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CA ORLÉANS (ch. urg.), 6 juillet 2022

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. urg.), 6 juillet 2022
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. urg.
Demande : 22/00819
Décision : 268/22
Date : 6/07/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 6/04/2022
Numéro de la décision : 268
Référence bibliographique : 6149 (clause attributive de compétence territoriale), 6092 (langue du contrat)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9727

CA ORLÉANS (ch. urg.), 6 juillet 2022 : RG n° 22/00819 ; arrêt n° 268/22

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Le règlement (UE) N° 1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose : En son article 17 notamment « qu'en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5, (...) C) Lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet Etat membre ou vers plusieurs Etats, dans cet Etat membre et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. 2. Lorsque le cocontractant du consommateur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat -Membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un Etat-membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet Etat-membre ».

En son article 18,1°) que : « L'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'Etat-membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié ».

L'article R. 631-3 du code de la consommation prévoit : « Le consommateur peut saisir, soit l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, soit la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable. » L'article 14 du code civil indique : « L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un français; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers un français ». L'article 1171 du code civil dispose : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause « non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties » qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties est réputée non écrite ».

En l'espèce, les conditions générales du contrat d'ouverture de compte joint conclu entre la BANK OF BEIRUT SAL et les époux X. contiennent une clause attributive de juridiction donnant compétence aux tribunaux de Beyrouth. Le contrat est rédigé en anglais. Cette clause est stipulée a deux reprises et notamment une fois juste au-dessus de la signature des appelants. Ce contrat a donné naissance à une relation de droit libanais impliquant un créancier ayant la nationalité libanaise et un domicile au Liban, soit les époux X. et un débiteur libanais, la BANK OF BEIRUT SAL. Les appelants ont également la nationalité française et un domicile en France.

Pour la première fois, devant la cour d'appel, les époux X. soutiennent ne pas comprendre la langue anglaise sans pour autant le démontrer. Ils se sont déplacés à l'agence libanaise afin de signer le contrat et ont accepté cette clause en apposant leur signature sur toutes les pages du document.

Les dispositions de l'article 14 du code civil ne sont pas d'ordre public. Elles sont tenues en échec par la présence d'une clause attributive de juridiction. Il est acquis que la BANK OF BEIRUT SAL est une banque libanaise qui ne dispose d'aucun établissement en France, ni succursale. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette société n'a pas dirigé son activité vers la France au sens de l'article 17 du règlement précité. En effet il ressort des pièces versées aux débats que la France n'est pas concernée par l'activité de cette société au contraire d'autres pays. La pièce n° 34 n'indique aucun prêt en euros, ni aucune activité en France et les pièces n°10,35, 36 (interview de M. G. ou les pages du site internet) ne mentionnent pas la France. Si le règlement européen ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, il ne peut être fait application de plus fort de l'article R 631-3 du code de la consommation.

Les époux X. soutiennent enfin que la clause attributive de juridiction est abusive car elle « contraint un particulier souhaitant agir à l'encontre de sa banque étrangère à ne pouvoir saisir qu'une juridiction située à plus de 4.000 km de son domicile ». Or les époux ont bien parcouru cette distance pour signer le contrat les liant à la BANK OF BEIRUT SAL. Ils ne démontrent pas en quoi cette clause constitue « une entrave disproportionnée au droit d'accès au juge », ni « un déséquilibre significatif au détriment d'un simple particulier ».

Il convient en conséquence d'écarter l'application de l'ensemble des dispositions précitées. »

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 6 JUILLET 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/00819. Arrêt n° 268/22. N° Portalis DBVN-V-B7G-GRT6. DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement, Tribunal Judiciaire de BLOIS en date du 10 mars 2022, RG 21/03019, n° Portalis DBYN-W-B7F-D6SL, minute n° 22/00176.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS : timbre fiscal dématérialisé n° : 1265273388831800

Monsieur X.

[adresse], représenté par Maître Ibrahim ABOUZEID, avocat plaidant, SELEURL ABOUZEID AVOCATS du barreau de PARIS en présence de Maître Estelle GARNIER, avocat postulant du barreau d'ORLÉANS

Madame Y. épouse X.

[adresse], représentée par Maître Ibrahim ABOUZEID, avocat plaidant, SELEURL ABOUZEID AVOCATS du barreau de PARIS en présence de Maître Estelle GARNIER, avocat postulant du barreau d'ORLÉANS

 

INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé n° : 1265285030366049

BANK OF BEIRUT

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, [adresse Liban], représentée par Maître Ziad BEYLOUNI, avocat plaidant du barreau de MARSEILLE et de Maître Georges SIOUFI, avocat plaidant, AARPI SRDB du barreau de PARIS en présence Maître Alexis DEVAUCHELLE, avocat postulant du barreau d'ORLÉANS

 

Déclaration d'appel en date du 6 avril 2022

Requête afin d'autorisation d'appel à jour fixe en date du 7 avril 2022

Lors des débats, à l'audience publique du 1er juin 2022, Madame Sophie MENEAU-BRETEAU, Conseillère faisan fonction de Président de Chambre en remplacement de Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre régulièrement empêché, Monsieur Éric BAZIN, Conseiller et Madame Laure Aimée GRUA, Conseillère, ont entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;

Lors du délibéré : Madame Sophie MENEAU-BRETEAU, faisant fonction de Président de chambre, Monsieur Éric BAZIN, Conseiller, Madame Laure-Aimée GRUA, Conseiller

Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;

Arrêt : prononcé le 6 juillet 2022 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. et Mme Y. épouse X. ont ouvert le 11 avril 2019 auprès de la BANK OF BEIRUT SAL, établissement bancaire de droit libanais, un compte joint sous le n° 35XXX. Pour ce faire, ils se sont présentés à l'agence dite de « Ain el Remmateh » de Beyrouth pour signer le contrat.

L'ouverture du compte joint a permis aux époux X. de détenir dans cette banque :

- un compte de dépôt à terme n° 01.42D, libellé en livres libanaises,

- un compte de dépôt à terme n° 11.42.00, libellé en dollars américains,

- un compte de dépôt à terme n° 11.42 D.01, libellé en dollars américains.

Le 24 mai 2019, les époux X. ont transféré à la BANK OF BEIRUT SAL, par débit de leur compte joint ouvert auprès du LCL (agence de Blois), la somme de 180.000 euros.

Le 3 septembre 2021, M. X. demandait à la BANK OF BEIRUT SAL de ne plus bloquer d'argent sur le compte 1142D35XXXYYY à partir du 10 septembre 2021 et de transférer le lendemain de la levée du blocage, à savoir le 11 septembre 2021, la somme de 120.000 USD (soit un peu plus de 100.000 euros) sur son compte en France où il réside.

La BANK OF BEIRUT SAL refusait d'exécuter cet ordre de virement.

Par acte d'huissier du 22 octobre 2021, M. X. et Mme X. ont assigné à jour fixe, après autorisation du président du tribunal judiciaire de Blois donnée par ordonnance du 19 octobre 2021, la société BANK OF BEIRUT SAL devant le tribunal judiciaire de Blois afin de voir :

- constater qu'ils ont toujours leur domicile dans le ressort du tribunal judiciaire de Blois et qu'ils n'ont pas agi avec la société BANK OF BEIRUT SAL à des fins qui entrent dans le cadre d'une quelconque activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole,

- en conséquence, se déclarer compétent pour connaître le litige en vertu de l'article R. 631-3 du code de la consommation,

- sur le fond, les déclarer recevables en leurs demandes,

- constater la banque redevable à M. et Mme X. d'une créance certaine liquide et exigible d'un montant en principal de 182.448,27 dollars américains,

- dire et juger que la société BANK OF BEIRUT SAL a manqué à ses obligations de dépositaire en s'abstenant d'exécuter l'ordre de virement que M. et Mme X. lui ont adressé le 3 septembre 2021,

- en conséquence, condamner la société BANK OF BEIRUT SAL à transférer sans délai au compte FR76 3000 2086 ZZZ ouvert auprès de LCL (agence de Blois) au nom de M. X. et Mme X. la somme de 182.448,27 dollars américains correspondant aux soldes créditeurs des comptes n° 1142D35XXXYYY et n° 1140635XXXZZZ en conservant tous leurs droits de toute sorte,

- dire et juger que si, pour quelque cause que ce soit, la société BANK OF BEIRUT SAL n' a pas encore crédité la compte FR76 3000 2086 ZZZ ouvert auprès de LCL (agence de Blois) de ladite somme de 182.448,27 dollars américains 8 jours après la signification de la présente décision, elle devra s'acquitter sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard jusqu'à parfait paiement en application de l'article 131-1 du code des procédures d'exécution, quelle que soit la cause de ce retard,

- condamner la société BANK OF BEIRUT SAL à leur verser une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- ne pas écarter l'exécution provisoire,

- condamner la société BANK OF BEIRUT SAL au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Blois :

- s'est déclaré territorialement incompétent pour connaître de la demande formée par les époux X. à l'encontre de la société BANK OF BEIRUT SAL et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- a déclaré les époux X. irrecevables en toutes leurs demandes et les en a déboutées,

- les a condamné in solidum aux dépens, qui pourront être recouvrés directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux X. ont formé appel de ce jugement le 6 avril 2022.

[*]

Par acte d'huissier du 22 avril 2022, M. X. et Mme X. ont assigné à jour fixe, après autorisation du premier président de la cour d'appel d'Orléans donnée par ordonnance du 8 avril 2022, la société BANK OF BEIRUT SAL devant la cour d'appel d'Orléans, à l'audience de la chambre des urgences du 1er juin 2022, aux fins de :

- les recevoir en leur appel,

- infirmer le jugement, en ce qu'il a déclaré le tribunal judiciaire de Blois territorialement incompétent, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et les a déclarés irrecevables en toutes leurs demandes et les en a débouté,

- déclarer le tribunal judiciaire de Blois compétent pour connaître du litige et renvoyer la cause et les parties devant ledit tribunal pour qu'il soit fait droit,

- débouter la société BANK OF BEIRUT SAL de l'ensemble de ses exceptions, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

- condamner la société BANK OF BEIRUT SAL à leur payer, ensemble, la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et accorder à Maître Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 31 mai 2022, les époux X. demandent à la cour de :

- les recevoir en leur appel,

- infirmer le jugement, en ce qu'il a déclaré le tribunal judiciaire de Blois territorialement incompétent, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et les a déclaré irrecevables en toutes leurs demandes et les en a débouté,

- déclarer le tribunal judiciaire de Blois compétent pour connaître du litige et renvoyer la cause et les parties devant ledit tribunal pour qu'il soit fait droit,

- débouter la société BANK OF BEIRUT SAL de l'ensemble de ses exceptions, moyens, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

- condamner la société BANK OF BEIRUT SAL à leur payer, ensemble, la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et accorder à Me Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Par conclusions du 25 mai 2022, la société BANK OF BEIRUT SAL demande à la cour de :

- juger que, par application de la clause attributive de juridiction, seul le tribunal de première instance de Beyrouth est compétent pour connaître de la demande formée par M. X. et Mme X., et ce, à l'exclusion de la cour d'appel de céans et de toute autre juridiction française,

- dire et juger que les dispositions de l'article R. 631-3 du code de la consommation français ne s'appliquent pas en l'espèce, l'affaire en question concernant une relation contractuelle propre au Liban,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Blois du 10 mars 2022 en ce qu'il s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- juger qu'elle se déclare incompétente pour en connaître,

- condamner Mme et M. X. au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme et M. X. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Georges SIOUFI, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux X. font valoir que l'exception d'incompétence tirée de la clause attributive de juridiction doit être écartée au regard des dispositions des articles 17 et 18 du règlement européen n° 1215/2012, qui protège le consommateur quand la banque a son activité dirigée vers la France et de l'article R. 631-3 du code de la consommation, qui prévoit la compétence du lieu de domiciliation du consommateur, la clause insérée dans le contrat devant par ailleurs être analysée comme une clause abusive. Ils soulignent aussi que doit être retenue la fragilisation des institutions libanaises qui entraîne un possible déni de justice si la juridiction française ne retient pas sa compétence.

La société BANK OF BEIRUT SAL soutient qu'il convient d'appliquer la clause attributive de juridiction, qui est parfaitement opposable aux requérants puisqu'ils l'ont acceptée au moment de la formation du contrat, apposant notamment leur signature juste en dessous de ladite clause (répétée deux fois dans le contrat). Elle souligne par ailleurs que le règlement européen cité par les appelants est inapplicable en l'espèce comme l'article R631-3 du code de la consommation, M. X. n'étant pas un consommateur mais un investisseur éclairé, qui a sollicité la société BANK OF BEIRUT SAL afin d'obtenir un meilleur taux d'intérêt et les époux X. n'ayant jamais été démarchés en France et l'intimée n'ayant jamais dirigé son activité vers la France au sens de l'article 17 du règlement.

Enfin, elle indique que les époux X. ne peuvent invoquer un déni de justice, n'ayant pas saisi les juridictions libanaises.

                   

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur l'exception d'incompétence tirée de la clause attributive de juridiction :

Le règlement (UE) N° 1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose :

En son article 17 notamment « qu'en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5,

(...)

C) Lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet Etat membre ou vers plusieurs Etats, dans cet Etat membre et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.

2. Lorsque le cocontractant du consommateur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat -Membre mais possède une succursale, une agence ou tout autre établissement dans un Etat-membre, il est considéré pour les contestations relatives à leur exploitation comme ayant son domicile sur le territoire de cet Etat-membre ».

En son article 18,1°) que : « L'action intentée par un consommateur contre l'autre partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l'Etat-membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l'autre partie, devant la juridiction du lieu où le consommateur est domicilié ».

L'article R. 631-3 du code de la consommation prévoit : « Le consommateur peut saisir, soit l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, soit la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable. »

L'article 14 du code civil indique : « L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un français; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers un français ».

L'article 1171 du code civil dispose : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause « non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties » qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties est réputée non écrite ».

En l'espèce, les conditions générales du contrat d'ouverture de compte joint conclu entre la BANK OF BEIRUT SAL et les époux X. contiennent une clause attributive de juridiction donnant compétence aux tribunaux de Beyrouth. Le contrat est rédigé en anglais. Cette clause est stipulée a deux reprises et notamment une fois juste au-dessus de la signature des appelants.

Ce contrat a donné naissance à une relation de droit libanais impliquant un créancier ayant la nationalité libanaise et un domicile au Liban, soit les époux X. et un débiteur libanais, la BANK OF BEIRUT SAL. Les appelants ont également la nationalité française et un domicile en France.

Pour la première fois, devant la cour d'appel, les époux X. soutiennent ne pas comprendre la langue anglaise sans pour autant le démontrer.

Ils se sont déplacés à l'agence libanaise afin de signer le contrat et ont accepté cette clause en apposant leur signature sur toutes les pages du document.

Les dispositions de l'article 14 du code civil ne sont pas d'ordre public. Elles sont tenues en échec par la présence d'une clause attributive de juridiction.

Il est acquis que la BANK OF BEIRUT SAL est une banque libanaise qui ne dispose d'aucun établissement en France, ni succursale.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette société n'a pas dirigé son activité vers la France au sens de l'article 17 du règlement précité. En effet il ressort des pièces versées aux débats que la France n'est pas concernée par l'activité de cette société au contraire d'autres pays. La pièce n° 34 n'indique aucun prêt en euros, ni aucune activité en France et les pièces n°10,35, 36 (interview de M. G. ou les pages du site internet) ne mentionnent pas la France.

Si le règlement européen ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, il ne peut être fait application de plus fort de l'article R 631-3 du code de la consommation.

Les époux X. soutiennent enfin que la clause attributive de juridiction est abusive car elle « contraint un particulier souhaitant agir à l'encontre de sa banque étrangère à ne pouvoir saisir qu'une juridiction située à plus de 4.000 km de son domicile ». Or les époux ont bien parcouru cette distance pour signer le contrat les liant à la BANK OF BEIRUT SAL. Ils ne démontrent pas en quoi cette clause constitue « une entrave disproportionnée au droit d'accès au juge », ni « un déséquilibre significatif au détriment d'un simple particulier ».

Il convient en conséquence d'écarter l'application de l'ensemble des dispositions précitées.

 

Sur le déni de justice et la fragilisation des institutions libanaises :

Le déni de justice ne peut être invoquée que si les parties ne peuvent s'adresser à un autre juge et que le litige présente un lien avec la France.

En l'espèce, les appelants peuvent saisir les juridictions libanaises, ce qu'ils n'ont pas fait et ils reconnaissent d'ailleurs l'existence de procédures au Liban dans des espèces similaires.

D'autre part, les époux X. ne démontrent pas la fragilisation des institutions judiciaires libanaises, ni en quoi elle justifierait la saisine des juridictions françaises.

La décision déférée sera donc entièrement confirmée.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Seule la demande formée en cause d'appel par la société BANK OF BEIRUT SAL au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 2.000 euros.

M. et Mme X., perdant le procès, seront condamnés aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Georges SIOUFI, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Blois en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. à payer la somme de 2.000 euros à la société BANK OF BEIRUT SAL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Georges SIOUFI, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Sophie MENEAU-BRETEAU, Conseillère faisant fonction de Président de Chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

LE GREFFIER,                                           LE PRÉSIDENT,