n'ont pas été respectées ce qui conduit au prononcé de la nullité du contrat.
La demande principale étant accueillie, il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur la demande subsidiaire en nullité du contrat pour dol et la demande infiniment subsidiaire en résiliation du contrat pour inexécution contractuelle qui deviennent sans objet.
Par infirmation du jugement entrepris, Locam est en conséquence déboutée de toutes ses demandes en paiement, le contrat conclu le 30 mai 2018 étant nul. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 9 JUIN 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/02788. N° Portalis DBVX-V-B7D-MKJT. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond, du 5 mars 2019 : R.G. n° 2019j00117.
APPELANTE :
SAS JAM'S BROTHERS
[Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Adeline LOUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 1942 et ayant pour avocat plaidant, Maître Aurore BURGER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
SAS LOCAM
[Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Date de clôture de l'instruction : 22 septembre 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 avril 2022
Date de mise à disposition : 9 juin 2022
Audience présidée par Marie CHATELAIN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée - Marie CHATELAIN, vice-présidente placée
Arrêt : Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 30 mai 2018, la SASU Jam's Brothers qui exploite un commerce de vente de chaussures et prêt-à-porter a conclu un contrat de location financière n° 1422065 avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) portant sur un « serveur informatique équipé d'un logiciel applicatif » fourni par la SARL Refinfo, moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 120 € HT (144 € TTC) s'échelonnant du 20 juin 2018 au 20 mai 2023.
Le 31 mai 2018, Jam's Brothers a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du matériel, acquis par Locam auprès de Refinfo pour la somme de 6.757,39 € TTC.
Par courrier recommandé du 26 septembre 2018 visant la clause résolutoire du contrat, Locam a mis Jam's Brothers en demeure de payer 4 loyers impayés.
Par acte du 26 octobre 2018, Locam a assigné Jam's Brothers devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne en paiement de la somme en principal de 9.784,32 €.
Par jugement réputé contradictoire du 5 mars 2019, le tribunal de commerce précité a :
- condamné Jam's Brothers à payer à Locam la somme de 9.784,32 €, y incluse la clause pénale de 10 %, outre intérêts au taux légal à dater de l'assignation,
- dit ne pas y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens seront payés par Jam's Brothers à Locam,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution.
Jam's Brothers a interjeté appel par acte du 23 avril 2019.
Par conclusions du 19 juillet 2019 fondées sur les articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation, les articles 1130, 1131, et 1137 du code civil, l'article 1217 du code civil, Jam's Brothers demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel, et au fond y faire droit,
- infirmer le jugement déféré, statuant à nouveau,
- prononcer la nullité du contrat de location n°1422065 pour méconnaissance par Locam de son obligation précontractuelle d'information relative notamment au droit de rétractation à son égard,
à titre subsidiaire,
- prononcer la nullité du contrat de location n°1422065 sur le fondement du dol en l'état des manœuvres dolosives ayant vicié son consentement qui sont opposables à Locam pour avoir été commises par la SARL Refinfo agissant comme son mandataire,
à titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la résolution du contrat de location n°1422065 aux torts exclusifs de Locam pour manquement à ses obligations contractuelles,
en tout état de cause,
- condamner Locam à lui verser la somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi,
- débouter Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner Locam à lui verser la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuer ce que de droit sur les dépens.
[*]
Par conclusions du 14 novembre 2019 fondées sur les articles 1104 et suivants et 1231-2 du code civil, Locam demande à la cour de :
- dire non fondé l'appel de Jam's Brothers,
- débouter Jam's Brothers de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris,
- condamner Jam's Brothers à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens d'instance et d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
A titre liminaire, il est rappelé que les dispositions issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite « Loi Hamon » constituant initialement l'article L. 121-16-1 du code de la consommation et codifiées sous l'article L. 221-3 du même code par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 sont entrées en vigueur le 13 juin 2014 et s'appliquent au contrat litigieux conclu le 30 mai 2018.
L'article L. 221-3 du code de la consommation étend notamment les dispositions applicables aux contrats conclus hors établissement entre consommateurs et professionnels aux contrats conclus entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Sur la nullité du contrat pour manquement à l'obligation d'information précontractuelle :
Jam's Brothers conclut à l'infirmation du jugement au motif, à titre principal, que le contrat de location est nul faute pour Locam d'avoir respecté les dispositions d'ordre public du code de la consommation relatives à l'information pré contractuelle et au droit de rétractation alors que ces dispositions lui sont applicables dès lors que le contrat qu'elle a signé a été conclu à son magasin à [Localité 4] donc hors établissement, que l'objet du contrat qui porte sur un serveur informatique équipé d'un logiciel applicatif n'entre pas dans le champ de son activité principale de vente de chaussures et de prêt-à-porter et qu'il emploie moins de 5 salariés.
Locam qui ne conteste ni le fait que le contrat a été conclu hors établissement , ni que le matériel objet dudit contrat n'entre pas dans le champ de l'activité prinicipale de Jam's Brothers et encore moins que cette dernière emploie moins de 5 salariés, réplique en défense que la location financière qu'elle pratique est un service financier exclu à ce titre du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement, conformément à l'article L 221-2 du code de la consommation. A l'appui, elle affirme qu'elle est une société de financement et que les opérations de location simple font partie des opérations connexes à ses opérations de banque au sens de l'article L 311-2 du code monétaire et financier.
Toutefois, s'il est exact que l'article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut du champ d'application des dispositions applicables aux contrats conclus hors établissement les services financiers et que les articles L. 511-1 et L. 311-2 du code monétaire et financier visent comme opération connexe aux opérations de banque les locations simples de biens, en l'espèce le « contrat de location » portant sur un serveur informatique ne constitue pas un service financier au sens de l'article L. 221-2 4° du code de la consommation mais un contrat de fourniture de services au sens de l'article L. 221-1 II du même code auquel s'appliquent les dispositions dont s'agit.
En conséquence, le contrat de location litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 221-8 et L. 221-9 du code de la consommation qui imposent, dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, la fourniture par le professionnel des informations prévues à l'article L. 221-5 et d'un exemplaire du contrat contenant notamment les informations prévues à l'article L. 221-5 (dont celles relatives aux conditions, délai et modalités d'exercice du droit de rétractation) et un formulaire type de rétractation.
Il n'est pas discuté que ces dispositions d'ordre public n'ont pas été respectées ce qui conduit au prononcé de la nullité du contrat.
La demande principale étant accueillie, il n'y a pas lieu de statuer plus avant sur la demande subsidiaire en nullité du contrat pour dol et la demande infiniment subsidiaire en résiliation du contrat pour inexécution contractuelle qui deviennent sans objet.
Par infirmation du jugement entrepris, Locam est en conséquence déboutée de toutes ses demandes en paiement, le contrat conclu le 30 mai 2018 étant nul.
Sur la demande de Jam's Brothers en réparation de son préjudice :
Jam's Brothers est déboutée de sa réclamation de dommages et intérêts en "réparation du préjudice subi" dès lors qu'elle s'abstient de démontrer l'existence, la nature et l'étendue du préjudice allégué.
Sur les dépens et indemnités de procédure :
Succombant dans ses prétentions, Locam doit supporter les dépens de première instance et d'appel, conserver à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés' et être condamnée à verser à Jam's Brothers une indemnité de procédure.
Les condamnations prononcées par les premiers juges au titre des dépens et des frais irrépétibles à l'encontre de Jam's Brothers sont corrélativement infirmées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Prononce la nullité du contrat de location n° 1422065 conclu le 30 mai 2018 pour violation des dispositions de l'article L. 221-8 et L. 221-9 du code de la consommation,
Déboute la SAS Locam de ses demandes en paiement à l'encontre de la SAS Jam's Brothers telles que fondées sur le contrat de location n° 1422065 du 30 mai 2018,
Déboute la SAS Jam's Brothers de sa demande en paiement de dommages et intérêts,
Condamne la SAS Locam à verser à la SAS Jam's Brothers la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Locam de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, y compris en appel,
Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,