CASS. CIV. 3e, 7 juillet 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9793
CASS. CIV. 3e, 7 juillet 2022 : pourvoi n° 21-25661 ; arrêt n° 647
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « 8. D'autre part, la première question ne présente pas un caractère sérieux en ce que l'interdiction pour l'agent immobilier de percevoir une quelconque rémunération en l'absence de conclusion effective de l'opération projetée, quelle qu'en soit la raison, est fondée sur le motif d'intérêt général tenant à la nécessaire réglementation des pratiques des professionnels visés à l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 afin d'assurer l'information, la protection et la liberté contractuelle de leurs clients.
9. Il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée à leur liberté contractuelle et à leur liberté d'entreprendre au regard de l'objectif poursuivi par le texte, dès lors qu'en cas de faute commise par le mandant ayant privé le mandataire de sa rémunération, une jurisprudence constante lui permet d'engager la responsabilité de son mandant, et qu'une dérogation à cette interdiction est en outre possible lorsque le client agit pour les besoins de ses activités professionnelles.
10. Par ailleurs, la seconde question ne présente pas non plus de caractère sérieux en ce que le contrat conclu entre l'agent immobilier et son client étant, sauf disposition expresse contraire, un contrat d'entremise, l'agent ne dispose pas du pouvoir d'engager son client, de sorte que celui-ci est libre de conclure ou non l'opération, et son seul refus, ne peut, par nature, être constitutif de la faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de son mandataire.
11. Il ne peut en résulter aucune atteinte au principe de responsabilité.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions au Conseil constitutionnel. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ
ARRÊT DU 7 JUILLET 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : B 21-25.661. Arrêt n° 647 FS-B.
DEMANDEUR à la cassation : Société Acore
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur L. - Société L. Finance
Président : Mme Teiller. Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Waquet, Farge et Hazan.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 20 avril 2022 et présentée par la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Acore, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale) dans le litige l'opposant :
1°/ à M. X., domicilié [Adresse 2], 2°/ à la société L. finance, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Acore, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X. et de la société L. finance, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, M. Bech, M. Boyer, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Par acte du 11 décembre 2015, M. X., titulaire de la totalité des parts sociales de la société L. finance, société holding d'un groupe de plusieurs sociétés spécialisées dans le transport sanitaire de personnes, a conclu avec la société Acore, un mandat de vente exclusif portant sur l'ensemble des titres des sociétés composant la holding, au prix de 1.080.000 euros.
2. En réponse à la société Acore qui lui avait présenté une lettre d'intention de la société Ludinvest offrant d'acquérir les parts au prix demandé, M. X. a fait savoir, le 10 octobre 2016, qu'il portait le prix à 1.500.000 euros après l'évaluation des sociétés du groupe réalisée par la société KPMG.
3. Par lettre du 12 octobre, la société Acore a informé M. X. qu'elle mettait fin au mandat à ses torts exclusifs et, par acte du 13 juin 2017, elle l'a assigné en paiement de la somme de 80.000 euros au titre de la clause pénale.
EXPOSÉ DE LA DEMANDE DE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité :
4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Rennes, la société Acore a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« L'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 porte-t-il atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle en interdisant la rémunération de l'intermédiaire tant que l'opération projetée n'est pas réalisée, même lorsque c'est le mandant qui refuse sans justification de conclure la vente objet du contrat d'entremise ?
L'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, tel qu'interprété par la Cour de cassation, porte-t-il atteinte au principe de responsabilité en ce qu'il exclut que soit regardé comme fautif le mandant qui, ayant confié à un intermédiaire la recherche d'un vendeur ou d'un acheteur, refuse sans aucune raison de conclure la vente projetée ? »
RÉPONSE À LA DEMANDE DE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité :
5. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne la demande en paiement d'une clause pénale par l'agent immobilier après le refus de son mandant de réaliser la vente avec la personne qu'il lui avait présentée.
6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
8. D'autre part, la première question ne présente pas un caractère sérieux en ce que l'interdiction pour l'agent immobilier de percevoir une quelconque rémunération en l'absence de conclusion effective de l'opération projetée, quelle qu'en soit la raison, est fondée sur le motif d'intérêt général tenant à la nécessaire réglementation des pratiques des professionnels visés à l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 afin d'assurer l'information, la protection et la liberté contractuelle de leurs clients.
9. Il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée à leur liberté contractuelle et à leur liberté d'entreprendre au regard de l'objectif poursuivi par le texte, dès lors qu'en cas de faute commise par le mandant ayant privé le mandataire de sa rémunération, une jurisprudence constante lui permet d'engager la responsabilité de son mandant, et qu'une dérogation à cette interdiction est en outre possible lorsque le client agit pour les besoins de ses activités professionnelles.
10. Par ailleurs, la seconde question ne présente pas non plus de caractère sérieux en ce que le contrat conclu entre l'agent immobilier et son client étant, sauf disposition expresse contraire, un contrat d'entremise, l'agent ne dispose pas du pouvoir d'engager son client, de sorte que celui-ci est libre de conclure ou non l'opération, et son seul refus, ne peut, par nature, être constitutif de la faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de son mandataire.
11. Il ne peut en résulter aucune atteinte au principe de responsabilité.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions au Conseil constitutionnel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. X. et la société L. finance ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux.