CA BORDEAUX (ch. réf.), 4 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9863
CA BORDEAUX (ch. réf.), 4 octobre 2022 : RG n° 22/00146
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés. La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi. »
2/ « Il incombe au juge national d'examiner d'office si au regard des critères posés par des décisions de la CJUE les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.
À cet égard, par arrêt du 10 juin 2021 (C776/19 à C782/19), la CJUE a dit pour droit : […] Le juge national est tenu de prendre en compte l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat de prêt, de vérifier qu'ont été communiqués au consommateur l'ensemble des éléments susceptibles d'avoir une incidence sur la portée de son engagement lui permettant d'évaluer, notamment le coût total de son emprunt, cette exigence devant être entendue de façon extensive et ne pouvant être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical puisque le contrat doit également exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause afin que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui. L'exigence de transparence impose donc une information concrète, suffisante et exacte du mécanisme de variation du taux de change sur lequel le taux d'intérêt est implicitement indexé permettant un consommateur de comprendre et prendre la mesure du risque encouru et des conséquences potentielles en cas de réalisation du risque.
En l'occurrence, le juge de l'exécution, au visa de ces règles a procédé à une analyse in concreto des pièces produites, notamment, de l'offre de crédit, de l'acte notarié, de la notice d'information relative aux opérations de change réalisées dans le cadre de la gestion du crédit, de la notice relative aux conditions et modalités de variation du taux d'intérêt du crédit et enfin de la notice retraçant une simulation de l'évolution du taux d'intérêt du crédit sur le montant des règlements, les réductions du crédit et le coût total du crédit. A l'issue de son contrôle de l'exigence de transparence pesant sur le prêteur de deniers, il a relevé qu'il n'était pas démontré que ces notices avaient été mises à disposition des emprunteurs en temps utile avec les explications circonstanciées de la banque sur la variation du taux de change, a constaté que les simulations n'étaient pas accompagnées d'une information sur le contexte économique susceptible de faire varier le cours du change et, partant, sur le risque de variation prévisible, notamment en cas de dévaluation de la monnaie de paiement, pour en conclure que la banque n'avait pas fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier considéré, d'évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives de telles clauses sur leurs obligations pendant la durée du contrat. Il a pu ainsi en déduire, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des pièces produites aux débats, qu'il n'était pas justifié que l'information due par la banque au sens de l'article 4 § 2 de la directrice 93/13 du 5 avril 1993, tel qu'interprété par la CJUE dans ses arrêts du 10 juin 2021, avait bien été délivrée à Monsieur X. et Madame X.
Par ailleurs, après avoir analysé les clauses, qui prévoient la coexistence d'une monnaie de compte et d'une monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, il a pu exactement considérer qu'elles étaient de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits des parties au profit de la banque, d'autant qu'il relève à juste titre que celle-ci peut changer unilatéralement la monnaie de compte en cas de défaillance de l'emprunteur et que l'amortissement du capital évolue en fonction des variations du taux de change, sans que les options prévues au contrat permettant à l'emprunteur d'opter tous les cinq ans pour la conversion de la monnaie de compte en euros ou lui permettant de procéder à un remboursement anticipé, moyennant une indemnité due au prêteur, ne puissent être considérées comme équivalentes à un plafonnement du risque de change. En effet celui-ci continue de peser de manière disproportionnée sur l'emprunteur qui subit, malgré ces stipulations contractuelles, la variation du taux de change et celle subséquente du taux d'intérêt pratiqué en cas de dépréciation de la monnaie de paiement comme dans le cas présent. Il a pu ainsi en déduire, toujours sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des pièces produites aux débats, que les clauses afférentes au franc suisse dans la description, le financement et la gestion du crédit devaient être considérées comme abusives en ce qu'elles génèrent un risque à propos duquel les emprunteurs n'avaient pas été suffisamment informés et en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif dans les droits des parties au profit de la banque.
La jurisprudence découlant de la décision de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux en date du 7 juillet 2022, en ce qu'elle exclut le caractère abusif des clauses relative à la monnaie de compte et à la variation du taux d'intérêt en fonction de la variation du taux de change entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, ne paraît pas transposable en l'espèce, car elle se prononce sur ce point sans prendre en considération l'ensemble des critères d'analyse énoncés par la jurisprudence de la CJUE et repris par la cour de cassation dans ses arrêts du 20 avril 2022 (1ère chambre civile n° 19-11.599 et 19-11.600).
Enfin, la circonstance que le dispositif du jugement déféré ne vise pas les clauses adéquates ne peut être considérée comme justifiant l'existence d'un moyen sérieux de réformation dès lors que le premier juge mentionne en ses motifs que « les clauses afférentes aux francs suisses dans la description, le financement et la gestion du crédit » sont abusives, permettant au juge du second degré de compléter le cas échéant les dispositions du jugement en cas de confirmation.
Dans ces conditions la Société BNP Paribas Personal Finance ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision dont appel, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de sursis à l'exécution du jugement rendu le 7 juillet 2022 par le juge d'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE DES RÉFÉRÉS
ARRÊT DU 4 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RÉFÉRÉ R.G. n° 22/00146. N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3YH. Rendu par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le 4 OCTOBRE 2022, Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de BORDEAUX, désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 7 janvier 2022, assistée de Séverine ROMA, Greffière,
dans l'affaire opposant :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
agissant en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité [Adresse 1], Absente, représentée par Maître François-Dominique WOJAS membre de la SCP JOLY-CUTURI-WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX, Demanderesse en référé suivant assignation en date du 9 août 2022,
à :
Monsieur X.
né le [Date naissance 2] à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 3] à [Localité 6], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
Absents, représentés par Maître Pierre FONROUGE membre de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et Maître Charles CONSTANTIN-VALLET membre de la SELARL CONSTANTIN-VALLET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant., Défendeurs,
A rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Séverine Roma, Greffière, le 15 septembre 2022 :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Saisi par acte d'huissier en date du 20 décembre 2017, le Juge de l'exécution a rendu un jugement d'orientation en date du 7 juillet 2022 aux termes duquel il a considéré que le prêt Helvet Immo comportait des clauses abusives, et par suite, ordonné la mainlevée et la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière, faute pour la société BNP Paribas Personal Finance de justifier d'une créance certaine.
Par déclaration en date du 22 juillet 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel du jugement du 7 juillet 2022.
Par exploit d'huissier en date du 9 août 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a fait assigner Monsieur X. et Madame X. devant la Juridiction du premier président de la Cour d'appel de Bordeaux, statuant en référé, aux fins de voir ordonner le sursis à exécution du Jugement rendu le 7 juillet 2022 par le Juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Bordeaux dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux à intervenir sur l'appel formé contre le jugement, et de voir condamner les défendeurs à lui verser la somme de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 septembre 2022, et soutenues à l'audience, la société BNP Paribas Personal Finance demande le rejet de l'intégralité des demandes formulées par Monsieur X. et Madame X. et réitère ses prétentions initiales.
Elle invoque un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, rendu le 7 juillet 2022 à propos d'un prêt Helvet Immo, lequel exclut le caractère abusif de la clause relative à la variation du taux de change présente au sein du contrat litigieux, et soutient qu'il n'existe aucune contradiction au sein de l'arrêt, dès lors que la cour a, d'une part, exclut l'existence d'un déséquilibre significatif et, d'autre part, constaté l'existence d'une obligation d'information renforcée à la charge du prêteur, postérieurement aux arrêts rendus par la CJUE et la cour de cassation, ce dont elle déduit l'existence de moyen sérieux de réformation.
Elle expose que le juge de l'exécution a fait une lecture erronée des stipulations de l'offre de prêt, car elles respectent le critère de transparence imposé par la Cour de Justice de l'Union européenne et précise que le prêt Helvet Immo ne créé aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce que les clauses relatives au risque de change relèvent de l'objet principal et sont rédigées en termes clairs et précis, et que les effets d'une telle clause sont, en toute hypothèse, plafonnés par les clauses de remboursement anticipé et de conversion du prêt en euros à la main des seuls emprunteurs. Elle ajoute que le juge de l'exécution a visé des stipulations qui ne figurent pas ou ne correspondent pas à la rédaction des articles auxquels il est fait référence dans l'offre de prêt.
[*]
En réponse et aux termes de ses conclusions déposées le 12 septembre 2022, et soutenues à l'audience, Monsieur X. et Madame X. sollicitent que la société BNP Paribas Personal Finance soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et soit condamnée à leur verser la somme de 3.000,00 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, sur le fondement de plusieurs jurisprudences, que les stipulations du contrat de prêt relatives à l'indexation du cours de change EUR/CHF ne peuvent être considérées comme claires et intelligibles, car les emprunteurs ne sont pas suffisamment avertis des risques qui découlent de la variation du cours de change et ils invoquent leur caractère abusif résultant de cette absence de clarté et d'intelligibilité, l'exigence de transparence n'ayant pas été respectée outre l'existence d'un déséquilibre significatif caractérisé par le risque de change illimité supporté exclusivement par l'emprunteur, le juge de l'exécution n'ayant, de leur point de vue, pas fait une lecture erronée des clauses mais n'ayant pas tiré toutes les conséquences de ses constatations, notamment s'agissant de l'anéantissement rétroactif du contrat.
Par ailleurs, ils font valoir qu'indépendamment de la désignation précise des stipulations abusives, c'est l'indexation du prêt sur le cours de change qui est visée par le juge de l'exécution, que dès lors l'argument relatif à la désignation précise des clauses abusives par le Juge de l'exécution est inopérant concernant l'irrégularité de la saisie immobilière.
Enfin, elle explique que l'arrêt invoqué par la requérante, et rendu le 7 juillet 2022 par la Cour d'appel de Bordeaux, contient une incohérence le privant de toute portée, en ce qu'il tranche successivement les demandes des emprunteurs sur le terrain des clauses abusives puis sur le terrain de l'obligation d'information renforcée du prêteur.
[*]
L'affaire a été mise en délibéré au 4 octobre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.
Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.
La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi.
En l'espèce, la question litigieuse principale soumise au juge de l'exécution portait sur l'appréciation du caractère abusif de clauses figurant dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère assorti d'une clause de monnaie de compte et souscrit le 19 novembre 2009.
En l'état actuel des normes énoncées par le code de la consommation et de la jurisprudence, tant de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) que de la Cour de cassation, les règles applicables en la matière sont en substance les suivantes :
Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix de rémunération aux biens vendus aux services offerts pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il incombe au juge national d'examiner d'office si au regard des critères posés par des décisions de la CJUE les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.
À cet égard, par arrêt du 10 juin 2021 (C776/19 à C782/19), la CJUE a dit pour droit :
- l'article 4, paragraphe 2 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l'état où celui-ci est domicilié et d'une hausse du taux d'intérêt étranger ;
- l'article 3, paragraphe 1, de la directrice 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
Le juge national est tenu de prendre en compte l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat de prêt, de vérifier qu'ont été communiqués au consommateur l'ensemble des éléments susceptibles d'avoir une incidence sur la portée de son engagement lui permettant d'évaluer, notamment le coût total de son emprunt, cette exigence devant être entendue de façon extensive et ne pouvant être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical puisque le contrat doit également exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause afin que le consommateur soit en mesure d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.
L'exigence de transparence impose donc une information concrète, suffisante et exacte du mécanisme de variation du taux de change sur lequel le taux d'intérêt est implicitement indexé permettant un consommateur de comprendre et prendre la mesure du risque encouru et des conséquences potentielles en cas de réalisation du risque.
En l'occurrence, le juge de l'exécution, au visa de ces règles a procédé à une analyse in concreto des pièces produites, notamment, de l'offre de crédit, de l'acte notarié, de la notice d'information relative aux opérations de change réalisées dans le cadre de la gestion du crédit, de la notice relative aux conditions et modalités de variation du taux d'intérêt du crédit et enfin de la notice retraçant une simulation de l'évolution du taux d'intérêt du crédit sur le montant des règlements, les réductions du crédit et le coût total du crédit.
A l'issue de son contrôle de l'exigence de transparence pesant sur le prêteur de deniers, il a relevé qu'il n'était pas démontré que ces notices avaient été mises à disposition des emprunteurs en temps utile avec les explications circonstanciées de la banque sur la variation du taux de change, a constaté que les simulations n'étaient pas accompagnées d'une information sur le contexte économique susceptible de faire varier le cours du change et, partant, sur le risque de variation prévisible, notamment en cas de dévaluation de la monnaie de paiement, pour en conclure que la banque n'avait pas fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier considéré, d'évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives de telles clauses sur leurs obligations pendant la durée du contrat.
Il a pu ainsi en déduire, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des pièces produites aux débats, qu'il n'était pas justifié que l'information due par la banque au sens de l'article 4 § 2 de la directrice 93/13 du 5 avril 1993, tel qu'interprété par la CJUE dans ses arrêts du 10 juin 2021, avait bien été délivrée à Monsieur X. et Madame X.
Par ailleurs, après avoir analysé les clauses, qui prévoient la coexistence d'une monnaie de compte et d'une monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, il a pu exactement considérer qu'elles étaient de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits des parties au profit de la banque, d'autant qu'il relève à juste titre que celle-ci peut changer unilatéralement la monnaie de compte en cas de défaillance de l'emprunteur et que l'amortissement du capital évolue en fonction des variations du taux de change, sans que les options prévues au contrat permettant à l'emprunteur d'opter tous les cinq ans pour la conversion de la monnaie de compte en euros ou lui permettant de procéder à un remboursement anticipé, moyennant une indemnité due au prêteur, ne puissent être considérées comme équivalentes à un plafonnement du risque de change. En effet celui-ci continue de peser de manière disproportionnée sur l'emprunteur qui subit, malgré ces stipulations contractuelles, la variation du taux de change et celle subséquente du taux d'intérêt pratiqué en cas de dépréciation de la monnaie de paiement comme dans le cas présent.
Il a pu ainsi en déduire, toujours sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des pièces produites aux débats, que les clauses afférentes au franc suisse dans la description, le financement et la gestion du crédit devaient être considérées comme abusives en ce qu'elles génèrent un risque à propos duquel les emprunteurs n'avaient pas été suffisamment informés et en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif dans les droits des parties au profit de la banque.
La jurisprudence découlant de la décision de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux en date du 7 juillet 2022, en ce qu'elle exclut le caractère abusif des clauses relative à la monnaie de compte et à la variation du taux d'intérêt en fonction de la variation du taux de change entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, ne paraît pas transposable en l'espèce, car elle se prononce sur ce point sans prendre en considération l'ensemble des critères d'analyse énoncés par la jurisprudence de la CJUE et repris par la cour de cassation dans ses arrêts du 20 avril 2022 (1ère chambre civile n° 19-11.599 et 19-11.600).
Enfin, la circonstance que le dispositif du jugement déféré ne vise pas les clauses adéquates ne peut être considérée comme justifiant l'existence d'un moyen sérieux de réformation dès lors que le premier juge mentionne en ses motifs que « les clauses afférentes aux francs suisses dans la description, le financement et la gestion du crédit » sont abusives, permettant au juge du second degré de compléter le cas échéant les dispositions du jugement en cas de confirmation.
Dans ces conditions la Société BNP Paribas Personal Finance ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision dont appel, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de sursis à l'exécution du jugement rendu le 7 juillet 2022 par le juge d'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux.
La société BNP Paribas Personal Finance succombant à titre principal au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, elle sera condamnée aux dépens et à payer à Monsieur X. et Madame X. la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera quant à elle déboutée de sa demande du même chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant au sursis à l'exécution du jugement du juge de l'exécution de Bordeaux en date du 7 juillet 2022 et de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur X. et Madame X. la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de la présente instance.
La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente