CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 28 septembre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 28 septembre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 6
Demande : 20/16874
Date : 28/09/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 20/11/2020
Référence bibliographique : 6296 (cautionnement), 5986 (influence de la clause sur l’issue du litige)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9851

CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 28 septembre 2022 : RG n° 20/16874 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Au surplus et comme le fait observer à bon droit la société CREDIT LOGEMENT, le moyen tiré du caractère abusif de la clause dite « exigibilité anticipée » du contrat stipulant notamment que « toutes les sommes dues au titre d'un prêt tant en principal qu'en intérêts et accessoires deviendraient exigibles par anticipation de plein droit dans l'un des cas énumérés ci-après sans que notre établissement ait à faire prononcer en justice la déchéance du terme, ni à procéder à une mise en demeure, à savoir : - inexécution d'une obligation contractée au titre du prêt, notamment en cas de non-paiement d'une échéance, étant précisé que les régularisations postérieures ne feraient pas obstacle à cette exigibilité (…) » n'offrait pas aux débiteurs le moyen de faire déclarer la dette éteinte mais seulement de soutenir que la déchéance du terme n'aurait pas été valablement prononcée, étant encore observé à cet égard qu'outre les relances évoquées dans le courrier de la banque - mais qui ne sont pas produites, et dont la cour ne peut préjuger de l'existence - une mise en demeure préalable en des termes parfaitement explicites a été adressée aux emprunteurs le 2 août 2017 puisque faute de régularisation dans le délai imparti, il leur était alors indiqué que l'intégralité de la dette serait réclamée. Ainsi force est de constater qu'à la supposer abusive, la clause litigieuse n'a en toute hypothèse pas été appliquée.

Il résulte de ce qui précède que nonobstant l'inexactitude relevée quant à la date de la déchéance du terme et des effets s'y attachant, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a écarté les moyens tirés de l'application de l'article 2308 du code civil. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 6

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/16874 (11 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CCV6V. Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 septembre 2020 - Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/02625.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [Date naissance 2] à [Localité 9] de nationalité française, [Adresse 5], [Localité 8], Représentée par Maître Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1084, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Maître Claire GROSPERRIN

 

INTIMÉE :

Société CREDIT LOGEMENT

[Adresse 4], [Localité 7], Représentée par Maître Denis LANCEREAU de l'AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R050

 

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

ès qualités d'ayants droit de leur père, Monsieur V], cointimé au présent appel et décédé le [Date décès 6] 2020

Monsieur X. Y.

né le [Date naissance 1] à [Localité 9], de nationalité française, [Adresse 5], [Localité 8]

Madame B. Y.

née le [Adresse 3] à [Localité 9], de nationalité française, [Adresse 5], [Localité 8]

Représentés par Maître Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1084, avocat postulant, ayant pour avocat plaidant Maître Claire GROSPERRIN

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère, Mme Florence BUTIN, Conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Florence BUTIN, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon une offre acceptée le 23 juillet 2007, la société LE CREDIT LYONNAIS a consenti à J. Y. et X. épouse Y. un prêt immobilier destiné à financer l'acquisition de leur résidence principale, d'un montant de 240.000 euros au taux de 4,15 %, dont le remboursement était garanti par le cautionnement de la société CREDIT LOGEMENT souscrit par acte du même jour. Selon une ordonnance de non-conciliation rendue le 4 novembre 2013, la jouissance du bien financé a été attribuée à X. et son époux devait assurer le remboursement des mensualités afférentes. Les échéances de ce crédit ayant cessé d'être régulièrement honorées à partir du mois de janvier 2017, la déchéance du terme en a été prononcée et notifiée par courrier de la banque aux emprunteurs en date du 6 octobre 2017.

Au titre de son engagement de caution, la société CREDIT LOGEMENT a été appelée à procéder à différents règlements donnant lieu à l'établissement de deux quittances en date des 3 août 2017 pour 9.309,16 euros et 8 novembre 2017 pour 181.249,16 euros. Ses lettres adressées aux emprunteurs les 27 juillet, 2 août et 6 octobre 2017 étant demeurées vaines, c'est dans ce contexte qu'elle a par acte des 26 février et 12 mars 2018 fait assigner J. Y. et X. pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 190.911,77 en principal outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la quittance.

Selon une ordonnance rendue sur requête par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PARIS en date du 14 février 2018, la société CREDIT LOGEMENT a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les parts et portions des biens et droits immobiliers appartenant à X. épouse Y.

Par jugement en date du 16 septembre 2020, le tribunal de grande instance de Paris a :

- CONDAMNÉ solidairement J. Y. et H. Y. née X. à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 190.911,77 euros avec les intérêts au taux légal à partir du 8 novembre 2017 et capitalisation selon l'article 1343 -2 du code civil ;

- DIT que H. Y. née X. pourra se libérer de cette somme dans un délai d'un an à compter de la signification de la présente décision ;

- DÉBOUTÉ H. Y. née X. de ses demandes relatives à des dommages et intérêt, au droit de mettre en vente seule son appartement et à la garantie de M. Y. sur les condamnations pécuniaires mises à sa charge ;

- DÉBOUTÉ H. Y. née X. de ses demandes plus amples ou contraires ;

- CONDAMNÉ solidairement J. Y. et H. Y. à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DIT n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'hypothèque ;

- CONDAMNÉ solidairement J. Y. et H. Y. née X. aux dépens de l'instance ;

- ORDONNÉ l'exécution provisoire.

Ce, aux motifs que :

- la caution qui a payé dispose d'un recours personnel contre le débiteur principal et d'un recours subrogatoire, la société CREDIT LOGEMENT a expressément fondé son action sur les dispositions de l'article 2305 du code civil, l'établissement d'une quittance subrogative à la seule fin d'établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix exprimé par la caution quant aux modalités d'exercice de son recours, la caution étrangère au contrat de prêt et qui exerce son recours personnel ne peut se voir opposer les exceptions et moyens susceptibles d'être invoqués à l'égard du créancier principal comme l'existence d'une clause abusive dans le contrat de prêt, l'article 2308 du même code n'apporte pas d'exception à ce principe mais prive la caution de ses recours personnel ou subrogatoire dans l'hypothèse où elle s'est acquittée de la dette sans avoir été poursuivie par le créancier et sans avertir le débiteur alors que celui-ci aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, en l'espèce la banque a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée reçue le 10 juillet 2017 (sic) et le règlement de la caution est intervenu les 3 août et 8 novembre 2017 selon les quittances subrogatives ;

- il en résulte que la garantie de la société CREDIT LOGEMENT a bien été actionnée par la société CREDIT LYONNAIS après la déchéance du terme, de sorte que la caution n'a donc pas réglé le créancier avant poursuite et qu'elle a bien avisé les débiteurs de celles-ci, aucune forme n'étant exigée pour cet avertissement qui est établi en l'espèce par les lettres recommandées en date des 27 juillet, 2 août et 29 décembre 2017 avec demande d'avis de réception.

[*]

Par déclaration en date du 20 novembre 2020, X. a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs sauf en ce qu'il lui alloué des délais de paiement. X. Y. et B. Y. sont intervenus volontairement à l'instance en qualité d'ayant-droits de J. Y. qui est décédé le [Date décès 6] 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 7 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, ils demandent à la cour de :

Vu les articles 1147, 2306 et 2308 du code civil ;

Vu les articles L. 111-1 et L. 132-1 du code de la consommation ;

Vu la Recommandation n° 04-03 de la commission des clauses abusives relative aux contrats de prêt immobilier ;

- DONNER ACTE à X. Y. et à B. Y. de leur intervention volontaire ès qualités d'ayants droit de leur père J. Y., intimé initial, décédé le [Date décès 6] 2020 ;

I - PRINCIPALEMENT :

- ANNULER le jugement de la 9ème chambre du tribunal judiciaire de PARIS en date du 16 septembre 2020 pour avoir été rendu à l'issue d'une procédure sans audience sans accord des deux parties et ce, en violation de l'Ordonnance n° 59/2020 de monsieur le président du tribunal judiciaire de PARIS en date du 27 avril 2020 ;

II - SUBSIDIAIREMENT :

- INFIRMER le jugement de la 9ème chambre du tribunal judiciaire de PARIS en date du 16 septembre 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fait droit, en son principe, à la demande de délai de grâce de X. ;

ET STATUANT À NOUVEAU :

Principalement :

- DIRE ET JUGER que la société CRÉDIT LOGEMENT a perdu son droit à recours sur le fondement de l'article 2308 alinéa 2 du code civil à hauteur de 181.243,16 euros, somme visée par la quittance subrogative en date du 8 novembre 2017 ;

- DIRE ET JUGER qu'en conséquence, la dette de X., X. Y. et B. Y. à l'égard de la société CRÉDIT LOGEMENT s'élève à la somme de 9.306,16 euros ;

Subsidiairement :

- DIRE ET JUGER que la société CRÉDIT LOGEMENT a manqué à son devoir de conseil à l'égard de X. ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT LOGEMENT à payer à X. la somme de 181.243,16 euros à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :

- ORDONNER en tant que de besoin la compensation entre toute somme due de part et d'autre ;

- ORDONNER le report du paiement de toute somme éventuellement due par X., X. Y. et B. Y., au terme d'un délai de deux années à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT LOGEMENT à payer à X., X. Y. et B. Y. une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société CRÉDIT LOGEMENT aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Frank AÏDAN, Avocat au Barreau de Paris, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

faisant valoir pour l'essentiel que :

- les parties n'ont pas donné leur accord pour ce qu'il soit procédé sans audience contrairement aux énonciations du jugement, cet accord ne peut se déduire du dépôt préalable du dossier, la tenue des débats est un principe général dont le non-respect est une cause de nullité indépendamment de la démonstration d'un grief ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en ce que la société LCL a notifié la déchéance du terme du contrat de prêt à chacun des époux Y. le 6 octobre 2017 et non pas le 10 juillet 2017, par ailleurs en s'attachant à la date de notification de la déchéance du terme, le tribunal de PARIS n'a pas pris en compte les conditions posées par l'article 2308 du code civil,

- le CREDIT LOGEMENT a procédé à 2 règlements soit le 3 août 2017 à hauteur de 9 309,16 euros et le 8 novembre 2017 à hauteur de 181.243,16 euros, il n'existe aucune preuve de ce que ces paiements ont été sollicités par le créancier, par ailleurs H. N. reconnaît avoir été avisée du premier règlement mais pas du second, alors qu'elle avait les moyens de faire déclarer la dette éteinte, en ce que la clause d'exigibilité anticipée du prêt est abusive, cette sanction étant encourue à la discrétion du créancier sans mise en demeure préalable ni recours au juge, la clause 5 doit dès lors être jugée non écrite de telle sorte que la société CRÉDIT LOGEMENT a perdu son droit à recours à l'encontre de X. à hauteur de 181 243,16 euros ;

- la quittance subrogative ne prouve pas en soi l'existence d'une « poursuite » préalable de la banque à l'égard de la société de cautionnement, par ailleurs les mises en demeure des 27 juillet et 2 août 2017 évoquées par la société CRÉDIT LOGEMENT portaient sur le seul arriéré de 9.309,16 euros (soit sept échéances impayées) et non pas sur l'intégralité du solde du prêt et contrairement à ce qu'affirme l'intimée, ces deux mises en demeure ne mentionnaient pas qu'à défaut de règlement de cette somme il serait exigé l'intégralité de la créance ;

- la nullité d'une clause de déchéance du terme constitue bien un « moyen pour faire déclarer la dette éteinte » au sens de l'article 2308 du code civil sauf à priver de toute portée le droit conféré par le contrat de prêt, la jurisprudence citée par l'intimée pour conforter sa thèse a statué à propos d'une affaire où l'emprunteur lui opposait, sur le fondement de l'article 2308 du code civil, le fait de n'avoir pu faire valoir à l'encontre de l'établissement prêteur un manquement à son devoir de mise en garde, ce qui diffère du cas d'espèce ;

- la responsabilité de la société CREDIT LOGEMENT est encourue, en effet le 11 août 2017, X. a écrit un long courriel au service dit « AMIABLE » pour l'informer de sa situation en particulier de l'instance de divorce, du refus de son époux de régler les mensualités du prêt pour des raisons sans rapport avec ses revenus alors que celles-ci avaient été mises à sa charge exclusive par une décision de justice, elle a transmis plusieurs documents (ONC en date du 4 novembre 2013, ordonnance d'incident du 10 novembre 2016, attestation Pôle Emploi relative à la situation de son mari, une fiche de paie de ce dernier de juin 2016'), elle a souligné que le prêt était protégé par une assurance chômage en sorte que pour le cas où son mari se serait trouvé au chômage ainsi qu'il semblait l'avoir allégué, la banque était « tenue de (…) remettre toutes les garanties d'assurance liées au contrat (…) », en ne répondant pas à ces éléments le CREDIT LOGEMENT a commis une faute contractuelle, et ses lettres ne contiennent aucune proposition de résolution amiable du litige, il existe bien un contrat entre les parties dès lors que les emprunteurs ont accepté le cautionnement et l'ont financé.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, la société CREDIT LOGEMENT demande à la cour de :

Vu l'état d'urgence sanitaire,

Vu l'article 562 du CPC,

Vu l'article 2305 du Code civil,

- DÉBOUTER les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et y ajoutant,

- CONDAMNER solidairement H. Y., X. Y. et B. Y. à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 190 911,17 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 avec capitalisation par année entière ainsi qu'au paiement d'une indemnité supplémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

faisant valoir pour l'essentiel que :

- la demande de nullité de la décision entreprise n'est fondée sur aucune pièce, ni fondement textuel ni grief allégué, le dépôt du dossier de plaidoirie sans opposition par le conseil de H. Y. en vue de l'audience du 15 mars 2020 constitue un acquiescement de celle-ci à la procédure sans audience, les différents bulletins et notes aux parties émanant de la juridiction de première instance ont permis à la défenderesse d'exprimer le souhait de plaider qu'elle n'a jamais manifesté de façon expresse, il est en toute hypothèse demandé à la cour de statuer sur l'entier litige compte tenu de l'effet dévolutif résultant de l'article 562 du code de procédure civile ;

- sur le fond les consorts Y. contestent les demandes de condamnation formée à leur encontre sur le fondement de l'article 2308 alinéa 2 du code civil mais aucune des trois conditions cumulatives de ce texte n'est remplie en l'espèce, en effet d'abord la quittance établie par le prêteur suffit à caractériser l'appel en paiement et donc les « poursuites » de ce dernier (Cass. civ. 1ère, 5 février 2020, n° 19-12445), ensuite la société CREDIT LOGEMENT a adressé diverses mises en demeure aux époux Y. constituant autant « d'avertissements », la société CREDIT LOGEMENT a désintéressé de sa principale créance le LCL le 8 novembre 2017, elle a adressé à chacun des époux Y. plusieurs mises en demeure et notamment une lettre RAR du 2 août 2017 mentionnant qu'à défaut de règlement des échéances impayées, il serait « exigé l'intégralité de la créance » cette correspondance mentionnant l'exigibilité anticipée de l'intégralité des sommes restant dues du chef du contrat de prêt a été adressée aux débiteurs principaux plusieurs semaines avant le décaissement opéré au profit du prêteur et constitue l'avertissement requis par l'article 2308 alinéa 2 précité du code civil, enfin les emprunteurs n'invoquent aucun moyen leur permettant de faire déclarer la dette éteinte, au contraire un courrier électronique de la débitrice du 11 août 2017 sollicitait du CREDIT LOGEMENT une « attention particulière en demandant de procéder à l'exécution d'une mesure d'exécution contre son mari » les appelants opèrent une confusion entre les cas d'exigibilité et d'extinction de la dette seule envisagée par les dispositions invoquées, ainsi la remise en cause de la déchéance du terme, fut-elle la conséquence de la constatation d'une clause abusive au demeurant non établie, n'est pas de nature à caractériser l'extinction de la dette sachant que ce moyen est en tout état de cause inopposable à la société CREDIT LOGEMENT qui agit sur le fondement de l'action personnelle de l'article 2305 du code civil ;

- la demande indemnitaire au visa de l'article 1147 n'est pas fondée en ce que le cautionnement est un acte unilatéral envers le prêteur n'emportant aucune obligation contractuelle envers le débiteur, et à titre surabondant le CREDIT LOGEMENT a tenté précisément d'éviter la déchéance du terme en prenant en charge un certain nombre d'échéances impayées avant le prononcé de celle-ci, ce qui correspond à la première quittance délivrée par le prêteur, alors que l'appelante n'a entrepris aucune démarche ni formulé de proposition en vue de réduire la dette ;

- la société CREDIT LOGEMENT n'était pas opposée à l'octroi de délais de paiement qu'il n'est pas justifié d'allonger compte-tenu de ceux déjà obtenus de fait par les débiteurs.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est rappelé à titre liminaire que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

 

1 - Sur la nullité alléguée de la décision entreprise :

En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, explications et documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, applicable entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire lié à la pandémie du Covid-19 déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, « lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut, à tout moment de la procédure, décider qu'elle se déroule selon la procédure sans audience. Il en informe les parties par tout moyen.

A l'exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d'un délai de quinze jours pour s'opposer à la procédure sans audience (souligné par la cour). A défaut d'opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge ».

En application de ces dispositions, l'ordonnance n°59-2020 du président du tribunal judiciaire de PARIS en date du 27 avril 2020 a fixé l'organisation du service civil de cette juridiction et prévu les modalités pratiques du dépôt des dossiers accompagné d'un formulaire que les conseils des parties étaient invités à remplir pour confirmer leur accord sur le principe d'une procédure sans audience, dans les termes cités par les appelants, à savoir : « les dossiers de fond clôturés et fixés à une audience de plaidoirie supprimée entre le 16 mars et le 10 mai 2020 (…) seront traités sans qu'il soit procédé au renvoi mentionné à l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 susvisée, selon la procédure sans audience fixée à l'article 8 de cette même ordonnance » ce qui contrairement à ce qui est allégué et comme le précise l'article 8 précité, n'implique pas que les parties devaient manifester « expressément » leur accord et renoncer à un renvoi, mais seulement qu'ils disposaient d'un délai de 15 jours pour s'opposer à une procédure sans plaidoiries, ce que la défenderesse en première instance n'a pas fait.

Elle ne peut donc utilement se prévaloir de la seule note aux parties en date du 10 juin 2020 rappelant les modalités pratiques de dépôt des dossiers et du formulaire d'acceptation les avisant qu' « à défaut, il sera procédé, sans nouveau rappel, à une nouvelle fixation à plaider du dossier à l'une des dates d'audience disponibles » ce traitement des contraintes organisationnelles de la période de pandémie incitant les avocats à indiquer leur position pour la parfaite information de la juridiction mais n'ayant aucune valeur réglementaire.

La nullité du jugement entrepris n'est dès lors pas encourue pour ce motif.

 

2 - Sur les moyens tirés de l'article 2308 alinéa 2 ancien du code civil :

L'article 2308 du code civil prévoit dans sa version applicable au litige que « la caution qui a payé une première fois n'a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu'elle ne l'a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier.

Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier ».

A titre liminaire, il est relevé que contrairement aux énonciations du jugement entrepris, c'est bien à la date du 6 octobre 2017 et non par courrier reçu le 10 juillet 2017 que la déchéance du terme du prêt a été prononcée, la société LCL ayant émis une première quittance subrogative au profit de la caution le 3 août 2017 relative aux règlements en lieu et place des débiteurs des échéances du 3 janvier au 3 juillet 2017 outre les intérêts de retard, soit un total de 9.309,16 euros. Par lettre recommandée du 27 juillet 2017, la société CREDIT LOGEMENT a écrit à chacun des emprunteurs que la banque « [l']a informé[e] de [sa] défaillance dans le paiement [du] crédit et (') demandé de payer en [ses] lieu et place ». Ensuite le 2 août 2017, le CREDIT LOGEMENT réitérait sa demande de régularisation à hauteur des impayés sur la période précitée représentant 9.309,16 euros et avertissait l'appelante qu'à défaut de règlement sous 8 jours, il « exiger[ait]le paiement de l'intégralité de [la] dette ». Au vu de ces correspondances que X. ne conteste pas avoir reçu, celle-ci ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que la caution n'aurait pas été appelée en paiement par la banque s'agissant du second règlement, aucune somme n'ayant été versée par les emprunteurs entre cette date intermédiaire - donnant lieu à une première prise en charge par la caution - et la déchéance du terme du prêt suivie de la prise en charge du solde par le CREDIT LOGEMENT suivant quittance établie le 7 novembre 2017 pour la somme de 181.243,16 euros.

Il s'en déduit que la première condition requise par l'article 2308 du code civil n'est en tout état de cause pas remplie en ce que la caution ne s'est pas exécutée spontanément mais a été appelée en paiement par la banque, ce qui se déduit non pas du prononcé de la déchéance du terme comme le dit le tribunal, mais du contenu des correspondances précitées.

Au surplus et comme le fait observer à bon droit la société CREDIT LOGEMENT, le moyen tiré du caractère abusif de la clause dite « exigibilité anticipée » du contrat stipulant notamment que « toutes les sommes dues au titre d'un prêt tant en principal qu'en intérêts et accessoires deviendraient exigibles par anticipation de plein droit dans l'un des cas énumérés ci-après sans que notre établissement ait à faire prononcer en justice la déchéance du terme, ni à procéder à une mise en demeure, à savoir : - inexécution d'une obligation contractée au titre du prêt, notamment en cas de non-paiement d'une échéance, étant précisé que les régularisations postérieures ne feraient pas obstacle à cette exigibilité (…) » n'offrait pas aux débiteurs le moyen de faire déclarer la dette éteinte mais seulement de soutenir que la déchéance du terme n'aurait pas été valablement prononcée, étant encore observé à cet égard qu'outre les relances évoquées dans le courrier de la banque - mais qui ne sont pas produites, et dont la cour ne peut préjuger de l'existence - une mise en demeure préalable en des termes parfaitement explicites a été adressée aux emprunteurs le 2 août 2017 puisque faute de régularisation dans le délai imparti, il leur était alors indiqué que l'intégralité de la dette serait réclamée. Ainsi force est de constater qu'à la supposer abusive, la clause litigieuse n'a en toute hypothèse pas été appliquée.

Il résulte de ce qui précède que nonobstant l'inexactitude relevée quant à la date de la déchéance du terme et des effets s'y attachant, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a écarté les moyens tirés de l'application de l'article 2308 du code civil.

 

3 - Sur la faute reprochée à la société CRÉDIT LOGEMENT :

Les appelants poursuivent la responsabilité de la société CREDIT LOGEMENT au visa de l'article 1147 ancien devenu 1231-1 du code civil, selon lequel « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Ils ne peuvent cependant agir sur ce fondement à défaut de stipulations contractuelles obligeant en ce sens la société CREDIT LOGEMENT qui contrairement à ce qu'ils soutiennent, n'est débitrice à leur égard d'aucun devoir d'information et de conseil « en sa qualité de caution professionnelle ». Le fait de ne pas répondre favorablement au courrier électronique du 11 août 2017 - par lequel X. expose sa situation personnelle et notamment le fait que son ex-conjoint a cessé d'honorer les échéances du prêt qu'une décision judiciaire le condamne pourtant à payer seul, ce alors que sa situation financière lui permet d'effectuer ces règlements et qu'elle-même rencontre des difficultés - n'est donc pas constitutif d'une faute contractuelle susceptible d'ouvrir droit aux dommages et intérêts réclamés.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée de ce chef.

 

4 - Sur la demande de délais de paiement :

En application de l'article 1343-5 du code civil « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment ».

Au regard de la situation financière de X. - qui a déclaré au titre de l'année 2017 un revenu de 10.354 euros - et du décès d'J. Y., il est justifié de consentir à l'appelante un délai d'une année supplémentaire pour lui permettre de vendre le bien financé au moyen du prêt litigieux.

La décision entreprise sera donc réformée en ce sens et confirmée s'agissant des dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de l'instance.

Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit à la demande de la société CREDIT LOGEMENT tendant à la capitalisation des intérêts dès lors d'une part, que l'article L.313-52 anciennement L. 312-23 du code de la consommation - aux termes duquel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés à l'article L. 313-51 tenant au capital restant dû, aux intérêts échus, aux intérêts au taux contractuel sur les sommes restant dues et à une indemnité dont le montant est fixé suivant un barème déterminé par décret ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ce texte - fait obstacle à l'application de l'article 1343-2 du code civil, et d'autre part, que cette interdiction concernant tant l'action du prêteur contre l'emprunteur que les recours personnel et subrogatoire exercés à l'égard de celui-ci par la caution.

 

5 - Dépens et frais irrépétibles d'appel :

X. qui succombe pour l'essentiel des demandes supportera la charge des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la situation respective des parties ne justifiant pas de faire application de l'article 700 du même code.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que X. disposera d'un délai d'un an pour se libéré de la dette et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

DIT que X. disposera d'un délai de 2 ans pour se libérer de la dette à compter de la signification du présent arrêt ;

REJETTE la demande tendant à la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Y ajoutant,

CONDAMNE X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,