CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 8 juin 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9659
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 8 juin 2022 : RG n° 19/05063
Publication : Jurica
Extrait : « Selon l'article 19 du contrat de location avec option d'achat souscrit le 2 décembre 2016, « En cas de défaillance de votre part dans le versement des loyers ou de non-respect d'une obligation essentielle du contrat, telle, notamment la perte totale ou partielle d'effet d'une garantie ou l'impossibilité du bailleur d'inscrire une sûreté par votre faute, le bailleur pourra, huit jours après une mise en demeure notifié sous forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, se prévaloir de la déchéance du terme ».
C'est donc vainement que M. X. soutient que la clause de résiliation serait abusive comme ne contenant pas l'énonciation d'un délai entre la mise en demeure invitant à régulariser et la résiliation du contrat.
Elle a été appliquée dans ces termes puisqu'après avoir délivré une mise en demeure de régulariser par lettre recommandée du 7 juillet 2017, non réclamée, elle a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée du 27 juillet 2017, accusé de réception signé. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 8 JUIN 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/05063. N° Portalis DBVK-V-B7D-OIG3. Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUIN 2019, TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERPIGNAN : R.G. n° 1118000423.
APPELANTE :
SA Compagnie Générale de Location D'Équipements
au capital de XX euros, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° YYY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège [Adresse 5], [Localité 3], Représentée par Maître Gilles BERTRAND de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL'OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Maître Bachir BELKAID, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 7], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Aurélie KASSUBECK, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU
lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 2 décembre 2016, M. X. a souscrit un contrat de location avec option d'achat auprès de la SA Compagnie Générale de Location d'Equipements (CGLE) relatif à un véhicule de marque Opel Mokka XE140 Coled 2M pour un prix de 22.083,00 euros, et pour une durée de 48 mois.
A compter du mois d'avril 2017, M. X. a laissé impayé les loyers.
Le contrat de location a été résilié par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 27 juillet 2017.
Par acte d'huissier délivré en l'étude le 22 mars 2018, la société CGLE a assigné M. X. devant le tribunal d'instance de Perpignan aux fins notamment de le voir condamner à payer la somme de 9.672,47 euros.
Par jugement contradictoire en date du 28 juin 2019, le tribunal d'instance de Perpignan a :
- Modérant d'office l'indemnité de résiliation, débouté la société CGLE de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens ainsi qu'à payer à M. X. la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouté toutes les parties de toutes leurs autres demandes.
Vu la déclaration d'appel en date du 17 juillet 2019 par la société CGLE.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions adressées via le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 22 novembre 2021, la société CGLE demande à la cour de :
- de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau, au visa des dispositions des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation, des dispositions des articles 1231-5 du code civil, L. 312-38, L. 312-40 et D. 312-38 du code de la consommation, de :
- Déclarer la demande de la société CGLE recevable et bien fondée, et en conséquence :
- Condamner M. X. à payer à la société CGLE la somme de 9.672,47 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2018 date du dernier décompte actualisé suite à mise en demeure.
- Condamner M. X. à payer à la société CGLE la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Rejeter les demandes de M. X.
- Condamner M. X. aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
- Sur la réformation du jugement, qu'en droit, conformément à l'article 1231-5 du Code civil, le principe est celui de l'application de l'indemnité prévue au contrat et que la minoration ou augmentation est une exception, que l'indemnité de résiliation réclamée est conforme aux exigences des articles L. 312-38 et L. 312-40 du code de la consommation, que l'indemnité réclamée n'est pas manifestement disproportionnée. Qu'en l'espèce, l'indemnité correspond en effet à la somme des loyers impayés, de l'indemnité de résiliation, des intérêts de retard calculés au taux légal, minoré du prix de cession du bien financé et que M. X. ne démontre pas en quoi cette indemnité serait disproportionnée.
Sur le rejet des demandes et arguments de M. X., que les clauses du contrat relatives à la résiliation et à la restitution du véhicule sont précises et n'ont pas de caractère abusif, et qu'en tout état de cause, le caractère illicite des clauses ne peut entraîner le rejet des demandes de la concluante ; que la concluante n'a pas manqué à ses obligations puisqu'elle a mis en demeure M. X. de régulariser les loyers impayés avant la résiliation du contrat, conformément aux dispositions de l'article D. 312-18 du code de la consommation ; que M. X. ne démontre pas en quoi la clause pénale serait manifestement disproportionnée ; qu'il n'y a pas lieu à déchéance des intérêts dès lors que l'offre est rédigée de manière claire et lisible : qu'il y a lieu de rejeter la demande de délais de grâce de M. X. qui a déjà bénéficié de larges délais de paiement et ne produit aucun élément relatif à ses revenus ou charges.
[*]
Par dernières conclusions déposées via le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 24 décembre 2019, M. X. demande à la cour, au visa des articles L. 312-40, D. 312-18 du code de la consommation, de l'article 1231-5 du code civil,
À titre principal, de :
- Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement dont appel.
- Débouter la société CGLE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire, de :
- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société CGLE de l'intégralité de ses demandes.
- Dire et juger que la clause de déchéance du terme contenue au contrat est abusive et en conséquence, réputée non écrite.
- A tout le moins, de dire et juger que la clause de déchéance du terme a été exercée abusivement.
En conséquence, de :
- Dire et juger que le contrat de location avec option d'achat souscrit par M. X. est caduc.
- Condamner la société CGLE à la restitution des sommes versées par M. X. dans l'exécution du contrat de location avec option d'achat.
- Débouter la société CGLE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- Débouter la société CGLE de toutes ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour considérait qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. X., de :
- Dire et juger qu'il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société CGLE.
- Dire et juger que l'indemnité due ne saurait dépasser la somme de 1.488,32 euros correspondant aux mensualités échues et non réglées des mois d'avril, mai, juin et juillet 2017 et 2 % de la valeur du capital restant dû, soit la somme de 417,50 euros.
- D'accorder les plus larges délais de paiement.
En toutes hypothèses, de condamner la société CGLE à payer à M. X. la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, il expose :
A titre principal, sur la confirmation de la décision querellée, que le premier juge a justement modéré d'office l'indemnité de résiliation au visa de l'article 1231-5 du code civil puisqu'elle lui paraissait excessive au regard de la durée du bail et de la valeur du bien financé.
A titre subsidiaire, sur le caractère imprécis de la clause de déchéance du terme, que le contrat ne précise pas le délai de préavis entre la mise en demeure et le délai laissé au débiteur pour régulariser la situation, ce qui a permis à la société CGLE de prononcer la déchéance du terme sans préavis, clause abusive et donc réputée non écrite en application de l'alinéa 6 de l'article L. 132-1 du code de la consommation, qu'en l'espèce, la résiliation étant impossible, il y a lieu de prononcer la caducité du contrat qui entraîne restitution des sommes versées par M. X..
A tout le moins, sur l'exercice abusif de la clause de déchéance du terme, que la société CGLE n'a jamais adressé de mise en demeure préalable à M. X., que la société CGLE a résilié le contrat sans laisser au concluant la possibilité de régulariser actionnant ainsi la clause de déchéance du terme de manière abusive et que la société CGLE n'a pas exécuté les termes de son contrat créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui l'empêche de faire valoir son droit à indemnité prévue à l'article L. 312-40 du code de la consommation, à l'encontre de M. X..
Sur l'exécution déloyale du contrat par la bailleresse, que la résiliation a été prononcée de manière arbitraire sans avertissement préalable et mise en demeure de régler les sommes dues dans un délai déterminé.
A titre infiniment subsidiaire, sur la déchéance du droit aux intérêts et la révision des montants sollicités, que si la cour considérait qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. X., il y aurait lieu de ramener les sommes dues à de plus justes proportions et de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, en raison du non-respect des dispositions de l'article R. 312-14 du code de la consommation car les caractères du contrat de location ne sont pas lisibles et parce que l'indemnité doit respecter le barème prévu par l'article D. 313-29 du code de la consommation.
Sur les délais de paiement, que M. X. n'est pas en mesure de régler la somme éventuellement réclamée en une seule fois, et qu'il est un débiteur malheureux et de bonne foi, de sorte qu'il y aura lieu de lui accorder de larges délais de paiement.
[*]
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 mars 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Sur la clause de résiliation :
Selon l'article 19 du contrat de location avec option d'achat souscrit le 2 décembre 2016,
« En cas de défaillance de votre part dans le versement des loyers ou de non-respect d'une obligation essentielle du contrat, telle, notamment la perte totale ou partielle d'effet d'une garantie ou l'impossibilité du bailleur d'inscrire une sûreté par votre faute, le bailleur pourra, huit jours après une mise en demeure notifié sous forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception restée sans effet, se prévaloir de la déchéance du terme ».
C'est donc vainement que M. X. soutient que la clause de résiliation serait abusive comme ne contenant pas l'énonciation d'un délai entre la mise en demeure invitant à régulariser et la résiliation du contrat.
Elle a été appliquée dans ces termes puisqu'après avoir délivré une mise en demeure de régulariser par lettre recommandée du 7 juillet 2017, non réclamée, elle a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée du 27 juillet 2017, accusé de réception signé.
Sur l'exercice abusif de la résiliation :
M. X. s'oppose à la demande de paiement de l'indemnité de résiliation qu'il demande de rejeter en faisant valoir que la société CGLE a exercé abusivement la clause de déchéance du terme.
Or, à supposer constitué l'abus, par le refus de la société CGLE d'accepter la régularisation des échéances échues impayées par un virement depuis son compte professionnel préalablement à la mise en demeure du 7 juillet 2017 et par la mise en œuvre de la reprise du véhicule sans l'avoir avisé de la possibilité de présenter un acquéreur dans les trente jours de la résiliation, ces arguments sont de nature à lui ouvrir droit à dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1231-1 du code civil mais non à conduire au débouté de la demande en paiement de l'indemnité de résiliation. Il s'agit donc d'arguments inopérants puisqu'aucune demande indemnitaire n'est formée par M. X. à l'encontre de la société CGLE, susceptible de venir en compensation.
Sur la réduction de l'indemnité de résiliation :
Selon l'article 1231-5 du code civil :
« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »
Pour supprimer l'indemnité de résiliation, dont nul ne conteste qu'elle est une pénalité entrant dans le champ d'application du texte précité, le premier juge a affirmé qu'elle était manifestement excessive eu égard à la durée du bail et à la valeur du bien financé.
La disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi.
Le gain espéré par la société CGLE est celui mentionné sur la Fipen : c'est le coût à payer par le locataire (25.316,32€), « coût total de la LOA augmenté du prix de vente au terme du contrat de le LOA si vous décidez de lever l'option d'achat ».
L'indemnité de résiliation, calculée conformément aux stipulations contractuelles s'élève à 22503,12 €. Il n'est en rien démontré qu'elle soit calculée selon des modalités distinctes de celles énoncées au code de la consommation.
Ainsi, la peine contractuellement prévue n'est pas manifestement excessive au regard du préjudice subi par la société CGLE qui n'aura en tout et pour tout encaissé que quatre loyers, M. X. s'étant montré rapidement défaillant dans l'exécution du contrat.
Après imputation du prix de vente du véhicule, le solde de la créance s'élève à 9593,93 €.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
M. X. se limite à soutenir que les dispositions de l'article R. 312-14 du code de la consommation n'auraient pas été respectées en ce que les caractères du contrat ne sont pas lisibles, sans faire offre quelconque de preuve, contrairement à la société CGLE qui, dans le corps de ses écritures, opère une analyse de la lisibilité de son contrat en référence au pont [Localité 6] et au point PICA. La cour, procédant à l'examen sommaire de l'offre, constate qu'elle comporte de manière claire et lisible les informations requises.
Sur la demande de délais de paiement :
M. X. ne justifie en rien de sa situation financière actualisée depuis la souscription de l'offre. Il a d'ores et déjà bénéficié des plus larges délais de paiement qui excédent ceux que le juge peut lui allouer sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.
Sa demande de délais sera rejetée.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, il supportera les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe
Réforme le jugement en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Condamne M. X. à payer à la société CGLE la somme de 9. 593,93 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2017
Déboute M. X. de l'ensemble de ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT